Vatican-Chine, la prolongation de l'accord nuit à l'Église (23/10/2024)

De Riccardo Cascioli sur la NBQ :

Vatican-Chine, la prolongation de l'accord nuit à l'Église

Pékin et le Saint-Siège ont annoncé la prolongation de quatre ans de l'accord secret sur la nomination des évêques et l'administration de l'Église chinoise, signé pour la première fois en 2018. Malgré les terribles résultats obtenus, le Vatican insiste sur un semblant de dialogue qui provoque une plus grande persécution contre les catholiques chinois.

23_10_2024

Le Saint-Siège implore une certaine reconnaissance, le gouvernement chinois poursuit son chemin. C'est l'impression que l'on ressent au-delà des propos circonstanciels qui ont accompagné hier l'annonce du renouvellement pour quatre ans de l'accord secret entre la Chine et le Vatican sur la nomination des évêques et l'administration de l'Église catholique en Chine.

Le renouvellement de l'accord - signé pour la première fois en 2018 puis renouvelé pour deux ans en deux ans - était une évidence après les déclarations des derniers mois, notamment du secrétaire d'État Pietro Parolin, dans lesquelles le Saint-Siège a montré toutes les occasions possibles détermination à poursuivre la collaboration avec le régime communiste, même si le résultat est tout sauf positif. Et c'était évident après les occasions créées par le pape François de faire l'éloge de la Chine - « une promesse et une espérance pour l'Église » - et l'attitude du gouvernement de Pékin envers l'Église (« Je suis content des dialogues avec la Chine, le résultat est bon») : déclarations faites lors du  voyage de retour depuis l'Asie du Sud-Est en septembre ,

Ce qui n’était cependant pas évident, c’était la durée de l’accord. Il y a quelques mois encore, on tenait pour acquis que le troisième renouvellement serait définitif, mais la fermeture de Pékin à toute concession a provoqué un ralentissement du Saint-Siège, qui a donc proposé un nouveau renouvellement de deux ans. Le gouvernement chinois s'est ensuite relancé pour quatre ans, il semblait qu'un accord final avait été trouvé depuis trois ans mais Pékin a gagné.

On se souvient que le cardinal Parolin, le 22 mai dernier, en marge d'une conférence tenue à Rome pour commémorer le centième anniversaire du Concile de Shanghai, avait déclaré espérer que l'accord "serait amélioré sur certains points", sans toutefois préciser lesquels. Et il a également fixé l'objectif du Vatican comme étant "de pouvoir avoir une présence stable en Chine même si elle ne prend pas initialement la forme d'une représentation pontificale, d'une nonciature apostolique...". Pékin a répondu avec parcimonie à ces deux demandes.

Dire qu'il y a quelques points à améliorer est cependant un euphémisme, car si l'objectif du Saint-Siège est l'unité de l'Église chinoise et sa liberté, il faut reconnaître que six années d'accords secrets ont éloigné le objectif plutôt que de le rapprocher. Les résultats concernant les nominations des évêques (qui ont également été faites sans accords secrets) ont été médiocres : seuls neuf évêques ont été nommés en six ans, tandis que plus de 30 diocèses restent non couverts (un tiers du total). De plus, ces nominations donnaient l’impression de suivre le scénario décidé par Pékin et approuvé par le Vatican. Et à certaines occasions, le gouvernement de Pékin a également « oublié » d'avertir le Saint-Siège : le cas le plus sensationnel a été celui d'avril 2023 lorsque le régime chinois a nommé Mgr Shen Bin comme évêque de Shanghai, le déplaçant du diocèse de Haimen.

Un coup d'État difficilement digéré par les autorités du Vatican, et ce n'est qu'au bout de trois mois que le pape François a approuvé la nomination tandis que le cardinal Parolin a appelé les autorités de Pékin à "un dialogue sincère".

Mais le Vatican a en fait également accepté la nouvelle géographie des diocèses chinois décidée unilatéralement par Pékin. Deux cas ont été emblématiques en ce sens : en novembre 2022, les autorités chinoises ont nommé Mgr John Peng Weizhao comme évêque auxiliaire de Jianxi, diocèse créé par Pékin à l'insu du Saint-Siège, qui a alors dû faire preuve de courage. Et en janvier dernier, Mgr Antonio Sun Wenjun a été nommé évêque de Weifang, diocèse également créé par les autorités chinoises mais cette fois avec le consentement (obligatoire) du pape selon la géographie de l'Église chinoise décidée par le gouvernement de Pékin. Les diocèses seraient 104 au lieu des 147 circonscriptions ecclésiastiques (qui comprennent également les préfectures et les administrations ecclésiastiques) traditionnellement reconnues par le Saint-Siège.

A ces maigres résultats, tous déséquilibrés en faveur de Pékin, il faut ajouter que les accords ont produit la reconnaissance de facto de l'Association patriotique des catholiques chinois, qui est l'organisme créé et contrôlé par le Parti communiste, et dont font évidemment partie aussi les deux évêques chinois présents au Synode sur la synodalité en cours au Vatican. La reconnaissance de l'Association Patriotique et l'invitation du Vatican à y adhérer ont eu pour effet collatéral évident d'augmenter la persécution de ceux qui refusent de se soumettre au parti, ce que nous avons signalé à plusieurs reprises.

Ces derniers jours, l'Institut américain Hudson a publié un rapport qui fournit des preuves des persécutions subies par dix évêques à la suite de l'accord sino-Vatican. Dix évêques catholiques persécutés en Chine, tel est le titre du rapport édité par Nina Shea, une chercheuse de renom qui se consacre à la défense de la liberté religieuse depuis des décennies. Le rapport démontre que la situation des dix évêques examinés n'est que la pointe de l'iceberg d'une persécution qui s'est intensifiée après les accords signés avec le Vatican en 2018 et qui touche des millions de catholiques chinois.

Une persécution qui peut s'intensifier aussi grâce au silence du Saint-Siège, plus soucieux d'entretenir de bonnes relations avec Pékin que de défendre les catholiques chinois. Silence absolu également sur la situation à Hong Kong, où l'Église est soumise au contrôle croissant du régime communiste, grâce également à la nouvelle loi sur la sécurité nationale qui a déjà provoqué l'arrestation de nombreux catholiques, dont le plus célèbre est l'éditeur Jimmy. Laï. Et enfin silence aussi sur l'attitude de plus en plus agressive dans la zone Asie-Pacifique, à commencer par les vastes et répétées manœuvres militaires contre l'île de Taiwan : une menace supplémentaire pour la paix mondiale totalement ignorée dans les messages du Pape.

Enfin, il faut aussi constater à quel point cet accord corrompt le « vocabulaire » catholique. Afin de justifier la « sinisation » de l’Église imposée par le président chinois Xi Jinping, on a désormais tendance à utiliser ce mot comme synonyme d’inculturation. Terrible mystification, répétée non par hasard par l'un des évêques chinois présents au Synode, Mgr Yang Yongqiang, qui dans son discours a réitéré son adhésion « à la direction de la sinisation du catholicisme », qui n'est autre que la soumission du Église aux directives du Parti communiste. Il suffirait de lire le « Plan quinquennal pour la sinisation du catholicisme en Chine (2023-2027) », approuvé le 14 décembre par la Conférence des évêques catholiques et l'Association patriotique (les deux organismes sous le contrôle du Parti communiste ).

Un prix très cher donc payé par le Saint-Siège pour maintenir vivant un semblant de dialogue avec la Chine. Et aucun signe ne laisse penser que les choses pourraient évoluer différemment au cours des quatre prochaines années.

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