Quant à Godefroid Pembele, il a été criblé de balles dans la nuit du 6 au 7 août 2022, à Kikwit, dans la province du Kasaï, dans le sud du pays, par des bandits qui avaient attaqué son église. Bien que les assaillants aient emporté des objets de valeur, ce meurtre survient dans une région marquée par la guerre civile, entre 2016 et 2019, opposant les autorités congolaises à la milice Kamwina Nsapu. Celle-ci avait recours à la sorcellerie pour recruter des enfants-soldats, et s’en prenait aux églises catholiques.
La sorcellerie est aussi derrière la mort du dernier prêtre tué sur le continent africain. Disparu près de Mbeya, dans le sud-ouest de la Tanzanie, Michael Mawelera Samson, membre de la société des Missionnaires d’Afrique, originaire du Malawi, a été retrouvé sans vie au bord de la rivière Meta, le 11 juin 2022. Son corps démembré atteste qu’il a été l’objet d’une pratique occulte, selon l’archevêque Gervas John Mwasikwabhila Nyaisonga. « Habituellement, pour les rituels de sorcellerie, des parties du corps de la victime sont retirées », a-t-il indiqué à l’agence de presse pontificale Fides.
Triste bilan en Amérique latine et centrale
L’Amérique latine a été le théâtre du meurtre de cinq prêtres. Au Honduras, José Enrique Vásquez, 44 ans, dans le diocèse de San Pedro Sula, a été abattu dans la nuit du 2 au 3 mars 2022, alors qu’il venait de célébrer l’office du mercredi des Cendres dans sa famille. La police a arrêté deux suspects : des individus de l’entourage du prêtre, qui auraient planifié de le voler.
En Bolivie, le 16 avril 2022, au soir de la vigile pascale, le franciscain Wilberth Daza a été tué dans le couvent Saint-François de Santa Cruz, par des individus qui cherchaient à cambrioler le monastère.
Plus complexes sont les assassinats de trois prêtres mexicains, dans un pays où la guerre fait rage entre le gouvernement et les cartels de la drogue, depuis le milieu des années 2000. Certains de ces criminels déguisent leurs forfaits sous un syncrétisme païen, dont la figure dominante est Nuestra Señora de Santa Muerte (« Notre-Dame de la sainte mort »), héritage d’une déesse précolombienne. Son culte s'est largement répandu au Mexique, bien qu’il ait été condamné à mots couverts par François, lors de sa visite en 2016 : « On ne peut dialoguer avec le diable parce qu’il gagnera à tous les coups. »
Par ailleurs, d’autres narcotrafiquants, convertis au protestantisme évangélique, affichent un anticatholicisme virulent. L’Église catholique est aussi attaquée par les gangs de passeurs, qui profitent de la misère de ceux qui partent clandestinement aux États-Unis.
En une décennie, une trentaine de prêtres catholiques ont été mis à mort au Mexique. Enlevé le 15 mai, José Guadalupe Rivas a été retrouvé sans vie dans une hacienda à Santa Verónica, non loin de la frontière américaine. Président de la Casa del Migrante (« maison des migrants »), le prêtre a été torturé avant d’être exécuté.
Le 20 juin 2022, toujours au nord du Mexique, à Cerocahui, deux jésuites d’un âge avancé, Javier Campos Morales, 78 ans, et Joaquín César Mora Salazar, 81 ans, ont été tués alors qu’ils défendaient Pedro Palma, un homme poursuivi par deux mafieux et qui s’était réfugié dans l’église Saint-François-Xavier.
D’après le quotidien Libération, l'un des meurtriers, après avoir ôté la vie aux trois hommes sous les yeux d’un autre jésuite lui aurait demandé de l’entendre en confession. Ce blasphémateur serait, selon la police, José Noriel Portillo, alias El Chueco (« l’escroc »), un parrain local du crime organisé. Les deux prêtres avaient consacré une partie de leur vie au peuple indigène des Tarahumaras.
Le désespoir et la mort en Haïti
En Haïti, sœur Luisa Dell’Orto, une religieuse italienne de la congrégation des Petites sœurs de l’Évangile, suivant la spiritualité de Charles de Foucauld, a été assassinée le 25 juin 2022 à Port-au-Prince, capitale de l'État. Elle aurait résisté à un voleur qui tentait de la dépouiller.
Âgée de 65 ans, missionnaire dans le pays depuis une vingtaine d’années où elle enseignait l’histoire et la philosophie, elle animait un lieu d’accueil pour les enfants des rues. Luisa Dell’Orto refusait de quitter le pays, ballotté par les révolutions de palais et les catastrophes naturelles depuis plus de 30 ans, et qui s’enfonce dans une guerre des gangs sans merci.
« Si quelqu’un de sa famille est malade, ce n’est pas le moment de le laisser seul. C’est à ce moment-là qu’on est le plus proche des gens. Ce peuple devient notre grande famille, la famille aussi des enfants de Dieu, et dans cette famille on partage les joies et les souffrances », avait-elle confié à Radio Vatican, en 2013.
Le pape François a qualifié sa mort de martyre, car « Sœur Lucia a fait de sa vie un don pour les autres. » De son côté, l’archevêque de Milan, Mario Delpini, a fait le lien entre la religieuse et Charles de Foucauld, assassiné lui aussi dans le cadre d’un vol à main armé, en 1916 : « Ils ne vont pas chercher les dangers, mais les signes du Royaume de Dieu qui vient, parmi les pauvres, parmi ceux qui n’ont d’importance que pour Dieu et sont ignorés de tous. » Face au mystère du mal, les consacrés catholiques ayant péri jusqu’à ce jour en 2022 ont répondu par une disponibilité totale à Dieu et aux autres, jusqu’au don ultime de leur vie.