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  • Chine : une nouvelle révolution culturelle antireligieuse ?

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    De Bitterwinter.org :

    Nouvelle révolution culturelle : interdit de parler religion

    Tous les mots qui pourraient renvoyer à la religion sont supprimés et remplacés par la propagande laïque du Parti en Chine, alors que le régime poursuit ses mesures défensives pour « assurer la stabilité ».

    Depuis l’année dernière, le PCC a démantelé un grand nombre de croix ainsi que d’autres symboles religieux dans les lieux publics et les domiciles des croyants sur toute l’étendue du territoire. Le Parti communiste chinois (PCC) interdit et enlève également les enseignes et les noms à connotation religieuse sur les immeubles ou les commerces. Les symboles liés à l’islam sont démantelés au nom de la lutte contre « la propagation du halal », les caractères chinois signifiant « Bouddha » ou « bouddhisme » sont effacés des magasins ou d’autres lieux, et les propriétaires d’entreprises sont obligés de cacher les enseignes qui portent des noms à connotation chrétienne, tels que « Alléluia » ou « grâce ».

    La répression prend de plus en plus de l’ampleur, et cette purge du langage « antipatriotique » rappelle la révolution culturelle à certains observateurs. Les exemples sont légion.

    En novembre 2018, les autorités du comté de Sunwu, sous la juridiction de la ville de Heihe, dans la province du Heilongjiang située au nord-est de la Chine, ont ordonné aux responsables de la maternelle de Tianci d’enlever le mot tianci de son enseigne. (Tianci signifie littéralement « don du ciel » ou « accordé du ciel »).

    Le mot tianci a été enlevé de l’enseigne de la maternelle de Tianci.
    Le mot tianci a été enlevé de l’enseigne de la maternelle de Tianci(Fourni par une source interne)

    « Le mot tianci se rapporte à la croyance religieuse », a déclaré un agent de l’État local. « Avoir ce mot accroché à l’enseigne de la maternelle facilite l’endoctrinement des enfants au travers de la foi ». Il a ordonné au directeur de la maternelle de l’enlever ou il devra s’exposer à une fermeture de l’école.

     

    La maternelle de Shentong du district de Jiguan, dans la ville de Jixi, province du Heilongjiang, a connu une situation similaire. Le mot shentong signifie « enfant prodige », mais le premier caractère chinois shen en lui-même signifie « dieu » ou « divinité ». Les autorités ont ordonné que l’enseigne soit enlevée ou que l’école ne soit pas autorisée à inscrire des enfants. Ainsi, la maternelle a changé son nom en « Golden Flower Bud Full-Brain Education Kindergarten ».

    La maternelle de Shentong a changé son nom en « Golden Flower Bud Full-Brain Education Kindergarten ».
    La maternelle de Shentong a changé son nom en « Golden Flower Bud Full-Brain Education Kindergarten ».

    Une église des Trois-Autonomies de la ville de Huaibei, dans la province de l’Anhui située à l’est de la Chine, a reçu l’ordre d’enlever les caractères chinois Shen ai shi shi ren, qui signifient « Dieu aime le monde », de son entrée. À ce moment-là, un agent du Bureau local des affaires religieuses a déclaré : « Si Dieu aime le monde, cela veut-il dire que le Parti communiste n’aime pas le monde ? »

    Slogans politiques du Parti affichés de chaque côté de l’entrée d’une église de la ville de Huaibei.
    Slogans politiques du Parti affichés de chaque côté de l’entrée d’une église de la ville de Huaibei.

    Quelques mois plus tard, le responsable de l’église a inscrit les mots « ai guo ai jiao, rong Shen yi ren » (« Aime ton pays, aime ta religion ; honore Dieu et rends-toi utile au peuple ») à l’entrée. Il pensait que cela serait conforme à l’exigence du mouvement patriotique des Trois-Autonomies selon lequel l’« amour du pays passe avant l’amour de la religion ». Cependant, il semble que des phrases telles que « aime ta religion » et « honore Dieu » étaient inacceptables.

    « Les huit caractères chinois signifiant “Aime ton pays, aime ta religion, honore Dieu et rends-toi utile au peuple” doivent être supprimés », ont ordonné les agents du Bureau local des affaires religieuses lors d’une visite d’inspection de l’église en novembre dernier. « Vous ne pouvez écrire que sur le Parti communiste ».

    Le responsable de l’église s’y est conformé. Peu de temps après, des agents du Bureau des affaires religieuses sont revenus et ont accroché leur propre enseigne vantant les « valeurs socialistes fondamentales ».

    Cinq églises des Trois-Autonomies du district de Guichi, dans la ville de Chizhou, province de l’Anhui, ont été victimes d’un traitement similaire. Fin octobre 2018, les autorités ont enlevé les enseignes sur lesquelles on pouvait lire « Vraie église de Jésus », « Gospel Hall » et « Gratitude Hall » à l’entrée de ces bâtiments.

    Mots religieux enlevés de cette église de la ville de Chizhou.
    Mots religieux enlevés de cette église de la ville de Chizhou. (Fourni par une source interne)

    La répression contre les enseignes des magasins qui vendent des produits bouddhistes traditionnels se poursuit.

    Le magasin d’artisanat bouddhiste aux couleurs vives situé dans la ville de Muling, province du Heilongjiang, a plus de 20 ans d’existence et est enregistré au Bureau de l’industrie et du commerce depuis de nombreuses années. En décembre, les autorités locales ont ordonné au propriétaire d’enlever le caractère Fo, qui signifie « Bouddha » ou « bouddhiste », de l’enseigne du magasin parce que ce mot est chargé de connotations religieuses. La propriétaire du magasin, une septuagénaire, a dû dépenser son propre argent pour embaucher un ouvrier chargé d’enlever le caractère.

    Le caractère Fo retiré de l’enseigne et de la porte du magasin d’artisanat bouddhiste aux couleurs vives.
    Le caractère Fo retiré de l’enseigne et de la porte du magasin d’artisanat bouddhiste aux couleurs vives.

    « Depuis que le caractère Fo a été enlevé, beaucoup de clients ne retrouvent plus mon magasin. Les affaires ont été sévèrement affectées », a déclaré la propriétaire du magasin.

    Les agents du Bureau local des affaires religieuses ont également ordonné que le caractère Fo soit enlevé du Shanyuan Hall et du magasin de produits bouddhiste prometteur de la ville de Muling. Le propriétaire du Bouddha prometteur a dépensé 400 RMB (environ 52 €) pour changer le nom du magasin en magasin d’artisanat prometteur

    Le magasin de produits bouddhiste a changé de nom pour magasin d’artisanat prometteur ; le caractère Fo a été enlevé de sa porte.
    Le magasin de produits bouddhiste a changé de nom pour magasin d’artisanat prometteur ; le caractère Fo a été enlevé de sa porte.

    « Ils [le gouvernement] ont souligné que le caractère Fo inscrit sur notre enseigne porte des connotations religieuses et doit être enlevé. Ils ont ajouté qu’il s’agissait d’un ordre émis par les autorités centrales et que tout le monde devait agir en conséquence », a révélé le propriétaire d’un autre magasin bouddhiste, qui a souhaité garder l’anonymat.

    Caractères enlevés des enseignes des magasins locaux de produits bouddhistes.
    Caractères enlevés des enseignes des magasins locaux de produits bouddhistes.

    Le 14 décembre, les autorités de la ville de Suifenhe, province du Heilongjiang, ont invoqué les règlements de gestion du paysage urbain et de l’environnement lorsqu’elles ont ordonné le retrait des enseignes dont les caractères sont non agréés ou non conformes aux normes. Un délai de trois jours a été accordé aux propriétaires de magasins pour se conformer à la loi, faute de quoi leurs magasins seraient fermés. L’un des magasins bouddhistes de la ville, Pavillon Wanfa, a très vite reçu un ordre de « correction » de la part du gouvernement. (Wanfa est un terme bouddhiste qui signifie grosso modo « myriade de phénomènes » ou « toute chose ».)

    Avis de l’ordre de correction, en faveur du magasin de marchandises bouddhistes.
    Avis de l’ordre de correction émis par le Bureau de l’administration des affaires urbaines de la ville de Suifenhe, province du Heilongjiang, en faveur du magasin de marchandises bouddhistes « Pavillon Wanfa ». (Fourni par une source interne)

    Au moins huit magasins de produits bouddhistes de la ville ont dû enlever des mots de leurs enseignes. Certains ont subi des pertes de près de 10 000 RMB (environ 1 300 €).

    « Notre magasin fait des affaires depuis des années, et nous avons une licence légale. Le gouvernement nous accuse à dessein », s’est plaint un propriétaire de magasin.

    « Étant donné que vous êtes sous la direction du Parti communiste, vous ne pouvez en aucun cas promouvoir la religion », a déclaré un agent de l’État. « Vous devez chanter les louanges du Parti communiste et dresser des portraits de Mao Zedong et de Xi Jinping. Rien d’autre n’est autorisé ».

    Certains religieux pensent que ce retrait des mots liés à la foi est beaucoup plus qu’une simple question de caractères sur les enseignes. Il s’agit en fait d’une lutte idéologique. Les autorités cherchent à effacer tous les symboles et logos liés à la religion pour s’assurer que leur idéologie communiste et athée règne en maître.

    Reportage : Zhou Hua

  • Chine : les mots religieux sont proscrits des manuels scolaires

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    Du site des missions étrangères de Paris :

    Sinisation : les mots religieux proscrits des manuels scolaires destinés à l’école primaire

    02/08/2019

    La sinisation des religions continue d’être défendue par le Parti communiste chinois, afin de correspondre aux directives lancées par le président Xi Jinping en 2015. Selon ces directives, pour pouvoir exister dans le pays, les religions doivent s’adapter à la culture chinoise et se soumettre au Parti. Une tendance qui conduit à certaines censures dans l’éducation, comme l’attestent certaines modifications de textes classiques contenus dans un manuel scolaire paru au début de l’année. Des mots comme « Dieu », « Bible » ou « Christ » ont ainsi été retirés d’extraits de Hans Christian Andersen, Daniel Defoe, Anton Chekhov, Tolstoï ou Victor Hugo, supprimant toute référence religieuse.

    Des mots comme « Dieu », « Bible » ou « Christ » ont été effacés d’un manuel scolaire utilisé par des enfants d’école primaire. Dans une tentative de dissuader l’adhésion aux religions (et en particulier au christianisme), et de renforcer la sinisation des religions dans le pays, ces mots ont même été censurés dans les romans d’auteurs étrangers. Au début de l’année, les Éditeurs de l’Éducation Populaire, liés au gouvernement, ont publié un manuel scolaire pour les élèves de CM2, contenant quatre extraits d’auteurs étrangers et d’autres textes issus d’auteurs classiques chinois. Selon le ministère chinois de l’Éducation, le manuel est destiné à permettre aux élèves de comprendre d’autres cultures. Pourtant, les extraits en question ont été modifiés afin de correspondre à la volonté du Parti communiste chinois de réprimer toute référence religieuse.

    Ainsi, dans l’histoire de La petite fille aux allumettes, de Hans Christian Andersen, la grand-mère défunte de l’enfant lui apparaît dans une vision pour lui dire : « Quand on voit filer une étoile, c’est une âme qui monte vers Dieu. » Dans la version « chinoise », la grand-mère dit à l’enfant : « Quand on voit filer une étoile, c’est qu’une personne quitte ce monde. » Un extrait de Robinson Crusoé, de Daniel Defoe, a également été censuré. Naufragé sur une île déserte, le protagoniste parvient à trouver trois copies de la Bible parmi les restes du naufrage. La nouvelle version modifiée élimine le mot « Bible » et raconte que Crusoé a retrouvé « quelques livres » dans les restes du navire. Un passage a également été éliminé d’un extrait de Vanka, une nouvelle d’Anton Chekhov. Le passage en question représentait une prière dans une église, et le mot « Christ » a été effacé partout. Ce type de censure s’est répandue dans l’éducation chinoise, à plusieurs niveaux, y compris à l’université où certains enseignants condamnent et confisquent les classiques contenant des mots religieux. Cela concerne des œuvres comme Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, Résurrection de Léon Tolstoï, Notre-Dame de Paris de Victor Hugo…

    Toutes ces censures répondent aux directives lancées par le président Xi Jinping en 2015, selon lesquelles les religions, afin de pouvoir exister en Chine, doivent s’assimiler à la culture chinoise et se soumettre au Parti communiste. Leur sinisation consiste donc à exalter le patriotisme national contre les religions « étrangères » comme le christianisme. Selon les observateurs, cette campagne contre le christianisme est due aux craintes que la Chine devienne « le pays le plus chrétien au monde » d’ici 2030, comme l’ont prédit certains sociologues comme Fenggang Yang. Pour les critiques, la sinisation sert également de boucliers contre la démocratie, les droits de l’homme, et l’État de droit.

    (Avec Asianews)

  • Hong Kong : la diplomatie vaticane en Chine fragilisée

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    De Pierre Jova sur le site de l'hebdomadaire La Vie :

    Hong Kong : l’arrière-plan chrétien de la révolte

    Très impliqués dans la contestation démocratique, les Eglises chrétiennes font face à leurs divisons, et aux menaces voilées de Pékin.

    Les images font le tour du monde. Assis devant des bâtiments officiels, les manifestants de Hong Kong chantent à tue-tête « Sing Hallelujah to the Lord » (en français, « Chante alléluia au Seigneur »), en guise de ralliement pacifique. Depuis le début du mouvement contre le projet de loi d’extradition vers la Chine continentale voulu par le gouvernement hongkongais, l’influence chrétienne dans les cortèges ne fait pas de doute. « Les chrétiens sont comme la majorité des Hongkongais : ils sont inquiets, en colère, et veulent faire entendre leur voix », témoigne sous anonymat un prêtre catholique européen officiant dans une église en banlieue de Hong Kong, qui communique avec La Vie grâce à une messagerie cryptée. « Dans toutes les paroisses, on prie pour la paix, il y a des marches ».

    Plus concrètement, des églises ouvrent leurs portes aux manifestants, pour leur permettre d’échapper à la police, de boire, et de recharger leur portable. « Le 5 août dernier, nous avons accueilli 250 jeunes qui fuyaient les charges policières. L’adresse de notre paroisse circulait sur les réseaux sociaux comme lieu de refuge ! Après que le danger soit passé, je les ai bénis, et ils sont repartis en petits groupes », raconte le prêtre, qui a lui-même rejoint une manifestation devant le Parlement hongkongais.

    Ce chant chrétien qui sert de cri de ralliement aux manifestants de Hongkong 

    Une Église vivante

    Cette implication des chrétiens n’est pas étonnante. Durant le siècle et demi où l’Union Jack flottait sur la presqu’île, de 1841 à 1997, Hong Kong a été une porte d’entrée de la Chine pour les missionnaires catholiques et protestants, faisant de la cité une véritable ruche chrétienne. Le diocèse anglican de Hong Kong a été le premier de l’anglicanisme à avoir ordonné une femme, la théologienne chinoise Florence Li Tim-Oi, en 1944, pour pallier au manque de pasteurs pendant l’occupation japonaise. Avec quelque 800 000 chrétiens sur sept millions d’habitants, contre deux millions de bouddhistes et taoïstes, les Églises ont un rayonnement considérable.

    On compte entre 2000 et 4000 baptêmes d’adultes par an

    L’Université baptiste de Hong Kong est le second établissement d’enseignement supérieur de la région, après l’université publique. « Plus de 50 % des Hongkongais sont passés dans des écoles chrétiennes », explique le prêtre européen. « L’Église catholique est très dynamique : on compte entre 2000 et 4000 baptêmes d’adultes par an, et dans ma propre paroisse, 2500 fidèles assistent aux six messes du dimanche. Une septième messe est prévue à la rentrée ! », se réjouit-il. « Hong Kong est un modèle pour beaucoup de diocèses chinois. Des prêtres de toute la Chine viennent se former ici. » Depuis la rétrocession de 1997, Pékin garantit dans cette « région administrative spéciale » une liberté de culte impensable dans le reste du pays, même si son influence sur le gouvernement hongkongais, désigné à travers un collège électoral restreint, ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre à celui-ci. C’est le cas de l’actuel chef de l’exécutif Carrie Lam, en poste depuis 2017.

    Des figures tutélaires

    Jaloux de leurs libertés, les Hongkongais avaient déjà protesté contre la législation dire « anti-subversion », perçue comme liberticide, en juillet 2003. Plus de 500 000 personnes avaient manifesté, obtenant le retrait du projet de loi, avec à leur tête Joseph Zen, l’évêque catholique de Hong Kong. Nommé par Jean-Paul II en 2002, le prélat ne fait pas mystère de ses sentiments anticommunistes : à l’âge de 16 ans, aspirant chez les Salésiens, il avait dû fuir sa ville natale, Shanghai, conquise par l’Armée populaire chinoise, pour se réfugier à Hong Kong. Une expérience qui l’a rendu extrêmement méfiant à l’égard du Parti communiste chinoise (PCC).

    Joseph Zen fut crée cardinal par Benoît XVI en 2006. Ayant quitté son siège épiscopal en 2009, il était redescendu dans la rue lors de la campagne de désobéissance civile « Occupy Central », déclenché à l’été 2014 pour réclamer le suffrage universel à Hong Kong. D’abord cantonnée au blocage du quartier d’affaires, la campagne évolua en défilés de masse, avec près de 1,2 million de personnes jusqu’en décembre 2014. Les manifestants s’abritant sous des ombrelles chinoises pour se protéger du gaz lacrymogène, la mouvement fut appelé « révolte des parapluies ». Un des leaders étudiants d’alors, Joshua Wong, âgé de 18 ans, se réclamait alors de sa foi protestante luthérienne. Il a repris du service contre la loi d’extradition, revendiquant sa filiation avec le personnage biblique de Josué (en anglais, Joshua) : « Josué a succédé à Moïse pour faire sortir son peuple de l’oppression autoritaire en Égypte », a-t-il déclaré au site World Magazine, en mai dernier.

    C’est notre conviction basée sur la foi que nous avons : chaque personne est créée à l’image de Dieu. 

    Autre chef de file chrétien des « parapluies », le pasteur baptiste Chu Yiu-ming. Âgé de 75 ans, il avait aidé des dissidents de Tiananmen, en 1989, à se réfugier à Hong Kong. En avril dernier, le pasteur a été condamné à seize mois de prison, pour « trouble à l’ordre public ». Avant l’annonce du verdict, Chu Yiu-ming prononça un long sermon, diffusé dans la presse démocrate hongkongaise : « C’est notre conviction basée sur la foi que nous avons: chaque personne est créée à l’image de Dieu. En tant que tel, chaque personne devrait être respectée et protégée. Nous aspirons à la démocratie, car la démocratie aspire à la liberté, à l’égalité et à l’amour universel », prêcha-t-il, en estimant que le banc des accusés représentait « la chaire la plus honorable » de son ministère pastoral. « Nous n’avons aucun regret, nous n’avons aucune rancune, aucune colère, aucun grief. Nous n’abandonnons pas. Je me confie dans les paroles de Jésus, ‘Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice. Le royaume des cieux est à eux !’ (Matthieu 5:10) Ô Seigneur, qui est juste et bon, je te confie ma vie, que ta volonté soit faite ! »

    Aujourd’hui, se distingue parmi les manifestants Joseph Ha Chi-shing, franciscain et évêque auxiliaire catholique de Hong Kong. « Il est très apprécié, y compris par les non-chrétiens », confirme le missionnaire européen, qui ne cache pas son admiration pour lui : « C’est un véritable pasteur, qui est tout donné pour son peuple. Il veille à ce que le mouvement ne bascule pas dans la violence, et observe un grand respect des personnes. » Un positionnement plus fécond, à ses yeux, que celui du cardinal Zen, ayant rejoint la contestation dès le début, à 87 ans ! « Joseph Ha se place sur le terrain spirituel, contrairement au cardinal Zen, qui est dans une posture politique, plus agressive », estime le prêtre.

    Des voix discordantes

    Néanmoins, tous les chrétiens ne sont pas dans le camp insurgé. Archevêque anglican de Hong Kong depuis 2006, Paul Kwong est membre de la Conférence consultative politique du peuple chinois, organe placé sous la direction du PCC. Le 6 juin 2014, lorsque Hong Kong voyait naître « Occupy Central », il prêcha la soumission dans une homélie retentissante : « Je ne pense pas que si Jésus était aujourd’hui dans les rues, il userait de tels mots humiliants à l’égard du gouvernement. Je ne pense pas que Jésus s’exprimerait avec une telle violence irrationnelle », jugea l’archevêque, avant de s’emporter contre les manifestants, pour beaucoup issus des classes aisées : « pourquoi n’emmènent-ils pas avec eux leurs employées de maison philippines ? » Cinq ans plus tard, il a fermement condamné l’intrusion de manifestants dans l’enceinte du Parlement hongkongais, le 1er juillet dernier. Sans empêcher de nombreux anglicans d’être présents dans les rassemblements.

    En outre, malgré l’engagement sans failles du cardinal Zen et de Joseph Ha, l’Église catholique reste prudente. Le chef du gouvernement, Carrie Lam, n’est-elle pas catholique pratiquante ? « L’Église est très soudée derrière ce mouvement dans son expression pacifique, mais il y a aussi des partisans du statu quo dans nos paroisses », reconnaît le missionnaire européen, qui précise : « beaucoup de policiers hongkongais sont catholiques ! » Dans ses relations délicates avec le gouvernement, le clergé est contraint de lâcher du lest. « Le 13 août dernier, de grandes manifestations étaient prévues, et nous voulions ouvrir à nouveau notre église aux fuyards », confie le prêtre européen. « Mais Joseph Ha m’a demandé de ne pas le faire, tellement la pression sur les écoles catholiques, qui sont subventionnées par le gouvernement, était forte ».

    Liberté, j’écris Hongkong 

    En toile de fond de la crise hongkongaise, c’est la diplomatie vaticane en Chine qui se trouve fragilisée. Après des années de négociations, initiées sous Benoît XVI, un accord provisoire a été conclu entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine, en septembre 2018, sur la reconnaissance par Rome de certains évêques nommés par le PCC. Cet évènement a été dénoncé par le cardinal Zen comme une capitulation, les cercles conservateurs occidentaux hostiles au pape François se faisant un plaisir de relayer ses griefs.

    De leur côté, certains craignent que cette agitation ne vienne perturber les efforts d’apaisement. « Il ne faut faut pas s’en mêler ! », tempête ainsi un sinologue catholique français, qui juge durement les manifestations. « Pour Pékin, le véritable objectif de la loi d’extradition est de frapper les oligarques qui cachent leur fortune à Hong Kong. Il est possible que les jeunes qui se lèvent contre cette législation soient manipulés », avance-t-il, redoutant un durcissement du régime chinois. « Si les chrétiens s’amusent à soutenir ceux que la Chine appelle désormais ‘terroristes’, cela va renforcer les durs du PCC. Il faut que les manifestations cessent, pour que la paix revienne », s’exclame-t-il. « Ce qui se passe à Hong Kong n’est pas directement lié aux accords : c’est une affaire politique interne », tempère le missionnaire européen. « Mais c’est vrai qu’ici, ils sont très mal perçus. Beaucoup de prêtres hongkongais, qu’ils soient Chinois ou étrangers, ont le sentiment que Rome s’est fait berner par le PCC. Depuis l’an dernier, les camps d’été catholiques pour jeunes en Chine continentale ont été interdits : une première depuis la Révolution culturelle ! Nous pouvons difficilement être dans l’action de grâce ! »

    Bientôt un nouvel évêque pour Hong Kong ?

    A Hong Kong, les nominations épiscopales illustrent cette diversité d’opinions au sein de l’Église catholique. Le cardinal Zen avait été remplacé en 2009 par l’évêque John Tong Hon, 80 ans, crée cardinal en 2012. Ce dernier défendit loyalement la main tendue par le pape François au régime chinois. Il fut ensuite remplacé en août 2017 par Michael Yeung, rapidement accusé d’être proche du PCC : lors de sa première conférence de presse, il justifia la destruction des croix d’églises protestantes en Chine par certaines autorités locales, affirmant que les chrétiens devaient respecter la loi.

    Beaucoup de prêtres ont le sentiment que Rome s’est fait berner par le Parti communiste

    Malade, Michael Yeung est mort en janvier 2019, avant le terme de son ministère. Rome rappela alors le cardinal Tong, pour qu’il reprenne son ancienne fonction. Mais, sur le terrain, c’est son évêque auxiliaire Joseph Ha qui a les faveurs des catholiques hongkongais. C’est lui qui aurait inspiré la déclaration du 19 juin dernier, signée par le cardinal Tong et le pasteur évangélique Eric So Shing-yit, président du Conseil chrétien de Hong Kong, appelant le gouvernement à retirer la loi d’extradition, et à ouvrir une enquête indépendante sur les violences policières. « Le cardinal Tong consulte fréquemment Joseph Ha. A 60 ans, il fait figure d’héritier naturel pour lui succéder. S’il est écarté au profit d’un autre prélat plus conciliant avec le PCC, il y aura une immense déception à Hong Kong, et pas seulement, dans la Chine entière... », redoute le prêtre européen.

    Pour l’heure, ce dernier arpente les rues hongkongaises avec inquiétude : alors que l’armée régulière chinoise s’est manifestée à la frontière de l’enclave, un immense rassemblement en faveur de la démocratie est prévu pour ce dimanche 18 août. La police n’a pas donné son autorisation. « Il risque d’y avoir du dégât ! »

  • Chine et Vietnam : des accords que le Vatican a payés au prix fort

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    De Sandro Magister traduit de l'italien sur le site Diakonos.be :

    Chine et Vietnam. Deux accords chèrement payés

    Fin août, en l’espace de quelques jours, deux informations semblables sont tombées à propos des rapports entre le Saint-Siège et deux pays importants d’Extrême-Orient : la Chine et le Vietnam.

    Le 26 août en Chine a eu lieu la première ordination épiscopale réalisées sur base de l’accord ratifié à Pékin le 22 septembre 2018 : celle d’Antonio Yao Shun, ordinaire du diocèse de Ji Ning, en Mongolie-Intérieure.

    Et le 28 août, une seconde ordination à suivi : celle de Stefano Xu Hongwei, évêque de Hanzhong, dans la région du Shaanxi.

    Curieusement, le Saint-Siège n’a pas publié la nouvelle officielle de leurs ordinations, se bornant à confirmer – dans deux déclarations du directeur de la salle de presse du Vatican, Matteo Bruni – que l’une comme l’autre avaient été faites avec le « mandat pontifical ».

    Ces deux nouveaux évêques avaient été élus à cette fonction en avril dernier par des assemblées composées de prêtres, de religieux et de laïcs de leurs diocèses respectifs, tous sélectionnés par les autorités chinoises et rassemblés dans un hôtel où ils ont reçu des instructions de vote bien précises.

    Et dans les deux cas, c’est la pseudo-conférence épiscopale chinoise, composée des seuls évêques officiellement reconnus par le gouvernement qui a présenté les nouveaux évêques à Rome, qui les a acceptés. Les termes précis de l’accord entre les deux parties sont toujours secrets mais il est d’une évidence limpide que c’est bien ainsi qu’il fonctionne.

    En ce qui concerne le Vietnam, l’une des réunions de travail périodiques entre les délégations des deux parties a eu lieu à Rome le 21 et le 22 août. Le communiqué final ouvrait la perspective d’établir « dans un futur proche » au Vietnam une résidence permanente pour le « représentant du Pape » auprès de ce pays, un représentant qui réside actuellement à Singapour.

    Quant à la vie de l’Église catholique vietnamienne, avec près de 8 millions de fidèles sur une population approchant des 100 millions, le communiqué s’est borné à rappeler les positions des deux parties, sans faire allusion aux lourdes limitations imposées à la liberté religieuse.

    *

    Les similitudes sont importantes entre la Chine et le Vietnam dans leurs relations avec l’Église de Rome. Il s’agit entre autres des deux seuls pays au monde dans lesquels la nomination des évêques catholiques se font sur base d’accords secrets, ratifiés au cours des dernières années, qui confient aux autorités civiles un rôle décisif dans le choix des candidats.

    Au Vietnam, les nominations épiscopales se font « suivant une procédure convenue oralement avec le gouvernement », dont « l’exécution se base sur l’honneur, sur la bonne foi et sur le respect de la parole donnée et ne peut pas être défendue judiciairement », a déclaré le cardinal Pietro Parolin, le Secrétaire d’État du Vatican, au cours d’une conférence à l’Université pontificale grégorienne le 28 février dernier.

    Le cardinal Parolin est ce diplomate qui, en 1996, alors qu’il était sous-secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États, fut le principal artisan de cet accord « verbal » sur la nomination des évêques.

    Depuis lors, il revient aux autorités vietnamiennes de choisir chaque nouvel évêque parmi trois candidats proposés par le Saint-Siège. Et il n’est pas rare qu’aucun des trois ne leur convienne, ce qui a pour effet de repousser la nomination pendant des années et de laisser le siège diocésain vacant.

    En Chine, le Saint-Siège est encore plus désavantagé parce que le choix initial des candidats revient dans les faits aux autorités chinoises, un choix que dans un deuxième temps le Pape ne peut qu’accepter ou refuser, ce qui a pour effet de renvoyer la nomination à un nouveau futur candidat qui serait plus acceptable.

    Ces deux accords ouvrent donc inévitablement la voie à l’entrée en fonction d’évêques soumis à leurs régimes respectifs, l’un et l’autre totalement dominés par des partis communistes idéologiquement opposés à la liberté religieuse.

    En Chine, cependant, la situation semble très loin de s’être améliorée pour l’Église catholique et pour les autres confessions depuis l’entrée en vigueur de l’accord du 22 septembre 2019.

    La même année 2018 est entrée en vigueur une nouvelle « Norme sur les affaires religieuse » qui a renforcé la répression de la liberté de confesser une religion, avec des effets qui ont contraint les autorités vaticanes à une prudente réaction publique dans un document du 28 juin dernier :

    > La Chine viole l’accord. Un évêque se rebelle

    La situation est la même au Vietnam. La aussi, le climat est tout sauf « favorable aux activités et au développement de la communauté catholique » comme a pourtant tenu à le prétendre la délégation vietnamienne lors de sa réunion à Rome, comme l’indique le communiqué final.

    Il suffit de signaler que le jour même où se terminait la réunion à Rome, le 22 août, la commission justice et paix de la Conférence épiscopale vietnamienne a organisé des veillées de prière dans tout le pays pour les victimes de la persécution religieuse.

    Plus particulièrement, une centaine de familles catholiques d’Ho-Chi-Minh-Ville sont descendues dans la rue pour prier, comme chaque soir, après que leurs maisons aient été détruites (voir photo) alors qu’elles étaient situées sur un terrain appelé « les jardins de Lôc Hung » appartenant aux Missions Étrangères de Paris, confisqué par le régime communiste pour des projets de développement commercial :

    > Oppressi dal regime, i cattolici di Lôc Hung pregano per la libertà religiosa

    En outre, il semble que cette rencontre à Rome entre les représentants du Vietnam et du Saint-Siège n’ait pas laissé entrevoir la moindre lueur d’espoir en ce qui concerne le sort d’un objecteur de conscience catholique, Hô Dúc Hòa, membre actif du diocèse de Vinh et collaborateur d’une agence de presse des pères rédemptoristes, condamné à treize ans de prison en tant qu’« ennemi de l’État » :

    > Liberate Hô Dúc Hòa: Hanoi nega le cure mediche all’attivista cattolico in carcere

    Pour un résumé des souffrances de l’Église catholique au Vietnam, il peut être utile de se parcourir l’index des articles d’UCA News, une agence catholique en ligne spécialisée sur l’Asie :

    > UCA News / Vietnam

    Quant à la Chine – mais avec des parallèles intéressants avec le Vietnam – la documentation la plus à jour sur le renforcement des persécutions après la ratification de l’accord avec le Saint-Siège se trouve dans ce livre qui vient de sortir de Massimo Introvigne, un sociologue de renommée internationale, fondateur et directeur du Centre d’études sur les nouvelles religions ainsi que du quotidien en ligne « Bitter Winter » publié en huit langes qui se spécialise justement sur les religions persécutées en Chine :

    > M. Introvigne, “Il libro nero della persecuzione religiosa in Cina”, Sugarco Edizioni, Milano, 2019.

  • Vatican-Chine : un échec diplomatique et ecclésiastique

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    Le 26 février dernier, cet article de George Weigel (traduit par Bérengère Viennot) publié sur Slate analysait déjà de façon tout à fait pertinente la perspective d'un accord entre le Saint-Siège et la Chine communiste tel qu'il vient d'être conclu :

    La stratégie chinoise du pape François est anachronique

    La diplomatie du Vatican avec la Chine et d'autres gouvernements autoritaires est basée sur des fantasmes de puissance datés de plus d'un siècle.

    Ces dernières semaines, de nombreux observateurs sont restés perplexes, voire profondément troublés, devant la perspective d’un accord sur le point d’être conclu entre le Vatican et la République populaire de Chine.

    Cet accord concèderait un rôle considérable au régime communiste chinois dans la nomination d’évêques catholiques en Chine et s’inscrirait dans une démarche visant à rétablir des relations diplomatiques pleines et entières entre Pékin et le Saint-Siège. La possibilité d’un tel accord soulève bon nombre de questions.

    Poursuite obstinée de relations avec la Chine

    Pourquoi le Vatican se fierait-il à un quelconque accord cosigné par une puissance autoritaire, compte tenu de ses précédentes expériences malheureuses avec l’Italie de Mussolini et le Troisième Reich de Hitler, qui ont tous les deux systématiquement violé les concordats qu’ils avaient conclus avec le Saint-Siège?

    Pourquoi les diplomates du Vatican (et peut-être même le pape François lui-même) ont-ils choisi d’ignorer les avertissements venus de l’intérieur de la Chine et du cardinal Joseph Zen, ancien évêque de Hong Kong, sur l’impact négatif d’un accord de ce type sur les catholiques chinois restés loyaux à Rome plutôt qu’à l’Association catholique patriotique parrainée par le régime?

    Pourquoi l’Église violerait-elle son propre droit canonique (selon lequel «aucun droit ou privilège d’élection, de nomination, de présentation ou de désignation d’évêque n’est accordé aux autorités civiles») dans le cadre de démarches pour établir des échanges diplomatiques officiels avec un régime qui viole les droits humains de façon quotidienne, et souvent en faisant preuve d’une grande cruauté?

    Qu’est-ce qui peut bien motiver, depuis quarante ans, la poursuite obstinée par les diplomates du Vatican de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine?

    Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de faire trois bonds en arrière: d’abord en 1870, puis en 1929 et enfin en 1962.

     

    Puissance européenne secondaire

    En 1870, lorsque les forces du Risorgimento s’emparent de Rome et en font la capitale de l’Italie unifiée, les derniers vestiges des anciens États pontificaux (qui englobaient autrefois toute l’Italie centrale) disparaissent; le pape Pie IX se retire derrière les murs de la Cité léonine, où il se décrit lui-même comme «le prisonnier du Vatican».

    Le Saint-Siège, que le droit international et les pratiques diplomatiques coutumières reconnaissent depuis longtemps comme étant l’incarnation juridique du rôle de pasteur universel de l’Église catholique tenu par le pape, continue d’envoyer et de recevoir des ambassadeurs, alors même qu’il est dépourvu de territoires sur lesquels exercer une souveraineté internationalement reconnue.

    Les quatre successeurs de Pie IX n’en essaieront pas moins de passer un accord avec le nouvel État italien, afin de garantir l’indépendance du pape vis-à-vis de toutes les puissances terrestres. Cet objectif sera atteint par Pie XI lors des accords du Latran de 1929, qui créent la cité-État indépendante du Vatican sur une superficie de quarante-quatre hectares autour de la basilique Saint-Pierre.

    Mais si les accords du Latran garantissent la liberté du pape de conduire son propre ministère sans interférence d’un autre souverain, la réduction du territoire du pape au micro-État du Vatican souligne qu’à l’avenir, la diplomatie du Saint-Siège devra se replier sur l’exercice de l’autorité morale du pape et non sur les instruments tangibles habituels de la puissance d’État.

    Le service diplomatique du Vatican, largement italien, n’a pourtant jamais appréhendé pleinement les implications des accords du Latran. Il semblerait même que ces professionnels de la politique extérieure aient continué à penser que le nouveau Saint-Siège/Vatican était un genre de réincarnation des anciens Saint-Siège/États pontificaux –c’est-à-dire une puissance européenne secondaire.

    À mesure que l’Italie elle-même perdait de son influence dans le cadre de la politique mondiale, il devenait naturel pour les diplomates papaux italiens de chercher à obtenir pour «Rome» un rôle plus important sur la scène internationale, tirant parti du système au même titre que les autres puissances secondaires.

    «Modus non moriendi» à l'Est

    Puis vint octobre 1962. Il n’a pas été suffisamment souligné que l’ouverture du concile Vatican II –cette assemblée de quatre années de tous les évêques catholiques du monde, devenu l’événement le plus important de l’histoire catholique depuis la Réforme et qui jeta les bases du rôle actuel de promoteur et défenseur institutionnel majeur des droits humains de l’Église catholique—coïncida exactement avec la crise des missiles de Cuba.

    Le pape Jean XXIII et le corps diplomatique du Vatican furent suffisamment secoués par la possibilité d’une guerre atomique susceptible de tuer Vatican II dans l’œuf pour deviser une profonde réorientation de la diplomatie du Vatican vers le monde communiste européen. Cette démarche prit le nom d’Ostpolitik vaticane, dont le principal agent fut l’archevêque Agostino Casaroli, diplomate de carrière au Vatican.

    L’Ostpolitik de Casaroli, déployée sous le pontificat du pape Paul VI (1963-1978), visait à trouver un modus non moriendi, un «moyen de ne pas mourir» –comme le disait souvent Casaroli– pour l’Église catholique derrière le rideau de fer.

    Afin de nommer des évêques, qui pouvaient ordonner des prêtres et ainsi maintenir la vie sacramentelle et spirituelle de l’Église sous des régimes athées, le Vatican mit fin au discours anti-communiste qui avait caractérisé sa diplomatie publique dans les années 1950. Il rappela également les hauts fonctionnaires de l’Église qui refusaient la moindre concession aux gouvernements communistes (comme le cardinal Jozsef Mindszenty en Hongrie et le cardinal Josef Beran en Tchécoslovaquie), découragea les dirigeants catholiques en exil comme le cardinal ukrainien Josyf Slipyj de jouer des rôles publics, pressa le clergé catholique et les laïcs clandestins de cesser leur résistance à leurs régimes communistes locaux et chercha diligemment différentes formes d’accords avec des gouvernements communistes.

    Une des hypothèses qui alimentait cette remarquable volte-face était que son discours anti-communiste sans ambages d'autrefois était au moins en partie responsable de la persécution de l’Église par les régimes communistes; le Vatican pensait que s'il se montrait plus accommodant (le mot-clé était «dialogue»), une telle démonstration de clémence deviendrait mutuelle.

    Échec de l'«Ostpolitik»

    Cela n’a pas été le cas. En toute objectivité, l’Ostpolitik de Casaroli fut un échec –et dans certains cas, une catastrophe.

    À Rome, elle conduisit à une profonde infiltration du Vatican par les services de renseignement du bloc de l’Est, une débâcle de contre-espionnage (aujourd’hui pleinement documentée par des sources originales) qui plaça les diplomates de l’Église dans une position de faiblesse encore plus accentuée lors des négociations avec leurs homologues communistes, bien souvent au courant de la stratégie du Vatican grâce au travail de taupes et d’informateurs bien placés au sein de la curie romaine.

    Dans les pays destinés à être les bénéficiaires putatifs de l’Ostpolitik, la diplomatie de la navette de Casaroli ne déboucha sur aucune amélioration conséquente; en réalité, elle provoqua même plus de mal que de bien.

    La hiérarchie catholique hongroise se transforma en une annexe de l’État hongrois, donc du parti communiste hongrois. La répression ne fit que s’aggraver dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie, où de fausses organisations catholiques acquises au régime accédaient à la reconnaissance publique tandis que certains évêques et prêtres travaillaient comme concierges, laveurs de carreaux et réparateurs d’ascenseurs et conduisaient des offices clandestins la nuit venue.

    L’Ostpolitik n’améliora en rien le sort des catholiques d’Union Soviétique: l’Église grecque-catholique ukrainienne demeura la plus grande communauté religieuse illégale du monde et les chefs de la résistance lituanienne catholique se retrouvèrent réduits aux travaux forcés dans les goulags.

    L’Ostpolitik n’eut pas d’effet vraiment sérieux en Pologne, où un habile primat, le cardinal Stefan Wyszynski, et le charismatique archevêque de Cracovie, le cardinal Karol Wojtyla, adressaient des courbettes polies aux diplomates du Vatican en visite tout en continuant à tenir tête aux autorités communistes polonaises au moyen de vigoureuses manifestations publiques, lorsqu’ils estimaient qu'elles étaient nécessaires à la préservation de l’espace de liberté défendu avec opiniâtreté par l’Église au sein d’un État communiste. Cette stratégie renforça à son tour la communauté catholique nationale la plus vigoureuse dans la sphère communiste, alors que l’Ostpolitik vaticane affaiblissait les Églises locales dans d’autres pays du pacte de Varsovie.

    Stratégie à double face de Jean-Paul II

    Lorsque Wojtyla fut élu pape en 1978 sous le nom de Jean-Paul II, l’Ostpolitik de Casaroli fut discrètement enterrée –mais Jean-Paul II, qui était malin, nomma Casaroli secrétaire d’État, créant ainsi une sorte de stratégie gentil flic-méchant flic.

    Casaroli allait perpétuer sa politique de la navette en Europe centrale et de l’Est, mais Jean-Paul II avait compris que cela lui fournirait une couverture utile pendant que lui, le mégaphone de la papauté aux lèvres, condamnerait hardiment les violations des droits humains par les communistes lors de ses pèlerinages dans le monde entier, et notamment lors de sa première visite papale en Pologne en juin 1979 puis en octobre de la même année, depuis la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies.

    Cette stratégie à double face joua un rôle décisif dans le déclenchement de la révolution de conscience qui imprima sa forme aux révolutions de 1989 et dans la libération de l’Europe centrale et de l’Est du communisme, par elle-même.

    Pourtant, les leçons qui auraient dû être tirées de tout cela –que l’Ostpolitik était un échec parce que la tactique d’apaisement des régimes communistes ou d’autres régimes autoritaires ne fonctionne jamais, et que la seule réelle autorité dont disposent le Saint-Siège et le pape dans la politique mondiale aujourd’hui est une autorité morale– sont restées lettre morte pour les héritiers d’Agostino Casaroli, dont la plupart sont des personnages influents de la diplomatie vaticane actuelle.

    À l’Académie pontificale ecclésiastique de Rome, l’Ostpolitik est toujours présentée aux futurs diplomates du Vatican comme un modèle de succès, et à aucun niveau du secrétariat d’État du Vatican n’y a-t-il eu la moindre reconnaissance intellectuelle de la démonstration des échecs de la diplomatie de Casaroli.

    En mars 2013, l’élection du cardinal Jorge Mario Bergoglio de Buenos Aires sous le nom de Pape François n’a pas changé la mentalité «Casarolienne» qui domine la diplomatie vaticane; ce serait même plutôt l’inverse.

    Retour de l'approche conciliante à la Casaroli

    Bergoglio a apporté à la papauté un passé de résistance, dans son Argentine natale, au régime autoritaire de Kirchner, à qui il avait tenu tête sur plusieurs sujets. Mais il n’avait aucune expérience de politique internationale et dès le début de son pontificat, François a clairement établi que le «dialogue» –qui est peut-être son mot préféré lorsqu’il évoque les affaires internationales– est possible avec des gens comme Vladimir Poutine, Bachar al-Assad, Nicolás Maduro et Raúl Castro.

    Par conséquent, sous le pontificat de François, l’approche conciliante à la Casaroli de la diplomatie vaticane a fait son grand retour, tandis que les réussites de Jean-Paul II, issues d’un leadership moral charismatique et qui ont contribué à changer le monde, semblent quasiment ignorées par les plus hauts fonctionnaires de l’Église.

    L’une des conséquences de ce retour est la nouvelle démarche avec la Chine, considérée par les plus éminents diplomates du Vatican comme une puissance mondiale émergente avec qui ils se doivent d’être «acteurs».

    Jean-Paul II et son successeur, Benoît XVI, auraient pu obtenir l’accord proposé aujourd’hui par Pékin, ou quelque chose de très semblable. Les deux ont refusé, parce qu’ils savaient que cela ne constituerait en rien un pas vers une plus grande liberté pour l’Église catholique en Chine, mais plutôt vers un plus grand asservissement des catholiques au régime communiste chinois, une trahison des catholiques persécutés sur tout le territoire de la République populaire de Chine et un obstacle à une future démarche d’évangélisation en Chine.

    Les deux ont peut-être aussi considéré l’idée que tout échange diplomatique formel du Vatican avec Pékin nécessiterait de mettre un terme aux relations diplomatiques avec Taiwan, la première démocratie chinoise de l’histoire –ce qui enverrait un mauvais signal au reste du monde en termes d’engagement du Vatican dans la doctrine sociale du catholicisme.

    Aujourd’hui, la diplomatie du Vatican repose sur des fondations branlantes et précaires, et sur des fantasmes italianisants selon lesquels le Saint-Siège du XXIe siècle peut administrer ses relations internationales comme si nous étions en 1815 –lorsque le cardinal Ercole Consalvi, chef de la diplomatie du pape Pie VII, était un acteur éminent du Congrès de Vienne.

    Ces fondations branlantes et ce fantasme ne sont pas la recette du succès diplomatique mais plutôt celle d’un échec à la fois diplomatique et ecclésiastique, qui sera le probable résultat de l’accord dont il est question en ce moment entre le Vatican et la Chine.

  • Etats-Unis, Chine... vous avez dit ”synodalité” ?

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    De Sandro Magister, en traduction sur diakonos.be :

    La synodalité part en fumée. Exercices de monarchie pontificale sur les États-Unis et sur la Chine

    Nous sommes très loin d’une Église synodale. Après avoir fait l’éloge de la « synodalité » qui aurait été le principal fruit du synode des évêques d’octobre dernier et après avoir promisdepuis 2013 plus d’autonomie et de pouvoir aux conférences épiscopales, y compris une « certaine autorité doctrinale authentique », le Pape François vient de décapiter l’ordre du jour de l’assemblée plénière de l’une des plus grandes conférences épiscopales du monde, celle des États-Unis, qui est réunie à Baltimore depuis le lundi 12 novembre.

    Dans la même foulée, en Chine, il vient d’abandonner à leur sort les évêques qui n’entrent pas dans l’accord secret signé fin septembre entre le Saint-Siège et les autorités de Pékin, c’est-à-dire la trentaine d’évêques dits « souterrains » ou clandestins qui résistent courageusement à l’oppression de l’Église par le régime.  Au Vatican, on nie que ce soit l’intention du Pape.  Mais n’en reste pas moins que les évêques chinois clandestins se sentent abandonnés par le Pape, comme en témoigne le cardinal Zen Ze-Kiun dans une lettre-appel à cœur ouvert qu’il a remise personnellement entre les mains de François un matin au début de ce mois de novembre.

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

    *

    En effet, le Pape François a agi en monarque absolu envers les évêques des États-Unis. Samedi 10 novembre il a reçu en audience à Rome le Préfet de la Congrégation pour les évêques, le cardinal Marc Ouellet, ainsi que le nonce aux États-Unis, Christophe Pierre, et il a chargé le premier de transmettre au cardinal Daniel N. DiNardo, le président des évêques américains, l’interdiction de voter sur deux points cruciaux de l’ordre du jour de l’assemblée concernant le scandale des abus sexuels : un « code de conduite » extrêmement sévère pour les évêques et la création d’un organisme composé de laïcs pour enquêter sur les évêques incriminés.

    En annonçant, la double interdiction du Pape, le cardinal DiNardo, assez mal à l’aise, a expliqué que François exigeait que les évêques américains n’aillent pas au-delà de ce que le droit canon prévoit déjà en la matière et surtout qu’ils n’anticipent pas les décisions qui seront prises à Rome lors de la réunion des présidents des conférences épiscopales du monde entier convoquée par le Pape du 21 au 24 février prochain.

    Le « diktat » de François a suscité des réactions très négatives aux États-Unis, y compris chez ceux qui ont cherché d’en comprendre les raisons.

    Dans le cas des évêques chinois, ce qui est le plus frappant en revanche, c’est l’impressionnant silence qui accompagne leur chemin de croix, de la part des plus hauts responsables de l’Eglise. Un silence non seulement public, comme la prudence pourrait l’expliquer, mais surtout dépourvu de tout geste de proximité ou de soutien qui pourrait s’exprimer de manière réservée.  Tout cela dans le silence non moins assourdissant de nombreux médias catholiques, en particulier de ceux qui sont les plus proches du Pape François.

    C’est ce que dénonce le P. Bernardo Cervellera, de l’Institut Pontifical des Missions Étrangères qui dirige l’agence « Asia News », dans l’éditorial que nous reproduisons ci-dessous qui s’offusque de l’énième arrestation ces derniers jours de l’un des évêques qui a été le plus héroïque dans son refus de se soumettre au régime communiste chinois.

    *

    La honte envers Mgr Shao Zhumin, évêque séquestré par la police

    par Bernardo Cervellera

    Il fallait s’y attendre. L’information de l’énième arrestation – la cinquième en deux ans – de Mgr Pietro Shao Zhumin, l’évêque de Wenzhou, a été passée sous silence.  Mis à part pour certains médias espagnols et anglais et quelques rare sites italiens autres qu’Asia News, il semblerait que le fait de faire subir des dizaines de journées d’endoctrinement, comme à l’époque de la Révolution culturelle, à un évêque dont la droiture et le courage sont très connus en Chine ne constitue pas une information digne d’intérêt mais plutôt quelque chose de gênant qu’il vaut mieux taire.

    Je me demande ce qui se serait passé si un brave évêque italien, disons par exemple le sympathique Mgr Matteo Zuppi de Bologne, était enlevé par un groupe de fondamentalistes musulmans pour l’endoctriner et le convertir à l’Islam, entendons-nous bien sans lever la main sur lui, comme c’est le cas pour Mgr Shao. J’imagine que tous les journaux du monde en feraient leurs gros titres.  Dans le cas de l’évêque de Wenzhou, il ne s’agit pas de fondamentalistes musulmans mais bien de fondamentalistes « de l’indépendance » : ils veulent convaincre cet évêque qu’appartenir à l’Association patriotique, qui a pour but de construire une Église « indépendante » du Saint-Siège, serait une bonne chose pour lui, pour l’Église et pour le monde.

    Du point de vue dogmatique, les déclarations de Benoît XVI dans sa Lettre aux catholiques chinois restent en vigueur, c’est-à-dire que l’appartenance à l’Association patriotique est « inconciliable avec la doctrine catholique ». Et à plusieurs reprise par le passé, le pape François a dit que cette Lettre de Benoît XVI « est encore valide ».

    D’autant que l’appartenance à l’AP est très contraignante pour la vie d’un évêque : contrôles 24h/24, vérifications et demandes de permis pour les visites pastorales et pour recevoir des invités, réquisitions pendant des semaines et des mois pour participer à des conférences d’endoctrinement sur la générosité de la politique religieuse de Pékin.

    Je crois que le silence des médias – et en particulier des médias catholiques – est surtout causé par la honte. Il y a quelques mois, le 22 septembre, ils ont tous fait l’éloge de l’accord entre la Chine et le Saint-Siège à un point tel qu’ils ont laissé croire que tout allait à présent aller pour le mieux.  En revanche, admettre que l’Église est encore victime de nombreux problèmes de persécutions en Chine constitue un désaveu qu’il est difficile d’admettre, on peut aisément le comprendre.

    Si l’on ajoute ensuite à l’arrestation de cet évêque les églises fermées et placées sous scellés, les croix détruites, les dômes rasés au sol, les sanctuaires démolis, l’interdiction imposée par la police au moins de 18 ans de se rendre à l’église ou d’assister au catéchisme, on se rend bien compte à quel point l’accord sur la nomination des évêques – comme nous l’avons dit par le passé – est bon dans la mesure où il évite l’apparition d’évêques schismatiques mais combien il laisse inchangée une situation dans laquelle l’AP et le Front Uni se considèrent comme étant les véritables chefs de l’Église en Chine (et non le pape). Cela est à nouveau confirmé par la leçon que ces deux organes sont en train de faire à des prêtres et à des évêques dans de nombreuses régions de Chine en leur répétant que « malgré l’accord entre la Chine et le Vatican », l’Église doit continuer à être « indépendante » du pape et du Saint-Siège.

    Malheureusement, le fait que cet accord « provisoire », demeure secret et n’ait jamais été publié permet à la Chine d’en donner sa propre interprétation. Le Front Uni et l’AP contraignent des prêtres et des évêques à s’inscrire à l’Église « indépendante » en prétendant que « le pape est d’accord avec nous , au point que plusieurs catholiques souterrains soupçonnent avec amertume que le Vatican les ait abandonnés dans la tourmente.

    Quelques soi-disant « experts » de la Chine tentent de minimiser les persécutions en prétendant qu’elles ne concerneraient que « quelques endroits ». En réalité, on signale des persécutions dans de nombreuses régions : Hebei, Henan, Zehejiang, Shanxi, Guizhou, la Mongolie intérieure, Xinjiang, Hubei…  Sans compter les autres endroits qui n’ont pas été en mesure de relayer l’information.

    Une autre information réductrice consiste à faire croire que ces choses se passeraient en périphérie mais qu’au centre, à Pékin, on voudrait vraiment que l’accord fonctionne. Il n’en reste pas moins qu’en octobre dernier, depuis le congrès du parti communiste, le Front Uni et l’AP se trouvent sous le contrôle direct du parti : il est pratiquement impossible que le centre – à commencer par Xi Jinping, le secrétaire général du parti – ne soit pas au courant de ce qui se passe en périphérie, avec des affaires aussi scandaleuses qu’elles secouent la communauté internationale.

    Mais en plus de la honte, je crois qu’il y a deux autres explications à ce silence.

    Le premier est une espèce de « complexe patriotique » : étant donné que le pape François soutient l’accord avec la Chine et qu’il est un fervent partisan du dialogue avec la culture chinoise, il semblerait que mettre en avant les persécutions constitue une offense au pape. Mis à part le fait que le pape François a toujours lui-même souligné qu’il préférait la franchise à l’adulation, il a toujours dit que le dialogue se déroule entre deux identités, sans dissimuler sa propre identité.  Et si celle-ci est faite de martyrs, on ne peut pas le cacher.  […]

    La seconde raison pourrait surtout concerner les médias soi-disant laïcs, à cause d’un « complexe mercatolâtre » de divinisation du marché chinois. On passe sous silence les persécutions et les arrestations parce qu’elles sont bien peu de choses par rapport à la guerre des droits de douane entre la Chine et les États-Unis et par rapport au futur de la superpuissance de l’Empire du Milieu.  Les médias et les librairies sont remplies d’articles et de livres qui encensent Pékin, ou qui le descendent en flamme, selon qu’ils prennent parti pour la Chine ou pour les États-Unis.  Dans ce cas, on ne se rend pas compte combien la liberté religieuse d’un pays un est indicateur de sa « bonté ».  C’est justement le pape François qui rappelait le 5 novembre dernier dans un allocution au World Congress of Montain Jews que « la liberté religieuse est un bien précieux à conserver, un droit humain fondamental, un bastion contre les revendications totalitaires ».  C’est pourquoi, ceux qui veulent une véritable liberté de commerce avec la Chine devraient avant tout défendre la liberté religieuse.  Les différents grands entrepreneurs chinois en savent quelque chose, eux qui doivent se plier aux restrictions du gouvernement central s’ils veulent faire du commerce et investir à l’étranger.  Mgr Shao Zhumin n’est donc pas « bien peu de choses » mais un symptôme du chemin que la Chine est en train de prendre.

    Cela vaut la peine de rappeler une dernière chose : Mgr Shao Zhumin est évêque d’une Église désormais unifiée où il n’y a plus de division entre catholiques officiels et souterrains, justement celle qu’appelait de ses vœux le pape François dans son Message aux Catholiques chinois et à l’Église universelle qui a été publié quelques jours après l’accord.  Et pourtant, l’Association patriotique, non contente d’avoir séquestré cet évêque, vient ces derniers jours d’interdire aux prêtres « officiels » d’aller se recueillir sur les tombes des prêtres et des évêques « souterrains ».  Voilà la preuve que la division de l’Église chinoise n’est pas voulue par les catholiques mais bien par le parti communiste.  Cette politique, qui dure depuis 60 ans, ne nous semble pas être en faveur de l’évangélisation de la Chine mais – comme l’Association patriotique l’a déclarée à de nombreuses reprises par le passé – constitue un pas vers la suppression de tous les chrétiens.

  • Comment fonctionne l'accord entre le Vatican et la Chine ?

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    De Sandro Magister, traduit sur le site diakonos.be :

    L’accord entre la Chine et le Vatican est un secret de polichinelle. Voici comment il fonctionne

    La seule chose que l’on sait de cet accord signé le 22 septembre entre le Vatican et la Chine c’est qu’il concerne la nomination des évêques.  Son contenu est tenu secret.  Mais les événements qui ont eu lieu depuis sa signature nous permettent de comprendre son fonctionnement.

    Le cardinal Zen Ze-Kiun (photo), 88 ans, s’est envolé de Hong-Kong pour Rome afin de remettre en mains propres au Pape François un appel à l’aide dans une lettre de sept pages décrivant la situation dramatique dans laquelle se trouve l’Église catholique dite souterraine ou clandestine en Chine depuis la signature de l’accord.

    En revanche, en ce qui concerne l’autre partie de l’Église chinoise, celle qui est officielle et reconnue par le régime de Pékin, tout semble se dérouler dans le meilleur intérêt du régime.

    Même les sept évêques imposés de force contre la volonté de Rome ont été reconnus par le pape qui a levé l’excommunication survenue au moment de leur ordination illégitime, malgré l’absence de toute demande publique de pardon et le fait que deux d’entre eux aient concubines et enfants. Le Pape François est allé jusqu’à lever l’excommunication qui pesait sur un huitième évêque nommé par le gouvernement et décédé en 2017 mais que les autorités de Pékin tenaient à voir réhabiliter à tout prix.

    De plus, le pape a dû avaler l’envoi à Rome de l’un de ces sept évêques ex-excommuniés comme délégué de l’Église chinoise au synode mondial qui s’est tenu en octobre. L’annonce de son arrivée a été d’abordannoncée par les autorités chinoise et ce n’est qu’après que le pape l’a ajouté à la liste de ses invités.

    Guo Jincai est depuis des années une créature parfaite du régime chinois. Il est membre de l’Assemblée du peuple, le parlement chinois, où il a été nommé par le département central de l’organisation du parti communiste, il est également secrétaire général et vice-président du Conseil des évêques chinois, la conférence épiscopale fantoche, hier encore jamais reconnue par Rome, qui ne rassemble que les évêques officiellement reconnus par le gouvernement et qui sera désormais chargée, selon les termes de l’accord, d’indiquer au pape le nom de tous les futurs évêques, préalablement « démocratiquement » élus par des représentants des diocèses respectifs préalablement désignés et cornaqués par des fonctionnaires du parti communiste.

     

    Harcelé par les journalistes depuis la nouvelle de cet accord avec le Chine, François a déclaré que dans tous les cas, c’est le pape qui aurait le dernier mot.

    Mais à la lumière de ce qui s’est passé jusqu’aujourd’hui, il semble plutôt que les seuls qui ont le droit à la parole, ce sont les autorités chinoises et que le rôle du pape se limite à dire « oui » à tout. En allant parfois jusqu’à anticiper leurs désirs, comme pour la fondation du nouveau diocèse de Chengde, annoncée le même jour que la signature de l’accord sans qu’on dise pourquoi.

    On a compris la raison peu après, quand ce nouveau diocèse a été assigné à Guo Jincai, le fameux émissaire envoyé au synode par le régime. Les frontières de ce diocèse et de 96 autres diocèses ont été dessinées il y a des années de façon unilatérale par les autorités chinoises afin de faire correspondre aux limites des provinces, faisant fi des 137 diocèses de la géographie vaticane.  Le Saint-Siège ne l’avait jamais accepté.  Mais aujourd’hui, le Pape François a fait le premier pas.  Et cela devrait progressivement entraîner, vu la réduction du nombre des diocèses, la mise hors-jeu de la trentaine d’évêques clandestins.

    La pression du régime sur ces évêques s’est d’ailleurs intensifiée depuis la signature de l’accord.

    Certains d’entre eux ont déjà cédé, comme l’évêque de Lanzhou, Han Zhihai, dont l’acte de soumission a coïncidé avec sa nomination au poste de président de l’Association patriotique locale des catholiques chinois, c’est-à-dire l’instrument de contrôle du régime sur l’Église que le Saint-Siège avait jusqu’à hier toujours considéré comme « inconciliable » avec la doctrine catholique mais à laquelle tous les évêques officiels sont obligatoirement inscrit.

    D’autres en revanche continuent à résister, comme l’évêque de Wenzhou, Shao Zhumin, enlevé par la police mi-novembre pour une énième et inutile session d’endoctrinement dans un endroit tenu secret. C’est la cinquième fois ces deux dernières années que les autorités chinoises l’ont séquestré, au point qu’en juin 2017, même l’ambassade d’Allemagne à Pékin a publiquement protesté en sa défense.

    Voilà l’Église résistante dont le cardinal Zen a tenu à faire entendre la voix dans son appel à François afin qu’elle ne se sente pas abandonnée par Rome. En vain.

    *

    Cette note est parue dans « L’Espresso » n. 51 de 2018, en vente en kiosque le 16 décembre, à la page d’opinion intitulée « Settimo Cielo », confiée à Sandro Magister.

    Voici la liste de toutes les précédentes notes :

    > « L’Espresso » au septième ciel

    —————

    Cet article était déjà sous presse quand une information de dernière minute est venue apporter une confirmation supplémentaire.

    À l’hôtel Diaoyutai de Pékin, réservé aux hôtes de l’État chinois, l’envoyé du Vatican, Claudio Maria Celli a officialisé le passage de témoin, à la tête du diocèse de Mindong, de l’évêque « souterrain » Vincent Guo Xijin à l’évêque « officiel » Vincent Zhan Silu, l’un des sept évêques dont le Pape François a levé l’excommunication le jour de la signature de l’accord.

    A partir de maintenant, Mgr Guo Xijin ne sera plus que l’auxiliaire du nouvel ordinaire du diocèse.

    Entretemps, dans le diocèse de Shantou, l’ancien évêque « souterrain » Pierre Zhuang Jinjian s’est retiré pour faire place à l’évêque « officiel » Joseph Huang Bingzhang, un autre des sept ex-excommuniés.

    Aussi bien Zhan Silu qu’Huang Bingzhang sont eux aussi vice-présidents de la conférence épiscopale fantoche mise en place par les autorités chinoises.

    Il y a un an déjà, Mg Celli s’était rendu à Pékin pour demander ce double remplacement, malgré que les deux évêques aujourd’hui en question étaient encore excommuniés. Mais il s’était heurté à une forte résistante dont le cardinal Zen avait pris soin d’informer le Pape François.  En cherchant à convaincre les deux évêques « souterrain »s, Mgr Celli avait dit que le Pape en personne leur demandait de faire un pas de côté « parce que sinon, l’accord entre la Chine et la Vatican ne pourrait pas être signé ».

    Aujourd’hui, l’accord est là et l’opération a été menée à bien. Tout se tient.

  • Chine : ce que les médias officiels du Vatican ne relaieront pas

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    De Sandro Magister en traduction sur le site "Diakonos.be" :

    Noël derrière les barreaux en Chine pour les martyrs de la liberté de la presse

    « Les yeux tournés vers la Chine », titrait sur cinq colonnes l’Osservatore Romano – qui n’est aujourd’hui plus dirigé par Giovanni Maria Vian mais par Andrea Monda – pour donner l’information que « deux enfants chinois, de six et sept ans, ont apporté des fleurs à la statuette de l’enfant Jésus avec le Pape François » la nuit de Noël dans la basilique Saint-Pierre de Rome.

    Pendant ce temps en Chine, il se passe des choses que les médias officiels du Vatican ne pourront jamais relayer, muselés comme ils le sont par l’accord signé le 22 septembre dernier entre le Vatican et Pékin.

    Voici en effet l’information qui vient de tomber ce 28 décembre, jour de la fête des Saints Innocents, dans un communiqué de presse du CESNUR, le Centre pour l’étude des nouvelles religions.  Nous le reproduisons ci-dessous dans son intégralité.  Avec une seule remarque, celle que « Bitter Winter » a été à plusieurs fois cité par « Settimo Cielo » comme étant l’une des sources les plus fiables au niveau international.

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

    *

    45 journalistes arrêtés en Chine. Ils transmettaient des informations au magazine Italien « Bitter Winter »

    45 journalistes ont été arrêtés en Chine ce mois-ci sous l’accusation d’avoir transmis des informations, des vidéos et des photos au magazine quotidien sur la liberté religieuse et les droits humains en Chine « Bitter Winter », qui est édité depuis mai 2018 à Turin en 8 langues, par le CESNUR, le Centre pour l’étude des nouvelles religions, sous la direction du sociologue turinois Massimo Introvigne, qui est également directeur du CESNUR.

    « Bitter Winter » publie chaque jour des informations inédites de Chine issues d’un groupe nombreux de journalistes chinois, ces informations sont ensuite commentées par les spécialistes du CESNUR.

    Le magazine a acquis une notoriété internationale après avoir publié le mois dernier trois vidéos tournées à l’intérieur d’un des camps surpeuplés de rééducation pour les musulmans ouïgours du Xinjiang, des vidéos qui ont relayées par de nombreux médias internationaux.

    Avec la publication de documents réservés au Parti Communiste Chinois en matière de religion et des photos d’églises, de mosquées et de statues de Bouddha détruites ainsi que des informations sur les mauvais traitements infligés aux prêtres catholiques dissidents qui se poursuivent en dépit de l’accord signé entre la Chine et le Saint-Siège, ces vidéos ont provoqué une réaction brutale du régime.

    C’est le CESNUR et « Bitter Winter » lui-même qui donne la nouvelle de ces arrestations.

    « Nous avons des informations sûres – affirme Massimo Introvigne – qui confirment que certains des journalistes arrêtés ont été torturés pour obtenir le nom d’autres journalistes qui transmettaient des informations et des documents sur la Chine. Et malheureusement, le reporter qui a tourné les vidéos à l’intérieur des camps de rééducation du Xinjiang a disparu sans laisser de traces.  Et comme cela a déjà été le cas pour d’autres journaliste en Chine, nous craignons qu’il soit destiné à ne plus jamais réapparaître.

    « Nous sommes confiants dans le fait que tous ceux qui ont à cœur la liberté de la presse hausseront la voix pour protester contre ces actes très graves. Quant à la Chine, je crois qu’elle sous-estime le nombre de journalistes prêts à risquer leur liberté pour faire connaître au monde les violations des droits humains dans ce pays.  Ceux du réseau « Bitter Winter » ne se réduisent pas à quelques dizaines, ils sont plusieurs centaines ».

  • Chine : une nouvelle réglementation sur les affaires religieuses qui inquiète

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    Du site "Eglises d'Asie" des Missions Etrangères de Paris :

    Inquiétude à la veille de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sur les affaires religieuses

    A la veille de l’entrée en vigueur du nouvel règlement sur les affaires religieuses, Eglises d’Asie publie un article d’Anthony Lam Sui-ki, chercheur au Centre d’études du Saint-Esprit, le centre de recherches sur la Chine du diocèse de Hongkong. Dans cet article, paru dans la revue Tripod n°187, le chercheur fait part de son inquiétude.

     Le gouvernement chinois a annoncé par des canaux officiels le 7 septembre 2017 que le Conseil d'Etat avait approuvé la nouvelle réglementation sur les affaires religieuses (RAR) lors de la 176ème réunion ordinaire du 14 juin 2017. La nouvelle version doit remplacer les règlements actuels adoptés le 30 novembre 2004.

    Comparaisons clés avec la version 2004 (1)

    Il y a de grandes différences par rapport à la version 2004. Le chapitre II sur les « organisations religieuses » dans la version de 2004 devient les chapitres II et III de la version 2017, respectivement intitulés « Organisations religieuses » et « Écoles religieuses ».

    Et après le chapitre V sur le « clergé religieux » (listé comme chapitre IV dans la version de 2004) il y a un nouveau chapitre, le chapitre VI sur les « activités religieuses ». Il y a maintenant 9 chapitres dans la version de 2017. Le nombre d'articles passe de 48 dans la version de 2004 à 74 articles.

    La version de 2017 correspond bien à l'accent mis par la Chine sur « l'antiterrorisme » et le « maintien de la stabilité ». Un nouvel article 3 précise que « la gestion des affaires religieuses maintient les principes de protéger ce qui est licite, de prohiber ce qui est illégal, de supprimer ce qui est extrémiste, de résister à l’infiltration et de combattre le crime » (l'article 3 original devient l'article 4 dans la version de 2017.) Il est clair que la nouvelle version est conçue dans le cadre de la « loi de sécurité nationale » de 2015, de la« loi antiterroriste » et de la « loi sur l’organisation des activité des organisations non-gouvernementales étrangères sur le terrain chinois ». L’article 6, qui indique que « tous les niveaux du gouvernement populaire doivent renforcer le travail sur la religion, établir et compléter les mécanismes de travail sur la religion, et assurer la force et les conditions nécessaires à la promotion de la religion » reflète le contenu du discours sur le travail religieux par le président Xi Jinping en avril 2016.

    Des approches inquiétantes

    Permettez-moi d'abord de soulever quelques points de préoccupation. Le chapitre III sur les « Ecoles religieuses » et le chapitre VI « Activités religieuses » sont des chapitres nouvellement ajoutés. L'article 41 dispose :

    « Les groupes non religieux, les académies non religieuses, les sites d'activités non religieuses ou les sites d'activités temporaires non désignés ne doivent pas avoir d'activités religieuses, ne doivent pas accepter de dons religieux. Les groupes non religieux, les écoles non confessionnelles et les sites d'activités non religieuses ne doivent pas effectuer de formation religieuse et ne doivent pas inciter les citoyens à participer à des formations, des rencontres, des activités religieuses à l’étranger. »

    Évidemment, c'est un instrument pour limiter la pratique des groupes religieux clandestins. Si le gouvernement local ne peut pas fournir des mesures appropriées pour atténuer les contradictions entre les groupes officiels et clandestins, certains conflits blessants seront inévitables à l'avenir.

    Au chapitre VII, l'article 57A est un duplicata de l'article 35 de la version de 2004. Il dispose : « Les groupes religieux, les écoles religieuses ou les sites d'activités religieuses peuvent, conformément aux dispositions nationales pertinentes, accepter les dons d'organisations et d'individus nationaux ou étrangers, qui seront utilisés pour les activités correspondant au but du groupe religieux ou du site des activités religieuses. » Mais l'article 57B, nouvellement ajouté, précise :

    « Les groupes religieux, les écoles religieuses et les sites d'activités religieuses ne doivent pas accepter les dons d'organisations étrangères ou de personnes auxquelles des conditions particulières sont attachées, et lorsque le montant donné dépasse 100 000 RMB, il doit être signalé au département des affaires religieuses du gouvernement du peuple au niveau local ou supérieur pour examen et approbation. »

    Une telle réglementation causera beaucoup de problèmes à la communauté religieuse. Cela permettra également aux autorités d'abuser et de corrompre pendant le processus d'examen et d'approbation.

    Certaines pénalités sont inquiétantes

    Dans la version préliminaire ouverte à la consultation du public qui a été publiée en septembre 2016, il y avait un certain nombre de sanctions, telles que les articles 64B, 69, 70A et 71. Elles ont déjà été critiquées par de nombreux observateurs étrangers, y compris moi-même. Par exemple, l'article 64B indique :

    « Lorsque des activités religieuses à grande échelle sont organisées sans autorisation, le département des affaires religieuses et les départements concernés doivent ordonner l'arrêt des activités et peuvent infliger une amende de 100 000 à 300 000 RMB ; et lorsqu'il y a des gains illégaux ou des biens illégaux, ils doivent les confisquer. Parmi ceux-ci, quand des activités religieuses à grande échelle sont organisées sans autorisation par des groupes religieux ou des sites d'activités religieuses, les organes de gestion des inscriptions peuvent également ordonner que le groupe religieux ou le site d'activités religieuses se retire et change de dirigeant. »

    De plus, l'article 69 vise à contrôler le site des activités religieuses et prévoit des peines différentes à l’encontre les groupe religieux et des groupes non-religieux :

    « Lorsqu'un site d'activités religieuses est établi sans autorisation, ou lorsqu'un site d'activités religieuses dont l'enregistrement a été révoqué ou le certificat d'enregistrement annulé, continue d'exercer des activités religieuses, ou lorsqu'une école religieuse est établie sans autorisation, le département des affaires religieuses avec les départements concernés doivent le fermer et confisquer les gains illégaux ou les actifs illégaux ; lorsque les gains illicites ou les avoirs illicites ne peuvent être déterminés, une amende pouvant aller jusqu'à 50 000 RMB est infligée ; les maisons ou structures illégales doivent être éliminées par les services d'urbanisme et de construction conformément à la loi ; et lorsqu'il y a un comportement en violation de la gestion de la sécurité publique, une sanction administrative de sécurité publique est imposée conformément à la loi.
    Lorsqu'un groupe non religieux, une école non religieuse, un site d'activités non religieuses ou un site non désigné pour des activités temporaires organise ou tient des activités religieuses ou accepte des dons religieux, le département des affaires religieuses, avec les départements de sécurité publique et civile , de la construction, de l'éducation, de la culture, du tourisme, de la culture, etc., lui ordonneront de cesser les activités et confisqueront les gains illicites et les avoirs illégaux ; ils peuvent donner une amende entre une et trois fois la valeur des gains illégaux ; lorsqu'il n'est pas possible de déterminer le montant des gains illicites, une amende pouvant aller jusqu'à 50 000 RMB est imposée ; et lorsqu'un crime est constitué, la responsabilité pénale est poursuivie conformément à la loi. »

    Contrairement aux articles ci-dessus, l'article 70A vise les activités extraterritoriales des groupes religieux. Il indique :

    « Quand, sans autorisation, les citoyens religieux sont organisés pour quitter le continent afin de participer à des formations religieuses, des réunions, au hajj ou à d'autres activités, quand l'éducation et la formation religieuse sont effectuées sans autorisation, le département des affaires religieuses, avec les départements concernés , doivent ordonner de mettre un terme à ces activités, peuvent imposer une amende de 20 000 à 200 000 RMB, et confisquer les éventuels gains illégaux ; lorsqu'un crime est constitué, la responsabilité pénale est poursuivie conformément à la loi. »

    L'article 71 est le plus déroutant. Il vise soi-disant les activités religieuses illégales, mais couvre en réalité toute personne qui entretient un lien avec des activités religieuses.

    «Lorsque des conditions sont prévues pour des activités religieuses illégales, les services des affaires religieuses doivent adresser un avertissement et confisquer les gains illégaux ou les éventuels avoirs illégaux ; lorsque les circonstances sont graves, une amende de 20 000 à 200 000 RMB doit être infligée. »

    Je souhaite attirer l'attention sur une autre embûche. Le nouvel article 70B ne figurait pas dans le projet. Il dispose :

    « Lorsqu'il y a prosélytisme, organisation d'activités religieuses, établissement d'organisations religieuses ou établissement de sites d'activités religieuses dans des écoles ou des établissements d'enseignement autres que les écoles religieuses ; l'organe de révision et d'approbation ou les autres services compétents doivent établir les corrections nécessaires dans un certain délai et adresser des avertissements ; lorsqu'il y a des gains illégaux, ils doivent être confisqués ; lorsque les circonstances sont sérieuses, les inscriptions seront arrêtées et les autorisations d’enseignement annulées ; et lorsqu'un crime est constitué, la responsabilité pénale est poursuivie conformément à la loi. »

    Maintenant, les célébrations de Noël ou même le partage d'un classique religieux peuvent amener les gens à tomber dans le trou noir des procès. Ce n'est pas seulement une attaque violente contre les groupes religieux en Chine, mais cela décourage aussi fortement le contact du peuple chinois avec la culture mondiale.

    Plusieurs articles importants facilement négligés

    Après l'article 20 (anciennement appelé article 14 dans la version de 2004) qui énumère les conditions d'établissement d'un lieu d'activités religieuses, un nouvel article 21 sur les « procédures pour la création d'un site d'activités religieuses » a été ajouté. Un autre article, l’article 33, indique :

    « La reconstruction ou la construction de nouveaux bâtiments dans des sites d'activités religieuses doit être effectuée après approbation par le département des affaires religieuses du gouvernement populaire local au niveau local ou à un niveau supérieur, puis traitement des formalités telles que la planification et la construction. »

    Cela peut être interprété comme une réponse juridique à la vague de démolitions de croix qui ont eu lieu à Wenzhou, dans le Zhejiang entre 2014 et 2016, et qui visaient particulièrement les chrétiens. Pour le moment nous ne pouvons pas évaluer la signification de cet article mais nous espérons que sous la direction disciplinaire forte du gouvernement central, de tels abus ne seront plus tolérés par le gouvernement local.

    À l'article 35, une nouvelle catégorie de « sites d'activités temporaires » a été introduite. Ce nouveau développement peut ouvrir plus d'espace pour les activités des organisations religieuses à l'avenir. L'article 35 indique :

    « Lorsque les citoyens religieux ont besoin de mener régulièrement des activités religieuses collectives, mais ne réunissent pas les conditions pour demander la création de sites d'activités religieuses, un représentant des citoyens religieux doit soumettre une demande au département des affaires religieuses du peuple, et, après consultation des groupes religieux locaux et des gouvernements populaires locaux, il peut désigner un site d'activité temporaire pour eux.

    Sous la direction des départements des affaires religieuses des gouvernements populaires au niveau régional, les gouvernements populaires des municipalités surveillent les activités dans les lieux d'activités temporaires. Une fois qu'ils possèdent les conditions pour la création de sites d'activités religieuses, les examens, les autorisations et les formalités d'enregistrement pour l'établissement de sites d'activités religieuses doivent être complétés.

    Les activités religieuses sur les sites d'activité temporaire doivent être conformes aux dispositions pertinentes du présent règlement. »

    En particulier, j'attire l'attention sur l'article 36B qui a été conservé dans la nouvelle version (il figurait dans l'article 27B dans la version de 2004). L'article 36B se lit comme suit :

    « Les successeurs du Bouddha vivant du Bouddhisme Tibétain sont sous la direction de l'Association Bouddhiste, et en accord avec le rituel bouddhiste et la tradition historique. Leurs noms doivent être soumis à l'approbation des départements des affaires religieuses ou des gouvernements populaires au niveau ou au-dessus du niveau des villes divisées en districts. L'organisation religieuse nationale de l'Église catholique doit indiquer les noms des évêques de l'Église catholique au département des affaires religieuses du Conseil d'État. »

    Cet article mentionne simplement « le report des noms » après les élections, mais ne détermine pas comment les évêques doivent être choisis. L'ambivalence laisse place à la négociation pour résoudre la question des nominations des évêques. Cela reflète aussi le fait que depuis l'arrivée de Xi Jinping au pouvoir en mars 2013, il n'y a pas eu de nouveau cas de consécration illégitime en Chine.

    Conclusion

    La situation politique actuelle en Chine est très étrange. C'est comme une personne avec une mysophobie sévère (peur de la contamination). Cela ne permet pas aux gens d'avoir un développement personnel. Leur réflexion et leur comportement doivent suivre l'exemple du gouvernement. En d'autres termes, 1,3 milliard de personnes doivent suivre un moule unique.

    Assister à la messe, imprimer des livres religieux, la formation spirituelle et d'autres activités religieuses sont pour le gouvernement chinois non seulement des affaires personnelles mais des affaires de l'État.

    Le concept de « le pays d'abord » a été promu par le Parti communiste depuis 1949, ce qui signifie qu'une personne devrait absolument obéir au pays parce que le régime communiste croit seulement que c’est lorsque le pays devient plus fort que ses citoyens peuvent épouser leurs propres valeurs.

    Dans cet état d’esprit, les affaires religieuses seraient plus étroitement contrôlées sous le fort leadership de Xi Jinping.

    En particulier, à mesure que la Chine s'enrichit, le gouvernement peut utiliser beaucoup de matériel technologique de pointe pour surveiller chaque mouvement de la population. Par exemple, les démolitions de croix et même la destruction de certaines églises dans la province de Wenzhou et du Zhejiang se sont arrêtées en 2016. Les autorités ont ensuite installé des caméras de vidéosurveillance pour surveiller les églises et les fidèles. Les catholiques locaux n'oseront pas agir inconsidérément.

    Mais, pour être juste, la nouvelle version de la réglementation ne vise pas nécessairement les communautés chrétiennes dites « clandestines » qui se développent rapidement. En effet, les communautés chrétiennes clandestines n'ont pas connu une croissance rapide au cours des dernières années, en particulier pour les catholiques. Les communautés catholiques rétrécissent même. Mais l'Administration d'Etat des Affaires Religieuses aimerait néanmoins contrôler les religions.

    La nouvelle version aura en réalité un plus grand impact sur la communauté officielle de l'Église catholique, par exemple en examinant de plus près leurs relations avec le Vatican. La communauté officielle de l'Église catholique doit tout rapporter au gouvernement. Pour le côté souterrain, cela ne fait aucune différence car ils ont déjà été qualifiés d'illégaux.

    Le 7 septembre 2016, le conseil d'état a envoyé un projet de loi pour réviser le Règlement sur les affaires religieuses (RRA) afin de recueillir des opinions. Ce qui nous a surpris, c'est que les « nouveaux règlements » étaient presque un double du « projet ». Pour autant que je sache, il n'y a que deux nouveaux points, l'article 66 et l'article 70B (concernant l'indemnisation), ainsi qu'un point qui a été supprimé, à savoir la seconde moitié de l'article 55. Rien d'autre n'a été changé. Même les soi-disant trois nouveaux articles ne sont rien d'autre qu'une restructuration des articles existants.

    Cela soulève une question. À la lumière de ce léger amendement, les nouveaux règlements auraient dû être promulgués beaucoup plus tôt selon le plan original du gouvernement. Même en janvier 2017, Wang Zuo'an, le chef de la SARA, a annoncé qu'il serait bientôt adopté. Pourquoi a-t-il été reporté à juin (date à laquelle, selon le gouvernement, les règlements ont été adoptés) ? Cela montre qu'il y a peut-être eu des disputes importantes. Quelles sont-elles? Comment les secteurs religieux actuels et futurs en Chine vont-ils appréhender ces différences ? Ce sont les questions que nous devrions traiter à l'avenir.

    Notes

     (1) Les règlements cités dans la version anglaise de cet article proviennent principalement de deux sources : la traduction anglaise de Peter Barry dans Tripod Vol. 25, n°136 (2005): 5-18 ; et https://www.chinalawtranslate.com / 宗 教 事 务 条 例 -2017 /? Lang = fr/

  • L'Eglise et la Chine : capitulation et trahison ?

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    De Riccardo Cascioli sur le site de la Nuova Bussola quotidiana (traduction à venir):

    La longue marche du Vatican vers la capitulation en Chine

    La longue marche du Vatican vers la capitulation en Chine
     
    La nouvelle est vraie: la délégation du Vatican a demandé à deux évêques légitimes de démissionner pour faire place à deux évêques de l'Association patriotique. Et le pape François connaît et partage toutes les démarches de ses diplomates en Chine. C'est ce qui ressort de la réaction immédiate du Saint-Siège en réponse à l'évêque émérite de Hong Kong, le cardinal Joseph Zen, d'abord avec la déclaration de la salle de presse Janvier 30, ensuite avec la longue interview accordée au Vatican Insider par le cardinal Secrétaire d'Etat Pietro Parolin.

    La nouvelle sensationnelle du retrait exigé des deux évêques légitimes donnée par l'agence  Asia News et confirmée plus tard par le cardinal Zen (d'abord à la  Nuova Bussola Quotidiana puis sur son blog), avait justifié son voyage à Rome pour remettre au pape François la lettre affligée de l'un des deux évêques, Mgr Zhuang Jianjian de Shantou (Guangdong). De sa rencontre avec le pape, le cardinal Zen avait obtenu la conviction qu'il n'avait aucune intention de procéder à une reddition totale au régime communiste chinois, comme le laissait supposer au contraire le rapport de la délégation du Vatican.

    C'est à ce moment que le communiqué de la Salle de Presse est venu préciser que "le pape est en contact constant avec ses collaborateurs, en particulier de la Secrétairerie d’Etat, sur les questions chinoises, et est informé par eux de façon fidèle et détaillée sur la situation de l’Eglise catholique en Chine et sur les étapes du dialogue en cours entre le Saint-Siège et la République populaire de Chine, qu’il accompagne avec une sollicitude spéciale." Ce communiqué ne cache pas son agacement à l'égard du cardinal Zen qui est visé par l'aigre conclusion : "Il est surprenant et regrettable que des personnes d’Eglise affirment le contraire, et que soient alimentées tant de confusions et de polémiques."

    Aucune mention, cependant, n'est faite à l'histoire des deux évêques, mais une confirmation indirecte de la vérité des faits. Confortée par l'interview du cardinal Parolin qui, après beaucoup de paroles de compréhension et de prise en compte à l'égard des souffrances endurées par ce qu'on appelle l'Eglise clandestine, confirme que celle-ci devra payer le prix de la normalisation des relations diplomatiques avec le régime chinois. On pourrait déjà s'étonner du langage trop diplomatique du secrétaire d'État qui s'exprime dans la terminologie de Pékin ( la « Chine Nouvelle » correspond à la définition de la Chine communiste). Sans tenir compte des dizaines de milliers de catholiques (y compris des évêques, des prêtres et des laïcs) tués ou emprisonnés et torturés dans le Laogai (le goulag chinois), le cardinal, évoquant un « sérieux conflit et des souffrances aiguës, » liquide la scission de l'Eglise due à l'initiative du régime chinois pour créer une Eglise nationaliste, détachée du pape, avec la formation de l'Association patriotique des catholiques chinois.

    Parolin s'en prend à ceux qui utilisent des mots comme abandon, trahison, compromis, qui ont une saveur politique alors que l'Église, dit-il, n'agit que pour des raisons pastorales; par conséquent, on devrait utiliser un autre vocabulaire: service, dialogue, miséricorde, pardon, réconciliation, etc. Personne ne veut nier les bonnes intentions du secrétaire d'État, mais le cardinal Parolin doit aussi se rendre compte que même si les motivations du Saint-Siège sont pastorales, le Saint-Siège est engagé dans une négociation politique et diplomatique. Et le terme "reddition" est plus qu'approprié pour ce que nous voyons puisque le Saint-Siège accorde au régime communiste chinois le pouvoir sur la nomination des évêques catholiques (déjà sérieux en soi) sans rien avoir en retour : au cours des derniers mois, le gouvernement a intensifié la répression contre les communautés catholiques et, à compter d'aujourd'hui, le 1er février, un nouveau règlement sur les activités religieuses entrera en vigueur, ce qui donnera lieu à un nouveau tour de vis.

    L'histoire des deux évêques à démettre est encore plus grave car les remplaçants voulus par le gouvernement chinois et entérinés par le Saint-Siège ne sont toujours pas «réconciliés» avec Rome. Ils ne figurent même pas parmi ceux qui, malgré leur adhésion à l'Association patriotique, ont demandé dans les années passées d'être accueillis dans la communion avec l'Église universelle. Un contraste total en regard des catholiques qui, pendant des décennies, ont enduré de grandes souffrances pour leur fidélité au pape. C'est aussi une source de confusion sérieuse car il est dès lors légitime de se demander si, pour le Saint-Siège, les évêques, les prêtres et les laïcs qui ont accepté le martyre pour rester fidèles à l'Église se sont trompés.

    D'autant plus que le cardinal Parolin lui-même reconnaît que dans les relations avec Pékin, « le choix des évêques est crucial », comme d'ailleurs il l'a toujours été: en fait, il est le cœur même de la scission entre l'Association patriotique, contrôlée par le Parti communiste et l'Eglise clandestine. Bien que, depuis les années 1990, le Saint-Siège ait une attitude de grande ouverture et de dialogue à l'égard de Pékin (contrairement à ce que dit le cardinal Parolin), il y a aujourd'hui un changement radical. Jusqu'à présent, en effet, l'Association Patriotique et la revendication du régime communiste pour nommer les évêques étaient considérés comme l'obstacle principal, tandis qu'aujourd'hui, on doit comprendre que, pour le Saint-Siège, l'obstacle est tristement représenté par l'Église clandestine.

    Le cardinal Parolin cite la célèbre lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois (27 mai 2007) pour revendiquer la continuité de la ligne actuelle avec celle des pontificats précédents. Certes, Jean-Paul II et Benoît XVI avaient clairement exprimé le besoin d'un chemin de réconciliation entre les catholiques et le désir de normaliser les relations avec la Chine; ils avaient clairement assuré que l'Eglise n'était pas intéressée par un affrontement politique et qu'il était préférable d'être des catholiques romains et de bons citoyens chinois, mais dans le cadre d'une référence claire aux principes qui ne peuvent être galvaudés et en valorisant les souffrances de l'Église persécutée .

    Le cardinal Parolin cite à juste titre le passage de la lettre de Benoît XVI, lorsqu'il dit que "la solution des problèmes existants ne peut être poursuivie par un conflit permanent avec les autorités civiles légitimes"; cependant, il oublie de mentionner la deuxième partie de la phrase: «en même temps, cependant, il n'est pas acceptable d'être dociles à l'égard de ces autorités quand elles s'ingèrent indûment dans les questions concernant la foi et la discipline de l'Église». Et plus loin il dit encore, se référant à l'Association patriotique: "Le but déclaré de ces organisations de mettre en œuvre les principes d'indépendance et d'autonomie, d'autogestion et d'administration démocratique de l'Église, est incompatible avec la doctrine catholique qui professe dans les plus anciens Symboles de la foi « l'Église une, sainte, catholique et apostolique» ». Et si ce n'était pas encore assez clair: "La communion et l'unité - répétons-le - sont des éléments essentiels et intégrants de l'Eglise catholique : donc le projet d'une Eglise" indépendante ", dans la sphère religieuse, du Saint-Siège est incompatible avec la doctrine catholique ".

    Feindre de dépasser le scandale d'une Église «indépendante» en la reconnaissant comme légitime tout court, ce n'est pas de la miséricorde, c'est une capitulation sans conditions, c'est de la trahison.

  • La répression contre les chrétiens s'intensifie en Chine

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    Alors qu'au Vatican on semble s'obstiner à vouloir obtenir à tout prix un accord avec le gouvernement chinois, la répression contre les chrétiens s'intensifie en Chine, particulièrement dans la province de Henan : du site EDA des Missions Etrangères de Paris :

    La liberté religieuse à nouveau menacée dans la province de Henan

    Les chrétiens de la province de Henan, dans le centre-est de la Chine, craignent l’arrivée d’une nouvelle répression après avoir été interdits d’afficher les traditionnels distiques ou couplets (poèmes composés de deux vers), du nouvel an chinois, affichés devant les maisons chaque année.

    Les chrétiens de la province de Henan ont été interdits, cette année, d’afficher les traditionnels distiques (poésies formées de deux vers) à l’occasion du nouvel an chinois. Les autorités ont visité les villages et les villes de la province pour ordonner aux gens de ne pas continuer, cette année, cette pratique devenue traditionnelle durant le festival. Les catholiques locaux s’inquiètent d’une nouvelle répression de la liberté religieuse dans la province.

    Ces distiques, ou couplets, formés de caractères noirs et or sur papier rouge, sont affichés verticalement sur les portes des maisons, avec un parchemin composé de quatre caractères fixés au-dessus. Ces poèmes expriment la joie populaire durant le festival et l’espoir d’une vie meilleure durant l’année à venir.

    Le père Peter confie qu’il a vu des chefs de villages interdire les catholiques d’afficher ces couplets dans la ville de Xuliang, dans le comté de Bo’ai de la province de Henan. « Ils criaient dans la rue en diffusant des tracts à toutes les familles catholiques. J’ai demandé à l’un d’entre eux : ‘Quand l’article 36 de la constitution chinoise a-t-il été réécrit pour restreindre la liberté religieuse ?’ Il s’est contenté de continuer sans me répondre. » Le prêtre, qui officie dans la région, ajoute : « La situation est plus tendue cette année, ainsi que la situation des libertés religieuses. »

    « La situation est plus tendue cette année »

    Ses proches, qui travaillent pour les autorités municipales, lui ont dit que ces tracts ont été distribués dans plusieurs villes. Selon le père Peter, les quelques catholiques de la région sont éparpillés dans plusieurs communautés. Leur influence est donc assez faible et ils n’ont aucun moyen de s’opposer à cette interdiction : « Les croyants s’inquiètent aussi de devoir faire face à des représailles s’ils ignorent l’interdiction. » Le père John, du diocèse de Puyang, affirme que les catholiques de sa région n’ont reçu que des ordres de vive voix, et non des interdictions écrites.

    Thomas, un catholique de la province, précise qu’il s’agit d’une violation de la constitution qui protège la liberté religieuse. Il s’inquiète que la province de Henan doive à son tour, cette année, faire face à une répression religieuse, d’autres problèmes du même type ayant déjà eu lieu. Une source du diocèse de Luoyang explique que les petites assemblées, dans le cadre des rassemblements non enregistrés, sont interdites – en particulier concernant les Églises protestantes.

    Un prêtre, qui a demandé à rester anonyme, confie qu’une petite église du village de Gao Mao « a été sanctionnée par les autorités qui ont noté, en visitant le village, beaucoup de problèmes de sécurité ».Pour lui, il s’agit d’une excuse pour pouvoir agir, car l’église n’avait pas été enregistrée auprès du gouvernement pour des activités religieuses. Le prêtre explique que les autorités ont visité beaucoup de lieux avant le nouvel an chinois « en demandant aux prêtres de présenter leurs cartes d’immatriculation, faute de quoi ils ne pourront organiser aucune célébration à l’avenir ». Il pense que la province de Henan est la nouvelle cible du gouvernement, parce qu’elle abrite des protestants, des bouddhistes, des catholiques, des musulmans et des taoïstes.

    Le père John, du diocèse d’Anyang, dans la province de Henan, confirme qu’il a été demandé à son diocèse « qu'aucun catholique n’était autorisé », spécifiant que « les classes de mineurs, en particulier, étaient absolument interdites ». De plus, le Parti Communiste a interdit l’entrée dans les églises à tous les fonctionnaires, les enseignants et les étudiants. Le père John ajoute que les temples protestants de la province semblent être la cible principale, parce que le gouvernement craint un nombre croissant de baptêmes : « Indirectement, l’Église catholique est victime de cette répression. »

    (Ucanews, Hong-Kong)

  • Chine : le pape ferait-il fausse route ?

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    De Christian Makarian sur le site de l'Express.fr

    Chine: la fausse route du pape

    Le chef de l'Eglise de Rome a l'intention d'amorcer la normalisation des relations avec Pékin. Mais est-ce une si bonne idée?

    Après le probable tête à tête de Donald Trump avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, faut-il s'attendre à une visite du pape François en République Populaire de Chine (RPC) ? Il est difficile de percer le mur du secret qui entoure les tractations entre le Vatican et Pékin, mais on peut s'attendre à une évolution sensible des relations diplomatiques puisque, de part et d'autre, des hommes de l'ombre oeuvrent à la normalisation. Pourquoi ? Et à quel prix ?

    Deux Eglises concurrentes

    Il n'existe pas de relations diplomatiques entre Rome et Pékin depuis 1951, le Vatican reconnaît Taïwan comme représentant de la Chine. Certains adversaires du pape - ils commencent à être sérieusement nombreux - évoquent un orgueil personnel : François voudrait être le premier pape à se rendre en Chine. Il s'agit là bien davantage d'une calomnie que d'une explication. Il serait plus juste de parler, éventuellement, d'angélisme : Jorge Bergoglio, qui n'est pas européen mais argentin, ne voit pas du tout le monde à l'instar des représentants traditionnels de l'Eglise. Issu du monde émergent, il trouve inconcevable que le chemin du pays le plus peuplé de la planète (1,4 milliard d'habitants), où la foi chrétienne est appelée à un très grand avenir, soit toujours obstrué par un blocage total entre le Vatican et Pékin. Une des voies de dénouement pourrait être un accord entre le Saint Siège et le RPC portant sur la procédure de nomination des évêques, point extrêmement sensible. 

    Car le régime chinois a encouragé la naissance et le développement d'une Eglise officielle - nommée, de façon hautement significative, l'"Association catholique patriotique", institution officielle destinée à faire souffrir, et à faire taire, les catholiques libres et fervents qui entendent vivre leur foi en dehors de tout alignement politique. Ces croyants libres, catégorisés par le régime comme Eglise clandestine, ont aussi leurs évêques. Parmi eux, on compte l'emblématique et courageux cardinal et évêque émérite de Hong Kong, Mgr Joseph Zen, qui n'a cessé de mettre en garde la Vatican contre un rapprochement qui ferait principalement les affaires du régime chinois et l'encouragerait à favoriser l'Eglise officielle contre l'Eglise réelle. Du reste, Jean Paul II comme Benoît XVI ont obstinément refusé, pour ces raisons, de normaliser les rapports avec la RPC ; ils savaient que cela n'influerait en rien sur une plus grande liberté accordée à l'Eglise, bien au contraire.

    Un christianisme en plein essor

    Le catholicisme a beau être très ancien en Chine, puisqu'il y a été implanté par saint François-Xavier, dès 1552, il n'est pas pour autant le fer de lance du christianisme dans l'empire du Milieu. En France, lorsque l'on dit "chrétien", on entend subséquemment le mot "catholique" car l'Eglise de Rome fut totalement dominante dans notre histoire ; en Chine, il en va différemment, car le terme "chrétiens" désigne en premier lieu les protestants, tant ils sont majoritaires. Rappelons que Tchan Kaï-Chek, l'ennemi de Mao Tse Toung, qui trouva refuge à Formose (Taïwan) après sa défaite et la fondation de la Chine Populaire, en 1948, était lui-même protestant, ainsi que son épouse. Les protestants se sont multipliés après l'arrivée des premiers missionnaires britanniques (puis américains) à partir des guerres de l'opium de la décennie 1840. On considère qu'il y aurait aujourd'hui en Chine environ 12 millions de catholiques et près de 80 ou 90 millions de protestants, correspondant à des dénominations très diverses. Le nombre de lieux de culte retranscrit la même disproportion ; entre 4000 et 5000 pour les catholiques, peut-être 30 000, ou davantage pour les protestants : il est évidemment impossible d'être plus précis sur ce point totalement soumis aux autorités chinoises. Autant dire que la foi chrétienne est galopante au pays de Mao, ce qui constitue un cinglant échec du régime.

    Foi contre foi

    Depuis des décennies, et plus particulièrement durant les dix dernières années, les communistes chinois ont en effet tout entrepris pour restreindre les droits des chrétiens, les ficher, humilier ou emprisonner leurs chefs, et dissuader les conversions au protestantisme ou au catholicisme. Derrière ces persécutions, une crainte essentielle, celle de voir l'esprit libéral occidental, avec son cortège de libertés fondamentales (de culte, donc de pensée, d'expression, d'aller et venir...). Ce n'est sûrement pas par hasard que, lors du dernier Congrès du Parti Communiste Chinois, en octobre 2017, Xi Jinping a pourfendu l'esprit occidental, l'a désigné comme une cible et qu'il a utilisé une expression assez singulière : "Quand le peuple a la foi, a-t-il déclaré, la nation a la force". De quelle fois s'agit-il ? Celle qu'il faut avoir dans le parti, évidemment, et dans son dirigeant, qui s'est arrogé, il y a trois semaines, la possibilité d'exercer le pouvoir suprême sans limite de mandat. Benoit Vermander, ancien directeur de l'Institut Ricci, la prestigieuse institution catholique, basée à Taïpeh, et aujourd'hui professeur de sciences religieuse à l'université Fudan de Shanghai, résume tout le débat : "La Chine est un Etat-Eglise ; et le parti est l'Eglise de cet Etat". C'est pourquoi le pape François aura le plus grand mal, si une forme de normalisation devenait effective, à dessiner un espace de vraie liberté pour l'Eglise de Rome.