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Controverse avec un assistant des Facultés Notre-Dame de la Paix au sujet de l'avortement

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Un ami, Ludovic Werpin, reprend les termes (en italiques) de la lettre de Nathanaël Laurent,  http://www.belgicatho.be/archive/2012/05/29/quandun-assistant-aux-fundp-namur-nous-adresse-un-courrier.html  publiée sur ce blog et en fait le commentaire (en gras) :

Madame, Monsieur,

Permettez à un modeste observateur de formuler quelques remarques sur votre blog à l'occasion de la lecture amusante, dont j'ai pu faire l'expérience, de propos qui me concernent. Je suis effectivement cet assistant aux FUNDP qui ne défend pas le moins du monde la liberté d'avorter, mais que des lecteurs rapides, non suffisamment instruits (M. Laurent, faut-il vous envoyer nos CV et vous montrer nos bibliothèques ? ), et surtout un peu trop endoctrinés (cela signifie ne pas être en accord avec votre opinion qui, bien sûr, ne repose sur aucun préjugé ) ont considéré à tort comme: un anti-catho (oui, il y a de l’anti-catho dans des positions comme la vôtre), pro-avortement, mauvais opinioneur, planteur de patates, et j'en passe... Amusant n'est-ce pas? (non, il n’y a rien de moins amusant qu’une discussion sur ce sujet) D'abord un commentaire sur votre blog qui - nouvelle technologie le permettant - permet à un microcosme belgico-catholique de se former. Qu'y trouve-t-on? Un relai filtrant très efficace d'informations émanant de l'actualité, et des commentaires prenant la forme de prêches tournant en rond. Rien de plus facile en effet que de prêcher pour sa chapelle auprès d'autres membres de celle-ci. Mais qu'en est-il par contre du courage - pourtant inhérent aux pionniers de votre belle religion (« votre religion » ; plus loin, vous vous dites catholique, est-ce la vôtre aussi ?) - de prêcher ailleurs? Ce blog est un exemple de ce qui risque - comme d'autres lieux de rassemblement de sa catégorie - de rejoindre les catacombes de notre mémoire collective... qu'il a lui même creusées. Un tel lieu d'échanges pourrait pourtant être à l'opposé un lieu de ressourcement, où ses membres les plus fervents puiseraient le courage d'affirmer leurs opinions, d'animer une véritable discussion, d'aller jusqu'au bout d'une réflexion. Point de tout cela ici me semble-t-il. (Il est clair que l’assistant n’a jamais suivi les nombreuses interventions de contradicteurs qui ont eu sur Belgicatho largement la parole) (...)

Faire parler un foetus après avoir accompli un acte de transfert inouï, faisant de cet être le réceptacle de principes sacrés. Désolé, mais cela n'est pas la vie du foetus, mais bien celle d'une catho qui projette autour d'elle la chape de valeurs ancestrales dont elle a elle-même été le réceptacle. J'ai écrit le "en elles-mêmes" pour souligner que ces vies en elles-mêmes n'ont rien de sacré, mais certainement pas qu'il n'y a rien de sacré! Le sacré est à retrouver sans cesse dans l'expérience de choisir. Non, justement le sacré n’a rien avoir avec l’expérience de choisir ;  pour citer Émile Durkheim « Les choses sacrées sont celles que les interdits protègent et isolent, et les choses profanes étant celles auxquelles ces interdits s'appliquent et qui doivent rester à l'écart des premières. L'opposition entre Sacré et Profane est l'essence du fait religieux. » 

Le sacré désigne ce qui est mis en dehors des choses ordinaires, banales, communes ; il s'oppose essentiellement au profane, mais aussi à l'utilitaire et l’avortement est souvent de l’ordre de l’utilitaire. (…)

Je suis catholique et croyant, mais ma foi ne se confond pas plus avec celle des autorités de l'Eglise (Pourtant justement le catholicisme est une aspiration à l'unité de la foi en communion avec le pape, les évêques et la doctrine de l’Eglise) qu'avec celle des laïcs moralisateurs (il n’est pas question de "moraliser" au sens où vous l'entendez, mais de concevoir la vie comme un don de Dieu). Je cherche à être un croyant vivant (alléluia), qui n'attend pas de grâce (dommage), qui ne fait pas ce que la loi divine lui dicte de faire, mais qui tente de faire l'expérience d'un pouvoir humain très particulier: celui de la liberté. "Liberté", encore un mot avalé de travers! Oups, désolé. (M. Laurent, lisez "Le maître de la terre" à propos de cette fameuse liberté : http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/HughBenson/MaitreTerre.html) (…)

Pensez à ces femmes qui portent un enfant qu'elles n'ont pas désiré, auquel elles n'ont pas "donné" la "vie". Pensons encore à ces couples qui attendent un enfant vis-à-vis duquel les médecins diagnostiquent des déficiences physiques et mentales très graves. Armez-vous de vos bonnes intentions, de votre prêche pour la sacralité de la vie, et dites à cette femme "aime ton enfant comme toi-même" (elle ne s'aime déjà probablement plus elle-même!)... n'est-ce pas plutôt l'aimer d'avantage que de la laisser vivre (et renaître) sans cet enfant qui - de son point de vue - n'est pas d'elle? Qui peut décider sinon elle? Qui peut aimer à sa place? Qui peut lui imposer d'aimer? Et à ce couple, quel idéal de vie présenterez-vous? Quels beaux principes défendrez-vous et quelles belles paroles de la Bible interposerez-vous entre leur souffrance et l'amour qui anime leur décision de ne pas garder l'enfant?

(C’est là le cœur du problème, il s’agit d’appliquer et respecter ces principes sacrés ; de tout mettre en place politiquement pour aider ces femmes et ces familles en souffrance, pour que revienne une culture de la vie ; travaillons-y ensemble ; cela devrait être une priorité politique)

Donner c'est parfois dire non, et c'est toujours possiblement de l'amour. Qui jugera du contraire? (La charité est l'une des trois vertus théologales ; c'est la vertu reine des vertus : l'amour de Dieu et du prochain -et il me semble qu’un fœtus c’est justement son prochain ; la charité est désintéressée et dictée par la foi). A moins de renouveler votre foi, c'est-à-dire à moins que vous arrêtiez d'aimer parce que vous obéissez à un commandement (j’aime parce que le Père est la source de tout amour, grâce à Dieu, j’en ai fait l’expérience et je vous la souhaite aussi cette expérience), votre religion ne risque pas d'être signe de vie! (arrêtez M. Laurent avec vos stéréotypes sur le dogmatisme, l’obscurantisme, l’enjeu est trop important ; et si nous obéissons à Dieu c’est parce que nous lui accordons une certaine autorité, pas vous ?). Vivre c'est choisir, si choisir c'est pouvoir aimer: chacun de nous peut découvrir son pouvoir d'aimer, mais à condition qu'il soit libre, c'est-à-dire autonome. Alors la parole de von Foerster - ce scientifique qui ose se mêler d'éthique! - prendra sens: augmenter les choix, c'est-à-dire pouvoir continuer toujours plus à exercer sa liberté de se donner comme devoir d'aimer... Merci à vous si vous avez le courage de publier cette réponse qui n'attend que la relance de votre discussion... à condition qu'elle soit un partage et non un "mur". (C’est l’idéologie post-moderne qui trop souvent est un mur.)

Dans l’encyclique Evangelium vitae, (même si citer une encyclique n’a certainement aucune valeur pour vous, pourtant catholique) il est rappelé que pour l'Église, l'avortement est un meurtre délibéré et direct, particulièrement abominable parce que « Celui qui est supprimé est un être humain qui commence à vivre, c'est-à-dire l'être qui est, dans l'absolu, le plus innocent qu'on puisse imaginer: jamais il ne pourrait être considéré comme un agresseur, encore moins un agresseur injuste! Il est faible, sans défense, au point d'être privé même du plus infime moyen de défense, celui de la force implorante des gémissements et des pleurs du nouveau-né.

Le droit à la vie quelle "vie" ?

Nous avons à nouveau assisté dernièrement à l’insatiable débat entre opposants et défenseurs vis-à-vis de la légalisation de l’avortement, et ce tout simplement au nom de la vie. Ce qui fait débat revient en effet à ceci : soit on protège la vie de l’enfant à venir, soit on protège la vie de la femme qui porte ce fœtus en elle.


La prémisse est fausse ; ce qui fait débat se formule plutôt : « soit on protège la vie de l’enfant à venir, soit on protège le confort de la femme qui porte ce fœtus en elle »


Face un tel dilemme - récurrent en matière de bioéthique - peut-on continuer à donne un sens unique au terme "vie" ? La vie d’enfants à naître n’a pas le même sens que la vie des femmes qui portent ces fœtus (c’est vous qui l’avez décidé ?). (…)

La vie de femmes portant en elles un fœtus a acquis quant à elle la dimension humaine conférée par la parole, la pensée (l’intelligence) et la capacité à prendre des décisions. Ici, la vie organique et la vie psycho-sociale forment une nouvelle symbiose conférant à l’individu le statut de personne.


Dès les premiers temps, les Pères de l'Église sont unanimes dans le refus de l'avortement, en opposition en cela avec les mœurs libres de la Rome antique. La notion de vie psycho-sociale est un concept sûrement pragmatique mais très récent. Pour le chrétien, il y a continuité dans le développement de la personne depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle et cet être humain, cette personne, a même une âme, vous vous rendez-compte, Monsieur l’assistant Laurent ? La vie est un don de Dieu quand bien même nous pourrions discuter du développement de celle-ci, de ces limites avec la matière inerte et même si vous voulez des virus et des prions).


Dans une société comme la nôtre, nous reconnaissons une liberté à chaque personne. Pour les premiers, le droit à la vie ne peut concerner le fait de la vie organique (dont les lois nous échappent), mais seulement l’anticipation d’une vie psycho-sociale. (Encore une fois nous n’avons pas la même conception de la personne humaine)


Pour les secondes, le droit à la vie implique directement le droit de décider librement que faire pour soi-même (l’avortement ne concerne pas que la mère elle-même mais une autre personne aussi), et inclut donc le droit à l’avortement (rappel : il n’y a pas de droit à l’avortement mais une dépénalisation de celui-ci dans certains cas). La continuité manifeste d’une vie (fœtale) à l’autre (personne humaine) a abouti au compromis que nous connaissons bien aujourd’hui et qui donne en partie raison aux deux vies : l’enfant remporte son droit au devenir dès qu’il atteint l’âge de 13 semaines (faire passer la vie fœtale du côté du profane et la vie psycho-sociale de la mère comme plus importante relève de la plus haute subjectivité ; dans d’autres pays le délais est beaucoup plus long que 13 semaine avec des paradoxes comme le fait que l’on « sauve », avec les plus grands moyens de la médecine, des grands prématurés qui auraient été largement dans la période d’un avortement toléré ; dans tous les domaines éthiques c’est cette subjectivité, ce recul du sacré qui pose problème aujourd’hui et qui in fine est le grand drame de la société post-moderne), et la femme gagne quant à elle "son droit à la vie" ("droit à la vie" car il s’agit d’un droit au confort et non à la vie – les cas où la vie de la mère est en danger représentent un infime pourcentage des avortements et il faut alors évidemment tout faire pour sauver la mère) dès que "son" fœtus n’a pas atteint cette limite. Mais un système politique (donc humain) peut-il décider quelle vie est humaine ou ne l’est pas ? Telle est la question centrale (et ancestrale) qui, à bien y regarder, accouche déjà par elle-même d’une réponse : de par leur contenu arbitraire, les lois humaines rendent compte du fait que les êtres humains possèdent la capacité de poser des choix ; j’entends ici la capacité de choisir librement ce qu’ils doivent ou non faire. Rendez-vous compte qu’une telle capacité concerne bel et bien des d’êtres vivants : vous et moi ! Quel biologiste actuel oserait affirmer qu’un tel trait de caractère est inscrit dans nos gènes ? Revendiquant notamment une détermination épigénétique, les biologistes ouvrent aujourd’hui les portes d’une complexité aux confins de laquelle nous voyons poindre notre liberté d’agir. (Bien heureusement que Dieu nous a laissé libres d’agir et que cette liberté n’est pas remise en question par la science quoi qu’en disent certains néo-positivistes). Des confins inatteignables ? Laissons cette question pour un prochain débat passionnant et tentons plutôt de conclure. A la vie du fœtus et à la vie de la femme qui le porte, il faut donc encore ajouter la vie des choix politiques et juridiques. Toutes ces vies ont en commun de n’avoir rien de sacré en elles-mêmes, n’en déplaise aux opposants à l’avortement. (C’est la pointe de votre raisonnement et de votre erreur logique de premier ordre, par assimilation).  Revendiquer, comme le fait M. Ghins (LLB, 25/03), " une culture de la vie " misant sur l’amour et le don, ne peut certainement pas consister en la recherche de principes absolus nous dictant une manière d’agir. (Pour vous, la liberté de choix devient le principe absolu ; vous refusez tout dogme mais votre parole individuelle (même si elle est partagée aujourd’hui par beaucoup) est plus dogmatique qu’un dogme).

Cela revient uniquement à souligner l’importance des choix qui nous permettent de vivre : la "possibilité" d’aimer et de se laisser aimer, la "possibilité" de donner et de recevoir. Si vivre consiste pour chaque être humain à poser des choix et, ce faisant, à légiférer, alors il ne nous reste plus qu’à naître en suivant par exemple l’impératif éthique énoncé en 1973 par le physicien et biologiste Heinz von Foerster : " Agis toujours de manière à augmenter le nombre de choix ." Autrement dit, pour vivre, agissons toujours de telle sorte que nous puissions encore légiférer. (Bien sûr et le choix de légiférer et d’œuvrer concrètement dans le sens d’une culture de la vie me semble le plus chrétien.)

Commentaires

  • La liberté limitée à la seule capacité de choisir, telle que la postule M.Laurent, est plus qu'infernale. Dire de l'homme qu'il est libre, c'est dire qu'il est non seulement capable de faire ou non ceci ou cela mais au contraire qu'il est à même d'assumer librement les responsabilités que lui impose cette capacité de choix. Ici j'entends par exemple l'impératif de répondre de sa vie (la vie qu'il n'a d'ailleurs ni choisie, ni réclamée à personne, car don de Dieu) et de celle de l'autre, fût-ce à son innocence fœtale, prénatale, ou à sa vie 'psychosociale' pour reprendre la même expression que ce Laurent. Refuser la "personnalité" au fœtus relève simplement de la négation même de la dignité de ces mères dont nos contemporains se disent défenseurs de liberté. Ce qui est une marche à l'envers! Légiférer une loi 'anti-vie' (pro-avortement) est un refus irrémédiable de la source de la vie humaine: c'est le refus de Dieu.

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