Un arrêt du Conseil d'Etat qui valide l'interdiction de fait du culte (23/12/2020)

Arrêt du Conseil d’Etat sur la liberté de culte (22 décembre)

Les initiateurs de ce recours auquel belgicatho avait fait écho nous communiquent :

Suite au recours introduit la semaine dernière (en même temps que 2 autres recours similaires), le Conseil d'Etat a rendu ce matin son arrêt, qui confirme l'interdiction de facto du culte par une limite de 15 participants aux cérémonies religieuses.

"Il y avait trois recours en lice. Le nôtre (porté par le même groupe de jeunes complété de 3 prêtres catholiques et 3 prêtres orthodoxes roumains), un recours porté par une asbl et un prêtre de la fraternité St Pie X, et enfin un recours porté par un laïc et un prêtre catholique, un orthodoxe et un musulman. Notre recours était porté en langue néerlandaise, les deux autres en langue française.
 
Les deux autres recours ont été rejetés sur "l'extrême urgence". Le Conseil argumente cependant également sur le fond, en estimant que les "moyens" invoqués ne sont pas "sérieux", ce qui revient en d'autres termes à rejeter notre argumentation. Pour notre recours par contre, le Conseil d'Etat ne statue pas sur "l'extrême urgence" et rejette uniquement les moyens.
 
Ainsi, sur le premier moyen, la violation de la Constitution, le Conseil d'Etat se borne à constater que la situation est grave et que le gouvernement dispose d'un "large pouvoir d'appréciation" pour juger de telles restrictions. Le Conseil juge cette simple constatation suffisante pour ne pas répondre à nos arguments. Comme écrit dans notre communiqué (ci-dessous), c'est une justification très légère et un affaiblissement considérable et inquiétant de la liberté de culte, dont le gouvernement semble désormais libre de disposer. C'est également en contraste assez net avec la propre jurisprudence du Conseil d’État d'il y a deux semaines.
 
Sur le deuxième moyen, une violation du principe d'égalité, le Conseil estime que la situation d'une cérémonie religieuse n'est pas comparable aux autres situations jouissant de meilleures conditions. Ainsi, le culte est une activité collective, tandis que le shopping est une activité exercée individuellement. Le risque d'attroupement est donc moindre dans ce dernier cas. Ensuite, si les manifestions statiques de 100 personnes en plein air sont bien autorisées, elles ne le sont qu'au cas par cas et non de manière régulière comme la messe dominicale. Le conseil juge que le principe d'égalité n'est pas conséquent pas violé.
 
Pour répondre à une question qu'on nous pose souvent, le Conseil n'a pas pris argument de l'accord entre les évêques et le gouvernement pour rejeter notre recours. C'est bien le cas par contre des autres recours. On peut en déduire que ledit accord a sans doute affaibli la position des requérants, mais n'a probablement pas non plus influencé décisivement le résultat de la procédure."

Réaction des requérants : Le Conseil d’Etat valide l’interdiction de fait du culte !

Notre groupe de jeunes catholiques a porté un premier recours infructueux en mai 2020. C’est ce même groupe, élargi à six prêtres catholiques et orthodoxes roumains, qui a introduit la semaine dernière un nouveau recours, rejeté une nouvelle fois, auprès du Conseil d’Etat (Arrêt 249.315), en même temps que 2 autres recours.

Les requérants prennent note et regrettent l'arrêt du Conseil d'Etat validant l'interdiction de fait du culte.

Nous sommes doublement déçus de cet arrêt. Tout d'abord de ne pouvoir jouir de notre droit constitutionnel à la liberté de culte, en particulier pour la fête de Noël. Alors qu'une chaîne de grands magasins peut accueillir plus de 2000 personnes en ses murs pour les courses de Noël, la basilique de Koekelberg - un des plus grands édifices religieux du monde - ne pourra en accueillir qu'une quinzaine pour célébrer la naissance du Christ. Par son arrêt, le Conseil d’État consacre ainsi douloureusement la transformation de Noël en une fête consumériste, dont le (bon) sens a disparu.

Autoriser une assistance proportionnelle à la surface de l’édifice ou en plein air aurait pourtant permis à chacun d’exercer sa foi sans mettre en danger qui que ce soit.

Ensuite, en tant que citoyens, nous ne pouvons qu'être inquiets du peu de cas que fait le pouvoir exécutif des libertés constitutionnelles, en particulier de la liberté de culte. Le gouvernement ne peut contourner ces droits en décrétant une mesure aussi vexatoire et ridicule que la limite de 15 personnes, qui équivaut à une interdiction de fait du culte et s’applique en dépit de tout bon sens à nos chapelles comme à nos vastes cathédrales.

Dans son arrêt, le Conseil d’État omet tout simplement de répondre à nos arguments selon lesquels la Constitution a été violée, et reconnaît au gouvernement "une large marge d’appréciation" pour apprécier la nécessité ou non de restreindre sévèrement la liberté de culte. Ce faisant, le Conseil affaiblit considérablement la liberté de culte et se dérobe à sa responsabilité de contrôler juridiquement l'intrusion excessive de l'exécutif dans les libertés publiques.

C'est une grave évolution de la protection des droits des personnes, dont chaque citoyen de ce pays devrait s'inquiéter.

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