«Le dialogue interreligieux n’est fécond que si l’on respecte la vérité objective sur soi-même et l'autre» (04/06/2015)

Courir aux périphéries pour « dialoguer » semble souvent être la seule idée et le seul programme des activistes qui peuplent les comités Théodule de l’Eglise postconciliaire. Pour quoi faire et pour quels résultats ? L’hebdomadaire « Famille chrétienne » a posé la question à Mgr Khaled Akasheh, évêque jordanien et secrétaire de la commission pour les rapports avec l’islam au Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux :

"Quelles sont les conditions d’un dialogue interreligieux fécond ?

Le dialogue interreligieux n’est fécond que si l’on respecte la vérité objective sur soi-même et celui avec lequel on dialogue. Mais si l’on se met à dire des mensonges, ou à en rester aux « salamalecs », et aux embrassades, alors c’est une perte de temps, et cela peut même être dangereux. Ce n’est que si l’on témoigne de la vérité dans la charité que le dialogue est au service du règne de Dieu.

Il faut aussi beaucoup de précision théologique, notamment dans les termes que l’on emploie. Le cardinal Tauran dit souvent que tous les mots que nous avons en commun avec les musulmans sont des « pièges ». En effet, chrétiens et musulmans croient à la vie éternelle, mais d’une manière très différente. C’est la même chose pour le « Dieu unique », le mot est le même, mais la réalité est très différente : pour les musulmans, c’est uniquement un Seigneur alors que pour nous il est un Père. Ainsi, un évêque ne peut pas parler de l’islam comme d’une « religion céleste », ou parler du« sacré Coran », sinon, il n’est pas fidèle à la théologie chrétienne. Comme dit aussi le cardinal Tauran, on ne dialogue pas à partir d’ambiguïtés.

Nous devons par ailleurs accepter la revendication de vérité de chacun des interlocuteurs. Je dis donc aux musulmans : « Nous n’avons rien contre vous, ni contre le Coran ou Mahomet. Mais nous sommes dans la même situation que vous : pouvez-vous accepter une révélation postérieure à celle de Mahomet ? Non ! Et bien c’est la même chose pour nous, accepter l’origine divine de votre religion comme vous le revendiquez, ce serait mentir, ou ne pas connaître la théologie chrétienne ».

Mais si chacun revendique la vérité, le dialogue n’est-il pas stérile ?

Le dialogue n’a pas pour objectif la conversion de l’autre. Il a pour but de se connaître, de faire tomber les préjugés et les malentendus. Dialoguer, c’est cheminer ensemble vers la vérité. Cela ne veut pas dire que l’on entre dans le dialogue à partir d’un doute, ou que l’on n’est pas déjà dans la vérité. Mais notre approche de la vérité peut être affermie ou modifiée à la lumière des interrogations et objections de notre interlocuteur.

Le texte Nostra Aetate du concile Vatican II dit simplement qu’il faut parler aux autres au nom de Dieu, car Dieu continue à parler au monde à travers nous, grâce à l’Esprit Saint qu’il nous a envoyé à la Pentecôte.

Avec la montée de l’islamisme, ne sommes-nous pas dans l’impasse ?

Quoi qu’il arrive, l’Église ne peut pas se renfermer sur elle-même. Face à ces drames, les lamentations de Jérémie ne suffisent pas, il faut aussi les Actes des Apôtres. C’est-à-dire, il faut travailler au règne de Dieu sans relâche. Avec clarté, détermination, courage, et sincérité. Et cela passe par le dialogue au sens que je viens de décrire. Saint Paul le dit bien : « Si je m’étais tu, personne ne m’aurait persécuté ». Il a été persécuté parce qu’il a continué à parler au nom de Dieu, parce qu’il a voulu être un vrai serviteur de Dieu. Nous sommes aujourd’hui les apôtres dont Dieu a besoin, même si notre discours dérange et mène au martyre."

Ref. «Le dialogue interreligieux n’est fécond que si l’on respecte la vérité objective sur soi-même et l'autre»

marcello-pera_lbs.jpgA ce propos, Benoît XVI (qui aurait voulu intégrer le conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux dans celui de la culture) écrivit un jour à son ami Marcello Pera (photo), ancien président du Sénat italien :«  Votre analyse des concepts de dialogue inter-religieux et interculturel revêt pour moi une importance particulièrement significative. Vous expliquez avec grande clarté qu'un dialogue interreligieux au sens étroit du terme n'est pas possible, ce qui confère une urgence d'autant plus grande alors au dialogue interculturel qui approfondit les conséquences culturelles de l'option religieuse de fond. Alors que sur celle-ci un vrai dialogue n'est pas possible sans que l'on mette entre parenthèses sa propre foi, il faut débattre dans l'espace public des conséquences culturelles des options religieuses de fond. Ici le dialogue, la correction mutuelle et un enrichissement réciproque sont possibles et nécessaires »  

Court et bon, comme toujours !

JPSC

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