Les hôpitaux "catholiques" de Bruxelles sont contraints de pratiquer l'avortement (04/05/2024)

La docilité avec laquelle ces hôpitaux "catholiques" se plient aux ukases de la Région bruxelloise nous interroge tout autant que l'absence (à notre connaissance) de protestations de la part de l'archevêché de Malines-Bruxelles, mais qui s'en étonnera ?

Du site de la RTBF :

Les hôpitaux bruxellois désormais obligés de pratiquer l’IVG : "On est passés de zéro avortement à trois par semaine"

C’est un virage à 180 degrés pour certains hôpitaux de la capitale. A commencer par la Clinique Saint-Jean, située au cœur de Bruxelles. En un siècle d’existence, l’hôpital, de tradition catholique, n’avait jamais pratiqué d’interruption volontaire de grossesse (IVG). Mais depuis le 1er janvier 2024, un arrêté de la Région bruxelloise l’y oblige.

"On n’avait pas développé ça jusqu’à présent car on était bien entourés par des plannings familiaux. Il se fait que la Région bruxelloise nous y a contraints. Je trouve que c’est plutôt un 'plus' pour les patientes" avance le Dr Jean-Paul Van Gossum, chef du service de gynécologie à la Clinique Saint-Jean.

Cette nouvelle réglementation prévoit que tous les hôpitaux bruxellois, hormis les hôpitaux universitaires que sont Saint-Luc, Erasme et l’UZ, pratiquent l’IVG ou, au moins, redirigent les patientes vers un hôpital du même réseau.

Je ne me suis même pas posé la question. Pour moi, c’est évident qu’il faut accompagner ces patientes

Les médecins restent cependant libres d’accepter ou non de pratiquer l’IVG. Dans l’équipe de la Clinique Saint-Jean, un bon tiers des gynécologues a sauté le pas. Pour Irène Paquet, c’était une évidence. "Pour moi, c’est un droit fondamental. En tant que gynécologue, je prends soin des patientes, je les soigne. La détresse qui peut accompagner les grossesses non désirées fait partie, pour moi, d’un principe de base de prise en charge des patientes" explique-t-elle.

La mentalité des jeunes gynécologues est très différente.

Les mentalités seraient-elles en train d’évoluer dans le corps médical ? Pour le Dr Jean-Paul Van Gossum, assurément oui. "Effectivement, on est de tradition catholique mais cela change. On n’est plus comme avant. La mentalité des jeunes gynécologues est très différente, avec une ouverture et surtout une prise en charge des patientes dans leur globalité".

Une demande bien réelle

Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, l’hôpital Saint-Jean est passé de zéro avortement à environ trois IVG par semaine. "C’est une petite surprise" avoue le Dr Jean-Paul Van Gossum. "Je pensais que la demande serait moindre".

C’est une petite surprise

Le service a donc dû s’organiser. Un système de garde a été mis en place entre les gynécologues pratiquant l’IVG, afin de pouvoir répondre rapidement aux demandes des patientes. Le délai légal pour avorter étant fixé à douze semaines après la conception, il faut pouvoir être réactif et proposer un rendez-vous rapidement.

Des aménagements ont également dû être prévus dans l’équipe d’accompagnement psychologique. "Les psychologues et les psychiatres ont dû libérer des plages horaires dédiées à cela dans leurs consultations. Cela a donc nécessité une organisation tant des gynécologues, que des psychiatres, que de la salle d’opération qui doit libérer des plages si l’intervention est chirurgicale" détaille le Dr Jean-Paul Van Gossum.

De quoi compléter l’offre proposée par les plannings familiaux. En 2022, une interruption volontaire de grossesse sur cinq était réalisée dans un hôpital. Une proportion qui pourrait augmenter depuis la nouvelle réglementation. Aux Cliniques de l’Europe, hôpital traditionnellement catholique également, le nombre d’avortements a légèrement augmenté depuis l’arrêté paru en janvier.

Entre hôpital et planning familial, des différences de prise en charge

Il existe néanmoins des différences dans la prise en charge entre les hôpitaux et les plannings. A commencer par le coût : en planning, si la patiente est en ordre de mutuelle, elle ne devra débourser que cinq euros maximum. En hôpital, il faut compter au moins une centaine d’euros.

Les méthodes d’interruption de grossesse diffèrent également. La méthode médicamenteuse, envisageable jusqu’à sept semaines de grossesse, est proposée partout. Mais au-delà, il faut opter pour une intervention chirurgicale consistant à aspirer le contenu utérin. En planning familial, cette intervention est toujours réalisée en anesthésie locale. En hôpital, on opte la plupart du temps pour une anesthésie générale. Cela explique en partie la différence de coût.

C’est assez convivial

Par ailleurs, la prise en charge en planning serait plus personnalisée. "Il y a toujours du thé, du café, une pièce où il y a des lits, des bouillottes. C’est assez convivial et familial" explique Maud Poskin, médecin généraliste au planning familial Plan F. "Si la patiente opte pour la méthode médicamenteuse à la maison, on est présentes par téléphone en permanence" ajoute-t-elle.

Le planning dispose aussi de pièces où la patiente peut se reposer après l’intervention, seule ou accompagnée.

"En planning, c’est un accompagnement où on laisse beaucoup le choix, on est dans le non-jugement" ajoute Maud Poskin.

Il y a des endroits où c’est très culpabilisant

Des témoignages de femmes révèlent que dans certains hôpitaux, l’interruption volontaire de grossesse était stigmatisée. "Il y avait parfois un côté très jugeant, où on montrait l’échographie en disant 'tu vois, il y a un cœur qui bat'" relate Maud Poskin.

"Il y a des endroits où c’est très culpabilisant. Du coup, on récupère des femmes qui ont été très mal accueillies dans leur demande. Elles arrivent ici en étant sur la défensive car elles ont été mal reçues avant" poursuit-elle.

Une réalité qui devrait sans doute évoluer au fil du temps. La nouvelle réglementation bruxelloise aura, en tout cas, permis d’initier le changement dans certaines structures et de faire évoluer la pratique médicale sur le terrain.

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