Contre la culture LGBT, le combat hongrois (28/06/2021)

De Paul Vaute, historien et journaliste honoraire, ce commentaire écrit pour Belgicatho sur le tollé politico-médiatique suscité par la nouvelle loi hongroise prétendument homophobe.

Strictement unilatérale, comme on pouvait s'y attendre, a été la manière dont les médias dominants ont traité, ces derniers jours, de la nouvelle passe d'armes entre la Hongrie et la majorité des Etats de l'Union européenne. Tapez les mots "homosexualité Hongrie" sur le moteur de recherche Google: vous verrez défiler, émanant des sites de journaux quotidiens, de chaînes de radio et de télévision ou d'information en ligne, en principe de toutes tendances, des articles qui disent tous en substance la même chose. Le diagnostic que j'ai récemment proposé aux lecteurs de Belgicatho sur le fonctionnement actuel de l'information [1] trouve ici une illustration des plus éloquentes…

   En vain, j'ai attendu que le journal dit de référence que je lis tous les jours m'informe du contenu exact de la loi qui vaut au gouvernement de Viktor Orbán d'être traité en paria. Je l'ai attendu tout aussi vainement des émissions matinales de La Première (RTBF radio) aux jours où la polémique faisait rage dans les bâtiments du Conseil européen, rue de la Loi à Bruxelles. En revanche, chacun aura pu voir fleurir un peu partout ces titres et commentaires accusateurs, où il était question d'une "loi homophobe" (La Libre Belgique, 25 juin; Libération, Paris, même jour…), d'une loi qui "s'attaque à la communauté LGBT" (Le Figaro, Paris, 24 juin; CNN, Atlanta, 15 juin…), d'une loi "mêlant homosexualité et pédophilie" (Courrier international, Paris, 16 juin; Flair, même jour; Mediapart, Paris, 24 juin…), et j'en passe… Les rares éclairages divergents sont à chercher dans les tribunes libres, derniers refuges des francs-tireurs: ainsi pour l'excellente mise au point de la philosophe française Chantal Delsol dans Le Figaro, reprise ici même samedi dernier [2].4

   Face au bashing, comme on dit en franglais, il est compréhensible que le gouvernement hongrois ait voulu faire connaître, sans filtres journalistiques, son point de vue sur l'avenir de l'Europe en achetant un espace publicitaire dans certains journaux. L'un d'eux a fait savoir qu'il avait refusé de faire paraître cette publicité politique "en raison des contre-vérités qu'elle contient". Les lecteurs dudit journal auront certainement à cœur de vérifier si, à l'avenir, sa rédaction opposera la même fin de non-recevoir à toute publicité ou à toute communication officielle contenant des "contre-vérités".

   La loi hongroise tant incriminée a été de fait votée, le 15 juin dernier, en même temps qu'un arsenal de mesures visant à combattre la pédocriminalité. Sont notamment prévus la création d'une base de données des personnes condamnées accessible au public ou encore leur bannissement de certaines professions. Dans la foulée, des élus du Fidesz, principal parti de la majorité, ont fait ajouter une disposition qui vise, quant à elle, le prosélytisme de genre. Peut-être inspirée d'une législation similaire appliquée en Russie depuis 2013, elle est libellée comme ceci: "La pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l'identité de genre, le changement de sexe et l'homosexualité ne doivent pas être accessibles aux moins de 18 ans".

   C'est ce texte, rien que ce texte, qui a été qualifié de "honte" par la présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen. C'est lui que le président français Emmanuel Macron a jugé ne pas être "conforme à nos valeurs et à ce qu’est l’Europe". C'est à cause de lui que le premier ministre néerlandais Mark Rutte a affirmé que la Hongrie n'a "plus rien à faire dans l'Union européenne". C'est en lui que le premier ministre belge Alexander De Croo a cru reconnaître "des pensées du Moyen Age" (!). Ajoutons que la Belgique est aussi à l'origine de la première salve, tirée le 22 juin: une déclaration, cosignée par dix-sept Etats, demandant à la commission de porter l'affaire devant la Cour de justice européenne.

   Et pourtant, à lire et relire, même entre les lignes, le texte ci-dessus, il est strictement impossible d'y trouver le moindre prélude à une répression qui s'abattrait sur des personnes en raison de leur comportement sexuel, s'agissant d'adultes consentants. Les contempteurs qui crient à l'abomination de la désolation auraient pu faire bien meilleur usage de leur capacité d'indignation à l'époque, pas si lointaine, où le régime castriste à Cuba envoyait les homosexuels en masse dans des camps dits "de rééducation" (en fait de concentration), où les conditions de vie étaient épouvantables. Les progressistes occidentaux, alors, se taisaient dans toutes les langues. Lors de sa rencontre orageuse avec ses homologues européens, Viktor Orbán n'a pas manqué de rappeler ce passé récent pour ce qui concerne son pays. "J'ai combattu pour la liberté sous le régime communiste, quand l'homosexualité était punie. Je me suis aussi battu pour la liberté et les droits des homosexuels sous le régime communiste", a-t-il affirmé. Un propos qualifié de "syllogisme étrange" par un journaliste commentateur de la RTBF radio le lendemain matin…

   De l'amalgame entre homosexualité et pédophilie, reproché à tout bout de champ à la nouvelle législation magyare, pas davantage de traces. Où ont-ils été chercher cette assimilation ? S'il ne s'agit pas d'une désinformation volontaire, il fait croire que les ténors du complexe politico-médiatique ont copié les uns sur les autres sans avoir lu ce qui devait être la source du dénigrement collectif auquel ils participent.

   Quelles sont les réelles implications de la loi ? Elles concernent l'éducation sexuelle des enfants, dont le chef du gouvernement hongrois a rappelé qu'elle incombe en premier lieu aux parents. Tenir à l'école, à des jeunes encore en recherche d'identité, un discours mettant l'homosexualité et l'hétérosexualité sur un même plan, est désormais illégal. A titre de comparaison, sachant qu'il s'agit d'une réalité différente, ce n'est pas parce que la prostitution est tolérée dans une certaine mesure qu'il faut enseigner aux enfants qu'elle est un métier comme les autres. En revanche, le professeur est pleinement dans son rôle s'il met en garde contre les tentations de la moquerie, de l'agressivité, de la violence contre ceux qui ne sont pas dans la norme. Outre les programmes scolaires, certaines publicités exposées dans l'espace public peuvent tomber sous le coup (on pense à celle de Coca-Cola représentant un couple d'hommes). Des publications, des films, des séries télévisées… peuvent de même être interdits aux mineurs.

   "Cette loi de protection de l'enfance n'exerce aucune forme de discrimination", a estimé, en la signant, le président de la République hongroise János Ader. Pour le chef de l'Etat, qui n'est pas toujours sur la même longueur d'onde qu'Orbán, le texte ne limite en rien les droits constitutionnels des majeurs, tout en complétant les obligations constitutionnelles de protection des mineurs. Ajoutons que toute instruction est nécessairement dépendante d'un système de convictions et de valeurs. La neutralité, ici, n'existe pas. Il n'y a pas le conditionnement des jeunes esprits d'un côté et leur émancipation de l'autre. Il s'agit uniquement de savoir ce que l'on promeut: le modèle occidental, traditionnel, chrétien (et laïque jusqu'à une époque récente) de la famille, ou la culture gay-lesbienne-bisexuelle-transgenre et tutti quanti.

   La patrie de saint Etienne a fait son choix et l'avait déjà manifesté notamment en amendant sa Constitution, en décembre dernier, pour préciser que "la mère est une femme, et le père est un homme", ce qui implique que "la Hongrie protège l'institution du mariage", qui est la "base de la relation familiale" et de la relation "parent-enfant". Est également garanti le droit des enfants à recevoir une éducation "conforme aux valeurs fondées sur l'identité constitutionnelle et la culture chrétienne de la Hongrie".

   D'aucuns, sans doute, demanderont s'il est possible d'avoir raison contre presque tous les Etats de l'Union européenne. Cette question appelle au moins deux réponses. La première est que l'histoire fourmille d'épisodes où des majorités, même écrasantes, firent fausse et parfois désastreuse route. La deuxième est que la position affichée fièrement par les politiques (et leurs chantres journalistiques) est l'exact opposé de celle qu'eux-mêmes ou leurs prédécesseurs auraient soutenue il y a trois ou quatre décennies à peine. A cette époque où, pour parler comme De Croo, les temps médiévaux étaient pourtant déjà bien loin, les décideurs de toutes couleurs auraient porté leur index sur la tempe devant ceux qui leur auraient proposé de légaliser l'homoparentalité.

   Un exemple significatif. En 1977, à l'occasion de l'Année internationale de la femme, le gouvernement des Etats-Unis organise à Houston une conférence amplement médiatisée. "Des milliers de femmes américaines, rapporte l'essayiste franco-américain Guy Sorman, peuvent voir à la télévision leurs "représentantes" voter dans un enthousiasme délirant des motions en faveur du droit des couples homosexuels à adopter des enfants". Ce qui est alors considéré comme un "dérapage de l'Equal Right Amendment" ou Amendement à la Constitution américaine pour l'égalité des droits, ne contribuera pas peu au succès du "nouveau conservatisme", porté notamment par le futur président Reagan [3].

   Aujourd'hui, c'est l'opposition à ce "droit" à l'adoption qui passe pour un dérapage, bien qu'il ne soit en vigueur que dans une minorité d'Etats (31 sur les 195 reconnus par l'Onu [4]). Des années de propagande par tous les relais de la communication et de la culture ont suffi à renverser la vapeur, comme ce fut le cas pour d'autres subversions éthiques. Une des techniques les plus usitées fut la surreprésentation du groupe revendicateur. La sociologue Evelyne Sullerot a expliqué naguère comment on répandait l'impression que les homosexuels sont de plus en plus nombreux, alors qu'ils ne représentent que 4 % des hommes et 2 % des femmes. "La forte représentation des homosexuels dans les médias, le show-biz, le milieu artistique et intellectuel vous donne cette illusion. Ils sont en fait très minoritaires. Il ne serait pas normal que dans notre pays, cette petite minorité impose sa loi à une écrasante majorité. De plus, ils culpabilisent ceux qui ne partagent pas leur façon de vivre" [5].

   Le stade ultérieur, comme indiqué dans mon article précité, est celui de la cancel culture ou du permis d'interdire. Il y a plus de quinze ans déjà, en Irlande et au Canada, les membres du clergé furent prévenus que le simple fait de distribuer un document du Vatican condamnant les actes homosexuels pourrait entraîner des poursuites judiciaires. Dans le même temps, sur Internet, le moteur de recherche Google supprimait de ses pages la publicité d'un groupe de défenseurs de la morale chrétienne parce que la pédérastie et le lesbianisme y étaient critiqués [6]. Actuellement, c'est le Sénat italien qui examine un projet, déjà approuvé par la Chambre, qui permettrait à la limite de poursuivre pour "discours de haine" tout auteur d'une critique théologique, philosophique ou morale d'un comportement sexuel. Faire simplement état de la doctrine de l'Eglise sur l'homosexualité exposerait un prêtre ou un enseignant à de graves sanctions pour avoir créé un "danger de discrimination". Gageons qu'au prochain sommet européen, personne ne s'inquiétera des menaces qui pèsent sur les libertés des Italiens.

   A celui des 24 et 25 juin, parmi les 27 membres, seules la Pologne, la Slovénie et/ou la Bulgarie – les sources ne concordent pas – auraient apporté leur soutien à la Hongrie ou se seraient du moins abstenues de la critiquer. Dans le cas de la Slovénie, appelée à occuper la présidence tournante à partir du 1er juillet, il s'est peut-être agi d'une position d'opportunité. Qu'importe! Ce sont ceux qui, contre vents et marées, soutiennent que nous n'avons pas été créés hommes et femmes pour des prunes, et qu'on ne prive pas délibérément un enfant de l'image du père ou de la mère, qui ont droit à notre admiration et à notre reconnaissance.

PAUL VAUTE  

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[1] http://www.belgicatho.be/archive/2021/03/15/y-a-t-il-une-....

[2] http://www.belgicatho.be/archive/2021/06/26/les-raisons-d....

[3] Guy SORMAN, La révolution conservatrice américaine, (Paris), Fayard, 1983, pp. 148-150.

[4] D'après Wikipedia, "Adoption homoparentale", https://fr.wikipedia.org/wiki/Adoption_homoparentale, juin 2021.

[5] Cité in Polémique hebdo, 17 sept. 1998.

[6] Vérité & Espérance 3000, Liège, oct.-déc. 2004, pp. 9-10.

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