Nier les distinctions entre les sexes nuit à l'enfant (16/01/2014)

Au moment où l'on voit se multiplier articles et rapports visant à éliminer les stéréotypes qui sont censés reproduire les clivages entre les sexes, Philippe Coste, dans l'Express, a eu la bonne idée d'interviewer Leonard Sax, auteur d'un ouvrage consacré à cette question :

"Nier ce qui distingue les sexes nuit à l'enfant"

Leonard Sax est devenu célèbre aux Etats-Unis en écrivant qu'un garçon et une fille ne devraient pas être traités à l'identique. Son dernier ouvrage, 'Pourquoi les garçons perdent pied et les filles se mettent en danger' sort ce 15 janvier dans l'Hexagone. 

Diplômé en biologie et nanti d'un doctorat en psychologie, Leonard Sax est médecin généraliste dans une banlieue de Washington. Il s'est documenté, parcourant la planète, visitant des dizaines d'écoles et suivant personnellement des enfants pendant des années, avant de devenir un consultant pédagogique prisé dans le monde anglophone. Il estime que les filles et les garçons demandent chacun une attention particulière.  

Vos livres sur les différences naturelles entre les sexes sont des best-sellers aux Etats-Unis. Ils vous ont valu les Unes de la presse américaine, dont celle de Time Magazine, mais aussi des attaques violentes. On vous a mal compris?

On m'a accusé d'être rétrograde, sexiste, adepte des stéréotypes. Tout cela parce que je cite des différences entre hommes et femmes. Différence ne veut pas dire inégalité. Egalité ne veut pas dire uniformité. Or des intellectuels, des psychologues et des enseignants s'acharnent à nier la notion même de genre. Certains préconisent même de bannir l'usage des mots "fille" et "garçon" dans les écoles élémentaires, parce qu'ils évoquent des stéréotypes discriminatoires !  

En niant, en occultant ces distinctions entre sexes, on nuit à l'enfant. Chez lui comme à l'école, il se sent incompris, laissé en plan, sommé de se débrouiller seul face à une société qui, elle, fourmille de préjugés sexistes absurdes et se chargera de le façonner de manière malsaine.

Votre livre paraît en France au moment où notre gouvernement vient de lancer une campagne contre les stéréotypes fille-garçon dans les rayons jouets des grands magasins. Qu'en pensez-vous?

A la fac, pendant mes études de psychologie, j'étais convaincu, comme tout le monde, que le choix d'un jouet était une construction sociale. Le garçon prend plutôt le camion et la fille la poupée parce qu'il ou elle sent qu'on lui en intime l'ordre. Il y a du vrai, mais cela n'explique pas tout.

Des chercheurs de l'université de Yale ont donné ces mêmes jouets à des petits singes, nos plus proches cousins. Ces primates ignorent le signifiant masculin ou féminin de ces objets. Or, une large majorité des mâles a choisi les camions. Voilà pour l'inné : des recherches démontrent qu'en raison de petites différences cérébrales les garçons sont plus intéressés par le mouvement d'un objet, et les filles, par sa texture et sa couleur. Mais les petits humains sont considérablement plus nombreux à choisir le camion que les petits singes. En raison de la pression sociale. La culture amplifie la biologie. 

Il y a donc du vrai dans les stéréotypes?

Entendons-nous bien sur une évidence: hommes et femmes ont exactement les mêmes capacités intellectuelles, la même capacité d'acquérir une connaissance. Du point de vue de la psychologie cognitive, qui domine toutes les études depuis des décennies, il n'y a pas la moindre différence. Les hommes et les femmes se distinguent, en revanche, par leurs motivations. Par ce qu'ils ont envie d'apprendre, par ce qui suscite leur intérêt lors d'un apprentissage.  

En prenant en compte ces particularités dans l'enseignement, au lieu de les ignorer, on peut corriger le tir, éviter de perpétuer des aberrations et des inégalités professionnelles. Pourquoi trouve-t-on aujourd'hui, en France comme ailleurs, si peu de femmes dans le domaine de la programmation informatique, alors qu'elles étaient majoritaires au début de l'ère des ordinateurs? A mesure que ce job gagnait en prestige et en salaire, il s'est masculinisé.  

Et l'enseignement des bases de cette discipline est maintenant plus adapté, par sa pédagogie, à la psychologie et à la culture des garçons. Prenez la physique, une autre discipline boudée par les filles : parfois, la couverture même de nos manuels américains annoncent la couleur, en montrant un garçon faisant une acrobatie à skateboard.  

Dans plusieurs écoles de filles que j'ai visitées, les profs ont considérablement augmenté l'intérêt et le niveau de leurs élèves en changeant tout simplement l'ordre du programme, pour aborder un peu plus tard, par exemple, l'étude de la vélocité, du mouvement, tout le vroum-vroum, boum-boum qui barbe de nombreuses filles, mais captive de nombreux garçons, probablement une majorité. 

Vous faites grand cas de l'hypersexualisation des toutes jeunes filles. L'école pourrait-elle les en préserver?

Elle pourrait au moins aider nombre d'entre elles à se forger une identité en paix. L'une des mouvances du féminisme des années 1960-1970 récusait la pudeur sexuelle comme un diktat du patriarcat. Cette libération s'est muée, quarante ans plus tard, en hypersexualisation de la culture, qui opprime les adolescentes, les façonne très jeunes en objets sexuels au service des ados.

Je considère comme avéré que la plupart des femmes s'épanouissent mieux sexuellement dans le cadre d'une relation affective. Or, à un âge immature, elles singent sans les comprendre des fantasmes purement masculins. Elles vivent une sexualité sans affection ni lendemain pour le seul plaisir des jeunes garçons. Elles se définissent essentiellement dans le regard de l'homme et oublient qui elles sont. 

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