« Certains ont même perdu leur boulot »
Des politiques ont vite pointé du doigt l’église après la propagation du virus en France. Ainsi, le 17 mars, Josiane Chevalier, préfète du Grand-Est et du Bas-Rhin, déclarait dans un entretien à France Inter : « L’épidémie est partie d’un rassemblement évangélique qui a eu lieu dans le Haut-Rhin, avec plus de 3 000 personnes et un non-respect des mesures barrières : en résumé, tout ce qu’il ne faut pas faire. On paie le prix fort de cette non prise en compte des mesures de base ». Ce que conteste l’avocate Clémence Langlois, spécialisée dans la défense des chrétiens. Elle considère que ses propos sont « trompeurs ». « Je suis interpellée juridiquement par ce qu’a dit la préfète, elle laisse entendre publiquement que l’église est responsable de la diffusion du virus ».
Le pasteur Étienne Grosrenaud, qui est d’une autre église évangélique (Assemblée de Dieu, à Mulhouse), alerte sur la situation actuelle des évangéliques dans le Haut-Rhin : « Aujourd’hui, quand les membres de nos églises sortent dans la rue pour faire des courses, leurs voisins les insultent, parce qu’ils sont évangéliques. Certains ont même perdu leur boulot ».
« Il y a un siècle, ce sont les juifs de Strasbourg qui ont été accusés de répandre la peste noire et brûlés sur la place centrale »
« Nous avons les pieds sur terre », précise Nathalie Schnoebelen, communicante de La Porte ouverte, pour souligner la collaboration de l’église avec l’Agence régionale de santé (ARS) depuis le début de la crise. « La Bible nous dit qu’il faut être droit comme une colonne et souple comme un serpent », relate-t-elle.
L’Alsace, territoire sous l’autorité du Concordat - les cultes catholique, luthérien, réformé et israélite y sont en contrat avec l’État -, est dotée de nombreux et prestigieux lieux de culte.
Édouard Manini, Strasbourgeois et conseiller à l’Eurométropole de Strasbourg, estime, de son côté, que « les évangéliques ont été des victimes pendant la crise du coronavirus ». Ce fonctionnaire, de confession juive par sa mère, protestant par son père, rappelle qu’« il y a un siècle, ce sont les juifs de Strasbourg qui ont été accusés de répandre la peste noire, et brûlés sur la place centrale ».
« Une culture ambiante anti-religion »
Le pasteur Emmanuel Duvieusart, de l’Église La Bonne Nouvelle, une autre communauté évangélique de Mulhouse, interrogé sur la possibilité d’une Église catholique jalouse du succès de la foi évangélique, préfère s’en tenir à un front uni : « Il s’agit plutôt de la culture ambiante anti-religion dans la société et du rejet en bloc des chrétiens. Dans le contexte actuel du coronavirus, je suis convaincu que, si on avait été un siècle et demi en arrière, on se ferait cramer ».
« Tu ne porteras pas de faux témoignages contre ton voisin », prévient la Bible, dans le chapitre de l’Exode. Les évangéliques seraient-ils les derniers boucs émissaires de la longue histoire des épidémies ? Dans l’océan de tristesse que représente le Covid-19, et nonobstant les responsabilités de chacun, on en arrive à se dire : « Ça pourrait aussi m’arriver ».