"Quand ils sortirent de l'ombre..." (27/03/2021)

Un excellent commentaire de Paul Vaute, expert en la matière, à propos de l'éditorial de Vincent Delcorps paru dans Dimanche et sur Cathobel (voir ICI) :

L'éditorial du rédacteur en chef de Cathobel est d'abord insolite, ensuite consternant à bien des égards. Insolite par ce qu'il nous dit du statut actuel d'un média organiquement lié à l'Eglise. On pourrait s'attendre à ce qu'il s'en tienne à diffuser de l'information. Or, il s'octroie une ligne d'engagement, du reste absolument inutile puisque c'est la même que celle de tous les médias mainstream.

Sur le fond, l'auteur fait-il de l'humour (in)volontaire quand il affirme que tout le monde devrait se réjouir d'avoir vu nos évêques sortir du bois ? Dans cette logique, l'important ne serait pas ce que les gens disent mais le fait qu'ils parlent!

Par la suite, cette saillie mérite aussi de retenir l'attention: "Les moins nombreux ne furent sans doute pas les moins bruyants". Très drôle, quand pendant une semaine on n'a pratiquement entendu, en presse écrite, en radio, en TV... que le "bruit" des adversaires de la mise au point romaine. Et sans aucune équité (y compris sur Cathobel) dans le traitement réservé aux partisans et aux adversaires. Quant à l'argument du nombre que sous-entend le propos, les chrétiens devraient être les premiers à s'en défier. Le vendredi de la Passion, les sondages d'opinion auraient été des plus défavorables au Christ... Et ses apôtres ne se bousculaient pas pour aller à contre-courant.

Mais il y a plus grave encore quand la nouvelle tête pensante de Cathobel nous assène ceci: "L’histoire nous montre que même dans l’Eglise, la vérité d’hier peut ne pas être celle du lendemain. Et que la réalité d’ici peut ne pas être celle de là-bas". Cette théo-chrono-logie, a dire vrai très répandue, constitue typiquement une généralisation abusive. Il y a dans la foi catholique et dans la morale en harmonie avec elle des enseignements secondaires, qui peuvent effectivement connaître des changements, et d'autres absolument nécessaires, qui ne peuvent que demeurer, au besoin contre vents et marées ("In necessariis unitas, in dubiis libertas..."). L'Eglise a cessé de condamner le prêt à intérêt à partir du début du XIXè siècle, non pas parce que sa morale avait changé, mais parce qu'une économie industrielle en croissance se développait à côté de l'économie rurale statique. En revanche, on ne voit pas quelle transformation dans les identités spécifiques de l'homme et de la femme et leur complémentarité (mot obscène pour la bien-pensance actuelle, mais je m'en f...) pourrait justifier qu'une autre conception du mariage soit prônée (ceci, faut-il encore le répéter, allant de pair avec le plus grand accueil fraternel envers les personnes et le refus de s'ériger en juge ultime de leur conscience). M. Delcorps risque d'être très déçu s'il espère qu'un jour l'Eglise dise autre chose que les Ecritures saintes (Rm 1, 24-27; 1 Cor 6, 10; 1 Tm 1, 10) et toutes les voix catholiques autorisées depuis saint Polycarpe et saint Justin jusqu'aux récents synodes sur la famille.

Moi qui ait été témoin avec douleur, il y a trente ans et plus, du retournement de nombreux milieux chrétiens sur la question de l'avortement, combien de fois n'ai-je pas essayé de leur rappeler que dans le plus ancien des catéchismes chrétiens, le "Didachè" (fin du Ier siècle - début du IIè!), il est prescrit que "tu ne tueras point d'enfant par avortement et tu ne le feras point mourir après sa naissance". Entre cet enseignement et celui des Papes actuels, y compris François, il n'y a pas matière à glisser la moindre épaisseur d'une feuille de cigarette.

Enfin, à ceux qui sont heureux de voir, dans certains diocèses, "bénir" des unions homosexuelles, je demande ceci: ont-ils encore le moindre argument à opposer à ceux qui souhaiteraient "bénir" l'adoption d'enfants par des couples homosexuels ou enseigner, à leurs enfants et à leurs petits-enfants, à un moment décisif de leur vie et de leur définition sexuelle, qu'être homo ou hétéro, c'est pareil ? A moins, bien sûr, qu'ils ne se réjouissent de ces perspectives. Et dans ce cas, "farewell"!

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