Quand un assistant aux FUNDP (Namur) nous adresse un courrier (29/05/2012)

Nous avions signalé (19/04/2012) la publication, dans la Libre, d'une opinion signée par un assistant des FUNDP consacrée au respect de la vie : quand un assistant aux fundp namur defend le droit a l'avortement

L'auteur réagit à notre publication et nous adresse le courrier suivant que nous publions avec son autorisation. Cette publication, puisqu'il en appelle au dialogue, ne manquera pas de susciter des commentaires et des réactions (controverse-avec-un-assistant-des-facultes-notre-dame-de-...) :

"Madame, Monsieur,

Permettez à un modeste observateur de formuler quelques remarques sur votre blog à l'occasion de la lecture amusante, dont j'ai pu faire l'expérience, de propos qui me concernent. Je suis effectivement cet assistant aux FUNDP qui ne défend pas le moins du monde la liberté d'avorter, mais que des lecteurs rapides, non suffisamment instruits, et surtout un peu trop endoctrinés, ont considérés à tort comme: un anti-catho, pro-avortement, mauvais opinioneur, planteur de patates, et j'en passe... Amusant n'est-ce pas? D'abord un commentaire sur votre blog qui - nouvelle technologie le permettant - permet à un microcosme belgico-catholique de se former. Qu'y trouve-t-on? Un relai filtrant très efficace d'informations émanant de l'actualité, et des commentaires prenant la forme de prêches tournant en rond. Rien de plus facile en effet que de prêcher pour sa chapelle auprès d'autres membres de celle-ci. Mais qu'en est-il par contre du courage - pourtant inhérent aux pionniers de votre belle religion - de prêcher ailleurs? Ce blog est un exemple de ce qui risque - comme d'autres lieux de rassemblement de sa catégorie - de rejoindre les catacombes de notre mémoire collective... qu'il a lui même creusées. Un tel lieu d'échanges pourrait pourtant être à l'opposé un lieu de ressourcement, où ses membres les plus fervents puiseraient le courage d'affirmer leurs opinions, d'animer une véritable discussion, d'aller jusqu'au bout d'une réflexion. Point de tout cela ici me semble-t-il.

La liste de commentaires ayant pour titre "Quand un assistant aux FUNDP Namur défend la liberté d'avorter..." émane d'une mauvaise lecture de l'opinion personnelle (la maladresse du journaliste qui, à mon insu, transforme ma signature soulève un autre débat!) que j'ai essayé - bien maladroitement - de formuler. Lorsque j'affirme que "toutes ces vies n'ont rien de sacré en elles-mêmes", les lecteurs catholiques pressés sont offusqués: pardon? "rien de sacré"! mais où va-t-on? quel est ce petit assistant d'une si noble Université qui ose toucher au sacré? Et le sentimentalisme religieux de se réveiller, faisant montre ici d'un ventriloquisme intéressant: faire parler un foetus! Evidemment, si j'avais du attendre qu'un foetus aie eu le courage de m'adresser ses objections à mon opinion, j'aurais pu encore attendre. Faire parler un foetus après avoir accompli un acte de transfert inouï, faisant de cet être le réceptacle de principes sacrés. Désolé, mais cela n'est pas la vie du foetus, mais bien celle d'une catho qui projette autour d'elle la chape de valeurs ancestrales dont elle a elle-même été le réceptacle. J'ai écrit le "en elles-mêmes" pour souligner que ces vies en elles-mêmes n'ont rien de sacré, mais certainement pas qu'il n'y a rien de sacré! Le sacré est à retrouver sans cesse dans l'expérience de choisir. Choisir d'aimer ou de ne pas aimer, de donner, de recevoir: c'est au coeur que ces expériences que nous pouvons découvrir le sacré pour ensuite mieux comprendre ce qui s'est dit il y a un peu plus de 2000 ans en Palestine. De nombreux catholiques font l'inverse: ils apprennent et adorent les paroles de Jésus et des prophètes, et ils essaient ensuite - vainement - de l'appliquer pour y faire l'expérience de l'amour et du don! Insensé... Faites l'expérience d'aimer (cela demande du courage!), ensuite vous comprendrez ces paroles "sacrées".

Je suis catholique et croyant, mais ma foi ne se confond pas plus avec celle des autorités de l'Eglise qu'avec celle des laïcs moralisateurs. Je cherche à être un croyant vivant, qui n'attend pas de grâce, qui ne fait pas ce que la loi divine lui dicte de faire, mais qui tente de faire l'expérience d'un pouvoir humain très particulier: celui de la liberté. "Liberté", encore un mot avalé de travers! Oups, désolé. A force de ne plus y réfléchir, il est vrai que l'on a pris l'habitude de réduite la "liberté" à l'égoïsme et d'en faire un absolu. De nombreux catholiques pensent devoir partir en croisade contre la liberté sacralisée par les mécréants qui, de nos jours, écrasent de leur pouvoir économique les "vraies" valeurs religieuses. Encore une mauvaise interprétation! Vivre, c'est-à-dire pouvoir légiférer, signifie "être libre" dans le sens non superficiel du terme: être autonome. Mon avis - qui n'attend qu'à être discuté avec des interlocuteurs suffisamment ouverts - est que l'être humain peut découvrir par lui-même le pouvoir d'aimer qui est apte à le faire vivre. Mais cela ne va pas de soi, et dicter à l'humain l'impératif d'aimer, c'est le rabaisser! Soyons concrets et prenons des exemples. Pensez à ces femmes qui portent un enfant qu'elles n'ont pas désiré, auquel elles n'ont pas "donné" la "vie". Pensons encore à ces couples qui attendent un enfant vis-à-vis duquel les médecins diagnostiquent des déficiences physiques et mentales très graves. Armez-vous de vos bonnes intentions, de votre prêche pour la sacralité de la vie, et dites à cette femme "aime ton enfant comme toi-même" (elle ne s'aime déjà probablement plus elle-même!)... n'est-ce pas plutôt l'aimer d'avantage que de la laisser vivre (et renaître) sans cet enfant qui - de son point de vue - n'est pas d'elle? Qui peut décider sinon elle? Qui peut aimer à sa place? Qui peut lui imposer d'aimer? Et à ce couple, quel idéal de vie présenterez-vous? Quels beaux principes défendrez-vous et quelles belles paroles de la Bible interposerez-vous entre leur souffrance et l'amour qui anime leur décision de ne pas garder l'enfant? Donner c'est parfois dire non, et c'est toujours possiblement de l'amour. Qui jugera du contraire? A moins de renouveler votre foi, c'est-à-dire à moins de que vous arrêtiez d'aimer parce que vous obéissez à un commandement, votre religion ne risque pas d'être signe de vie! Vivre c'est choisir, si choisir c'est pouvoir aimer: chacun de nous peut découvrir son pouvoir d'aimer, mais à condition qu'il soit libre, c'est-à-dire autonome. Alors la parole de von Foerster - ce scientifique qui ose se mêler d'éthique! - prendra sens: augmenter les choix, c'est-à-dire pouvoir continuer toujours plus à exercer sa liberté de se donner comme devoir d'aimer... Merci à vous si vous avez le courage de publier cette réponse qui n'attend que la relance de votre discussion... à condition qu'elle soit un partage et non un "mur".

Bien cordialement, Nathanaël Laurent"

 

Docteur en sciences biomédicales

 

Assistant en philosophie, chercheur au centre ESPHIN et chargé de cours FUNDP

 

Département de Sciences, Philosophies et Sociétés - Faculté des sciences des FUNDP

 

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