La nouvelle version du Notre Père, la victoire d'un camp ? (20/10/2013)

Le Notre Père nouvelle version n’est pas la victoire d’un camp !

Le "boulevard Voltaire" propose un entretien au sujet de cette nouvelle version avec le Père Louis-Marie Guitton (responsable de l'Observatoire socio-politique du diocèse de Fréjus-Toulon)

  • Le pape propose une « nouvelle version » du Notre Père. Pourquoi maintenant ?

Le bon Dieu a de l’humour… La popularité du pape François est telle et son invitation souvent répétée à nous « laisser surprendre » qu’on lui attribue maintenant cette nouvelle traduction du Notre Père. C’est en fait un travail de longue haleine, commencé en 1996, qui est en train d’aboutir, avec la reconnaissance donnée par Rome cet été, puis la publication de la traduction officielle au mois de novembre prochain. Cette traduction de la Bible pour la liturgie francophone, qui n’arrivera que dans quelques mois à la messe, lorsque les nouveaux lectionnaires auront été édités, prépare une autre traduction, qui suscitera sans doute beaucoup d’autres débats dans le monde francophone : celle du missel romain.

  • Peut-on y voir une invitation à l’unité pour les chrétiens ?

La nouvelle traduction en français du Pater avait été annoncée le 29 décembre 1965, puis confirmée le 4 janvier 1966, dans un communiqué commun avec les représentants des chrétiens orthodoxes et réformés : on y précisait qu’elle serait commune aux trois confessions chrétiennes, dans un esprit d’unité. Les protestants ont déclaré, par la voix du pasteur Jean Tartier, que la nouvelle traduction est « de toute façon meilleure que l’ancienne ». De même Antoine Arjakovsky, orthodoxe, s’est réjoui car « l’ancienne formule de 1966 laissait sous-entendre que Dieu était à l’origine du mal ». Il est probable que l’on sera attentif à cette dimension œcuménique lors de la promulgation du missel, pour que l’on utilise la même formule dans les églises et dans les temples et que l’on puisse continuer à réciter ensemble cette prière.

 

Ces considérations techniques et liturgiques sur la traduction ne doivent pas nous dispenser d’un travail plus profond et universel. Certains risquent de ne voir là que la victoire d’un camp ou d’une sensibilité, qui n’avait jamais accepté la traduction de 1966. Nous aurons peut-être la surprise de voir aussi des nostalgiques de « Ne nous soumets pas… » ! En réalité, la prière qui nous a été apprise par Jésus lui-même ne change pas. Le texte grec original est certainement mieux rendu par la nouvelle formule : Dieu ne nous tente pas, car il ne peut être à l’origine du mal, même s’il permet que nous soyons éprouvés. Nous le supplions de ne pas nous laisser faire ce mal, dont nous sommes capables, de nous donner la force de le combattre. L’un des objectifs de la prière est précisément de nous permettre de ne pas entrer en tentation (cf. Mt 26, 41).

Il n’a pas fait de commentaire, à ma connaissance, sur cette traduction. En revanche, il a déjà parlé à plusieurs reprises de la liturgie. Si les jésuites n’ont pas la réputation d’être de grands liturges, il est injuste de voir dans notre Saint-Père celui qui vient brader les rites et les sacrements. Le pape rappelle simplement que les rites eux-mêmes peuvent devenir des idoles lorsque, de moyens qu’ils sont, ils deviennent des fins en soi.

Une nouvelle traduction, si nécessaire soit-elle, ne doit pas nous conduire à des attitudes légalistes. Le pape déclarait dans sa fameuse interview : « La tradition et la mémoire du passé doivent nous aider à avoir le courage d’ouvrir de nouveaux espaces à Dieu. » Et il mettait en garde « celui qui aujourd’hui ne cherche que des solutions disciplinaires, qui tend de manière exagérée à la “sûreté” doctrinale, qui cherche obstinément à récupérer le passé perdu ». Le Notre Père nouvelle version n’est pas une énième revanche dans une bataille intestine dont les catholiques ont le secret. Il nous invite à nous dépenser pour redonner le goût de la prière à ceux qui l’ont perdu.

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