Le besoin de réforme et de renouveau est aussi vieux que l'Église elle-même. À la source, cet élan est admirable et ne devrait jamais être redouté. Bon nombre des personnes impliquées dans le processus du Chemin synodal sont sans aucun doute des personnes excellentes. Pourtant, l'histoire chrétienne est parsemée d'efforts reposant sur de bonnes intentions qui ont été vidés de leur enracinement dans la Parole de Dieu, dans une rencontre fidèle avec Jésus-Christ, dans une véritable écoute du Saint Esprit et dans la soumission de nos volontés à la volonté du Père. Ces efforts manqués ont fait fi de l'unité, de l'expérience et de la sagesse accumulée de l'Évangile et de l'Église. Parce qu'ils n'ont pas tenu compte des paroles de Jésus : " En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire " (Jn 15, 5), ils n'ont pas porté de fruits et ont été dommageables à la fois pour l'unité et pour la vitalité évangélique de l'Église. Le Chemin synodal en Allemagne risque de conduire précisément à une telle impasse.
Nous adressant à vous en tant que vos frères dans l'épiscopat, nous sommes préoccupés par les points suivants, sans toutefois nous y limiter :
1. Faute d'écouter le Saint-Esprit et l'Évangile, les actions du Chemin synodal sapent la crédibilité de l'autorité de l'Église, y compris celle du pape François ; elles sapent l'anthropologie chrétienne et la morale sexuelle, ainsi que la fiabilité des Écritures.
2. Tout en affichant un vernis d'idées et de vocabulaire religieux, les documents du Chemin synodal allemand semblent largement inspirés non point par l'Écriture et la Tradition - qui, pour le Concile Vatican II, constituent "un unique dépôt sacré de la Parole de Dieu" - mais par l'analyse sociologique et les idéologies politiques contemporaines, y compris l'idéologie du genre. Ils abordent l'Église et sa mission à travers le prisme du monde plutôt qu'à travers le prisme des vérités révélées dans l'Écriture et dans la Tradition de l'Église qui fait autorité.
3. Le contenu du Chemin synodal semble également réinterpréter, et donc amoindrir, la signification de la liberté chrétienne. Pour un chrétien, la liberté est la connaissance, la volonté et la capacité non entravée de faire ce qui est juste. La liberté n'est pas "l'autonomie". La liberté authentique, comme l'enseigne l'Église, est liée à la vérité et ordonnée au bien, et ultimement, à la béatitude. La conscience ne crée pas la vérité, et la conscience n'est pas une question de préférence personnelle ou d'affirmation de soi. Une conscience chrétienne correctement formée reste soumise à la vérité sur la nature humaine et aux normes d'une vie juste révélées par Dieu et enseignées par l'Église du Christ. Jésus est la vérité, qui nous rend libres (Jn 8).
4. La joie de l'Évangile - essentielle à la vie chrétienne, comme le souligne si souvent le Pape François - semble totalement absente des discussions et des textes du Chemin synodal. C'est un défaut révélateur, s'agissant d'un effort qui vise le renouveau personnel et ecclésial.
5. Le processus du Chemin synodal, quasiment à chaque pas, est un travail d'experts et de comités : lourdement bureaucratique, obsessionnellement critique, replié sur lui-même. Il reflète donc lui-même une forme répandue de sclérose de l'Église et, ironie du sort, devient anti-évangélique dans son expression. Dans ses effets, le Chemin synodal montre davantage de soumission et d'obéissance au monde et aux idéologies qu'à Jésus-Christ, Seigneur et Sauveur.
6. L'accent mis par la Voie synodale sur le "pouvoir" dans l'Église suggère un esprit fondamentalement opposé à la nature réelle de la vie chrétienne. En dernière analyse, l'Église n'est pas simplement une "institution" mais une communauté organique, non pas égalitaire mais familiale, complémentaire et hiérarchique - un peuple soudé par l'amour de Jésus-Christ et par l'amour des uns pour les autres en son nom. La réforme des structures n'est pas du tout la même chose que la conversion des cœurs. La rencontre avec Jésus, telle qu'elle apparaît dans l'Évangile et dans la vie des saints au cours de l'histoire, change les cœurs et les esprits, apporte la guérison, détourne l'individu d'une vie de péché et de tristesse, et démontre la puissance de l'Évangile.
7. Le dernier problème, le plus angoissant et le plus immédiat, posé par le Chemin synodal allemand, est terriblement ironique. Par son exemple destructeur, celui-ci pourrait conduire certains évêques, et de nombreux laïcs par ailleurs fidèles, à se méfier de l'idée même de "synodalité", ce qui entraverait encore davantage le nécessaire colloque de l'Église sur l'accomplissement de sa mission de convertir et de sanctifier le monde.
En ces temps de confusion, la dernière chose dont notre communauté de foi ait besoin, c'est d'encore plus de confusion. Alors que vous discernez la volonté du Seigneur pour l'Eglise en Allemagne, soyez assurés de nos prières pour vous.