MPT : continuons le débat; Dimitri répond à Thierry Peltier (31/05/2013)

Lettre ouverte à Mr Thierry Peltier

Cher Monsieur,

Confrère français et lecteur de Mediapart à mes heures perdues, je vous adresse ma réaction suite à votre billet (« lettre ouverte à l’abbé Grosjean et à ceux qui le suivent »).

Tout d'abord, précisons que je connais l'abbé Grosjean pour avoir plusieurs fois entendu ses prêches. Précisions aussi que je suis loin d'adhérer à ses positions sur tous les sujets. Il me semble néanmoins utile de réagir à certaines assimilations des positions personnelles de Mr l'abbé Grosjean avec celles de l'Eglise.

Le sujet du mariage pour tous, qui agace et qui continue à agacer tant de personnes (moi compris) se doit d'être traité avec toute la distance et la raison qui s'imposent. En d'autres termes, je pense que le sentimentalisme ("adolescents qui se suicident", les "enfants malheureux"...etc) n'a pas sa place dans le débat. Nous parlons ici d'une réforme sociétale qui aura - qu'on le veuille ou non - de gros impacts sur l'avenir de la société, et notamment celui de la famille. Les conséquences à long terme ne peuvent donc être ignorées et on ne peut se limiter à évoquer les résultats (aussi improbables que douteux) d'expérimentations inachevées: "en Belgique, il y a 10 ans que les homosexuels peuvent se marier". Avez vous pensé, Monsieur, à l'avenir de vos enfants dans 60, 70, 100 ans? Outre le fait qu'un certain nombre de rapports - rédigés cette fois-ci par des comités d'éthique compétents et non par un certain autoproclamé expert sur la sexualité des curés "Mr le Professeur van Meerbeck" (c'est à se demander quelles relations il entretient avec ces derniers ?) - pourront vous renseigner sur les conséquences très préoccupantes de l'adoption par les couples de même sexe, l'immense lame de fond suscitée par la "manif pour tous" en France montre que le sujet dépasse largement le simple cadre "mariage homo" et des homosexuels.

Donc, si vous le voulez bien, considérons désormais l'homme et la femme comme sujets de droit avant de parler "hétéros" ou "homos". C'est le point de départ de l'Evangile, comme vous aimez à le citer. Je vais donc reprendre votre billet pour vous exposer mes points de désaccord, en commençant par le commencement:

- Vous commencez par prêcher ce que vous dites, à la fin, ne pas devoir faire: "Nous devons aimer, non pas avec des paroles et des discours". Croyez vous, Monsieur, que l'habit du "catho de la base" dont vous vous parez avec tant de franchise fera de vous un homme "d'actes et de vérité" aux yeux de votre interlocuteur ? Si celui-ci pourra voir "quel genre de chrétien" vous êtes, c'est d’abord et avant tout grâce à votre argumentaire.

- "Vous avez l'air de trouver tout à fait normal que l'Eglise intervienne dans la question du mariage gay qui en fait ne concerne pas l'Eglise". Cela veut il dire, Monsieur, que l'Eglise n'a pas sont mot à dire sur le sujet ? Je ne le crois pas. Vous parlez plus loin "d'évangélisation". Mais l'évangélisation ne passe t’elle pas d'abord et avant tout par l'enseignement ? L'enseignement de la vérité. Oui: un enfant ne nait pas de deux pères ou de deux mères ! Non, il n'est pas naturel, ni anodin pour un enfant d'avoir deux pères ou deux mères !

- "Mais de quel droit empêchez-vous deux non catholiques de même sexe de se marier ?". Mr l'abbé Grosjean, à ma connaissance, n'a empêché quiconque de se marier. Et l'Eglise n'a pas cette prétention ni cet objectif. Elle refuse purement et simplement de marier deux personnes de même sexe SELON ses rites. Dans cette lignée, nul catho normalement constitué ne s'octroie "le droit de diriger la société", pas plus que l'Eglise. En revanche il est de leurs devoirs de défendre la vérité.

- Concernant les enfants "des couples du même sexe". Prenons le problème à l'endroit si vous le voulez bien. L'adoption permet (et vous le savez bien mieux que moi) de corriger des injustices existantes. Elle n'est en aucun cas, et ne sera jamais un droit pour celui qui recherche Dieu. Des orphelins sont malheureux? D'accord, alors cherchons d'abord comment mieux les intégrer au sein des familles hétéros (et je peux vous dire qu'en France il y a de quoi faire...) avant de brandir la solution du mariage pour tous ! "Heureusement, un couple de même sexe, désirant un enfant, voulant l'aimer pourra le soustraire d'un orphelinat du Tiers-Monde et ce sera très bien ainsi". Sauf votre respect, je ne pense pas, Monsieur, que vous soyez en position d’affirmer ce qui, en France, a nécessité 8 mois de pseudo-débats. Vous n'avez pas été adopté par un couple de même sexe. La règle de mise me paraît donc être la prudence.

- Pour finir, j'évoquerai votre passage sur le divorce. Il me semble que cette comparaison n'a strictement rien à faire ici dans la mesure où le divorce est pleinement dépendant de la volonté humaine et non de la loi. L'Homme n'a donc "législativement" aucun pouvoir pour parer aux conséquences désastreuses d'un divorce. On revient exactement dans le cas précédent. L'Eglise ne descend pas dans la rue. L'Eglise est là, elle accompagne, elle suit et elle soigne grâce à ses nombreux membres et les Hommes - comme vous - qui la composent.

Enfin - et je terminerai là dessus - l'enjeu qui se cache derrière tout cela est bien plus large que la petite facette et les propos isolés d'un homme d'Eglise dont vous faites cas. Que faites vous, Monsieur, de la PMA, GPA et autres fantaisies comme la théorie de genre qui sont INELUCTABLES ? Que vous commande votre conscience de chrétien devant de telles monstruosités, que l'on vous présente comme des révolutions humaines pour l'égalité et la justice ? Enfin, Monsieur, que faites vous de l'unité de l'Eglise, si durement mise à mal ces derniers temps par toutes sortes d'attaques et de profanations violentes. Si vous êtes le chrétien que vous prétendez être, alors permettez moi Monsieur, cet humble conseil: attachez vous à suivre votre Eglise et à la servir au mieux plutôt que d'en pointer les vices. Il y a d’autres combats à mener, il y a d'autres priorités. Le mouvement qui s'est levé ici est juste et légitime. Il est profond et humain. Il a pour valeurs la vérité et la liberté. D'abord celle des enfants. Quoi de plus beau, quoi de plus noble que d'agir en conscience et de défendre ses convictions en actes, dans la rue ? Ce mouvement n'est pas prêt de s'éteindre, car il est là, il veille. Et un jour, il dévoilera au monde son visage de vérité.

Dimitri "

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