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Doctrine Sociale

  • Le pape Léon XIV a encouragé les hommes politiques à s’inspirer de saint Thomas More, tellement engagé au service de la vérité qu’il était prêt à mourir pour elle

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    DISCOURS DU PAPE LÉON XIV 
    AUX PARLEMENTAIRES À L'OCCASION DU JUBILÉ DES POUVOIRS PUBLICS

    Salle des bénédictions
    Samedi 21 juin 2025

    Madame la présidente du Conseil et Monsieur le président de la Chambre des députés de la République italienne,

    Madame la présidente et Monsieur le secrétaire général de l’Union interparlementaire,
    Représentants des institutions académiques et responsables religieux,

    C’est avec plaisir que je vous accueille à l’occasion de la rencontre de l’Union interparlementaire internationale, dans le cadre du Jubilé des pouvoirs publics. Je salue les membres des délégations de soixante-huit pays. Parmi eux, j’adresse une pensée particulière aux présidents des institutions parlementaires respectives.

    L’action politique a été définie, à juste titre, par Pie XI comme «la forme la plus élevée de la charité» (Pie XI, Discours à la Fédération universitaire catholique italienne, 18 décembre 1927). Et, en effet, si l’on considère le service qu’elle rend à la société et au bien commun, elle apparaît véritablement comme l’œuvre de cet amour chrétien qui n’est jamais une simple théorie, mais toujours un signe et un témoignage concret de l’action de Dieu en faveur de l’homme (cf. François, encyclique Fratelli tutti, nn. 176-192).

    A ce sujet, je voudrais partager avec vous ce matin trois considérations que je juge importantes dans le contexte culturel actuel.

    La première concerne la mission qui vous est confiée de promouvoir et de protéger, au-delà de tout intérêt particulier, le bien de la communauté, le bien commun, en particulier en défense des plus faibles et des marginalisés. Il s’agit, par exemple, de s’engager à surmonter l’inacceptable disproportion entre la richesse concentrée entre les mains de quelques-uns et la pauvreté d’une multitude (cf. Léon XIII, encyclique Rerum novarum, 15 mai 1891, n. 1). Ceux qui vivent dans des conditions extrêmes crient pour faire entendre leur voix, mais souvent, ils ne trouvent pas d’oreilles attentives. Ce déséquilibre engendre des situations d’injustice permanente qui débouchent facilement sur la violence et, tôt ou tard, sur le drame de la guerre. En revanche, une bonne politique, en favorisant une répartition équitable des ressources, peut offrir un service efficace à l’harmonie et à la paix, tant au niveau social qu’international.

    La deuxième réflexion porte sur la liberté religieuse et le dialogue interreligieux. Dans ce domaine également, aujourd’hui toujours plus actuel, l’action politique peut faire beaucoup, en promouvant les conditions favorables à une liberté religieuse effective et à au développement d’un dialogue respectueux et constructif entre les diverses communautés religieuses. Croire en Dieu, avec les valeurs positives qui en découlent, constitue une immense source de bien et de vérité dans la vie des personnes et des communautés. Saint Augustin, à ce propos, évoquait le passage chez l’homme de l’amor sui — l’amour égoïste de soi, fermé et destructeur — à l’amor Dei — l’amour gratuit, enraciné en Dieu et conduisant au don de soi —, comme élément fondamental de la construction de la civitas Dei, c’est-à-dire d’une société dans laquelle la loi fondamentale est la charité (cf. De civitate Dei, XIV, 28).

    Pour avoir alors un point de référence unitaire dans l’action politique, au lieu d’exclure a priori, dans les processus décisionnels, la référence au transcendant, il convient d’y rechercher ce qui unit chacun. A cet égard, un point de référence incontournable est celui de la loi naturelle: non pas écrite de la main de l’homme, mais reconnue comme valide universellement et en tout temps, qui trouve dans la nature même sa forme la plus plausible et convaincante. Dans l’Antiquité, Cicéron en était déjà un éminent interprète, en écrivant dans De re publica: «Il est une loi véritable, la droite raison conforme à la nature, immuable, éternelle, qui appelle l’homme au bien par ses commandements, et le détourne du mal par ses menaces […].  On ne peut ni l’infirmer par d’autres lois, ni déroger à quelqu’un de ses préceptes, ni l’abroger tout entière; ni le sénat ni le peuple ne peuvent nous dégager de son empire; elle n’a pas besoin d’interprète qui l’explique;  il n’y en aura pas une à Rome, une autre à Athènes, une aujourd’hui, une autre dans un siècle; mais une seule et même loi éternelle et inaltérable régit à la fois tous les peuples, dans tous les temps» (Cicéron, La République, III, 22).

    La loi naturelle, universellement valide au-delà d’autres opinions pouvant être discutées, constitue la boussole pour légiférer et agir, notamment face aux délicates questions éthiques qui, aujourd’hui plus que par le passé, touchent le domaine de la vie personnelle et de la vie privée.

    La Déclaration universelle des droits de l’homme, approuvée et proclamée par les Nations unies le 10 décembre 1948, appartient désormais au patrimoine culturel de l’humanité. Ce texte, toujours actuel, peut contribuer de manière décisive à replacer la personne humaine, dans son intégrité inviolable, à la base de la recherche de vérité, afin de rendre sa dignité à ceux qui ne se sentent pas respectés dans leur for intérieur et dans les exigences de leur conscience.

    Venons-en à la troisième considération. Le degré de civilisation atteint dans notre monde, et les objectifs auxquels vous êtes appelés à répondre, trouvent aujourd’hui un grand défi dans l’intelligence artificielle. Il s’agit d’un développement qui apportera sans aucun doute une aide utile à la société, dans la mesure où, toutefois, son utilisation ne compromet pas l’identité et la dignité de la personne humaine, ni ses libertés fondamentales. En particulier, il ne faut pas oublier que le rôle de l’intelligence artificielle est d’être un instrument au service du bien de l’être humain, et non pour le diminuer ou en provoquer la perte. Le défi qui se profile est donc important, et exige une grande attention, une vision clairvoyante de l’avenir, afin de concevoir, dans un monde en rapide mutation, des styles de vie sains, justes et sûrs, en particulier pour les jeunes générations.

    La vie personnelle vaut beaucoup plus qu’un algorithme et les relations sociales ont besoin d’espaces humains bien plus riches que les schémas limités que peut préfabriquer une quelconque machine sans âme. N’oublions pas que bien qu’étant en mesure d’emmagasiner des millions de données et d’offrir en quelques secondes des réponses à de nombreuses questions, l’intelligence artificielle  demeure dotée d’une «mémoire» statique, sans comparaison possible avec celle de l’homme et de la femme, qui est au contraire créative, dynamique, générative, capable d’unir passé, présent et avenir dans une recherche vivante et féconde de sens, avec toutes les implications éthiques et existentielles qui en découlent (cf. François, Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle, 14 juin 2024).

    La politique ne peut ignorer un tel défi. Elle est, au contraire, appelée à répondre aux nombreux citoyens qui regardent à juste titre les défis liés à cette nouvelle culture numérique avec confiance mais aussi préoccupation.

    Saint Jean-Paul II, lors du Jubilé de l’an 2000, a indiqué aux hommes politiques saint Thomas More comme témoin à admirer et intercesseur sous la protection duquel placer leur engagement. En effet, Thomas More fut un homme fidèle à ses responsabilités civiles, précisément en vertu de sa foi, qui le conduisit à interpréter la politique non pas comme une profession, mais comme une mission pour la promotion de la vérité et du bien. Il «mit son activité publique au service de la personne, surtout quand elle est faible ou pauvre; il géra les controverses sociales avec un grand sens de l’équité; il protégea la famille et la défendit avec une détermination inlassable; il promut l’éducation intégrale de la jeunesse» (Lett. Ap. M.P. E Sancti Thomae Mori, 31 octobre 2000, n. 4). Le courage avec lequel il n’hésita pas à sacrifier sa vie pour ne pas trahir la vérité en fait pour nous, aujourd’hui encore, un martyr de la liberté et de la primauté de la conscience. Puisse son exemple être pour chacun de vous une source d’inspiration et d’orientation.

    Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour votre visite. Je forme mes meilleurs vœux pour votre mission et j’invoque sur vous et sur vos proches les bénédictions du Ciel.

    Je vous remercie tous. Que Dieu vous bénisse, ainsi que votre travail. Merci.

  • Avec Léon XIV, la loi naturelle revient enfin

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    De Stefano Fontana sur la NBQ :

    Avec Léon XIV, la loi naturelle revient enfin

    Dans son discours aux parlementaires, le pape pose la loi naturelle comme référence pour légiférer sur les questions éthiques, y compris celles qui touchent à la sphère intime de la personne. Un renouveau important et nécessaire du Magistère de l'Eglise après des années d'oubli.

    23 juin 2025

    On assiste enfin à un retour à la loi naturelle. Léon XIV en a parlé dans son discours aux parlementaires à l'occasion du Jubilé des souverains (voir ici) le 21 juin dernier. Nous disons “retour” parce que le principe de la loi naturelle avait été récemment plutôt négligé par le Magistère, alors que depuis un certain temps il a même été abandonné ou transformé par la théologie dominante. Nous sommes tous intéressés de voir comment le Pape développera la référence à son lointain prédécesseur, dont il a pris le nom, à son encyclique Rerum novarum et, plus généralement, à la Doctrine sociale de l'Église. Dans les discours qu'il a prononcés au cours de ce premier mois de pontificat, il nous en a déjà donné quelques exemples, que Compass a tenu à souligner. Ce fut le cas, par exemple, lorsqu'il a rappelé le devoir de formation à la Doctrine sociale et de comprendre cette dernière comme finalisée à l'évangélisation (ici). C'est maintenant le cas de la loi naturelle.

    Dans le discours susmentionné, Léon XIV a parlé de la « loi naturelle, non écrite par la main de l'homme, mais reconnue comme valable universellement et en tout temps, qui trouve sa forme la plus plausible et la plus convaincante dans la nature elle-même ». Il cite ensuite un auteur préchrétien, Cicéron, qui avait déjà vu cette loi et la décrit en ces termes : "La loi naturelle est la raison droite, conforme à la nature, universelle, constante et éternelle, qui, par ses commandements, invite au devoir, par ses interdictions, détourne du mal [...]. Il n'est pas permis d'altérer cette loi, ni d'en retrancher une partie, ni de l'abolir complètement ; on ne peut s'en affranchir par le sénat ou par le peuple, et il n'est pas nécessaire d'en chercher le législateur ou l'interprète. Et il n'y aura pas une loi à Rome, une à Athènes, une aujourd'hui, une demain, mais une loi éternelle et immuable qui régira tous les peuples à toutes les époques" (Cicéron, De re publica, III, 22).

    "La loi naturelle, a poursuivi le pape, universellement valable au-delà des autres convictions de caractère plus discutable, constitue la boussole par laquelle il faut s'orienter pour légiférer et agir, en particulier sur les délicates questions éthiques qui se posent aujourd'hui de manière beaucoup plus convaincante que par le passé et qui touchent à la sphère de l'intimité personnelle.

    Il ne s'agit pas de nouveautés, mais, comme nous l'avons dit, d'une reprise de ce qui a toujours été enseigné par le Magistère de l'Église. Si ces observations semblent nouvelles, c'est parce que nous ne les avons pas entendues depuis longtemps

    Les hommes ont une connaissance commune de certains principes moraux fondamentaux qu'ils apprennent au moment même où leur intelligence s'ouvre à la réalité. Celle-ci, en effet, destine la pensée humaine à saisir un ordre naturel et finaliste, source d'abord de devoirs, puis de droits. Que cette loi soit inscrite « dans nos cœurs », comme on le dit souvent, ne signifie pas qu'il s'agisse d'un sentiment, mais bien d'une connaissance, fruit de l'intelligence humaine qui saisit l'ordre des choses. Que la loi soit dite « naturelle » signifie deux choses : la première est que l'homme la connaît par « connaturalité », c'est-à-dire en suivant sa nature intelligente ; la seconde est qu'il lui est spontané et immédiat - donc naturel en ce sens - de la connaître. Pour ces raisons, Léon XIV la considère comme « universellement valable, plausible et convaincante ». Tous les hommes partagent sa grammaire en tant qu'expression de la connaissance du sens commun, celle qui coïncide ou découle nécessairement de la toute première appréhension de la réalité par notre intelligence.

    Un point mérite l'attention. En théorie, la loi naturelle est l'héritage de la conscience de chaque homme, mais en pratique, elle repose sur une vision des capacités de la raison humaine que seule une véritable religion peut garantir. En effet, de nombreuses religions ne reconnaissent même pas la possibilité d'une loi naturelle ou l'interprètent d'une manière qui la dénature. Ceci établit une relation particulière entre la doctrine de la loi naturelle et la religion catholique (nous disons catholique et non chrétienne car pour les protestants, par exemple, il y a un problème). En d'autres termes, étant donné que la nature humaine, à ce stade déchu, ne se possède pas pleinement, la loi naturelle a besoin de deux appuis : celui d'une raison capable de saisir l'ensemble de la réalité, et celui d'une religion qui soutient et purifie cet effort dans les moments difficiles.

    Nous rencontrons ici deux aspects particuliers de l'intervention de Léon XIV. Premièrement, il n'est pas certain, à notre avis, que la Déclaration des droits de l'homme de l'ONU, qu'il semble identifier à la loi naturelle, fasse appel à une conception correcte de la raison humaine ou qu'elle ne soit pas, elle aussi, le résultat des réductionnismes de l'époque moderne : une nouvelle vision de la personne, un certain conventionnalisme d'origine lockienne, des incertitudes sur le concept de « nature », un laïcisme substantiel du cadre de référence.

    Deuxièmement, relisons ce passage du discours du pape : « Pour avoir ensuite un point de référence unifié dans l'action politique, plutôt que d'exclure a priori, dans les processus de décision, la prise en compte de la transcendance, il sera utile de chercher en elle ce qui unit tout le monde ». Il venait de terminer son intervention sur le dialogue interreligieux. La référence au transcendant est importante - décisive, à certains égards - car la loi naturelle renvoie à l'indisponible dans la mesure où elle « n'est pas écrite de la main de l'homme » et où l'ordre naturel dont elle est l'expression nous renvoie à Dieu. Mais pas à un transcendant générique, mais seulement au vrai et unique Dieu, pour reprendre les mots du pape Benoît XVI.

  • Israël-Iran, une guerre qui prépare d'autres tragédies

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    De Riccardo Cascioli sur la NBQ :

    Israël-Iran, une guerre qui prépare d'autres tragédies

    L'attaque israélienne contre l'Iran a déchaîné les supporters habituels. Et même parmi les catholiques, les critères développés dans la doctrine sociale de l'Église et ceux proposés dans les appels du pape Léon XIV ces derniers jours sont ignorés. Or, ces critères sont fondamentaux pour comprendre les enjeux.

    20_06_2025

    Comme on pouvait s'y attendre, l'attaque israélienne contre l'Iran a suscité des réactions d'opposition, dont l'objectif principal est de juger l'État juif : d'un côté, ceux qui affirment que « le gouvernement israélien a raison, son droit à l'existence est un absolu moral qui ne connaît pas de limites d'action, et de toute façon, il est l'avant-poste de la défense de l'Occident au milieu de régimes islamistes qui veulent notre destruction » ; de l'autre, ceux qui affirment qu'« Israël n'aurait même pas dû exister, il est né du vol des terres d'autrui et ne fait que provoquer des guerres pour éliminer d'autres peuples ; en bref, c'est un État terroriste ». Il va sans dire que, dans ce second cas, quiconque entre dans le viseur de l'armée israélienne assume le rôle de victime et bénéficie d'un soutien politique et humain total, même s'il s'agit – comme dans le cas de l'Iran – d'une théocratie islamiste critiquée jusqu'à la veille, par exemple pour l'oppression des femmes.

    Dans les deux cas, il semble inutile de raisonner, d'évaluer les nombreux facteurs qui, eux aussi et surtout, constituent la réalité. Inutile d'évoquer certains principes du droit international et humanitaire : ici aussi, les lois et les traités sont appliqués aux ennemis, interprétés aux amis.

    Il est particulièrement significatif pour les catholiques qu'aucune référence ne soit jamais faite aux critères établis par le Catéchisme et la Doctrine sociale de l'Église pour évaluer une éventuelle action militaire comme légitime défense. Et plus significatif encore est que les propos tenus ces derniers jours par le pape Léon XIV à ce sujet, qui font référence à ces critères, soient ignorés avec calme.

    Au lendemain de l'attaque israélienne contre l'Iran, le pape a immédiatement exprimé sa vive inquiétude, appelant à la « responsabilité et à la raison ». Il a également appelé à « l'engagement pour la construction d'un monde plus sûr, libéré de la menace nucléaire », un objectif qui « doit être poursuivi par une rencontre respectueuse et un dialogue sincère pour construire une paix durable fondée sur la justice et la patience ». « Personne », a-t-il ajouté, « ne devrait jamais menacer l'existence d'autrui ».

    Et le mercredi 18 juin, à l'issue de l'audience générale, un nouvel appel : « Ne nous habituons pas à la guerre ! Au contraire, nous devons rejeter la tentation des armements puissants et sophistiqués. (…) Au nom de la dignité humaine et du droit international, je répète aux responsables ce que disait le pape François : la guerre est toujours une défaite !  Et avec Pie XII : « Rien ne se perd avec la paix. Tout peut se perdre avec la guerre ».

    Il ne s'agit pas de sermons moraux, mais d'une compréhension profonde de la réalité que nous vivons et de ses enjeux : la « responsabilité » devrait nous faire prendre conscience du risque très sérieux d'une action militaire susceptible d'entraîner la libération de l'énergie nucléaire et l'extension de la guerre à d'autres pays : l'intervention directe possible des États-Unis, aux conséquences imprévisibles, en est un exemple dramatique. Et la « raison » devrait nous faire reconnaître l'illusion de solutions armées rapides et victorieuses pour résoudre les conflits. Non seulement l'histoire est riche en guerres éclair espérées qui se sont transformées en conflits longs et sanglants, mais les récents événements au Moyen-Orient – ​​et pas seulement, pensons à la Russie en Ukraine – devraient nous apprendre que la réalité sur le terrain est toujours plus complexe que ce qui était prévu sur le papier. Et les conséquences qui en découlent, en termes de morts, de souffrances et de haine, sont très lourdes. La voie de la « rencontre respectueuse et du dialogue sincère pour construire une paix durable » est certes plus difficile et peut parfois s'accompagner nécessairement d'un recours à la force, mais c'est la seule voie constructive.

    S'habituer à la guerre, ou plutôt la considérer comme la seule voie viable en comptant sur sa propre supériorité militaire – « des armes puissantes et sophistiquées » – ne fait qu'aggraver les problèmes : l'exemple de Gaza est clair. Détruire le Hamas est un objectif légitime, mais après un an et demi de guerre, Gaza a été pratiquement rasée, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées, deux millions sont déplacées et réduites à la famine ; tandis que l'organisation terroriste palestinienne a perdu une grande partie de ses capacités militaires, mais reste bien vivante et a gagné un consensus accru au sein de la population humiliée par l'armée israélienne. Et la haine, déjà à des niveaux alarmants, semée à pleines mains se fera sentir pendant on ne sait combien de générations.

    Pourtant, même les dirigeants des pays non directement impliqués dans le conflit – voir le récent sommet du G7 – ne semblent plus voir d'autre issue que la guerre, peut-être convaincus que les heures du régime iranien sont comptées. Mais les jours passent et les choses se compliquent : les missiles iraniens ont réussi à plusieurs reprises à percer la défense israélienne ; pour boucler la partie sur le nucléaire iranien, il faudrait détruire le site du bunker de Fordow, mais seules les bombes « bunker buster » (13 tonnes et demie chacune) des États-Unis pourraient y parvenir : le président américain Trump hésite cependant malgré la forte pression qu'il subit pour rejoindre Israël (il espère toujours que Téhéran décidera de signer un accord pour renoncer à son programme nucléaire). Même de la mobilisation espérée du peuple iranien et des nombreuses oppositions au régime pour renverser les ayatollahs, rien n'indique pour l'instant.

    « Personne ne doit jamais menacer l’existence d’un autre », disait le pape Léon XIV : c’est un principe fondamental qui a été immédiatement lu, à juste titre, comme une main tendue à Israël puisque l’ayatollah Khamenei ne manque jamais une occasion de réitérer l’objectif d’effacer Israël et tous les Juifs de la Terre ; mais c’est un principe qui s’applique aussi au gouvernement israélien lorsqu’il envisage de faire disparaître deux millions de Palestiniens de ses frontières.

    Le droit sacré d'Israël à l'existence ne justifie ni le recours à quelque moyen que ce soit ni la dérogation au respect de l'ordre divin. La Bible devrait également nous enseigner quelque chose : se détourner de la loi divine a toujours été une tragédie pour Israël.

    En relation : Israël sous les décombres, l'impuissance de la politique et de la diplomatie

  • "La plus grande pauvreté consiste à ne pas connaître Dieu." (Message du pape Léon XIV pour la Journée mondiale des pauvres)

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    MESSAGE DU SAINT-PÈRE

    pour la 9ème Journée Mondiale des Pauvres

    16 novembre 2025, 33ème dimanche du Temps Ordinaire

    ___________________________

    C’est Toi mon espérance (cf. Ps 71, 5)

    1. « Seigneur mon Dieu, tu es mon espérance » (Ps 71, 5). Ces paroles jaillissent d'un cœur accablé par de graves difficultés : « Tu m'as fait voir tant de maux et de détresses » (v. 20), dit le psalmiste. Malgré cela, son âme est ouverte et confiante, car elle est ferme dans la foi, qui reconnaît le soutien de Dieu et le professe : « Ma forteresse et mon roc, c'est toi » (v. 3). De là jaillit la confiance inébranlable que l'espérance en Lui ne déçoit pas : « En toi, Seigneur, j'ai mon refuge : garde-moi d'être humilié pour toujours » (v. 1).

    Dans les épreuves de la vie, l'espérance est animée par la certitude ferme et encourageante de l'amour de Dieu répandu dans les cœurs par l'Esprit Saint. C'est pourquoi elle ne déçoit pas (cf. Rm 5, 5) et saint Paul peut écrire à Timothée : « Si nous nous donnons de la peine et si nous combattons, c’est parce que nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant » (1 Tm 4, 10). Le Dieu vivant est en effet le « Dieu de l'espérance » (Rm 15, 13) qui dans Christ, par sa mort et sa résurrection, est devenu « notre espérance » (1 Tm 1, 1). Nous ne pouvons pas oublier que nous avons été sauvés dans cette espérance dans laquelle nous devons rester enracinés.

    2. Le pauvre peut devenir témoin d'une espérance forte et fiable, justement parce qu'il la professe dans des conditions de vie précaires, faites de privations, de fragilité et d'exclusion. Il ne compte pas sur les certitudes du pouvoir et des biens ; au contraire, il les subit et en est souvent victime. Son espérance ne peut reposer qu'ailleurs. En reconnaissant que Dieu est notre première et unique espérance, nous accomplissons nous aussi le passage entre les espérances éphémères et l'espérance durable. Face au désir d'avoir Dieu comme compagnon de route, les richesses sont relativisées car découvrant le véritable trésor dont nous avons réellement besoin. Les paroles avec lesquelles le Seigneur Jésus exhortait ses disciples résonnent clairement et avec force : « Ne vous faites pas de trésors sur la terre, là où les mites et les vers les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler. Mais faites-vous des trésors dans le ciel, là où il n’y a pas de mites ni de vers qui dévorent, pas de voleurs qui percent les murs pour voler » (Mt 6, 19-20).

    3. La plus grande pauvreté consiste à ne pas connaître Dieu. C'est ce que nous rappelait le Pape François lorsqu'il écrivait dans Evangelii gaudium : « La pire discrimination dont souffrent les pauvres est le manque d'attention spirituelle. L'immense majorité des pauvres ont une ouverture particulière à la foi ; ils ont besoin de Dieu et nous ne pouvons pas manquer de leur offrir son amitié, sa bénédiction, sa Parole, la célébration des sacrements et la proposition d'un chemin de croissance et de maturation dans la foi » (n° 200). Il y a là une conscience fondamentale et tout à fait originale de la manière de trouver en Dieu son trésor. L'apôtre Jean insiste en effet : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas » (1 Jn 4, 20).

    C'est une règle de la foi et un secret de l'espérance : tous les biens de cette terre, les réalités matérielles, les plaisirs du monde, le bien-être économique, bien qu'importants, ne suffisent pas à rendre le cœur heureux. Les richesses sont souvent trompeuses et conduisent à des situations dramatiques de pauvreté, à commencer par celle de penser que l'on n'a pas besoin de Dieu et de mener sa vie indépendamment de Lui. Les paroles de saint Augustin me reviennent à l'esprit : « Que toute ton espérance soit en Dieu : sens que tu as besoin de Lui pour être comblé par Lui. Sans Lui, tout ce que tu auras ne servira qu'à te rendre encore plus vide » (Enarr. in Ps. 85,3).

    4. L'espérance chrétienne à laquelle renvoie la Parole de Dieu est une certitude sur le chemin de la vie, car elle ne dépend pas de la force humaine, mais de la promesse de Dieu qui est toujours fidèle. C'est pourquoi, depuis les origines, les chrétiens ont voulu identifier l'espérance au symbole de l'ancre, qui offre stabilité et sécurité. L'espérance chrétienne est comme une ancre qui fixe notre cœur sur la promesse du Seigneur Jésus qui nous a sauvés par sa mort et sa résurrection et qui reviendra parmi nous. Cette espérance continue à indiquer comme véritable horizon de la vie les « cieux nouveaux » et la « terre nouvelle » (2 P 3, 13), où l'existence de toutes les créatures trouvera son sens authentique, car notre véritable patrie est dans les cieux (cf. Ph 3, 20).

    La cité de Dieu nous engage donc pour les cités des hommes. Celles-ci doivent dès maintenant commencer à lui ressembler. L'espérance, soutenue par l'amour de Dieu répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint (cf. Rm 5, 5) transforme le cœur humain en terre féconde, où peut germer la charité pour la vie du monde. La Tradition de l'Église réaffirme constamment cette circularité entre les trois vertus théologales : la foi, l'espérance et la charité. L'espérance naît de la foi qui la nourrit et la soutient sur le fondement de la charité, qui est la mère de toutes les vertus. Et c'est de charité que nous avons besoin aujourd'hui, maintenant. Ce n'est pas une promesse mais une réalité vers laquelle nous regardons avec joie et responsabilité : elle nous engage et oriente nos décisions vers le bien commun. Celui qui manque de charité, en revanche, non seulement manque de foi et d'espérance, mais enlève l'espérance à son prochain.

    5. L'invitation biblique à l'espérance comporte donc le devoir d'assumer sans tarder des responsabilités cohérentes dans l'histoire. En effet, la charité « représente le plus grand commandement social » (Catéchisme de l'Église catholique, 1889). La pauvreté a des causes structurelles qui doivent être affrontées et éliminées. Pendant ce temps, nous sommes tous appelés à créer de nouveaux signes d'espérance qui témoignent de la charité chrétienne, comme l'ont fait tant de saints et saintes à travers les âges. Les hôpitaux et les écoles, par exemple, sont des institutions créées pour accueillir les plus faibles et les plus marginaux. Ils devraient désormais faire partie des politiques publiques de chaque pays, mais les guerres et les inégalités l'empêchent encore souvent. De plus en plus, les foyers d'accueil, les communautés pour mineurs, les centres d'écoute et d'accueil, les cantines pour les pauvres, les dortoirs, les écoles populaires deviennent aujourd'hui des signes d’espérance : autant de signes souvent cachés auxquels nous ne prêtons peut-être pas attention mais qui sont pourtant si importants pour secouer l'indifférence et susciter l'engagement dans différentes formes de volontariat !

    Les pauvres ne sont pas une distraction pour l'Église, ils sont nos frères et sœurs les plus aimés, car chacun d'eux, par son existence et aussi par les paroles et la sagesse dont il est porteur, nous invite à toucher du doigt la vérité de l'Évangile. C'est pourquoi la Journée mondiale des pauvres veut rappeler à nos communautés que les pauvres sont au centre de toute l'œuvre pastorale. Non seulement en son aspect charitable, mais également en ce que l'Église célèbre et annonce. Dieu a pris leur pauvreté pour nous rendre riches à travers leurs voix, leurs histoires, leurs visages. Toutes les formes de pauvreté, sans exception, sont un appel à vivre concrètement l'Évangile et à offrir des signes efficaces d'espérance.

    6. Telle est l'invitation qui nous est faite par la célébration du Jubilé. Ce n'est pas un hasard si la Journée mondiale des pauvres est célébrée vers la fin de cette année de grâce. Lorsque la Porte Sainte sera fermée, nous devrons garder et transmettre les dons divins qui ont été déversés dans nos mains tout au long d'une année de prière, de conversion et de témoignage. Les pauvres ne sont pas des objets de notre pastorale, mais des sujets créatifs qui nous poussent à trouver toujours de nouvelles façons de vivre l'Évangile aujourd'hui. Face à la succession de nouvelles vagues d'appauvrissement, le risque est de s'habituer et de se résigner. Nous rencontrons chaque jour des personnes pauvres ou démunies et il arrive parfois que ce soit nous-mêmes qui ayons moins, qui perdions ce qui nous semblait autrefois sûr : un logement, une alimentation suffisante pour la journée, l'accès aux soins, un bon niveau d'éducation et d'information, la liberté religieuse et d'expression.

    En promouvant le bien commun, notre responsabilité sociale trouve son fondement dans le geste créateur de Dieu, qui donne à tous les biens de la terre : comme ceux-ci, les fruits du travail de l'homme doivent également être accessibles à tous de manière équitable. Aider les pauvres est en effet une question de justice avant d'être une question de charité. Comme le fait remarquer saint Augustin : « Tu donnes du pain à celui qui a faim, mais il vaudrait mieux que personne n'ait faim, même si cela signifie qu'il n'y aurait personne à qui donner. Tu offres des vêtements à celui qui est nu, mais combien il serait préférable que tous aient des vêtements et qu'il n'y ait pas cette indigence » (Commentaire sur 1Jn, VIII, 5).

    Je souhaite donc que cette Année jubilaire puisse encourager le développement de politiques de lutte contre les formes anciennes et nouvelles de pauvreté, ainsi que de nouvelles initiatives de soutien et d'aide aux plus pauvres parmi les pauvres. Le travail, l'éducation, le logement, la santé sont les conditions d'une sécurité qui ne s'affirmera jamais par les armes. Je me félicite des initiatives déjà existantes et de l'engagement quotidien au niveau international d'un grand nombre d'hommes et de femmes de bonne volonté.

    Confions-nous à la Très Sainte Vierge Marie, Consolatrice des affligés, et avec elle, élevons un chant d'espérance en faisant nôtres les paroles du Te Deum : «In Te, Domine, speravi, non confundar in aeternum – En toi, Seigneur, j'ai espéré, je ne serai jamais confondu »

    Du Vatican, le 13 juin 2025, mémoire de saint Antoine de Padoue, Patron des pauvres

    LEO PP. XIV

  • Pape Léon : dans l’attente des faits. Sur la Curie romaine, le synode et la guerre « juste »

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo (en français sur diakonos.be) :

    Pape Léon : dans l’attente des faits. Sur la Curie romaine, le synode et la guerre « juste »

    Dans les réunions de pré-conclave, on a beaucoup discuté pour savoir s’il fallait poursuivre ou non les processus entamés par le Pape François concernant le gouvernement de l’Église. Et tout le monde est dans l’attente de voir ce que décidera le nouveau pape.

    La Curie vaticane fait partie de ces chantiers de transformation restés inachevés. Et c’est là que le pape Léon (photo, sur la cathèdre de la basilique Saint-Jean-de-Latran)  a donné un premier signal de continuité en nommant, le 22 mai, une femme comme secrétaire du Dicastère pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, ce même dicastère à la tête duquel le Pape François avait installé une autre sœur comme préfète le 6 janvier dernier, Simona Brambilla, toutefois flanquée d’un cardinal-gardien, l’espagnol Ángel Fernández Artime, affublé du titre anormal de pro-préfet.

    La nomination de la part de Léon XIV d’une simple baptisée à une fonction-clé de la Curie romaine a été accueille par les médias comme un pas supplémentaire vers la modernisation du gouvernement de l’Église. Mais ce serait négliger totalement une question capitale connexe, déjà débattue au Concile Vatican II mais restée sans solution claire.

    C’est le cardinal Stella, un vénérable octogénaire, qui a mis le feu aux poudres aux réunions de pré-conclave, avec une intervention qui a fait grand bruit par la sévérité des critiques adressées au Pape François.

    Le cardinal Stella, un diplomate au long cours expert en droit canon, figurait parmi les préférés de Jorge Mario Bergoglio en début de pontificat avant qu’il ne le mette à l’écart en raison de l’incompatibilité évidente de leurs visions respectives.

    Or, le cardinal Stella a non seulement contesté l’absolutisme monarchique avec lequel François avait gouverné l’Église, en violant systématiquement les droits fondamentaux de la personne et en modifiant selon son beau plaisir et de manière désordonnée les normes du droit canon. Mais il lui a également reproché d’avoir voulu séparer les pouvoirs d’ordre, c’est-à-dire ceux qui découlent du sacrement de l’ordination épiscopale, des pouvoir de juridiction, c’est-à-dire ceux qui sont conférés par une autorité supérieure, en optant pour les seconds afin de pouvoir nommer également de simples baptisés, hommes et femmes, à la tête de fonctions-clés de la Curie vaticane et donc du gouvernement de l’Église universelle, sur simple mandat du pape.

    En réalité, cette façon de faire, bien loin d’être un signe de modernisation constituait, au jugement du cardinal Stella et de nombreux experts en droit canon, un retour en arrière à une pratique discutable typique du Moyen-Âge et des Temps modernes, où il était fréquent qu’un pape confère à des abbesses des pouvoirs de gouvernement pareils à ceux d’un évêque, ou confie la charge d’un diocèse à un cardinal qui n’avait été ordonné ni évêque ni prêtre.

    En remontant un peu plus loin dans le temps, ces formes de transmission du pouvoir déconnectées du sacrement de l’ordre étaient totalement inconnues au premier millénaire. Et c’est précisément à cette tradition des origines que le Concile Vatican II a voulu revenir, dans la constitution dogmatique sur l’Église « Lumen gentium », en reprenant conscience de la nature sacramentelle, avant d’être juridictionnelle, de l’épiscopat et des pouvoir qui y son liés, non seulement ceux de sanctifier et d’enseigner, mais également celui de gouverner.

    Lors du Concile, seuls 300 Pères sur environ 3000 ont voté contre cette réforme. Mais avec le remodelage de la Curie entrepris par le Pape François, ce sont les opposants de l’époque qui sortent aujourd’hui gagnants. Et ce n’est pas un hasard si cela leur a valu les critiques des théologiens les plus progressistes et « conciliaires », comme l’a fait récemment le cardinal Walter Kasper.

    Il n’est donc pas étonnant que les critiques du cardinal Stella aient suscité une vague de réaction chez les défenseurs du pape François, dont certains, sous couvert d’anonymat, n’ont pas hésité à crier à la « trahison ».

    Avec la nomination de sœur Merletti comme secrétaire du Dicastère pour les religieux, le Pape Léon, lui aussi très compétent en droit canon, a montré qu’il ne voulait pas se détacher, sur cette question controversée, de l’option adoptée par son prédécesseur.

    Étant entendu que Léon n’entend nullement répliquer l’absolutisme monarchique effréné avec lequel François a gouverné l’Église, comme il a d’ailleurs tenu à en faire la promesse dans l’homélie de la messe inaugurale de son pontificat : « sans jamais céder à la tentation d’être un meneur solitaire ou un chef placé au-dessus des autres, se faisant maître des personnes qui lui sont confiées ».

    *

    Une autre « terra incognita » où l’on attend le Pape Léon concerne précisément celui d’un gouvernement de l’Église non plus monarchique à outrance mais collégial, synodal, conciliaire.

    Là encore, le Pape François a agi de façon contradictoire, avec un torrent de paroles et un synode non-concluant et inachevé pour soutenir la « synodalité », mais dans les faits avec un exercice ultra-solitaire du pouvoir de gouvernement.

    En particulier, dans les réunions de pré-conclave, on avait exhorté de toutes parts le futur pape à restituer aux cardinaux le rôle de conseil collégial du successeur de Pierre qui est le leur et que le Pape François avait complètement supprimé en ne convoquant plus aucun consistoire à proprement parler à partir de celui de février 2014 qui lui avait déplu, sur la question controversée de la communion aux divorcés remariés.

    Mais c’est surtout sur l’avenir du synode des évêques que le pape Léon est attendu au tournant.

    Lors les réunions de pré-conclave, plusieurs critiques ont été soulevées concernant le processus de transformation du synode mis en œuvre par le Pape François. C’est surtout l’intervention argumentée – et publiée par lui en italien et en anglais — du cardinal chinois Joseph Zen Zekiun, 93 ans, selon lequel le changement de nature imprimé au synode des évêques « risque de se rapprocher de la pratique anglicane », et qu’il reviendrait donc au futur pape « de permettre à ce processus synodal de se poursuivre ou bien de décider d’y mettre un terme », parce qu’« il s’agit d’une question de vie ou de mort de l’Église fondée par Jésus ».

    Et l’équipe dirigeante du synode a déjà commencé à mettre la pression sur Léon XIV en réalisant, pendant les derniers jours de vie de François, un agenda détaillé de la poursuite du synode, étape par étape, jusqu’à octobre 2028 et à une « assemblée ecclésiale » conclusive sans plus de précision.

    Cet agenda a été publié le 15 mars avec une lettre adressée à tous les évêques, signée par le cardinal Mario Grech, le secrétaire général du synode, présentée comme « approuvée par le Pape François » qui, à cette période, était hospitalisé dans un état très grave à la Polyclinique Gemelli.

    Et quatre jours après l’élection de Robert F. Prevost, une seconde lettre, cette fois signée également par les deux sous-secrétaires du synode, sœur Nathalie Becquart et l’augustinien Luis Marín de San Martín, a été adressée au nouveau pape avec l’intention non dissimulée de l’inciter à poursuivre le chemin entrepris.

    Mais il n’est pas dit que le Pape Léon – qui a reçu en audience le cardinal Grech le 26 mars – sera lié par cet agenda prévu d’avance, avec l’aval de son prédécesseur, par le groupe dirigeant du synode inachevé sur la synodalité.

    Il est au contraire possible qu’il décide de conclure de synode dans des délais plus brefs, en optant pour une forme de synodalité plus conforme à celle que Paul VI avait établie au lendemain du Concile Vatican II et qui soit cohérente avec la structure hiérarchique de l’Église.

    Ceci afin de permettre de revenir à la dynamique naturelle des synodes, qui est celle d’aborder et de résoudre à chaque fois une question spécifique, choisie pour sa pertinence sur la vie de l’Église.

    Le 14 et le 15 mais, l’Université pontificale grégorienne a hébergé une importante conférence sur le thème : « Vers une théologie de l’espérance pour et par l’Ukraine », dans laquelle une demande de ce genre a été adressée à Léon XIV : celle de convoquer « un synode extraordinaire des évêques pour éclaircir les questions doctrinale ambiguës et ambivalentes de la guerre et de la paix ».

    C’est le cardinal Secrétaire d’État Pietro Parolin et l’archevêque majeur de l’Église grecque catholique d’Ukraine, Sviatoslav Chevchouk qui ont été chargé d’introduire la conférence. Mais c’est le principal conférencier, le professeur Myroslav Marynovych, qui préside l’Institut « Religion et société » de l’Université catholique ukrainienne de Lviv, qui a explicité la demande au pape Léon XIV d’organiser un synode qui fasse la clarté sur ce thème crucial.

    Depuis saint Augustin, la doctrine sociale de l’Église a toujours admis que l’on puisse mener une guerre « juste », à des conditions bien précises.

    Mais tout le monde se rend bien compte aujourd’hui que cette question est en proie à la confusion au nom d’un pacifisme généralisé et capitulard mais aussi à cause du Pape François et de ses invectives incessantes contre toutes les formes de guerre, qu’il rejetait en bloc et sans exception (malgré qu’il ait rarement admis du bout des lèvres le bien-fondé d’une guerre défensive).

    Le discours qu’il a adressé le 17 mai à la Fondation « Centesimus annus » a démontré que Léon XIV était très sensible à la nécessité d’une mise à jour constante de la doctrine sociale de l’Église : une doctrine sociale – a‑t-il déclaré – qui ne doit pas être imposée comme une vérité indiscutable mais élaborée avec un jugement critique et une recherche multidisciplinaire, en confrontant sereinement « des hypothèses, des opinions, avec des pas en avants et des insuccès », à travers lesquels on pourra parvenir à « une connaissance fiable, ordonnée et systématique, sur une question déterminée ».

    La guerre et la paix constituent une matière dramatiquement actuelle pour une confrontation de ce genre, dans l’Église d’aujourd’hui. Et qui sait si le Pape Léon n’y consacrera pas vraiment un synode.

    ———

    Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire L’Espresso.
    Tous les articles de son blog Settimo Cielo sont disponibles sur diakonos.be en langue française.

    Ainsi que l’index complet de tous les articles français de www.chiesa, son blog précédent.

  • "Il y a une demande croissante de la Doctrine sociale de l'Église à laquelle nous devons répondre." (Léon XIV)

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    DISCOURS DU SAINT-PÈRE LEON XIV
    AUX MEMBRES DE LA FONDATION CENTESIMUS ANNUS PRO PONTIFICE

    Samedi 17 mai 2025

    Bonjour à tous ! Bonjour à tous !

    Chers frères et sœurs, soyez les bienvenus !

    Je remercie le Président et les membres de la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice et je salue tous ceux d'entre vous qui participent à la Conférence internationale et à l'Assemblée générale annuelles.

    Le thème de votre conférence de cette année - « Surmonter les polarisations et reconstruire la gouvernance mondiale : les fondements éthiques » - touche au cœur de la signification et du rôle de la doctrine sociale de l'Église, un instrument de paix et de dialogue pour construire des ponts de fraternité universelle. En ce temps de Pâques, reconnaissons que le Seigneur ressuscité nous précède même là où l'injustice et la mort semblent avoir gagné. Aidons-nous les uns les autres, comme je l'ai demandé le soir de mon élection, « à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, nous unissant tous pour être un seul peuple toujours en paix ». Cela ne s'improvise pas : c'est un entrelacement dynamique et continu de grâce et de liberté qui, aujourd'hui encore, alors que nous nous rencontrons, se renforce.

    Déjà le pape Léon XIII - qui a vécu une période historique de transformations radicales et perturbatrices - avait cherché à contribuer à la paix en stimulant le dialogue social entre le capital et le travail, entre les technologies et l'intelligence humaine, entre les différentes cultures politiques et entre les nations. Le pape François a utilisé le terme de « polycrise » pour évoquer la nature dramatique de la conjoncture historique que nous vivons, dans laquelle convergent les guerres, le changement climatique, les inégalités croissantes, les migrations forcées et contrariées, la pauvreté stigmatisée, les innovations technologiques perturbatrices et la précarité du travail et des droits [1]. Sur des questions aussi importantes, la Doctrine sociale de l'Église est appelée à fournir des clés d'interprétation qui mettent en dialogue la science et la conscience, apportant ainsi une contribution fondamentale à la connaissance, à l'espérance et à la paix.

    La Doctrine sociale, en effet, nous éduque à reconnaître que plus que les problèmes ou leurs réponses, c'est la manière dont nous les abordons qui est importante, avec des critères d'évaluation et des principes éthiques, et avec l'ouverture à la grâce de Dieu.

    Vous avez l'occasion de montrer que la Doctrine sociale de l'Église, avec sa propre vision anthropologique, entend promouvoir un véritable accès aux questions sociales : elle ne veut pas brandir l'étendard de la possession de la vérité, que ce soit dans l'analyse des problèmes ou dans leur résolution. Face à ces questions, il est plus important de savoir comment les aborder que de donner une réponse hâtive sur le pourquoi d'un événement ou sur la manière de le surmonter. Il s'agit d'apprendre à faire face aux problèmes, qui sont toujours différents, car chaque génération est nouvelle, avec de nouveaux défis, de nouveaux rêves, de nouvelles questions.

    Il s'agit là d'un aspect fondamental de la construction d'une « culture de la rencontre » à travers le dialogue et l'amitié sociale. Pour la sensibilité de beaucoup de nos contemporains, le mot « dialogue » et le mot « doctrine » sont opposés, incompatibles. Peut-être que lorsque nous entendons le mot « doctrine », la définition classique nous vient à l'esprit : un ensemble d'idées appartenant à une religion. Et avec cette définition, nous nous sentons peu libres de réfléchir, de questionner ou de chercher de nouvelles alternatives.

    Il devient donc urgent de montrer, à travers la Doctrine sociale de l'Église, qu'il existe un autre sens, prometteur, de l'expression « doctrine », sans lequel le dialogue devient lui aussi vide. Ses synonymes peuvent être « science », « discipline » ou « connaissance ». Ainsi comprise, toute doctrine est reconnue comme le résultat d'une recherche et donc d'hypothèses, de rumeurs, d'avancées et d'échecs, par lesquels elle cherche à transmettre une connaissance fiable, ordonnée et systématique sur une question donnée. Ainsi, une doctrine n'est pas une opinion, mais un cheminement commun, choral et même pluridisciplinaire vers la vérité.

    L'endoctrinement est immoral, il empêche le jugement critique, il porte atteinte à la liberté sacrée de respecter sa conscience - même si elle est erronée - et il est fermé à la pensée nouvelle parce qu'il refuse le mouvement, le changement ou l'évolution des idées face à de nouveaux problèmes. Au contraire, la doctrine en tant que réflexion sérieuse, sereine et rigoureuse a pour but de nous apprendre, avant tout, à savoir comment aborder les situations et, avant cela, les personnes. En outre, elle nous aide à formuler un jugement prudentiel. C'est le sérieux, la rigueur et la sérénité que nous devons apprendre de toute doctrine, y compris de la Doctrine sociale.

    Dans le contexte de la révolution numérique en cours, le mandat d'éduquer au sens critique doit être redécouvert, explicité et cultivé, en contrant les tentations opposées, qui peuvent également traverser le corps ecclésial. Il y a peu de dialogue autour de nous, et ce sont les mots criés qui prévalent, souvent des fake news et les thèses irrationnelles de quelques tyrans. L'approfondissement et l'étude sont donc fondamentaux, tout comme la rencontre et l'écoute des pauvres, trésors de l'Église et de l'humanité, porteurs de points de vue rejetés, mais indispensables pour voir le monde avec les yeux de Dieu. Ceux qui naissent et grandissent loin des centres de pouvoir ne doivent pas seulement être instruits de la Doctrine sociale de l'Église, mais reconnus comme ses continuateurs et ses actualisateurs : les témoins de l'engagement social, les mouvements populaires et les diverses organisations catholiques de travailleurs sont l'expression des périphéries existentielles où l'espérance résiste et germe toujours. Je vous exhorte à donner la parole aux pauvres.

    Chers amis, comme l'affirme le Concile Vatican II, « l'Église a le devoir permanent de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l'Évangile, afin de répondre, d'une manière adaptée à chaque génération, aux interrogations permanentes des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs rapports mutuels » (Constitution pastorale Gaudium et spes, n. 4).

    Je vous invite donc à participer de manière active et créative à cet exercice de discernement, en aidant à développer la Doctrine sociale de l'Église avec le Peuple de Dieu, en cette période historique de grands bouleversements sociaux, en écoutant et en dialoguant avec tous. Il existe aujourd'hui un besoin généralisé de justice, une demande de paternité et de maternité, un profond désir de spiritualité, en particulier de la part des jeunes et des marginaux, qui ne trouvent pas toujours de canaux efficaces pour s'exprimer. Il y a une demande croissante de la Doctrine sociale de l'Église à laquelle nous devons répondre.

    Je vous remercie de votre engagement et de vos prières pour mon ministère, et je vous bénis de tout cœur, vous, vos familles et votre travail. Je vous remercie !

     

    [1] Message aux participants à l'Assemblée générale de l'Académie pontificale pour la vie, 3 mars 2025.

  • Une évaluation des décisions les plus controversées du pape François

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    D'Elise Ann Allen sur The Catholic Herald :

    Évaluation des décisions les plus controversées du pape François

    23 avril 2025

    Le pape François fut une figure mondialement appréciée et respectée durant ses douze années à la tête de l'Église catholique. Mais il a également suscité de nombreuses controverses durant son pontificat, dont une grande partie…grâce aux réseaux sociaux, jouée visiblement en temps réel.

    Après une première « phase de lune de miel » après l'élection de François, dont il avait lui-même prédit qu'elle ne durerait pas longtemps, les critiques ont commencé à affluer – atteignant parfois une cascade – lorsqu'il a commencé à prendre des décisions sérieuses, et il est devenu clair que son pontificat marquerait un changement par rapport au ton plus conservateur de ses deux prédécesseurs immédiats.

    Alors que l’Église et le monde réfléchissent à l’héritage et à l’impact de son pontificat, voici un aperçu de ce qui est sans doute les décisions les plus controversées qu’il a prises.

    Plaidoyer politique

    La décision claire de François de s’impliquer dans ce qui est traditionnellement considéré comme des débats politiques, de l’économie à la politique migratoire – et, bien sûr, le camp qu’il a choisi – a été une source de débat presque dès le début.

    Au début, ce débat s'est concentré sur son plaidoyer en faveur des pauvres et sa critique systématique du système capitaliste et de l'économie de ruissellement, ce qui lui a valu une réputation de marxiste auprès de certains. Sa critique de l'économie de marché a également suscité des réactions négatives, notamment de la part des catholiques américains de droite ; en 2013, une personnalité conservatrice de la radio américaine a notamment accusé François d'adopter un « marxisme pur ».

    Ces allégations ont été encore renforcées lorsque François a reçu un crucifix en forme de marteau et de faucille, le symbole communiste traditionnel, du président bolivien Evo Morales lors d'une visite en Amérique du Sud en 2015 ; quelques mois plus tard, il a rencontré Fidel Castro lors d'une brève escale à Cuba en septembre de la même année.

    Pourtant, François a constamment nié ces accusations, affirmant qu’il ne faisait que promouvoir les valeurs de l’Évangile et la doctrine sociale de l’Église catholique.

    Ses opinions sur l’immigration, le changement climatique et l’environnement ont été parmi les plus controversées de son pontificat.

    Lorsque le pape a publié son encyclique sur l'environnement  Laudato Si  en 2015, elle a immédiatement été accueillie par une vague de réactions négatives de la part des critiques qui soutenaient que le changement climatique était un mythe et n'était pas quelque chose causé par l'humanité, comme le pape l'avait soutenu, alors qu'il s'agissait d'un problème sur lequel l'Église n'avait de toute façon pas le droit de s'engager.

    Les critiques du pape ont riposté à la science du document, le qualifiant de faux, et ont de nouveau contesté sa critique du système de marché mondial.

    Les appels répétés du pape François en faveur d'une politique de porte ouverte pour les migrants et les réfugiés en Europe et au-delà ont également rencontré une résistance, non seulement de la part des citoyens qui considéraient l'afflux important de migrants comme un problème, mais aussi de la part des politiciens populistes de droite qui ont un point de vue très différent sur la question.

    Au fil des ans, le pape François s'est heurté à plusieurs hommes politiques sur cette question, notamment l'homme politique italien Matteo Salvini, ancien ministre italien de l'Intérieur, le Premier ministre hongrois Viktor Orban et, plus récemment, le président américain Donald Trump au sujet de ses projets d'expulsion massive.

    Amoris Laetitia

    Le contrecoup est encore plus grand après son exhortation post-synodale de 2016,  Amoris Laetitia , ou la « Joie de l’amour », qui s’appuyait sur les conclusions du Synode des évêques de 2014-2015 sur la famille.

    Le tollé ne concernait pas tant le document lui-même, mais plutôt la note de bas de page 351 du chapitre huit, dans laquelle le pape ouvrait une porte prudente pour que les couples divorcés et remariés puissent recevoir la communion au cas par cas.

    La note de bas de page se trouve au paragraphe 305 du document, dans une section sur les familles blessées et les familles vivant dans des situations irrégulières, qui dit qu'« un pasteur ne peut pas penser qu'il suffit simplement d'appliquer des lois morales à ceux qui vivent dans des situations « irrégulières », comme s'il s'agissait de pierres à jeter sur la vie des gens ».

    En raison de facteurs atténuants, le pape a déclaré qu'il est possible que des personnes vivant dans « un état objectif de péché » puissent néanmoins vivre dans la grâce de Dieu et grandir dans cette grâce avec l'aide de l'Église.

    À ce stade, le pape a inclus la désormais tristement célèbre note de bas de page 351, dans laquelle il a déclaré, en termes d’aide de l’Église : « Dans certains cas, cela peut inclure l’aide des sacrements. »

    François a ensuite rappelé dans la note de bas de page aux prêtres que « le confessionnal ne doit pas être une chambre de torture, mais plutôt une rencontre avec la miséricorde du Seigneur… Je voudrais également souligner que l'Eucharistie n'est pas une récompense pour les parfaits, mais un puissant médicament et une nourriture pour les faibles. »

    L’accès à la communion pour les couples divorcés et remariés a été l’une des questions les plus controversées lors des synodes des évêques sur la famille, beaucoup affirmant que l’autoriser violerait l’enseignement officiel de l’Église et impliquerait un changement dans la vision catholique du mariage.

    La position du pape François était cependant que tous les couples ne sont pas identiques et qu'aucune situation n'est noire ou blanche, donc l'enseignement de l'Église devrait permettre aux pasteurs d'être proches de ces couples et de procéder à un discernement approprié avec eux pour savoir si et quand l'accès à la communion pourrait être accordé.

    Dans le sillage d'  Amoris Laetitia , de nombreuses conférences épiscopales nationales ont publié des directives pour son application, qui incluaient l'octroi de la communion aux divorcés remariés au cas par cas, ce qui a provoqué une réaction encore plus forte contre le pape François pour avoir ouvert la porte.

    Le débat fut si intense que quatre cardinaux conservateurs de premier plan, dont le cardinal américain Raymond Burke, ont adressé cinq  dubia , ou doutes, au pape François sur la validité de la note de bas de page 351 au vu de l'enseignement de l'Église ; cependant, sans recevoir de réponse, ils ont publié les  dubia  dans les médias catholiques conservateurs, provoquant un nouveau tollé et devenant un point de référence dans le débat pendant plusieurs années.

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  • Le regard prophétique de François sur le réarmement et le parapluie nucléaire

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    D'Andrea Tornielli, directeur éditorial des médias du Saint-Siège, sur Vatican News :

    Réarmement et parapluie nucléaire, le regard prophétique de François

    «Comment pouvons-nous proposer la paix si nous utilisons l’intimidation de la guerre nucléaire comme recours légitime pour résoudre les conflits?»

    Les vents de la guerre, le réarmement avec des investissements énormes, les propositions de relance des armes atomiques... La façon dont la course aux armements est présentée en Europe et dans le monde, marque vraiment les esprits, comme s'il s'agissait d'une perspective inexorablement nécessaire. Après des années de diplomatie silencieuse et d'absence de capacité de négociation, il semble que la seule voie viable soit celle du réarmement. Des pères fondateurs comme Alcide De Gasperi, qui soutenaient la création d'une armée européenne commune, sont remis en question pour justifier des initiatives très différentes, qui ne considèrent pas l'Union européenne comme le protagoniste, mais plutôt comme des États individuels. On en revient au discours du «parapluie nucléaire» et de la «dissuasion», ce qui ravive les pires scénarios de la guerre froide, mais dans un climat d'instabilité et d'incertitude plus grand qu'au siècle dernier, avec l'abîme d'une troisième guerre mondiale qui se profile de plus en plus à l'horizon.

    Ces dernières années, avec une lucidité prophétique, le Pape François a vu le danger approcher. Ses paroles sont éclairantes pour comprendre ces moments que nous vivons. Donnons-lui la parole, lui qui, hospitalisé à l'hôpital Gemelli, offre ses souffrances et ses prières pour la paix dans le monde. «C'est un fait, avait déclaré le Souverain pontife en novembre 2017, que la spirale de la course aux armements ne connaît pas de repos et que les coûts de modernisation et de développement des armes, pas seulement nucléaires, représentent des dépenses considérables pour les nations, au point de devoir mettre au second plan les vraies priorités de l'humanité souffrante: la lutte contre la pauvreté, la promotion de la paix, la réalisation de projets éducatifs, écologiques et sanitaires et le développement des droits humains... Les armements qui ont pour effet la destruction du genre humain sont même illogiques sur le plan militaire...».

    En novembre 2019, depuis Nagasaki, ville martyre de la bombe atomique, l'évêque de Rome avait déclaré: «L’une des plus profondes aspirations du cœur humain, c’est le désir de paix et de stabilité. La possession des armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive n’est pas la réponse la plus appropriée à ce désir. Bien au contraire, elle semble le mettre continuellement à l’épreuve. Notre monde vit la perverse dichotomie de vouloir défendre et garantir la stabilité et la paix sur la base d’une fausse sécurité soutenue par une mentalité de crainte et de méfiance qui finit par envenimer les relations entre les peuples et empêcher tout dialogue possible.» Et d'ajouter: «La paix et la stabilité internationales sont incompatibles avec toute tentative de compter sur la peur de la destruction réciproque ou sur une menace d’anéantissement total; elles ne sont possibles qu’à partir d’une éthique globale de solidarité et de coopération au service d’un avenir façonné par l’interdépendance et la coresponsabilité au sein de toute la famille humaine d’aujourd’hui et de demain

    08/03/2025

    Toujours en novembre 2019, depuis Hiroshima, François a rappelé, en faisant siennes les paroles du Pape Paul VI, que la paix véritable ne peut être que désarmée: «De fait, si nous cherchons réellement à construire une société plus juste et sûre, nous devons laisser tomber de nos mains les armes: "On ne peut pas aimer avec des armes offensives en main” (saint Paul VI, Discours aux Nations unies, 4 octobre 1965, 5). Quand nous nous livrons à la logique des armes et nous éloignons de la pratique du dialogue, nous oublions tragiquement que les armes, avant même de faire des victimes et des ruines, peuvent provoquer des cauchemars, "exigent d’énormes dépenses, arrêtent les projets de solidarité et d’utile travail, elles faussent la psychologie des peuples" (ibid., 5) Comment pouvons-nous proposer la paix si nous utilisons l’intimidation de la guerre nucléaire comme recours légitime pour résoudre les conflits? Puisse cet abîme de souffrance rappeler les limites à ne jamais dépasser! La véritable paix ne peut être qu’une paix désarmée.»

    Celle du Successeur de Pierre, a-t-il poursuivi, est «la voix de ceux dont la voix n’est pas entendue et qui voient avec inquiétude et angoisse les tensions croissantes qui traversent notre époque, les inégalités et les injustices inacceptables qui menacent la coexistence humaine, la grave incapacité de prendre soin de notre maison commune, le recours constant et spasmodique aux armes, comme si celles-ci pouvaient garantir un avenir de paix.» Il a ensuite condamné non seulement l'utilisation, mais aussi la possession d'armes nucléaires qui remplissent encore les arsenaux du monde avec une puissance, qu'elles sont capables de détruire l'humanité des dizaines de fois: «Je désire redire avec conviction que l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui plus que jamais un crime, non seulement contre l’homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune. L’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est immorale de même que la possession des armes atomiques, comme je l’avais déjà dit il y a deux ans. Nous aurons à en répondre

    06/03/2025

    Selon la Fédération des scientifiques américains, citée par le journal italien Domani, il existe en Europe 290 ogives nucléaires sous contrôle français et 225 ogives en Grande-Bretagne. La quasi-totalité des ogives atomiques - 88% - se trouve dans les arsenaux des États-Unis et de la Russie, soit plus de 5.000 ogives chacun. Au total, 9 pays possèdent des bombes nucléaires, en plus de ceux déjà cités, il y a la Chine, l'Inde, la Corée du Nord, le Pakistan et Israël. Il existe aujourd'hui des missiles balistiques capables de libérer une puissance destructrice mille fois supérieure à celle des bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki en 1945. Il y a lieu de se poser quelques questions: avons-nous vraiment besoin d'encore plus d'armes? Est-ce vraiment le seul moyen de nous défendre?

    «L'Église catholique, avait déclaré le Pape François à Nagasaki il y a six ans, est irrévocablement engagée dans la décision de promouvoir la paix entre les peuples et les nations: c'est un devoir pour lequel elle se sent redevable devant Dieu et devant tous les hommes et toutes les femmes de cette terre... Convaincu qu'un monde sans armes nucléaires est possible et nécessaire, je demande aux dirigeants politiques de ne pas oublier que celles-ci ne nous défendent pas contre les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale et internationale de notre époque».

  • Pourquoi ce mur autour du Vatican ?

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    De Paul Vaute, historien et collaborateur de Belgicatho, cet examen critique des prises de position récentes du Pape sur l'immigration et la multiculturalité.

       A l'assourdissant Trump bashing auquel se livre sans nuances l'essentiel de l'establishment politique et médiatique dans nos pays, le pape François se devait d'apporter sa contribution. Après quelques piques lancées çà et là, il a dégainé de manière plus officielle, le 10 février dernier, par une lettre adressée à l'épiscopat des Etats-Unis et rendue immédiatement publique.

       Il y dénonce le lancement sous la nouvelle administration "d'un programme de déportations de masse", "qui identifie de façon tacite ou explicite le statut illégal de certains migrants avec la criminalité" et qui "porte atteinte à la dignité de nombreux hommes et femmes, et de familles tout entières". L'évêque de Rome admet cependant "le développement d'une politique qui réglemente une migration ordonnée et légale", mais on ne voit pas dans l'ensemble du texte où il serait licite de mettre la moindre limite à l'accueil, si ce n'est à l'encontre de "ceux qui ont commis des crimes violents ou graves". Relevons encore que pour le Souverain Pontife, "l'amour chrétien n'est pas une expansion concentrique d'intérêts qui s'étendent peu à peu à d'autres personnes et d’autres groupes" [1].

       Cette dernière phrase est un coup de crosse au vice-président – catholique –   James David Vance. Celui-ci, en effet, a soutenu récemment le point de vue, à vrai dire classique, qui veut que l'amour du prochain "proche" – notre famille, notre communauté – s'impose naturellement à nous, avant celui de nos autres concitoyens, de nos compatriotes et, au-delà, de l'humanité. Propos que d'aucuns ont étrangement interprété comme "niant une dignité à l'étranger, à l'immigré, au sans-papiers" [2]. Etablir une hiérarchie de priorités ne revient évidemment pas à exclure de toute considération ce qui n'est pas cité en premier lieu. Quand Jean-Paul II a intégré à l'enseignement social de l'Eglise "l'option préférentielle pour les pauvres", nul n'en a déduit qu'il fallait désormais "nier toute dignité" à ceux qui ne figurent pas parmi les démunis.

       Principal conseiller de Donald Trump sur la question migratoire – et lui aussi catholique – Tom Homan a répondu à François sur un mode ironique: "Il veut nous attaquer parce que nous assurons la sécurité de nos frontières ? Il a un mur autour du Vatican, n'est-ce pas ?" [3]. L'argument est imparable. L'Etat de la Cité du Vatican a même renforcé discrètement, en décembre 2024, les contrôles pour empêcher les intrusions d'illégaux sur son territoire. Selon Jean-Baptiste Noé, rédacteur en chef de la revue de géopolitique Conflits, il en résulte que "le Vatican a la politique migratoire la plus répressive d’Europe" [4]! Mais on peut, on doit aller plus loin dans l'objection.

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  • Migrations : la lettre du pape aux évêques des USA et le commentaire de Riccardo Cascioli

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    LETTRE DU SAINT-PÈRE FRANCOIS AUX ÉVÊQUES DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (source)

    Chers frères dans l'épiscopat,

    Je vous écris aujourd'hui pour vous adresser quelques mots en ces moments délicats que vous vivez en tant que Pasteurs du Peuple de Dieu qui marche ensemble aux États-Unis d'Amérique.

    1. Le chemin de l'esclavage à la liberté parcouru par le peuple d'Israël, tel qu'il est raconté dans le Livre de l'Exode, nous invite à considérer la réalité de notre temps, si clairement marquée par le phénomène des migrations, comme un moment décisif de l'histoire pour réaffirmer non seulement notre foi en un Dieu toujours proche, incarné, migrant et réfugié, mais aussi la dignité infinie et transcendante de toute personne humaine. [1]

    2. Les mots par lesquels je commence ne sont pas une construction artificielle. Même un examen superficiel de la doctrine sociale de l'Église montre avec insistance que Jésus-Christ est le véritable Emmanuel (cf. Mt 1, 23) ; il n'a pas vécu en dehors de l'expérience difficile d'être expulsé de sa propre terre en raison d'un risque imminent pour sa vie, et de l'expérience de devoir se réfugier dans une société et une culture étrangères à la sienne. Le Fils de Dieu, en devenant homme, a également choisi de vivre le drame de l'immigration. J'aime rappeler, entre autres, les mots par lesquels le pape Pie XII a commencé sa Constitution apostolique sur le soin des migrants, considérée comme la « Magna Carta » de la pensée de l'Église sur la migration :

    « La famille de Nazareth en exil, Jésus, Marie et Joseph, émigrés en Égypte et réfugiés là pour échapper à la colère d'un roi impie, est le modèle, l'exemple et la consolation des émigrants et des pèlerins de tous les temps et de tous les pays, de tous les réfugiés de toutes conditions qui, assaillis par la persécution ou la nécessité, sont obligés de quitter leur patrie, leur famille bien-aimée et leurs amis chers pour l'étranger. » [2]

    3. De même, Jésus-Christ, aimant tout le monde d'un amour universel, nous éduque à la reconnaissance permanente de la dignité de tout être humain, sans exception. En effet, lorsque nous parlons de « dignité infinie et transcendante », nous voulons souligner que la valeur la plus décisive que possède la personne humaine surpasse et soutient toute autre considération juridique qui peut être faite pour régler la vie en société. Ainsi, tous les fidèles chrétiens et les hommes de bonne volonté sont appelés à considérer la légitimité des normes et des politiques publiques à la lumière de la dignité de la personne et de ses droits fondamentaux, et non l'inverse.

    4. J'ai suivi de près la crise majeure qui se déroule aux Etats-Unis avec la mise en place d'un programme de déportations massives. La conscience bien formée ne peut manquer de porter un jugement critique et d'exprimer son désaccord avec toute mesure qui identifie tacitement ou explicitement le statut illégal de certains migrants à la criminalité. En même temps, il faut reconnaître le droit d'une nation à se défendre et à protéger les communautés contre ceux qui ont commis des crimes violents ou graves pendant qu'ils étaient dans le pays ou avant leur arrivée. Cela dit, le fait d'expulser des personnes qui, dans de nombreux cas, ont quitté leur pays pour des raisons de pauvreté extrême, d'insécurité, d'exploitation, de persécution ou de grave détérioration de l'environnement, porte atteinte à la dignité de nombreux hommes et femmes, et de familles entières, et les place dans un état de vulnérabilité particulière et sans défense.

    5. Il ne s'agit pas d'une question mineure : un authentique État de droit se vérifie précisément dans le traitement digne que méritent toutes les personnes, en particulier les plus pauvres et les plus marginalisées. Le véritable bien commun est promu lorsque la société et le gouvernement, avec créativité et dans le strict respect des droits de tous - comme je l'ai affirmé à maintes reprises - accueillent, protègent, promeuvent et intègrent les plus fragiles, les moins protégés et les plus vulnérables. Cela n'empêche pas le développement d'une politique qui réglemente l'immigration ordonnée et légale. Mais ce développement ne peut se faire par le privilège des uns et le sacrifice des autres. Ce qui est construit sur la base de la force, et non sur la vérité de l'égale dignité de chaque être humain, commence mal et finira mal.

    6. Les chrétiens savent bien que ce n'est qu'en affirmant la dignité infinie de tous que notre propre identité en tant que personnes et en tant que communautés atteint sa maturité. L'amour chrétien n'est pas une expansion concentrique d'intérêts qui s'étendent peu à peu à d'autres personnes et groupes. En d'autres termes : la personne humaine n'est pas un simple individu, relativement expansif, avec quelques sentiments philanthropiques ! La personne humaine est un sujet digne qui, à travers la relation constitutive avec tous, en particulier avec les plus pauvres, peut progressivement mûrir dans son identité et sa vocation. Le véritable ordo amoris à promouvoir est celui que nous découvrons en méditant constamment la parabole du « bon Samaritain » (cf. Lc 10, 25-37), c'est-à-dire en méditant l'amour qui construit une fraternité ouverte à tous, sans exception. [3]

    7. Mais se préoccuper de l'identité personnelle, communautaire ou nationale, en dehors de ces considérations, introduit facilement un critère idéologique qui fausse la vie sociale et impose la volonté du plus fort comme critère de vérité.

    8. Je reconnais vos efforts précieux, chers frères évêques des États-Unis, alors que vous travaillez en étroite collaboration avec les migrants et les réfugiés, en annonçant Jésus-Christ et en promouvant les droits humains fondamentaux. Dieu récompensera richement tout ce que vous faites pour la protection et la défense de ceux qui sont considérés comme moins précieux, moins importants ou moins humains !

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  • Face à Trump : euphoriques ou vigilants ?

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    D'Elisabeth Geffroy sur le site de la Nef :

    Face à Trump, euphorie … ou vigilance ?

    À quand dater la dernière fois que le résultat d’une élection nous a réjouis et nous a portés à croire que le cours de l’histoire allait peut-être cesser sa fuite en avant pour s’engager dans une direction plus souhaitable ? Certaines promesses de Trump, le choix de son colistier, l’étonnant J. D. Vance, la joie de bien des gens ordinaires qui se sentent représentés par lui, la déconfiture des démocrates et du camp woke, certains executive orders qu’il a signés sitôt investi, le retour à un certain bon sens, sont autant de raisons de saluer son arrivée au pouvoir. Une part de nous pourrait communier dans l’enthousiasme qui gagne la droite américaine et une frange importante des catholiques américains (qui ont voté pour lui à 56 %).

    Une autre vision de l’homme et de la morale

    Mais, une fois pris acte de ces heureux points de convergence, il nous est difficile de ne pas souligner ce qui nous éloigne de Trump, qui rend ces convergences elles-mêmes au fond assez friables et fragiles, l’éléphant au milieu de la pièce : il semble que nous ne partagions pas la même vision de l’homme et de la morale. Or tout homme politique qui ne reconnaît pas un ordre supérieur à son propre pouvoir, qui n’encadre pas l’exercice de sa puissance par la soumission à la loi naturelle, est tendanciellement guetté par un usage arbitraire ou mauvais de ce pouvoir – et éveille, à ce titre, davantage notre vigilance que notre euphorie. Il n’y a qu’à voir la façon inquiétante dont son ami Elon Musk souhaite intégrer comme composante du rêve américain l’aspiration à dépasser les limites de notre humaine condition et de notre monde habitable (transhumanisme, colonisation de Mars…). Nous répugnons d’ordinaire à endosser le rôle du rabat-joie briseur de fête, du porc-épic mauvais coucheur, mais il nous apparaît important de confronter cet allié de circonstance à nos propres idéaux politiques, de façon à ne pas oublier nos exigences fondamentales.

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  • Comment les évêques américains réagissent aux décrets de Trump sur l'immigration

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    De Jonah McKeown sur CNA :

    Voici comment les évêques américains ont réagi aux décrets de Trump sur l'immigration

    30 janvier 2025

    Depuis la semaine dernière, les évêques catholiques de tout le pays ont répondu publiquement aux récents décrets du président Donald Trump sur l'immigration, nombre d'entre eux appelant à une approche plus globale et plus humaine de la politique d'immigration qui respecte la dignité des migrants et des réfugiés. 

    Les agents de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE), nouvellement habilités à procéder à des arrestations dans des lieux tels que des églises et des écoles sans avoir besoin de demander l'approbation d'un supérieur, auraient déjà commencé à intensifier les arrestations dans certaines grandes villes après que Trump a promis « la plus grande opération d'expulsion de l'histoire américaine » se concentrant principalement sur « les criminels les plus dangereux ». 

    Les autres ordres du premier jour de Trump, faisant suite à de nombreuses promesses de campagne, comprenaient la déclaration d'un état d'urgence national à la frontière sud des États-Unis avec le Mexique, le rétablissement de la politique controversée de « rester au Mexique » à la frontière de son mandat précédent, et la désignation des cartels de la drogue comme « organisations terroristes étrangères ».

    Un autre décret signé par Trump a lancé un processus visant à mettre fin au droit de naissance pour les personnes nées sur le territoire américain, quel que soit le statut juridique de leurs parents, bien qu'un juge ait déjà bloqué ce décret dans le cadre d'un important défi juridique mené par une coalition d'États. 

    L’Église catholique enseigne que les pays, en particulier les plus riches, doivent essayer d’accueillir les migrants « dans la mesure où ils le peuvent », mais que les nations ont également le droit de réglementer la migration.

    Les plans d'immigration de Trump, dont beaucoup sont en voie de concrétiser, ont attiré les critiques des dirigeants catholiques au niveau national. Le président de la conférence des évêques américains, l'archevêque Timothy Broglio, a déclaré le 22 janvier que « certaines dispositions » des décrets d'immigration sont « profondément troublantes et auront des conséquences négatives, dont beaucoup porteront préjudice aux plus vulnérables d'entre nous ». 

    Le 23 janvier, l'évêque Mark Seitz d'El Paso, au Texas, président du comité épiscopal américain sur les migrations, a dénoncé « les généralisations hâtives visant à dénigrer un groupe, comme celle consistant à décrire tous les immigrants sans papiers comme des « criminels » ou des « envahisseurs » pour les priver de la protection de la loi ». Ce faisant, a-t-il écrit, « c'est un affront à Dieu, qui a créé chacun de nous à son image ».

    De nombreuses déclarations d’évêques ont été adressées directement aux immigrants, cherchant à leur offrir des mots d’encouragement et de soutien et à les assurer que l’Église les accueille avec plaisir.

    Les évêques catholiques du Michigan ont exprimé dans une récente déclaration leur inquiétude face aux « déportations massives et à la rhétorique néfaste qui rabaisse de manière générale nos frères et sœurs immigrés ». Ils ont promis « un soutien et un respect indéfectibles pour la dignité humaine de tous les migrants » et ont exhorté les élus à soutenir les politiques qui assurent la sécurité et l’unité des familles immigrées. 

    Les évêques du Michigan ont toutefois précisé que l’enseignement catholique sur l’immigration rejette l’idée de « frontières complètement ouvertes » en faveur d’une approche équilibrée qui donne la priorité à la sécurité des frontières et à un accueil empreint de compassion. Ils ont appelé à un « système d’immigration humain qui accueille les réfugiés et les immigrants en leur offrant un chemin équitable vers la citoyenneté ».

    Les évêques du Maryland ont publié une déclaration commune le 27 janvier pour exprimer leur solidarité avec les immigrants et renouveler leur engagement à défendre des politiques qui protègent les droits et défendent leur dignité. Citant le pape François, ils ont appelé à voir dans chaque migrant « non pas un problème à résoudre mais des frères et sœurs à accueillir, à respecter et à aimer ».

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