Quelque chose a changé en profondeur dans nos communautés chrétiennes au cours des vingt dernières années. Ce n’est pas tant leur taille ; bien sûr, elles sont de plus en plus petites. Ce n’est pas non plus leur moyenne d’âge – oui, globalement elles vieillissent. Ce n’est pas non plus leur sociologie : s’il n’y avait l’apport migratoire, nous peinerions toujours à parler aux classes populaires.
Le vrai changement est ailleurs. Il est dans cette révolution anthropologique sur laquelle nous, chrétiens, n’avons toujours pas de réflexion théologique en profondeur : la révolution numérique et ses bonds technologiques. Si l’on caricature, la réception de ce changement de paradigme a été accueillie de deux manières dans nos communautés.
- Le numérique est un grave danger pour nos enfants, du fait de l’addiction aux jeux, aux réseaux sociaux, à la pornographie, etc.
- Le numérique va nous ouvrir des méthodes d’évangélisation ultra-performantes et nous allons pouvoir défricher de façon industrielle des champs qui nous étaient jusque-là inaccessibles.
Deux erreurs
Les deux tendances se sont trompées. La première parce qu’elle a vu un phénomène générationnel là où toute la société était affectée. Faire des enfants les seules victimes des jeux, du porno ou du harcèlement en ligne, c’est se cacher derrière son petit doigt ; c’est se rassurer à bon compte en s’imaginant que le problème vient de l’usage et non de l’outil ; c’est se défausser sur les jeunes générations de nos propres failles. Comme s’il n’y avait pas eu dans notre société, avant l’arrivée du numérique, un énorme problème avec les addictions de tous types et un abandon massif du corps féminin.
La seconde tendance s’est également fourvoyée. Nos applis cathos sont des applis communautaires. Sur les réseaux sociaux, nous ne parvenons à évangéliser que ceux qui auraient de toute façon poussé la porte d’une église. S’imaginer que l’on peut dématérialiser l’expérience chrétienne est un leurre absolu : on l’a bien vu durant les deux confinements.