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Rechercher : célibat des prêtres, stop ou encore

  • Célibat sacerdotal : Tony Anatrella revient sur les propos de Mgr Parolin

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    Le célibat sacerdotal, entre dogme et tradition

    Entretien avec Mgr Tony Anatrella

    Paris, 16 septembre 2013 (Zenit.org) Anita Bourdin

    L’interview, dans la presse du Venezuela, de Mgr Pietro Parolin, secrétaire d’État nommé, du pape François, a donné lieu à diverses interprétations. Pour les lecteurs de Zenit, Mgr Tony Anatrella apporte des repères pour savoir comment situer cette explosion médiatique.

    Mgr Tony Anatrella, psychanalyste et spécialiste en psychiatrie sociale, consulteur des Conseils pontificaux pour la famille et pour la santé, enseigne et consulte également à Paris. Il intervient dans les séminaires et dans le cadre de journées de formation sacerdotale sur les divers aspects du célibat sacerdotal. Il donne régulièrement un cours sur ce thème lors du Cours international des formateurs de séminaristes qui a lieu tous les ans pendant tout le mois de juillet à Rome depuis plus de 20 ans.

    Zenit - Comment avez-vous réagi à l’interview de Mgr Parolin ?

    Mgr Tony Anatrella - Il faut lire intégralement l’interview qui a été donnée par Mgr Parolin au journal vénézuélien El Universal le 8 septembre 2013 dans laquelle le Secrétaire d’État répond plus largement aux questions du journaliste sur la situation de l’Église. Puis il doit réfuter une distinction introduite par le journaliste qui pose problème quand il s’interroge sur deux types de « dogmes » : certains qui seraient « amovibles » pendant que d’autres seraient « changeants ». Or ces deux types de « dogmes » n’existent pas. Mgr Parolin répond très logiquement et avec raison que le célibat des prêtres n’est pas un « dogme ». L’Église ne l’a jamais présenté de cette façon. De ce fait, la presse s’embrase sur une seule phrase pour faire toutes sortes hypothèses largement infondées. Une fois de plus, une phrase est sortie de son contexte pour lui faire dire tout et son contraire. Il devient de plus en plus difficile de parler sans que la pensée soit détournée à des fins partisanes. Les journalistes ont ainsi pensé et parlé à la place de Mgr Parolin. Certains sont même allés jusqu’à affirmer que cette réponse était concertée entre le Pape et son Secrétaire d’État, et que, sans doute, on assisterait dans les prochains mois à des remises en question. Ce qui est bien sûr injustifié. Mais le journaliste, comme l’ensemble de l’opinion publique, savent-ils encore ce qu’est un « dogme » ?

    Le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC) au n. 88 et suiv.,  rappelle que le « dogme » est une vérité de foi reçue du Christ qui engage le peuple chrétien à une adhésion irrévocable, comme le Mystère de la Sainte Trinité. Il revient au Magistère de l’Église, qui agit et s’engage sous l’autorité du Christ, de définir les dogmes contenus dans la Révélation divine et d’en montrer les conséquences pour la vie de l’Église, la vie spirituelle et le comportement moral.

    Comment se forment les « dogmes » ?

    Leur formation est liée à la découverte du contenu de la Révélation divine. Ainsi, dans les premiers siècles de la vie de l’Église, les divers conciles qui rassemblaient les évêques sous le Magistère de Pierre, ont précisé progressivement le contenu rationnel de la foi chrétienne en méditant, en priant et en vivant la Parole de Dieu. Ce ne fut pas toujours facile, ni sans conflits puisqu’il fallait déjà faire la part des choses entre les idées, voire les idéologies d’une époque, et les vérités de foi au Christ découvertes au sein de son Église. Certains ne se privèrent pas de fabriquer leur propre doctrine et de fonder des sectes ce qui donna souvent lieu à des schismes, à des hérésies et à des apostasies qui réapparaissent régulièrement dans l’histoire. Nous sommes ainsi actuellement en pleine hérésie pélagienne (seule compte la volonté humaine pour ne pas dire le désir) et montaniste (négation de toute hiérarchie ecclésiastique). Le Pape François, après le Pape Benoît XVI, rappelle sans cesse que le Christ est indissociable de l’Église. Croire au Christ tout en négligeant l’Enseignement de l’Église est une contradiction intellectuelle et morale, et une attitude anti-chrétienne.

    Bref les dogmes, entendus comme vérités de la foi au Christ et résumés dans le Credo, ne changent pas, ils s’approfondissent, comme nous ne cessons pas d’explorer le sens de l’Incarnation du Christ et du Mystère de l’Église.

    Si l’héritage de la foi est confié à l’Église, qu’en est-il du célibat sacerdotal qui ne serait pas un « dogme »?

    Dans son interview Mgr Parolin rappelle précisément que « l’Église ne peut jamais changer au point de s’adapter totalement au monde. … L’Église a une constitution, une structure, un contenu qui sont ceux de la foi, et personne ne peut les changer ». Autrement dit, si le célibat des prêtres n’est pas un « dogme », au sens de ceux contenus dans le Credo, il demeure une exigence théologique dépendant de la conception du sacerdoce que l’Église a reçue du Christ. Elle appartient à la Tradition qui structure l’Église, c’est-à-dire qu’elle est l’une des conséquences des vérités de la foi au Christ-Prêtre. Elles ont été découvertes et vécues dès le début de la vie ecclésiale. Il y a donc un lien et une distinction entre Dogme et Tradition pour définir les réalités chrétiennes. Cette différence, sans qu’elle soit une opposition, est une subtilité de la pensée difficile à saisir par des médias parfois prisonniers des idées courtes et de leurs interprétations projectives et qui ne cherchent pas à comprendre l’originalité et la profondeur d’une pensée religieuse. Nous sommes ainsi conditionnés par une excitation médiatique qui tourne en boucle et à des clichés qui ne sont pas raison. Il faut donc laisser passer la tempête médiatique pour retrouver le sens des choses, et ici du célibat sacerdotal.

    Comment situer la Tradition dans l’Église ?

    Dans la question posée par le journaliste vénézuélien et dans tous les commentaires qui ont pu être faits dans les médias, il y a une confusion entre la notion de Dogme et celle de la Tradition. C’est ce que laissait entendre Mgr Parolin en disant qu’il s’agit « d’une Tradition ecclésiastique », mais cela ne veut pas dire qu’elle est amovible et à la libre disposition de chacun en dehors de « la constitution de l’Église ». L’origine de la pensée de l’Église, afin de formuler les dogmes et leurs conséquences pratiques et morales pour le peuple chrétien, est dans « l’Ecriture Sainte et dans la Sainte Tradition ». L’une et l’autre sont normatives et servent de références au seul Magistère de l’Église à qui a été confiée « la charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu » (CEC, n. 84 à 87).

    La Tradition ecclésiale transmise au cours des siècles n’est pas négligeable puisqu’elle est le résultat de la mise en perspective et en acte, par exemple pour la question qui nous occupe, du sens du sacerdoce dont le mode de vie s’incarne à l’image du Christ-Prêtre de façon nuptiale dans le don total de soi à Dieu et à son Église. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Secrétaire d’État affirme avec force : « l’effort qu’a fait l’Église pour instaurer le célibat des prêtres doit être considéré. On ne peut pas dire qu’il appartient simplement au passé. » Puis il ajoute pour rendre compte de l’existence d’un certain nombre de problèmes de comportement chez des prêtres : « C’est un grand défi pour le Pape, qui est à la tête du ministère de l’unité, et toutes les décisions doivent être prises dans le but d’unir l’Église, pas de diviser ».

    Mgr Parolin est un homme de dialogue. Une attitude qui permet de voir la réalité en face, de discerner et d’approfondir les choses. En ce sens, il dit : « Aussi nous pouvons parler, réfléchir et approfondir ces sujets et songer à des modifications, mais toujours en tenant compte de l’unité, de la volonté de Dieu (…) et de l’ouverture aux signes des temps ». Que faut-il entendre ici ? Que la question est ouverte à la réflexion, mais certainement pas pour remettre en question l’engagement dans le célibat pour les prêtres qui est fortement structuré dans la Tradition ecclésiale. En revanche des aménagements sont possibles, comme par exemple ce que Benoît XVI a permis pour l’accueil des prêtres anglicans qui embrassent la foi catholique.

    Les propos de Mgr Parolin ont donc été interprétés bien au-delà de ce qu’il voulait dire ?

    Sans aucun doute. Certains médias ont affirmé rapidement, et souvent dans la méconnaissance de l’histoire du célibat, que la question du mariage des prêtres était relancée. Or rien n’est relancé et la réflexion continue comme toujours en dehors des caméras et des micros.

    On s’est livré à une surenchère de reportages en allant souvent chercher d’anciens prêtres qui se sont mariés, ou des femmes qui vivent en concubinage avec des prêtres. Ils sont souvent présentés et « starisés » comme des « héros » alors que les prêtres qui sont fidèles à leur engagement seraient des gens qui ne connaissent pas l’amour. Ce sont pourtant eux qui sont les « héros » de Dieu. Il n’y a rien d’héroïque à être transgressif, c’est même le contraire ! Les gens qui sont parfois dans ce cas, le savent bien et sont envahis d’interrogations quand ils se sont laissé dépasser par leurs sentiments.

    Les slogans partent vite et le public apprécie que soit mis en lumière et valorisés des situations anti-institutionnelles et transgressives. « L’Église est contre le mariage des prêtres et contre l’amour d’une femme ». L’Église n’interdit à personne de se marier ! Libre à chacun de choisir sa vie. Mais le sacerdoce ne dépend pas des idées que chacun se fait sur lui et encore moins de l’évolution de ses affects. D’ailleurs lorsque le célibat sacerdotal est accepté passivement, sans qu’une véritable réflexion psychologique sur sa vie affective et sexuelle ait été engagée pendant la formation initiale au Séminaire, on risque parfois d’assister à des éveils douloureux et à des implications affectives incontrôlées.

    On annonce des chiffres importants de prêtres qui ne respecteraient pas le célibat ?

    En vérité, on ignore complétement le nombre de personnes dans cette situation. Certains annoncent des chiffres fantaisistes et invérifiables de 25 à 30% de prêtres en délicatesse avec leur engagement. Il s’agit plus d’une construction que d’une réelle information. Cette surinterprétation de chiffres flirte avec une volonté idéologique de laïcs qui veulent marier les prêtres, alors que la grande majorité d’entre eux sont heureux de leur don et ne demandent rien. Ces revendications sont toujours extra-marginales. N’est-il pas curieux de constater cette volonté de vouloir marier les prêtres et les homosexuels à une époque où l’on passe son temps à dénoncer et à dévaloriser le mariage ?

    De plus, là où le clergé est marié cela ne va pas sans poser divers problèmes. La naïveté contemporaine consiste à croire que le mariage résout les questions actuelles : déficit des vocations, solitude du prêtre, pédophilie, voire homosexualité dans le clergé. Le mariage n’a jamais été un accélérateur des vocations, une thérapie ou un antidote contre la pédophilie et un évitement de l’homosexualité. La pédophilie est pratiquée pour 80 à 90% dans les familles et des hommes mariés peuvent avoir des pratiques homosexuelles. Quant aux vocations, elles naissent dans des communautés où la foi est réelle et active. Ces affirmations sont des visions à courte-vue sur lesquelles, évidemment, l’Église ne peut pas s’aligner.

    La seule question qui pourrait éventuellement se poser avec beaucoup de réflexion et de prudence, est de savoir s’il ne conviendrait pas d’ordonner des hommes d’âge mûr, mariés, dans des régions marquées de façon durable par l’absence de prêtres ? La réponse ne pourra « pas être universelle » et restera un problème pour l’unité et la cohérence de l’Église. Car là encore d’autres obstacles risquent d’apparaître et de faire reculer la pastorale des vocations basée sur un clergé célibataire. Il n’est pas évident de faire coexister deux systèmes qui ne serviraient pas « l’unité de l’Église ». Ce qui veut dire qu’avant de se précipiter sur des solutions séduisantes aux yeux des médias, il est indispensable d’analyser des situations particulières là où le clergé dans son ensemble vit dans la cohérence du célibat consacré.

    Comment comprendre ce que le cardinal Jean-Marie Lustiger expliquait, en substance, à savoir que l'Église catholique latine choisit ses prêtres seulement parmi des hommes ayant reçu un charisme vérifié de célibat?

    Dans la Tradition de l’Église latine le célibat est intrinsèque au sacerdoce sur le mode de la relation nuptiale du Christ à l’Église. C’est pourquoi d’ailleurs la Congrégation pour l’éducation catholique a rappelé dans une Instruction (qui canoniquement oblige les Ordinaires) que l’Église ne peut pas appeler aux Ordres sacrés des personnes homosexuelles.

    Quant au lien théologique entre sacerdoce et célibat, Paul VI l’a souligné dans son encyclique sur Le célibat sacerdotal (1967) et Jean-Paul II dans Pastores dabo vobis (1992). Benoît XVI soutenait qu’il existe « un lien ontologique entre le sacerdoce et le célibat » (12 mars 2010). Tel est le résultat de la Tradition ecclésiale que nul ne peut modifier structurellement.

    Le cardinal Lustiger avait raison de d’affirmer que le sacerdoce est lié au charisme du célibat qui permet d’authentifier l’appel de Dieu. Une vérité qui est attestée dès l’origine du Christianisme. En effet l’exigence du célibat sacerdotal ne commence pas au 12èmesiècle avec le concile de Latran, ni avec le concile de Trente (1545-1563), mais dès la période évangélique lorsque le Christ affirme que « certains se font eunuques pour le Royaume de Dieu ». Cette phrase laisse entendre que déjà à l’époque évangélique, des disciples s’identifiaient au mode de vie du Christ. Les études récentes en exégèse et en histoire ont renouvelé les idées que l’on se faisait sur le célibat : un récent congrès à Rome l’a bien montré. On ne peut plus présenter le célibat comme une simple « exigence disciplinaire » de l’Église. Car qui peut donner sa vie pour une règle ? On ne peut donner sa vie qu’à une personne ici en l’occurrence à Dieu et à son Église à l’image du Christ puisque le prêtre est ordonné et configuré in persona Christi.

    À écouter les médias le célibat aurait été imposé par l’Église au 12èmesiècle pour protéger les biens de l’Église. Des affirmations qui méconnaissent l’histoire puisque cette exigence a progressivement été vécue bien avant pour des raisons théologiques et spirituelles.

    C’est saint Paul qui a commencé à organiser la pensée chrétienne sur la question du célibat ?

    Oui ! Saint Paul, puis dès les premiers siècles les Pères de l’Église, puis les divers conciles ne vont avoir de cesse de chercher à vivre le sacerdoce selon le Christ-Prêtre dans le don total de soi. Il est vrai qu’au début certains évêques, prêtres et diacres étaient mariés, mais ce sont eux lors des conciles qui, réfléchissant sur le mystère du Christ-Prêtre, en sont venus à l’idée que le clergé devait être continent pour signifier leur don total à Dieu.

    La continence a ainsi été première avant même le célibat et ceux qui ne respectaient pas ce mode de vie évangélique, étaient exclus de l’Ordre sacerdotal. Ce n’est que par la suite que le célibat s’est imposé. Nous retrouvons d’ailleurs cette signification dans le canon 227, 1 du Code de droit canonique qui dit : « Les clercs sont tenus par l’obligation de garder la continence parfaite et perpétuelle à cause du Royaume des Cieux et sont donc astreints au célibat ». C’est pourquoi d’ailleurs le Pape Benoît XVI a tenu à différencier le diaconat permanent qui n’appartient plus à l’Ordre sacerdotal (Enseigner, Gouverner et Présider) en le séparant du diaconat en vue du sacerdoce. Il est simplement un service de l’Église entre Elle et le monde.

    Dès le 3èmeet 4ème siècle, les conciles, ratifiés par le Magistère de Pierre, approfondiront et codifieront cette exigence de la continence et du célibat. Elle devra être rappelée en permanence pour des raisons théologiques. Il est ainsi impertinent de soutenir que le célibat sacerdotal n’a aucune base théologique. Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI, pour rester dans la période contemporaine, ont montré le contraire. Malheureusement cette question est insuffisamment travaillée, même par des théologiens dans nos Universités catholiques, et l’on en reste à des clichés que des médias se plaisent à répandre dans la désinformation la plus complète.

    Est-ce que l'on peut comprendre le sacerdoce ministériel et le célibat sacerdotal sans référence au Christ Époux?

    Évidemment non ! C’est pourquoi d’ailleurs, je le répète, l’origine du célibat sacerdotal est théologique et non pas disciplinaire. Une « loi » disciplinaire peut se changer, mais pas une raison théologique inscrite dans la vérité de la Tradition ecclésiale. Personne n’est obligé de devenir prêtre. Il s’agit d’une « élection » divine comme l’affirme l’épitre aux Hébreux. Le Pape François l’a rappelé lors de son discours du 6 juillet 2013, aux séminaristes et aux novices en pèlerinage à Rome pour l’Année de la Foi, en les invitant à  vivre dans la joie du don et de la fécondité du « vœu de chasteté et du vœu de célibat », en exerçant, entre autres, « la paternité spirituelle ». Nous sommes loin d’une décision pontificale qui amenderait le célibat sacerdotal.

    Le prêtre est ainsi ordonné à l’image du Christ-Époux. Il donne sa vie à Dieu pour le service de l’Église. Bien entendu cela nécessite d’être parvenu à la maturité affective et sexuelle qui permettra d’intégrer sa sexualité dans cette symbolique. La sexualité ce n’est pas seulement l’exercice ou l’abstinence de la génitalité, mais implique d’être capable de l’inscrire dans la symbolique du don de la personne (Jean-Paul II). Sinon, nous en restons à une question de pratiques ou d’orientations sexuelles qui sont du registre de la pulsion et pas de celui de l’être ; un niveau d’ailleurs que la « culture » actuelle ne permet pas toujours d’atteindre et de comprendre. Le discours médiatique reste dans une sorte d’utilité primaire de la sexualité comme pour évacuer des tensions émotionnelles que l’on confond avec l’amour sexuel.

    Le prêtre qui est ainsi uni à l’Église, à un peuple qu’il aime, sert en communiquant la Parole de Dieu, la Caritas et le Christ sacrement. Il s’inscrit donc dans la logique du Sacerdoce christique.

    Dans l'Église, le fait que l'on ne comprenne plus très bien le témoignage de la vie consacrée n'entraîne-t-il pas l'incompréhension du célibat sacerdotal ? Du choix qui se fait au moment du diaconat ?

    Certainement. Le Pape François le soulignait dans son discours aux séminaristes et aux novices en insistant sur l

  • Célibat sacerdotal; quand Paul VI déclarait : ”Je préfèrerais mourir ou donner ma démission !”

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    D'Anne Kurian sur zenit.org :

    « Je préfèrerais mourir » : d’où vient la citation de Paul VI sur le célibat

    « Je pense la même chose », confirme le pape François

    Ne parvenant pas à trouver cette phrase dans les textes pontificaux, Mgr Leonardo Sapienza, régent de la préfecture de la Maison pontificale, « intrigué », a demandé au pape François où il l’avait lue : « Il m’a répondu qu’il l’avait entendue de différentes personnes ; mais de continuer à chercher, car cela l’intéressait lui aussi. »

    Avec l’aide des archivistes de la Secrétairerie d’Etat, la source a été trouvée : un échange lors d’une rencontre privée le 10 juillet 1970 avec le cardinal Bernard Alfrink, archevêque d’Utrecht (Pays-Bas), dont la Secrétairerie d’Etat a fait la transcription, que nous traduisons ci-dessous telle quelle.

    Dans ce dialogue publié par L’Osservatore Romano du 17 novembre 2020, le régent voit la « passion de la fidélité à l’Eglise » de Paul VI. Il souligne ses différentes réponses claires : « j’aurais l’impression de trahir l’Eglise » ; ce serait « une décadence dont on ne guérit plus » ; « je n’aurais pas la conscience tranquille ». Jusqu’à l’exclamation finale, que le cardinal secrétaire d’Etat d’alors, Jean-Marie Villot, demanda en marge de « ne pas diffuser ».

    Ayant lu ce rapport, le pape François écrit : « Je pense la même chose que saint Paul VI, avec une seule différence : lui est saint ». Et de conclure en s’adressant à Mgr Sapienza avec humour : « et que ne vous vienne pas l’idée de vous marier ».

    Rapport de l’audience 

    - Le Saint Père affirme avoir beaucoup pensé à l’échange de la veille ; une fois le diagnostic précis posé, la situation hollandaise semble grave ; il faut en tenir compte avec compréhension et charité ; on ne peut pas exiger une pratique parfaite quand il y a du trouble ; nous ne voulons pas être uniformes ou juridiques dans la mise en pratique, nous comprenons la nécessité d’être attentifs.
    - Le cardinal a dressé le cadre.
    - Le pape n’a rien voulu ajouter ; il aurait pu le faire.
    Ce voyage avait comme sujet la question du célibat.
    - Alfrink se réfère à la déclaration des évêques et en particulier aux deux points suivants : les hommes mariés et la réadmission de prêtres mariés dans le ministère. Sur ce point Alfrink n’insiste pas.
    - Le pape ajoute : impossible.
    - Le cardinal dit qu’il existe une catégorie de prêtres qui se leurrent et admet qu’il s’agit d’une illusion.
    - Le pape ajoute : il faut que l’on soit explicites.
    - Le cardinal affirme ne pas avoir eu de réponse à son rapport sur le cas Grossouw; le cardinal Seper [Franjo Seper, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi de 1968 à 1981, ndlt] n’aurait pas écrit ! S’il reçoit des instructions [paroles ajoutées au crayon sur le texte dactylographié, ndlr] le cardinal Alfrink fera ce qui lui sera dit : il appellera Grossouw.
    - Le pape pense qu’il faut tenir bon.
    - Le cardinal Alfrink: mais la raison impressionnante est qu’il n’y a plus de candidats au sacerdoce ; il insiste pour le sacerdoce aux hommes mariés.
    - Le pape dit que cela se répandrait aussitôt : il ne faut pas le faire. Le pape a une vision, il a la responsabilité; il aurait l’impression de trahir l’Eglise.
    - Alfrink réagit : laisser l’Eglise sans prêtres est un grand “malheur”; c’est une situation qui arrive aux Pays-Bas, mais aussi ailleurs. Cette façon d’aider l’Eglise peut être un bien.
    - Le Saint Père : le problème est complexe. Dans les missions, les voix d’autorités s’opposent. Il y a quelque remède dans l’admission du diaconat d’hommes mariés. Certes il manque le ministère sacerdotal. La situation peut être étudiée collégialement. Il faut réserver un thème de ce genre à un Synode. Mais cela exige deux ans au moins.
    - Alfrink: c’est long, mais l’Eglise est éternelle. Nous sommes les premiers en Europe à connaître ce manque, qui existe déjà en Amérique latine. C’est la préoccupation de l’épiscopat hollandais.
    - Saint Père : il faudrait approfondir l’analyse du problème ; les évêques qui n’ont pas de clergé veulent appeler des hommes mariés. Mais ils introduisent un changement de concept, une décadence dont on ne guérit plus.
    - Alfrink: établir des critères.
    - Saint Père : pas convaincu.
    - Alfrink: ces hommes existent ; nous les connaissons et nous reconnaissons leurs qualités.
    - Saint Père : qu’ils fassent de l’apostolat laïc.
    - Alfrink: nous en avons besoin. Il faut étudier le problème. Je n’attends pas une réponse pour ce soir.
    - Pape: je ne voudrais pas donner d’espérance “fallacieuse” ; et rappel de la lettre du 2 février de l’année en cours.
    - Alfrink: mais la lettre en parle.
    - Saint Père : je ne pense pas que cela s’applique à la Hollande. Il faut une grande réflexion pour les situations œcuméniques.
    - Alfrink: certaines parties de l’Eglise universelle peuvent se trouver dans des situations analogues.
    - Saint Père: je n’aurais pas la conscience tranquille. Ce serait un bouleversement de la discipline de l’Eglise latine.
    - Alfrink: je ne suis pas si pessimiste.
    - Saint Père: “moi non plus. La jeunesse viendra. Vous avez eu un siècle si fécond de vocations. Amour au Christ” (en français dans le texte).
    - Alfrink: ne pas perdre cela.
    - Saint Père : on ne peut pas avoir un double clergé.
    - Alfrink: vous pensez qu’il n’y aurait plus de clergé célibataire ?
    - Saint Père: non. Nous aurions des prêtres absorbés par d’autres devoirs, famille, travail.
    - Alfrink: c’est vrai ; une des raisons du célibat est en effet celle-ci : la disponibilité; il expose les perspectives d’un clergé marié : une partie complètement libre, l’autre ayant une profession (temps plein – temps partiel).
    - Saint Père: dévouement du prêtre à sa famille ; il n’y aura plus de recrutement de prêtres célibataires.
    - Alfrink: étudier plus à fond.
    - Saint Père: la Commission théologique étudiera les questions qui seront objet du Synode de 1971, mais elles ne sont pas encore fixées. Cela sera sans doute un des points. Mais par devoir de sincérité, je ne veux pas vous donner l’espérance que l’on parvienne au clergé marié. Je ne veux pas décider tout seul, car mon opinion serait négative ; je demanderai ce que pensent les autres confrères dans l’épiscopat. Cela pourrait être pour des cas extrêmes, ce ne serait pas la règle, ni la norme. Ce serait la ruine.
    - Alfrink: garder le célibat et à côté chercher des vocations d’hommes matures mariés.
    - Saint Père : vous pensez qu’une telle loi de l’Eglise résistera ? ou que l’on dira “on peut être marié et bon prêtre ”? Je préfèrerais mourir ou donner ma démission !

  • Le cardinal Sarah revient sur le célibat, le synode amazonien, l'Allemagne...

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    De Sandro Magister (Settimo Cielo) en traduction française sur Diakonos.be :

    Célibat, Amazonie, Allemagne.  Le retour du cardinal Sarah

    Le matin du dimanche de Pâques et le matin du lundi de Pâques, la revue française « Valeurs actuelles » a mis en ligne en deux parties un long entretien du cardinal Robert Sarah retranscrit par Charlotte d’Ornellas :

    > “Là où règne la confusion, Dieu ne peut habiter!”: le cardinal Sarah appelle à l’unité de l’Eglise

    > Cardinal Sarah: “Cette épidémie disperse la fumée de l’illusion”

    Dans la première partie de l’interview, le cardinal Sarah revient sur le livre qu’il a écrit et publié avec le pape émérite Benoit XVI intitulé « Des profondeurs de nos cœurs », qui défend vigoureusement le célibat du clergé.

    Le cardinal dénonce l’instrumentalisation des invectives contre le livre et ses deux auteurs.  Il répète que sa publication, en janvier dernier, a été faite « dans un esprit de profonde obéissance filiale au Saint-Père ».  Et il souhaite qu’on discute enfin de ce dont parle vraiment le livre et que le Pape François en personne a montré partager quand il a dit – en faisant écho à Paul VI – que « je préfère donner ma vie que de changer la loi du célibat ».

    Mais dans cet entretien, le cardinal Sarah parle également d’autres sujets : du synode sur l’Amazonie, du synode d’Allemagne, des divisions au sein de l’Église, des abus sexuels, ainsi que la « crise de civilisation « mise au jour par la pandémie du coronavirus.

    Voici donc un bref extrait de son entretien sur les points qui concernent le plus la vie de l’Église.

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

    *

    Le livre sur le célibat

    Avec Benoît XVI nous avions voulu ouvrir un débat de fond, une réflexion sereine, objective et théologique sur le sacerdoce et le célibat, en nous appuyant sur la révélation et les données historiques. […] J’ai lu beaucoup d’invectives et d’injures mais très peu de réflexion théologique et pastorale et surtout très peu de comportements chrétiens.

    Pourtant, avec Benoît XVI, nous faisions des propositions audacieuses de réforme du mode de vie des prêtres. Personne n’a relevé ni commenté ce que je crois être les pages les plus importantes de notre réflexion, celles qui concernent le nécessaire renoncement aux biens matériels de la part des prêtres, celles qui appellent à une réforme fondée sur la recherche de la sainteté et la vie de prière des prêtres, celles qui invitent « à se tenir devant toi et te servir ». […] A tout cela s’ajoute la nécessité de servir Dieu et les hommes. Notre livre se voulait spirituel, théologique et pastoral, les médias et quelques experts auto-proclamés en ont fait une lecture politique et dialectique. Maintenant que les polémiques stériles se sont dissipées, peut-être pourra-t-on enfin le lire vraiment ? Peut-être pourra-t-on en discuter paisiblement ?

    Le synode sur l’Amazonie

    Au lendemain de la publication de l’Exhortation apostolique “Querida Amazonia” du Pape François, certains prélats ont manifesté de la déception et du dépit. Ils n’étaient pas inquiets pour les peuples d’Amazonie mais déçus parce que l’Église, selon eux, aurait dû profiter de cette occasion pour se mettre au diapason du monde moderne. On a bien vu à ce moment que la question amazonienne avait été instrumentalisée. On avait utilisé la détresse des pauvres pour promouvoir des projets idéologiques.

    Je dois avouer qu’un tel cynisme m’attriste profondément. Au lieu de travailler à faire découvrir aux peuples de l’Amazonie la profondeur et la richesse uniques de la personne de Jésus Christ et de son message de salut, on a voulu « amazoniser » Jésus-Christ et lui faire épouser les croyances et pratiques des indigènes amazoniens, en leur proposant un sacerdoce à taille humaine adapté à leur situation. Les peuples de l’Amazonie, comme ceux d’Afrique, ont besoin d’un Christ Crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens, vrai Dieu et vrai homme, qui est venu sauver les hommes marqués par le péché, leur donner la Vie, et les réconcilier entre eux et avec Dieu, en faisant la paix par le sang de sa Croix.

    Les divisions au sein de l’Église

    L’unité des catholiques n’est pas une simple affection sentimentale. Elle se fonde sur ce que nous avons en commun : la révélation que le Christ nous a laissée. Si chacun défend son opinion, sa nouveauté, alors la division se répandra partout. La source de notre unité nous précède. La foi est une, c’est elle qui nous unit. L’hérésie est le véritable ennemi de l’unité. Je suis frappé de constater que le subjectivisme hystérise les débats. Si l’on croit à la vérité, on peut la chercher ensemble, on peut même avoir des débats francs entre théologiens, mais les cœurs demeurent apaisés. On sait bien qu’à la fin la vérité apparaît. Au contraire, quand on remet en cause l’objectivité intangible de la foi, alors tout se transforme en rivalité de personnes et en luttes de pouvoir. La dictature du relativisme, parce qu’elle détruit la confiance paisible en la vérité révélée, empêche un climat de sereine charité entre les hommes. […]

    L’unité de la foi suppose l’unité du magistère dans l’espace et dans le temps. Quand un enseignement nouveau nous est donné, il doit toujours être interprété en cohérence avec l’enseignement qui précède. Si nous introduisons des ruptures et des révolutions, nous brisons l’unité qui régit la sainte Église au travers des siècles. Cela ne signifie pas que nous soyons condamnés au fixisme. Mais toute évolution doit être une meilleure compréhension et un approfondissement du passé. L’herméneutique de réforme dans la continuité que Benoît XVI a si clairement enseignée est une condition sine qua non de l’unité.

    Le synode d’Allemagne

    Ce qui se passe en Allemagne est terrible. On a l’impression que les vérités de la foi et les commandements de l’Evangile vont être mis aux voix. De quel droit pourrions-nous décider de renoncer à une partie de l’enseignement du Christ ? Je sais que beaucoup de catholiques allemands souffrent de cette situation. Comme l’a souvent dit Benoît XVI, l’Église d’Allemagne est trop riche. Avec l’argent on est tenté de tout faire : changer la Révélation, créer un autre Magistère, une Eglise non plus une, sainte, catholique et apostolique, mais allemande. Le risque pour elle est de se penser comme une des institutions du monde. Comment dès lors ne finirait-elle pas par penser comme le monde ?

    Les abus sexuels

    Cette crise est d’abord une crise de la foi et une profonde crise du sacerdoce. La découverte des crimes abominables des prêtres en est le symptôme le plus terrifiant. Quand Dieu n’est pas au centre, quand la foi ne détermine plus l’action, quand elle n’oriente plus et n’irrigue plus la vie des hommes, alors de tels délits deviennent possibles. Il nous faut recommencer, dit Benoît XVI, à vivre à partir de Dieu et en vue de Dieu. Avant toutes choses, les prêtres doivent apprendre à reconnaître Dieu comme le fondement de leur vie et à ne pas le laisser de côté comme s’il s’agissait d’une formule sans contenu réel. Quand une vie sacerdotale n’est pas centrée sur Dieu, elle risque de se laisser entraîner par une forme d’ivresse de pouvoir. Comme le disait encore Benoît XVI, « Pourquoi la pédophilie a-t-elle atteint de telles proportions ? En dernière analyse, la raison en est l’absence de Dieu. »

  • Célibat sacerdotal : une contribution remarquable en filiale obéissance au pape régnant

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    Benoit XVI et Sarah Pentin-BOOKEPISODE2.jpg

    Dans le n° 322 – février 2020 du mensuel « La Nef » , Christophe Geffroy fait le point sur l’événement suscité par la publication du plaidoyer de Benoît XVI et du Cardinal Sarah en faveur du respect absolu du célibat sacerdotal dans l’Eglise latine. Voici cette excellente synthèse :

    Le secret fut particulièrement bien gardé. Le 12 janvier, nous apprenions par le site du Figaro que Benoît XVI et le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte divin, allaient publier ensemble le 15 janvier un livre pour défendre le célibat sacerdotal : Des profondeurs de nos cœurs (1). Aussitôt, sans même avoir lu le livre, nombre de personnalités catholiques s’en prenaient au pape émérite, l’accusant de trahir François ou de s’ériger en magistère parallèle, ou encore de n’avoir plus toute sa tête et de s’être fait manipuler par un entourage réactionnaire. Le journaliste de La Croix, Nicolas Senèze, par exemple, twittait : « Un méchant coup dans le dos du pape ! Ce pape (émérite) commence vraiment à poser un problème… »

    Une polémique artificielle

    Coup de théâtre avant même la sortie du livre dans les librairies, des journalistes affirmaient d’une façon quelque peu contradictoire que le texte n’était pas de Benoît XVI et qu’il n’avait pas donné son accord pour publier sa propre contribution. Ces graves accusations tendaient à faire passer le cardinal Sarah pour un manipulateur. Après un bref moment de flottement, la vérité a pu être établie sans l’ombre d’un doute. Les deux textes d’introduction et de conclusion ont été rédigés par le cardinal Sarah et approuvé par le pape émérite ; la partie de Benoît XVI, « Le sacerdoce catholique » est bien de lui, texte rédigé en septembre 2019 avant le synode sur l’Amazonie et authentifié par Mgr Gänswein. Le cardinal Sarah, pour défendre son honneur et sa bonne foi, a publié des échanges montrant l’accord de Benoît XVI pour cet ouvrage, ce qu’a reconnu Mgr Gänswein. Les deux hommes se sont d’ailleurs revus le 17 janvier et aucun malentendu n’existait entre eux : « Avec le pape émérite Benoît XVI, nous avons pu constater combien il n’y a aucun malentendu entre nous. Je suis sorti très heureux, plein de paix et de courage de ce bel entretien », twittait le cardinal Sarah le 17 au soir.

    Résultat de cette polémique : le livre est strictement inchangé, ses textes ne sont pas mis en cause, seule la mention des auteurs sera revue dans les éditions suivantes : au lieu d’un livre cosigné par Benoît XVI et le cardinal Robert Sarah, ce dernier sera le seul auteur « avec la contribution de Benoît XVI ».

    Ces réactions polémiques et leur violence révèlent à quel point cet ouvrage est un événement important qui gêne pas mal de monde. C’est en effet la première fois que Benoît XVI s’explique ainsi sur un sujet débattu aussi « chaud » et sur lequel le pape est très attendu. Devait-il sortir de la réserve qu’il s’était imposée ? La question est légitime, mais il n’existe pas de réponse toute faite tant qu’un statut de « pape émérite » n’aura pas été établi. Benoît XVI demeure évêque et conserve à ce titre la liberté de s’exprimer comme n’importe quel évêque émérite. Il est évident qu’il ne s’exprime plus en tant que successeur de Pierre et sa parole n’a donc aucune autorité magistérielle mais elle a l’autorité de son expérience, de sa compétence et de sa sagesse. Son intervention ne commente pas une décision pontificale mais une question ouverte sur laquelle on peut librement discuter, il est donc absurde de voir dans cette initiative une « attaque » ou une critique contre François ; et ce d’autant plus qu’il ne fait aucun doute qu’il ne contestera pas ce que le pape décidera in fine.

    Le fait qu’il ait jugé en conscience devoir parler montre simplement l’importance qu’il prête à ce sujet pour le bien de l’Église. Contribuer à éclairer le pape et les fidèles sur un tel débat est une attitude parfaitement légitime et normale dans l’Église. L’introduction donnait d’ailleurs le ton sans ambages : « Nous offrons donc fraternellement ces réflexions au peuple de Dieu et, bien entendu, dans un esprit de filiale obéissance, au pape François » (p. 23).

    Ce dernier, au demeurant, n’a émis aucune réserve ni effectué aucune pression, a confirmé Mgr Gänswein. Andrea Tornielli, directeur éditorial du Dicastère pour la Communication du Saint-Siège, avait publié dès le 13 janvier un éditorial saluant « une contribution sur le célibat sacerdotal, en filiale obéissance au pape ». Aucune critique contre le principe même de ce livre, l’auteur rappelant au contraire l’attachement de François au célibat sacerdotal.

    La nature du sacerdoce

    Venons-en maintenant au contenu de cet ouvrage. Il faut le redire d’emblée, il n’y a nulle polémique chez les deux auteurs, mais au contraire une réflexion passionnante et très profonde sur la nature du sacerdoce qui justifie pour eux de maintenir le célibat sacerdotal dans l’Église latine. Commençons par le texte de Benoît XVI intitulé « Le sacerdoce catholique ».

    Ce texte assez bref de 45 pages est une approche lumineuse sur la crise actuelle du sacerdoce, sur l’incompréhension qu’en ont beaucoup aujourd’hui dans l’Église. Pour le pape émérite, comprendre la nature du sacerdoce permet aussi de mesurer combien l’ordination d’hommes mariés serait une fausse solution et conduirait au contraire à une situation bien pire.

    « Au fondement de la situation grave dans laquelle se trouve aujourd’hui le sacerdoce, écrit-il, on trouve un défaut méthodologique dans la réception de l’Écriture comme Parole de Dieu. L’abandon de l’interprétation christologique de l’Ancien Testament a conduit de nombreux exégètes contemporains à une théologie déficiente du culte. Ils n’ont pas compris que Jésus, loin d’abolir le culte et l’adoration dus à Dieu, les a assumés et accomplis dans l’acte d’amour de son sacrifice. Certains en sont arrivés à récuser la nécessité d’un sacerdoce authentiquement cultuel dans la Nouvelle Alliance » (p. 29-30). Et il poursuit : « L’acte cultuel passe désormais par une offrande de la totalité de sa vie dans l’amour. Le sacerdoce de Jésus-Christ nous fait entrer dans une vie qui consiste à devenir un avec lui et à renoncer à tout ce qui n’appartient qu’à nous. Tel est le fondement pour les prêtres de la nécessité du célibat mais aussi de la prière liturgique, de la méditation de la Parole de Dieu et du renoncement aux biens matériels » (p. 30).

    Les origines de la crise du sacerdoce

    Benoît XVI explique alors comment le sacerdoce s’est élaboré à l’origine de l’Église, comment la destruction du Temple hérodien a été assumée positivement par Dieu et comment aussi Luther, se fondant sur une autre lecture de l’Ancien Testament, ne voyait plus le sacerdoce que « comme une expression de la “Loi” » (p. 43). Aujourd’hui, cette incompréhension qui érige une opposition entre ministères et sacerdoce demeure largement partagée, d’où la crise que nous vivons. Dans l’Ancienne Alliance, la continuité de la hiérarchie sacerdotale était assurée par l’hérédité, puisque les prêtres étaient issus de la seule tribu de Lévi ; dans la Nouvelle Alliance, c’est Dieu qui appelle l’homme au ministère qui doit reconnaître et accepter cet appel, d’où le problème de la vocation qui existe dans l’Église. « Dans la conscience commune d’Israël, les prêtres étaient rigoureusement tenus de respecter l’abstinence sexuelle dans les périodes où ils exerçaient le culte et étaient donc en contact avec le mystère divin. La relation entre l’abstinence sexuelle et le culte divin fut absolument claire dans la conscience commune d’Israël. […] Étant donné que les prêtres de l’Ancien Testament ne devaient se consacrer au culte que durant des périodes déterminées, le mariage et le sacerdoce étaient compatibles. Mais, en raison de la célébration eucharistique régulière et souvent même quotidienne, la situation des prêtres de l’Église de Jésus-Christ se trouve radicalement changée. Dé­sormais, leur vie entière est en contact avec le mystère divin. Cela exige de leur part l’exclusivité à l’égard de Dieu. Cela exclut par conséquent les autres liens qui, comme le mariage, embrassent toute la vie. De la célébration quotidienne de l’Eucharistie, qui implique un état de service de Dieu permanent, naquit spontanément l’impossibilité d’un lien matrimonial. On peut dire que l’abstinence sexuelle qui était fonctionnelle s’est transformée d’elle-même en une abstinence ontologique » (p. 47-48).

    Certes, reconnaît Benoît XVI, il a existé dans les premiers siècles de l’Église un clergé marié, mais, insiste-t-il, « les hommes mariés ne pouvaient recevoir le sacrement de l’Ordre que s’ils s’étaient engagés à respecter l’abstinence sexuel­le » (p. 50), ce qui était alors admis sans problème et, dès l’origine, le célibat était imposé à tous les évêques, d’Orient comme d’Occident. De même, peut-on ajouter, si saint Pierre était marié, il a quitté sa famille pour suivre le Christ.

    Le regard d’un pasteur

    Dans sa contribution, le cardinal Sarah porte un « regard ecclésiologique et pastoral sur le célibat sacerdotal ». S’appuyant sur son expérience personnelle, il explique combien des prêtres mariés auraient eu du mal à évangéliser l’Afrique et rappelle que, de même que le sacerdoce est un don, il n’existe pas de « droit à l’Eucharistie » (p. 89) et qu’on ne peut donc changer la doctrine catholique du sacerdoce et du célibat en fonction des besoins ressentis ici ou là. En effet, le Cardinal dément avec vigueur l’idée selon laquelle le célibat ne serait qu’une simple loi ecclésiastique, une discipline tardivement imposée. Il est attesté que dès le IVe siècle, les hommes mariés ordonnés étaient tenus à la continence absolue, cela les adeptes de l’ordination d’hommes mariés ne le rappellent jamais. Dans l’Église d’Orient, cette pratique a évolué plus tardivement à la fin du VIIe siècle quand la continence sacerdotale n’a pas disparu mais a été limitée aux périodes qui précèdent la célébration eucharistique. Le contexte culturel de l’époque était cependant différent et, aujourd’hui, « le clergé oriental marié est en crise » (p. 95), le divorce des prêtres mariés étant notamment un vrai problème. Et les vocations ne sont pas plus nombreuses là où existe un clergé marié (2), cette mesure ne résoudrait donc même pas cet aspect, qui est pourtant le premier recherché, et ne ferait que troubler davantage la juste compréhension du sacerdoce de plus en plus réduit à une simple fonction.

    L’exception deviendrait la règle

    Le cardinal Sarah conclut son texte en notant qu’« au sein de l’Église, les crises sont toujours surmontées par un retour à la radicalité de l’Évangile, et non par l’adoption de critères mondains » (p. 142). Et il ajoute : « Je supplie humblement le pape François de nous protéger définitivement d’une telle éventualité en mettant son veto à tout affaiblissement de la loi du célibat sacerdotal, même limité à l’une ou l’autre région » (p. 162). Car, même restreint à une contrée, l’ordination d’homme marié dans l’Église latine créerait une « brèche », « l’exception deviendrait un état permanent préjudiciable à la juste compréhension du sacerdoce » (p. 127).

    Christophe Geffroy

    (1) Benoît XVI, cardinal Robert Sarah, Des profondeurs de nos cœurs, Fayard, 2020, 176 pages, 18 €.
    (2) Saint Paul VI l’avait vu dès 1967 dans son encyclique Sacerdotalis Caelibatus  défendant le célibat sacerdotal déjà attaqué.

    © LA NEF n°322 Février 2020

    Ref. Une défense du célibat sacerdotal

    JPSC

     

  • Célibat sacerdotal en péril : à Chartres, le cardinal Sarah est monté au créneau

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    Vers une dilution  supplémentaire  de l’identité du sacerdoce dans l’Eglise latine ? De l’abbé Claude Barthe sur le site du bi-mensuel « L’Homme Nouveau » :

    Sarah 8a96c870-0e8e-4e6e-803f-cf3420c243aa.jpeg« On sait qu’une assemblée spéciale du Synode des évêques va se réunir, en octobre 2019, pour l’Amazonie, et qu’elle traitera de l’ordination d’hommes mariés pour répondre aux « nécessités pastorales » locales. De plus, le cardinal Stella, Préfet de la Congrégation pour le Clergé, personnage majeur de la Curie du Pape François, a confirmé, dans un entretien publié dans Tutti gli uomini di Francesco « Tous les hommes de François », de Fabio Marchese Ragona: (San Paolo, 2018), que le Saint-Siège est bien en train d’étudier la possibilité de « l'ordination d’hommes mariés pour un sacerdoce à temps partiel ». Le Cardinal Stella a en outre précisé que l'abolition de la règle du célibat pour les candidats à l’ordination ne concernerait pas seulement l’Amazonie, mais aussi « quelques îles du Pacifique, et pas seulement ». Cette atteinte gravissime à la structure spirituelle du sacerdoce dans l’Eglise latine a été relayée au Canada, par une discussion exploratoire des évêques du Québec, en Allemagne, au Mexique (région du Chiapas), au Brésil, en Afrique du Sud. Dans ce contexte, le cardinal Sarah (photo) a consacré un passage de son homélie prononcée, dans la cathédrale de Chartres, le 21 mai, lors de la messe conclusive du Pèlerinage de « Notre-Dame de Chrétienté », à la défense du célibat sacerdotal :

    « Chers frères prêtres, gardez toujours cette certitude : être avec le Christ sur la Croix, c'est cela que le  célibat sacerdotal proclame au monde ! Le projet, de nouveau émis par certains, de détacher le célibat du sacerdoce en conférant le sacrement de l’Ordre à des hommes mariés (les viri probati) pour, disent-ils, "des raisons ou des nécessités pastorales", aura pour graves conséquences, en réalité, de rompre définitivement avec la Tradition apostolique. Nous allons fabriquer un sacerdoce à notre taille humaine, mais nous ne perpétuons pas, nous ne prolongeons pas le sacerdoce du Christ, obéissant, pauvre et chaste. En effet, le prêtre n’est pas seulement un alter Christus, mais il est vraiment ipse Christus, il est le Christ lui-même ! Et c'est pour cela qu'à la suite du Christ et de l’Église, le prêtre sera toujours un signe de contradiction ! » 

    Ref. Célibat sacerdotal en péril : à Chartres, le cardinal Sarah est monté au créneau

    On peut penser que, comme  c’est déjà le cas dans l’Eglise grecque, une telle « ouverture » de la prêtrise aux hommes mariés serait reçue comme la création d’un sacerdoce de seconde zone  et conduirait en outre à vider de son sens le diaconat permanent qui peine déjà à prendre ses marques depuis son exhumation par le concile « Vatican II ».   

    JPSC

  • Le célibat, cœur de l'identité du prêtre selon François

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    De Vatican News :

    Vocation, pastorale, figure du prêtre: les conseils du Pape aux séminaristes français

    Le cardinal Pietro Parolin a transmis le message du Pape aux plus de 700 séminaristes et formateurs de séminaires en France, rassemblés pour la première fois depuis près de dix ans à Paris du 1er au 3 décembre. Le Souverain pontife les exhorte à adopter «un nouveau style pastoral» pour affronter le contexte culturel du pays, où «la figure du prêtre a perdu prestige et autorité». Le Pape les conforte également dans le célibat, «exigence mystique» selon lui.

    «Le Pape rend grâce pour l’appel singulier que le Seigneur vous a adressé, vous ayant choisis parmi tant d’autres, aimés d’un amour privilégié et mis à part ; et il rend grâce aussi pour la réponse courageuse que vous souhaitez donner à cet appel», a d’emblée souligné le Secrétaire d’État du Saint-Siège au nom du Souverain pontife. «C’est en effet un motif d’action de grâce, d’espérance et de joie que de constater que nombre de jeunes –et de moins jeunes– osent encore, avec la générosité et l’audace de la foi, et malgré les temps difficiles que traversent nos Églises et nos sociétés occidentales sécularisées, s’engager à la suite du Seigneur pour son service et celui de leurs frères et sœurs», a-t-il relevé, les remerciant chaleureusement.

    «Merci de donner de la joie et de l’espérance à l’Église de France qui vous attend et qui a besoin de vous». L’Église de France a besoin des séminaristes pour qu’ils soient ce que le prêtre doit être: «Participer à l’autorité par laquelle le Christ édifie, sanctifie et gouverne son Corps» (Presbyterorum ordinis, n. 2).

    Le célibat, cœur de l'identité du prêtre

    Le successeur de Pierre invite les séminaristes français «à enraciner» en leurs âmes «les vérités fondamentales» de la vocation: «Au plus haut point, source et sommet de la vie de l’Église et de sa vie personnelle, le prêtre célèbre la messe où, rendant présent le sacrifice du Christ, il s’offre en union avec Lui sur l’autel et y dépose l’offrande du Peuple de Dieu tout entier et de chacun des fidèles.»

    Au cœur de cette identité se trouve le célibat, rappelle François. «Le prêtre est célibataire -et il veut l’être- parce que Jésus l’était, tout simplement. L’exigence du célibat n’est pas d’abord théologique, mais mystique: comprenne qui pourra!», écrit-il (cf. Mt 19, 12).

    «On entend beaucoup de choses sur les prêtres aujourd’hui, la figure sacerdotale est bien souvent déformée dans certains milieux, relativisée, parfois considérée comme subalterne. Ne vous en effrayez pas trop: personne n’a le pouvoir de changer la nature du sacerdoce et personne ne la changera jamais, même si les modalités de son exercice doivent nécessairement prendre en compte les évolutions de la société actuelle et la condition de grave crise vocationnelle que nous connaissons», poursuit le Saint-Père dans cette missive, constant que l’institution ecclésiale, et avec elle la figure du prêtre, n’est plus reconnue en France.

    Simplicité, douceur, pauvreté comme style pastoral

    «Elle a perdu au yeux du plus grand nombre tout prestige, toute autorité naturelle, et se trouve même malheureusement salie. Il ne faut donc plus compter dessus pour trouver audience auprès des personnes que nous rencontrons», observe le Pape, plaidant ainsi pour «l’adoption d’un style pastoral de proximité, de compassion, d’humilité, de gratuité, de patience, de douceur, de don radical de soi aux autres, de simplicité et de pauvreté». C’est selon lui la seule manière possible de procéder à la nouvelle évangélisation, afin que chacun fasse une rencontre personnelle avec le Christ. En somme, un prêtre qui connaisse l’«odeur de ses brebis» (Messe chrismale, 28 mars 2013) et qui marche avec elles, à leur rythme.

    «De cette manière, le prêtre touchera le cœur de ses fidèles, gagnera leur confiance et leur fera rencontrer le Christ. Cela n’est pas nouveau, bien entendu; d’innombrables saints prêtres ont adopté ce style dans le passé, mais il est devenu aujourd’hui une nécessité sous peine de ne pas être crédible ni entendu», soutient encore le Secrétaire d’État du Saint-Siège au nom du Pape.

    Nourrir une relation personnelle forte avec Jésus

    «Afin de vivre cette exigeante, et parfois rude, perfection sacerdotale, et faire face aux défis et aux tentations que vous rencontrerez sur votre route, il n’y a, chers séminaristes, qu’une solution: nourrir une relation personnelle, forte, vivante et authentique avec Jésus», continue le message. Le Pape rappelle aux séminaristes que seul l’amour du Christ les fera sortir victorieux de toute crise et difficulté.

    «Car si Jésus me suffit je n’ai pas besoin de grandes consolations dans le ministère, ni de grands succès pastoraux, ni de me sentir au centre de réseaux relationnels étendus; si Jésus me suffit je n’ai pas besoin d’affections désordonnées, ni de notoriété, ni d’avoir de grandes responsabilités, ni de faire carrière, ni de briller aux yeux du monde, ni d’être meilleur que les autres; si Jésus me suffit je n’ai pas besoin de grands biens matériels, ni de jouir des séductions du monde, ni de sécurités pour mon avenir. Si au contraire je succombe à l’une de ces tentations ou faiblesses, c’est que Jésus ne me suffit pas et que je manque à l’amour.» 

    Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus comme guide de confiance

    Enfin, l’évêque de Rome recommande aux séminaristes sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, en ce 150ème anniversaire de sa naissance. Elle, docteur en scientia amoris -en science de l'amour- dont ils ont «le privilège de pouvoir lire l’admirable doctrine dans sa langue d’origine». «Elle qui “respira” sans cesse le Nom de Jésus, son “seul amour” (cf. Exhortation apostolique C’est la confiance, n. 8), elle vous guidera sur la voie de la confiance qui vous soutiendra chaque jour et vous fera tenir debout sous le regard du Seigneur lorsqu’Il vous appellera à Lui».

    «Le Pape François vous confie à son intercession et à la protection de Notre Dame de l’Assomption, Patronne de la France, ainsi que tous les membres de vos communautés de séminaires. Il vous accorde de grand cœur la Bénédiction apostolique», a conclu le cardinal Parolin.

  • Le célibat du prêtre proclame que le Christ préfère chacun d'entre nous

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    Un témoignage du nouvel évêque auxiliaire de Lyon, Mgr Emmanuel Gobilliard publié par le blog « Salon beige » :

    Gobilliard.JPG« Monseigneur Emmanuel Gobilliard, nouvel évêque auxiliaire de Lyon, a vécu à Madagascar. Il y a écrit des lettres qu'il envoyait à ses amis en France. Voici un extrait d'une de ces lettres, qu'il a tardé à envoyer parce qu'elle traitait du sujet si difficile et incompris du célibat des prêtres. Un très beau texte :

    [...] "Quelques jours après mon retour de Nohona je suis retourné à Fianarantsoa pour continuer à donner mon enseignement aux séminaristes. Le trajet a été épique –une partie de la route s’étant affaissée à la suite des inondations-et je suis arrivé tout juste pour assurer mon premier cours, épuisé avant d’avoir commencé. Cette fatigue, je ne m’en suis pas rendu compte sur le moment, n’était pas que physique. L’expérience pascale que j’avais vécue m’avait providentiellement préparé à ce cours de morale sexuelle que je devais donner. La fatigue nous aide parfois à être plus vrais, plus directs. L’expérience nous permet d’ajouter à cette vérité, qui peut être abrupte, la sincérité.

    Ainsi, lorsque, poursuivant mon enseignement, un séminariste m’a demandé si j’avais vraiment choisi le célibat en décidant d’entrer au séminaire, je lui ai répondu : « Non…comment veux-tu qu’à 21 ans on puisse choisir librement de renoncer à ce à quoi tout notre être, notre corps et notre âme aspire ? » La discussion s’est poursuivie, et le soir, je me suis reposé la question en essayant d’être le plus honnête possible, c’est-à-dire en essayant de ne pas me réfugier derrière des réponses pieuses, ou institutionnelles…en tout cas derrière des réponses qui suscitent, chez ceux qui les entendent, l’admiration -cousine de l’incompréhension- davantage que l’envie de devenir prêtre. Il arrive en effet qu’on fasse peur aux jeunes, parce que notre vie fait peur, et parce que, par orgueil, nous nous présentons un peu trop comme des « extra-terrestres » que Dieu par sa grâce aurait « guéri » de tout désir sexuel, et dont la sensibilité aurait été comblée par l’amour de Dieu. Tout cela est faux !

    Le célibat est une croix ; le fait de ne pas avoir d’enfant est une vraie souffrance. Ce choix, il faut de nombreuses années pour le comprendre et un solide bon sens pour, l’ayant compris, en rendre grâce ! C’est dans la mesure où nous vivons notre célibat comme une blessure, avec humilité, et non pas comme une victoire illusoire sur la nature que nous pouvons y trouver une joie…bien plus, une fécondité. En entrant au séminaire, j’ai été attiré par la vocation sacerdotale et j’en ai accepté le célibat parce que je n’avais pas le choix. Si j’avais eu le choix, je me serais peut être marié. Pour choisir, en vérité le célibat, il faut faire une rencontre authentique et bouleversante, il faut vivre un authentique coup de foudre. Souvent, avec Dieu, cette rencontre est progressive, faite de lumière mais aussi de nuits. Nous entrons progressivement dans le mystère de la rencontre avec Dieu parce qu’il ne force pas notre sensibilité. Le geste par lequel nous nous engageons au célibat est significatif. L’évêque nous demande de faire un pas en avant pour « exprimer notre résolution ». Ce pas m’a toujours fait penser à l’épreuve infligée à Harrison Ford à la fin d’un des épisodes d’Indiana Jones. Il doit franchir un précipice en marchant dans le vide. Si mes souvenirs sont bons, la poutre apparaît à mesure que le héros avance ! La foi, c’est un peu cela : accepter d’avancer et de ne comprendre qu’à mesure qu’on avance.

     

    Ainsi donc, je peux dire, au risque de choquer certains, que le célibat, je l’ai choisi progressivement. Heureusement que l’Eglise ne m’a pas donné le choix, sinon je ne l’aurais pas choisi. Je n’en aurais pas gouté toutes les richesses et je n’aurais pas pu exercer mon ministère avec autant de bonheur. C’est d’ailleurs pareil pour le mariage. Les jeunes époux, le jour de leurs noces ne connaissent encore rien des exigences de la vie matrimoniale. Ils ne savent pas encore que leur amour devra être purifié au creuset de la souffrance, qu’ils devront être fidèles surtout dans les petites choses, dans ces petits détails qui peuvent rendre la vie insupportable. Seul le pardon et un amour qui nous dépasse infiniment peuvent venir à bout de notre égoïsme, de notre orgueil, de notre paresse.

    Toujours est-il que je me souviens très bien du jour où j’ai à la fois compris et accepté mon célibat. J’étais déjà prêtre. C’était à l’hôpital Spallanzani, hôpital de phase terminale des maladies infectieuses où j’étais aumônier. Mario, auprès de qui je me trouvais, était en train de mourir du S.I.D.A. Un jour, me regardant bien dans les yeux, il m’a dit : « je crois avoir compris le célibat des prêtres ! » Du tac au tac, je lui ai répondu : « Eh bien explique-moi parce que moi, je n’ai pas tout compris ! » Il a réfléchi et paisiblement il m’a dit : « quand tu es là, je me repose dans ton cœur ! » Je n’avais toujours pas compris, alors je lui ai demandé des explications. Il a ajouté : « Quand les dames de la croix rouge viennent, ce n’est pas pareil ! Elles sont mariées, elles ont des enfants et des petits-enfants, et je suis content qu’elles prennent de leur temps pour venir me voir. Je les trouve généreuses. Quand toi, tu viens, je trouve cela normal ! Il n’y a personne dans ton cœur que tu dois aimer plus que moi lorsque tu es à côté de moi. Ton cœur est libre d’être pour moi tout seul, et c’est cela qui me repose. Quand tu viens, j’ai l’impression d’être vraiment important, je sais que, au moment où tu es dans cette chambre d’hôpital, il n’y a personne qui, pour toi, soit plus important que moi. Si tu étais marié, alors je saurais qu’il y a dans ton cœur quelqu’un de plus important que moi et ce serait normal. Pareil si tu avais des enfants. Toi, non seulement il n’y a personne dans ton cœur qui sois plus important que moi, mais en plus tu as choisi cette vie. C’est une situation que tu as voulue. Cela me rend heureux. »

    Il avait raison, le célibat que vit le prêtre diocésain, c’est le célibat même du Christ. Tout cela nous dépasse et, bien sûr nous ne sommes jamais à la hauteur de l’exigence que ce célibat implique. C’est vraiment du mystère d’amour du Christ pour son Eglise que nous témoignons par cette vie que nous choisissons progressivement, que nous choisissons d’autant plus et d’autant mieux que l’expérience nous la découvre, que des personnes comme Mario nous en livrent le sens profond. Notre épouse, c’est l’Eglise, ce sont ces pauvres qui attendent Jésus sans le savoir, qui attendent d’être aimés par lui. Notre célibat, il est d’abord pour les pauvres, pour ceux qui ne sont pas aimés, qui sont rejetés, humiliés et donc qui sont tentés de se croire inutiles voire parasites de la société. Ils ont le droit d’être aimés. Ils ont le droit de savoir que Dieu les aime d’un amour personnel et unique, qu’ils ont toute leur place dans le cœur de Dieu.

    Lorsque nous nous éloignons de la pauvreté, que nous nous réfugions dans une vie confortable de célibataires nombrilistes, nous sommes adultères, infidèles à notre épouse, l’Eglise, qui nous attend dans l’intimité du confessionnal comme dans le sourire d’un enfant des rues ou le regard inquiet d’un adolescent perdu. Notre épouse, c’est ce couple désemparé de ne plus savoir comment éduquer leur fils qui s’isole dans la drogue et le mensonge, c’est ce chômeur tenté par l’alcool et surtout par le désespoir. La liste est longue…trop longue pour mon pauvre cœur. Dieu seul sera leur refuge et pourtant il m’a choisi, dans ma pauvreté, dans ma faiblesse pour prolonger son cœur. Je dois aussi être ses oreilles pour écouter, ses mains pour guérir, ses épaules pour porter, ses yeux pour voir, sa bouche pour enseigner. Ils ont besoin de ma pauvreté, de ma faiblesse pour les rendre plus forts. C’est cela la logique de l’amour, qui se donne à la croix. C’est dans la faiblesse, dans ma faiblesse que Dieu se donne. Il se sert de mon cœur blessé…blessé par ce célibat que bon an mal an je choisis, progressivement, difficilement, parce qu’il révèle une source, la source cachée du Dieu qui se donne par le cœur transpercé du Christ en croix.

    J’avais déjà ressenti cela auprès de Maria, sans pouvoir le comprendre. C’était ma première visite dans cet hôpital où, inconscient, j’avais choisi de servir. J’étais entré dans une chambre du couloir des femmes. Elles étaient une dizaine dans cette pièce qui tombait en lambeaux, comme leurs vies ! Le S.I.D.A. les engloutissaient lentement, inexorablement. Elles gémissaient doucement, persuadées que personnes ne les entendaient. Elles gémissaient pour elles-mêmes, se croyant seules. Je me tenais à la porte sans pouvoir avancer, pétrifié par cette vision effrayante. Soudain une femme que je n’avais pas vue, parce qu’elle se tenait assise par terre aux pieds du lit de sa fille, se leva, hébétée et se précipita à mes pieds. Sa fille était rongée par le sarcome de Kaposi, sorte de cancer de la peau, au point d’en être défigurée, au point de ne plus pouvoir parler, de ne plus pouvoir crier. Sa mère le faisait pour elle. Elle m’enserra les genoux de ses bras et se mit à crier « aiuto ! A l’aide, à l’aide » Je me libérai violemment de son étreinte et parti en courant. Réfugié dans ma chambre du séminaire Français de Rome je compris que j’étais incapable d’accomplir la mission qui m’avait été confiée. Qui étais-je pour oser croire que je pourrais aider ces personnes ? Je suis parti voir un ami prêtre qui m’a dit calmement : « on ne te demande pas si tu es capable, on te demande de le faire ! »

    Je décidai alors de poursuivre la mission mais en me formant, en apprenant auprès de personnes compétentes comment on doit faire pour accompagner des malades en fin de vie. J’ai fait un stage en France, auprès d’une unité de soins palliatifs, l’une des premières à avoir été ouverte, dans un hôpital parisien. J’ai eu la chance d’y croiser Marie de Hennezel, psychologue renommée et grande promotrice des soins palliatifs. Elle m’a fait comprendre que mon statut de séminariste et plus tard de prêtre ne me dispensait pas d’avoir du bon sens, de me former, d’apprendre. La grâce de Dieu se communique à condition que nous y mettions de la bonne volonté, que nous acceptions de ne rien savoir, pour mieux apprendre. Tout n’est pas donné par magie avec l’imposition des mains de l’évêque !

    Fort de cette belle expérience, je repartis, mieux formé mais aussi plus humble parce que buriné par l’humiliation que j’avais subie la première fois et grandi par la sagesse et l’expérience de ceux qui avaient tout à m’apprendre. Je suis retourné dans la chambre de cette jeune femme. Sa mère était toujours là ;  j’avais apporté avec moi une petite icône de la Vierge Marie. La tête baissée je me suis avancé près du lit de Maria. Je me suis mis à genoux pour être proche d’elle sans être trop haut. Comme Marie de Hennezel m’avait dit de le faire, j’ai posé ma main gauche sur son front, j’ai déposé contre ses genoux, qu’elle avait repliés, ma petite icône et j’ai pris sa main avec ma main droite. Je n’ai pas dit un mot. Je crois que si j’avais ouvert la bouche, rien ne serait sorti sinon des sanglots ! Nous sommes restés ainsi pendant une demi-heure, en silence. Puis je suis parti, toujours sans rien dire. Ce jour-là j’avais accepté d’être faible, de pleurer avec ceux qui pleurent.

    Sans le comprendre, j’avais déjà expérimenté la force faible du célibat. Mon cœur avait été doublement ouvert. Ouvert par l’humiliation de ma première dérobade, puis ouvert à nouveau, par la compassion. C’est auprès des pauvres que j’ai le plus appris, ici à Madagascar et là-bas, à l’hôpital Spallanzani. Les pauvres sont nos maîtres, disait saint Vincent de Paul. Nous sommes maîtres de nous-mêmes si nous acceptons d’être pauvres. Aujourd’hui j’aime mon célibat, parce que je le comprends mieux. C’est le célibat du Christ auquel je participe. Comme le disait –en substance- sœur Emmanuelle, il n’a refermé les bras sur personne pour pouvoir mieux les ouvrir à tous, sur la croix. Mon célibat proclame que le Christ ne préfère personne pour nous aimer tous d’un amour unique, ou plutôt il préfère chacun de nous, et d’abord les plus pauvres, les mal-aimés, les désespérés…Son amour pour nous est encore plus fort que l’amour d’un époux pour son épouse." [...]

    Ref. Le célibat du prêtre proclame que le Christ préfère chacun d'entre nous

    JPSC

  • Célibat, avortement, pédophilie, cléricalisme, Ukraine... une nouvelle interview du pape

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    Du site "Silere non possum" :

    PAPE FRANCOIS : LA PEDOPHILIE DANS L'EGLISE ? LE CÉLIBAT N'A RIEN À VOIR AVEC CELA

    Le pape donne une interview à Telemundo et aborde un certain nombre de sujets : la guerre en Ukraine, le célibat, la pédophilie et le cléricalisme.

    Quelqu'un a-t-il réussi à comptabiliser le nombre d'interviews que le pape a accordées à divers journaux, chaînes de télévision, etc. Aujourd'hui, la chaîne de télévision américaine de langue espagnole Telemundo a publié une interview que François a accordée au journaliste Julio Vaqueiro (le 25 mai). 

    Le pape y aborde divers sujets (pédophilie, célibat, rencontre avec Zelens'kyj) et, à quelques détails près, il répète toujours et uniquement les mêmes choses. Désormais, ces interviews sont devenues des séances de photos, le reste n'est que du copier-coller. Les sujets tabous demeurent : Rupnik, Zanchetta et autres situations inconfortables pour ce pontificat.

    Vaqueiro a interrogé le pape sur le célibat des prêtres, souvent considéré comme la nature même de la pédophilie cléricale, et François a sagement répondu : "Mon cher, 32%, dans certains pays 36%, des abus ont lieu dans les familles : un oncle, un grand-père, et tous mariés, ou des voisins. Plus tard dans la vie, dans les sports, puis dans les écoles... Ce sont les statistiques, voilà ce qu'elles sont. Donc ça n'a rien à voir avec le fait que les oncles sont mariés, les grands-parents sont mariés, et parfois ce sont eux les premiers violeurs. [...] Bien sûr, je ne dis pas que c'est le cas de tous les oncles ou grands-parents. Je parle des statistiques". 

    Les remarques stériles sur le cléricalisme, devenu un mantra pour François, n'ont pas manqué, surtout depuis qu'il a vu les médias le relancer avec enthousiasme. Toujours au sujet des femmes au service de l'État de la Cité du Vatican, J. Bergoglio a déclaré : "Bien sûr, une partie de ce pastoralisme incluait des femmes qui ont beaucoup changé à l'intérieur. Elles sont très, très exécutives, très pratiques : le vice-gouverneur est une femme. Beaucoup de choses ont été changées, mais tout cela a été demandé par les cardinaux qui se réunissent lors des réunions clés qu'ils convoquent". (...)

    Il est également intéressant de noter comment le pape répond aux questions. Vaqueiro demande : "Vous avez changé beaucoup de choses, qu'aimeriez-vous changer à nouveau ?". Bergoglio ne répond pas : "Bah vous savez, nous verrons, peut-être que mon successeur poursuivra alors mon travail". Non. Cette hypothèse n'existe pas dans son esprit. Le pape dit : "Tout". Selon lui, tout doit donc encore être changé.

    L.M.

    Silere non possum

    Julio Vaqueiro : Votre Sainteté, merci beaucoup de nous avoir accordé votre temps et de vous être joint à nous. Comment vous sentez-vous ? Comment va votre santé ? (on sait que, depuis hier, le pape s'est senti fatigué et fiévreux et reste confiné à la maison Santa Martha. ndb)

    Pape François : Beaucoup mieux. Je peux maintenant marcher. Ils ont réparé mon genou et avant je ne pouvais pas marcher. Maintenant, je marche à nouveau. Certains jours sont plus douloureux, comme aujourd'hui. D'autres ne le sont pas, mais cela fait partie du processus.

    Julio Vaqueiro : Vous nous avez inquiétés avec votre bronchite.

    Pape François : Oui, c'était vraiment inattendu. C'était une pneumonie aiguë [...] Mais nous l'avons prise à temps, m'ont-ils dit, et si nous avions attendu quelques heures de plus, cela aurait été plus grave. Mais je suis sorti en quatre jours, je suis sorti.

    Julio Vaqueiro : Je vous vois en très bonne forme.

    Pape François : Je suis déjà à l'âge où l'on vous dit : "Tu as bonne mine". C'est le compliment qu'on fait aux personnes âgées (rires).

    Julio Vaqueiro : Vous dites toujours aux gens : "Priez pour moi". Ressentez-vous la force de tous ceux qui prient pour vous ?

    Pape François : C'est clair, c'est évident. Il y a des choses que je ne comprends pas, mais ce sont les gens qui intercèdent pour le pasteur. Parfois, les gens ne se rendent pas compte du pouvoir qu'ils ont en priant pour leurs pasteurs. Et la prière des fidèles fait des miracles, vraiment, elle fait des miracles. Elle peut prendre soin de leur pasteur. Un pasteur, n'importe quel pasteur, qu'il soit curé, évêque ou n'importe quel pasteur : c'est comme s'il était protégé, blindé, avec une armure, faite de la prière des fidèles.

    Julio Vaqueiro : Au cours de ces dix années, Votre Sainteté, de toutes les choses que vous avez voulu changer dans l'Église, quelle est peut-être celle qui vous a le plus pesé, que vous n'avez pas encore réussi à changer ?

    Pape François : Moi-même, très cher, j'ai du mal à changer [...] Mais, de ce que j'ai voulu changer, rien ne m'appartenait en propre. J'ai mis en pratique ce que les cardinaux, lors des réunions pré-conclaves, avaient dit qu'il fallait faire. Et quand j'ai été élu, j'ai dit : nous mettrons ces choses en pratique, n'est-ce pas ? Le système économique, les nouvelles lois de l'État du Vatican, la pastorale du service du Vatican, qui est très importante. Bien sûr, une partie de ce travail pastoral incluait les femmes, qui ont beaucoup changé en interne. Elles sont très, très efficaces, très pratiques : le vice-gouverneur est une femme. Beaucoup de choses ont changé, mais tout cela a été demandé par les cardinaux lors des réunions clés qu'ils ont convoquées.

    Julio Vaqueiro : Et que pensez-vous devoir encore faire ?

    Pape François : Tout. C'est drôle, plus on en fait, plus on se rend compte qu'il y a encore beaucoup à faire. C'est une chose insatiable. Par exemple, ce matin, j'ai rencontré le groupe synodal italien et, bien, il y a une augmentation des laïcs dans les positions qui sont prises, une décléricalisation. Il y a des pays qui sont trop cléricalisés et où le cléricalisme est une perversion : soit vous êtes pasteur, soit vous n'entrez même pas [dans le service]. Mais si vous êtes cléricalisé, vous n'êtes pas pasteur. Ce que je dis toujours aux évêques, aux prêtres et à moi-même : soyez des pasteurs, soyez des pasteurs.

    Julio Vaqueiro : Je voudrais vous montrer quelques photos de ce que nous avons vu à la frontière entre les États-Unis et le Mexique il y a quelques jours. Il s'agit d'une petite fille, enveloppée dans une couverture à l'intérieur d'une valise, qui traverse la rivière. Ses parents la portent dans cette valise. Quel message adressez-vous au père ou à la mère de cette petite fille ? Quel est son message pour les migrants ?

    Pape François : C'est un problème grave [...] le problème des migrants est grave là-bas, il est grave ici, sur les rives de la Libye. Il y a un livre en espagnol qui parle d'un garçon qui vient de Guinée. Il lui faut trois ans pour arriver en Espagne. Ils le font prisonnier, l'asservissent, le torturent et il raconte l'histoire de sa vie. Je recommande ce livre, il se lit rapidement, il est court. C'est Fratellino [le livre que François a remis aux évêques italiens lors de la session plénière]. Lisez-le et vous verrez le drame, le drame d'un migrant sur la côte libyenne. Mais ce n'est pas très différent (de ce qui arrive aux autres migrants). Pourquoi les gens émigrent-ils ? Par nécessité.

    Une femme, un grand homme d'État, a dit que le problème de la migration africaine devait être résolu en Afrique, en aidant l'Afrique. Mais malheureusement, l'Afrique est esclave d'un inconscient collectif, de l'idée que l'Afrique est là pour être exploitée. Et nous sommes toujours en train de réfléchir à la manière d'exploiter l'Afrique. Nous devrions plutôt contribuer à l'élever et à l'aider à devenir vraiment indépendante, pour qu'elle ne soit pas si dépendante [...] J'ai été au Soudan, une région merveilleuse qui se reconstruit. Pourtant, des puissances étrangères y installent rapidement leurs industries, non pas pour faire grandir le pays, mais pour le faire disparaître. Je ne dirai pas tout, je ne veux pas nommer de pays, mais le problème de l'Afrique, c'est que cet inconscient politique malhonnête croit toujours que l'Afrique doit être exploitée et cela n'a pas changé. D'où toutes les migrations.

    Julio Vaqueiro : Il y a quelques mois, nous avons interviewé le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu, qui a dit que "migrer, c'est mourir un peu", êtes-vous d'accord ?

    Pape François : Toujours, parce qu'on laisse sa patrie derrière soi. Je suis fils d'immigrés et j'en ai fait l'expérience chez moi.

    Julio Vaqueiro : Vous êtes vous-même un migrant, mais vous êtes aussi un pape.

    Pape François : Je suis né à Baires [Buenos Aires] mais mon père était un migrant, mon père était déjà comptable à la Banque d'Italie quand il s'est installé là-bas.

    Julio Vaqueiro : Et vous, qui vivez à Rome, vous finissez par être un migrant ici aussi. Vous sentez-vous aussi un peu mort en tant que pape migrant ?

    Pape François : On laisse toujours quelque chose derrière soi. Le mate [boisson traditionnelle argentine] que vous préparez avec un thermos n'est pas le même [il fait un geste avec ses mains] que le mate que votre mère vous donne, ou votre tante ou votre grand-mère, chaud et frais. Ce n'est pas la même chose. L'air avec lequel vous avez grandi vous manque.

    Il existe un très beau poème de Nino Costa, en piémontais, qui raconte l'histoire des migrants. Il s'intitule Rassa nostrana, notre race. Il raconte le destin d'un migrant qui part et revient plein d'argent, qui arrive en Amérique. Puis il meurt dans un endroit inconnu et sa vie se termine dans un cimetière. Un migrant peut devenir riche et tout va bien, ou bien il finit par souffrir énormément s'il n'est pas bien accueilli. L'Argentine, en ce sens (et tout ce que je dis, je le dis par amour pour mon pays, par amour pour la vérité), est une terre de migrants. Et nous, si je ne me trompe pas, sur nos 46 millions d'habitants, seuls 600 000 sont des aborigènes, les autres sont des migrants de la guerre : Espagnols, Italiens, Libanais et Polonais, tous, Français, Allemands. C'est un pays d'immigrants. C'est un cocktail.

    Julio Vaqueiro : Je voudrais vous interroger sur la guerre en Ukraine. Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy dit qu'il n'a pas besoin d'intermédiaires, mais en fait il vous a demandé d'adhérer à sa formule de paix, qui exige que la Russie rende les territoires qu'elle a pris. Pense-t-il que la Russie doive le faire pour parvenir à la paix ?

    Pape François : Ce n'était pas le ton de la conversation. Ce que j'ai dit, n'est-ce pas ? ... Il m'a demandé une très grande faveur : essayer de prendre soin des enfants [ukrainiens] qui avaient été emmenés en Russie. Il m'a demandé une très grande faveur : essayer de s'occuper des enfants [ukrainiens] qui avaient été emmenés en Russie. Ils ne rêvent pas tellement de négociations de paix, parce que le bloc ukrainien est en fait très fort : toute l'Europe, les États-Unis. En d'autres termes, ils disposent d'une force très importante. C'est vrai ? Ce qui lui fait très mal, et pour lequel il demande une collaboration, c'est la tentative de ramener ces enfants en Ukraine.

    Julio Vaqueiro : Pour parvenir à la paix, pensez-vous que la Russie devrait restituer ces territoires ?

    Pape François : C'est un problème politique. La paix sera atteinte le jour où ils pourront se parler, seuls ou par l'intermédiaire d'autres personnes.

    Julio Vaqueiro : Aux États-Unis, il y a un grand débat, Votre Sainteté, sur l'avortement. Nous connaissons la position de l'Église, mais pensez-vous qu'une femme qui a été violée a le droit de ne pas avoir son bébé, qui est le produit de ce viol ?

    Pape François : Je dis ceci à propos de l'avortement : dans n'importe quel livre d'embryologie de deuxième année d'université, il est dit qu'un mois après la conception, avant même que la mère ne soit consciente [qu'elle est enceinte], tout le système organique est déjà conçu à l'intérieur et l'ADN est clair. En d'autres termes, il s'agit d'un être vivant. Je ne dis pas une personne, mais un être vivant. Je me pose donc une question : est-il permis d'éliminer un être vivant pour résoudre un problème ? Deuxième question : est-il licite d'engager un tueur à gages pour résoudre un problème ? Et voilà. Vous ne me ferez pas sortir de là. Parce que c'est la vérité.

    Julio Vaqueiro : Vous avez parlé de la possibilité de revoir le mandat du célibat dans l'Église. Pensez-vous que le célibat est lié, a quelque chose à voir avec l'abus d'enfants dans l'Eglise ?

    Pape François : Mon cher, 32 %, voire 36 % dans certains pays, des abus sont commis au sein de la famille : un oncle, un grand-père, tous mariés, ou des voisins. Plus tard dans la vie, dans les sports, puis dans les écoles... Ce sont les statistiques, voilà ce qu'elles sont. Donc ça n'a rien à voir avec le fait que les oncles sont mariés, les grands-parents sont mariés, et parfois ce sont eux les premiers violeurs. [...] Bien sûr, je ne dis pas que c'est le cas de tous les oncles ou de tous les grands-parents. Je parle des statistiques.

  • Il est inopportun d’ordonner prêtres des hommes mariés

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    mgr-laurent-camiade_article.jpgÉlu président de la Commission doctrinale de l’épiscopat français en avril 2019, Mgr Laurent Camiade est évêque de Cahors. En qualité de pasteur, il estime que le célibat sacerdotal est bien plus qu’un simple règlement disciplinaire dans l’Église latine. Samuel  Pruvot  l’a interrogé   pour l’hebdomadaire « Famille  Chrétienne »:

    "La question de l’ordination des hommes mariés relève-t-elle de la doctrine ?

    En soi, rien n’empêche l’ordination des hommes mariés… Mais, en revanche, cette hypothèse ne me semble ni souhaitable ni opportune par rapport au bien de la communauté.

    Mais ne faut-il justement pas ordonner des hommes mariés – des viri probati – dans des territoires comme l’Amazonie où les communautés n’ont pas accès à l’eucharistie ?

    Il ne faut pas chosifier les sacrements… Évidemment, l’eucharistie est vitale pour une communauté chrétienne, et je suis le premier à célébrer la messe tous les jours, puisque cela m’est donné. L’enjeu n’est pourtant pas d’avoir son sacrement comme une dose quotidienne. Les sacrements sont liés à l’écoute de la parole de Dieu, explique Vatican II ; ce ne sont pas des actes magiques. L’Église ne nous fait pas l’obligation de communier tous les jours, mais au minimum une fois l’an. Sans doute sommes-nous un peu victimes, en Occident, d’une banalisation du mystère de l’eucharistie et de la présence du prêtre…

    Pourtant, la proximité du prêtre semble une réalité capitale pour les fidèles ?

    Nul n’est prophète en son pays… Ce proverbe n’est pas un dogme, puisque Jésus prêche en la synagogue de Nazareth ! Mais il rencontre une sérieuse résistance. Humainement, la proximité a ses limites. Certains prêtres sont restés cinquante ans dans le même lieu… Quand ils sont morts, la communauté est morte avec eux. Ils ont tissé de remarquables liens personnels et affectifs, c’est vrai. Mais ils étaient tellement identifiés à un peuple que cela a tout sclérosé. On peut toujours essayer de faire survivre des communautés, mais on n’est pas vraiment dans une dynamique missionnaire. La logique de la proximité, avec les viri probati, n’est pas évidente. La proximité fait perdre cette liberté de parole qui est nécessaire. Il est difficile de prêcher l’Évangile à des gens que vous connaissez trop bien…

    Mais le Code de droit canon latin n’oblige-t-il pas les évêques à tout faire pour favoriser la distribution des sacrements ?

    Certains voudraient faire dire au Code de droit canonique que les évêques doivent ordonner des gens mariés au nom de l’accès à l’eucharistie ! Ce code stipule, il est vrai, que les fidèles doivent avoir accès aux sacrements. C’est le devoir de l’évêque de faire en sorte qu’ils puissent participer à l’eucharistie. Je note cependant que ce Code ne précise pas la fréquence de la communion. Et c’est quand même le même code de l’Église latine qui impose la continence parfaite aux clercs !

    Au nom de l’eucharistie, ne pouvons-nous pas imaginer des adaptations à cette règle ?

    À propos de l’eucharistie, il faut se souvenir que le concile de Trente [chapitre 26, Ndlr] n’a pas voulu qu’on ordonne des prêtres pour juste dire la messe et recevoir des honoraires ! Le texte interdit l’ordination aux hommes qui chercheraient un gain matériel en se mettant au service par exemple de grandes familles aristocratiques. Ceux qui militent pour l’ordination d’hommes mariés défendent, sans s’en rendre compte, un certain retour au Moyen Âge ! Le concile Vatican II n’a pas voulu revenir à cette époque. Il a promu des prêtres pasteurs et non des prêtres domestiques d’une famille ou d’un lieu.

    À propos des lieux, un diocèse comme celui de Cahors sera peut-être comme l’Amazonie dans quelques années…

    Nous ne serons jamais l’Amazonie, même si toutes nos terres étaient en friches ! Nous avons quand même des facilités de transport. Aujourd’hui, les habitants se déplacent pour aller au supermarché, ils ne vont pas cueillir des baies sur les buissons ! Le diocèse de Cahors n’est pas si défavorisé si l’on raisonne au nombre de prêtres par habitant. Notre presbytérat est jeune et compte une trentaine de prêtres de moins de 60 ans. Je compte sur eux pour les quinze ans à venir ! Et je pense que nous n’aurons pas trop de difficulté à assurer habituellement la messe à moins de vingt minutes des habitations.

    Pour revenir à la discipline du célibat ecclésiastique, ne vaut-elle pas pour les rites catholiques orientaux ?

    Une discipline n’est jamais là par hasard… Elle a un sens et une portée ; elle éclaire un projet missionnaire. Autrement dit, elle n’a pas pour objectif de mettre des bâtons dans les roues pour rendre le sacerdoce inaccessible ! En clair, la discipline dit quelque chose du mystère du prêtre. Dans la culture orientale, on a sans doute moins besoin qu’en Occident de la continence parfaite pour faire comprendre le caractère surnaturel du sacerdoce. Pourquoi ? Il y a chez eux un sens du sacré et de la liturgie très eschatologique. Cela veut dire qu’ils sont tendus vers les biens du monde à venir. Alors que les Latins sont des êtres plus pragmatiques et juridiques. Il leur faut quelque chose qui montre que le prêtre n’est pas dans ce monde pour remplir une fonction, mais pour accomplir la mission prophétique du Christ. En Occident, je crois qu’il n’y a rien de tel que le célibat pour faire comprendre le sens du sacerdoce.

    ▶︎ À LIRE AUSSI Le célibat des prêtres en question

    Chez les Latins, nous avons des hommes mariés qui célèbrent l’eucharistie en la personne des Anglicans qui ont rejoint l’Église catholique !

    C’est l’exception qui confirme la règle. L’Église latine n’est pas dans un rejet idéologique de l’ordination des hommes mariés. Mais il y a ici un statut spécifique de gens qui ont grandi dans une autre Église.

    Leur vocation initiale n’a pas été remise en question par l’Église catholique qui estime que l’Esprit Saint était présent. Elle reconnaît la vocation discernée dans une communauté sœur. Ils ont été ordonnés sous condition à cause de l’incertitude qui plane sur la succession apostolique dans l’Église anglicane. Mais c’est du cas par cas, et non une nouvelle règle qui peut faire école : c’est Paul VI en 1967 qui a permis cette exception, et, depuis plus de cinquante ans, c’est resté une exception.

    Quel est le sens profond du célibat dans le sacerdoce ?

    C’est une consécration de soi. Si on ne construit pas de famille ici-bas, c’est que nous avons confiance en ce qui nous sera donné dans l’Éternité. Là où il n’y aura plus ni hommes ni femmes… Le célibat, en ce sens, n’est pas d’abord une ascèse, même si c’est un combat. Le rôle du prêtre diocésain, c’est la mission et le service du peuple de Dieu. Il n’est pas un animateur social, mais un témoin du monde à venir. Il en va autrement dans la vocation religieuse où le vœu de chasteté revêt un côté plus directement ascétique.

    Le célibat sacerdotal n’est-il pas souvent mal compris par nos contemporains et même certains catholiques ?

    Le célibat est là pour nous provoquer ! Prêtre n’est pas un métier comme un autre ! Les gens sentent bien que c’est vrai. Réfléchir à un tel sujet a le mérite de nous ouvrir au mystère du sacerdoce qui est une vocation, un appel, une manière de donner sa vie.

    Le Christ est mort sur la croix. Il n’a pas fondé une famille avec Marie Madeleine pour montrer l’exemple aux familles. Il a pris une autre voie, celle du don de sa vie et de la Résurrection. Le monde est dérangé par cette façon de vivre. Ce ministère est en effet celui d’un homme qui ne cherche pas sa réalisation dans ce monde et qui témoigne d’un autre monde. En pratique, le célibat reste un combat, tout comme d’ailleurs la fidélité dans le mariage.

    Le débat sur les viri probati ne vous semble pas opportun ?

    Ce n’est pas vraiment le moment d’ordonner des hommes mariés, alors que l’image du prêtre est complètement brouillée en Occident. C’est le rôle de l’Église et de la communauté d’appeler au sacerdoce. Mais si la communauté ne sait plus ce qu’elle veut, si elle est dans la confusion, il est certain que sa capacité d’appel sera diminuée. Tout le monde est affecté par ce brouillard. Dans mon diocèse, j’ai transmis aux prêtres les magnifiques catéchèses de Benoît XVI pendant l’Année du sacerdoce. L’Église a des trésors du point de vue de l’enseignement, mais ce dernier est souvent parasité par certains livres ou par certains effets d’annonce.

    Quelle est la fécondité du célibat ?

    Je me souviens d’un jeune qui allait rentrer au séminaire… Sa mère a voulu lui mettre devant les yeux la radicalité de son choix : « Tu sais que tu n’auras jamais d’enfants ! » Il a répondu : « Je les aurais tous ! » Il y a une paternité spirituelle à laquelle on peut aspirer. Cela ne correspond pas à moins d’amour ni à moins de fécon­dités. Les jeunes qui entendent cet appel perçoivent que leur vie ne sera ni gâchée ni stérile.

    Quitte à sacrifier la sexualité ?

    Vous savez, la libération sexuelle des années 1970, nous en sommes revenus depuis le sida… Il y a aussi les violences faites aux femmes, la multiplication des divorces, etc. Il y a vingt ans, les jeunes qui se préparaient à la confirmation nous demandaient : « Comment vivez-vous le célibat ? » Aujourd’hui, les questions qui reviennent en boucle chez les jeunes sont : « Combien gagnez-vous ? », « Les évêques gagnent-ils plus que les prêtres ? ». Nous devons faire face à un climat matérialiste. Les prêtres vivent correctement, mais modestement. Leur mode de vie atteste que la réalisation de soi ne passe pas obligatoirement par l’épanouissement sexuel ou la réussite matérielle. Néanmoins, les relations du prêtre avec les gens qu’il rencontre, avec les laïcs, les prêtres et les diacres qui collaborent avec lui dans sa mission, avec son presbyterium et son évêque, sont déterminantes pour qu’il vive heureux. Car aucune vocation ne fleurit hors sol. Si la sexualité ne se limite pas à la génitalité, « il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2, 18). Un homme – et un prêtre doit être pleinement un homme – a besoin de relations saines et ajustées qui lui permettent de vivre concrètement le don de lui-même et le témoignage de sa foi en Jésus-Christ. »

    Ref. Mgr Laurent Camiade : « Ce n'est pas le moment d'ordonner prêtres des hommes mariés »

    JPSC

  • Le Synode : un pas en avant vers des femmes prêtres catholiques ?

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    Bishop Emeritus Erwin Kräutler

    D'Edward Pentin sur le National Catholic Register :

    Le synode panamazonien : «Peut-être un pas en avant vers» des femmes prêtres catholiques

    L’évêque Erwin Kräutler, considéré comme l’auteur principal du document de travail du synode, soutient l’ordination des femmes et déclare également que les deux tiers des évêques d’Amazonie sont favorables à l’ordination d’hommes mariés afin de diffuser l’Eucharistie dans des zones reculées sans prêtres.

    CITÉ DU VATICAN - L’un des personnages clés du document de travail du Synode panamazonien a admis mercredi qu’il soutenait l’ordination des femmes en tant que prêtres et qu’il considérait la réunion de ce mois-ci comme une étape possible dans la réalisation de cet objectif.

    Après s'être exprimé en anglais après la conférence de presse du synode, mercredi, à la question de savoir s'il était en faveur de l'ordination de femmes prêtres, l'évêque émérite autrichien Erwin Kräutler, de Xingu, au Brésil, a répondu: «Je vous dis que pour moi, il n'y a pas…» puis il a cherché pour trouver le mot juste avant d'ajouter: "Pourquoi les femmes - les femmes sont maintenant capables - ne pourraient pas être ordonnées? Pourquoi?"

    Lorsqu'on lui a demandé s'il souhaitait donc que les femmes soient ordonnées prêtres, il a répondu. "Oui, logiquement."

    Lorsqu'il lui a été demandé s'il voyait ce synode comme un moyen d'y parvenir, il a de nouveau eu du mal à répondre, et un responsable des communications lui a dit de mettre fin à l'entretien, mais il a répondu: «Peut-être est-ce un pas en avant.»

    «De nombreux évêques [au synode] sont en faveur des femmes diacres», a-t-il affirmé.

    Lors de la conférence de presse, il a déclaré que la plupart des communautés amazoniennes sont "coordonnées et dirigées par des femmes et que nous devons donc réfléchir à cela".

    «Nous entendons beaucoup parler du rôle des femmes, mais qu'allons-nous leur dire? "Oui, vous êtes très bonnes, mais ..." Nous avons besoin de solutions concrètes, alors je pense au diaconat féminin. "

    Mgr Kräutler, missionnaire qui a passé de nombreuses années au Brésil à défendre les droits des peuples autochtones et des pauvres de la région, est notoirement connu pour avoir été le principal auteur du document de travail contesté du synode, ou instrumentum laboris.

    Le synode des évêques de la région panamazonienne se poursuivra jusqu'au 27 octobre.

    Membre du conseil préparatoire du synode dans les mois qui ont précédé la réunion de ce mois-ci et membre du Réseau ecclésial panamazonien (REPAM), Mgr Kräutler est une figure clé du synode. Il a été élu lundi membre de la Commission d’information du synode.

    L'évêque retraité est également l'un des principaux partisans de l'ordination d'hommes «de vertu éprouvée» (viri probati) en tant que prêtres, afin d'amener les sacrements, principalement l'eucharistie, dans des régions reculées d'Amazonie où les prêtres manquent.

    Mgr Kräutler a déclaré aux journalistes aujourd'hui qu'il estimait que «les deux tiers» des évêques amazoniens soutenaient l'ordination de viri probati.

    "Il n’ya pas d’autre option", at-il déclaré lors de la conférence de presse peu de temps auparavant. "Les peuples autochtones ne comprennent pas le célibat", a-t-il ajouté. Il s'est rappelé à plusieurs reprises qu'il se rendait dans un village et que la première chose qu'ils lui avaient demandée était: "Où est ta femme?"

    «J'ai dû expliquer que je n'étais pas marié et ils ont presque eu pitié de moi en disant:« Oh, pauvre homme ».» Il a ajouté qu'une seconde fois, cela s'était produit, il a répondu: «Elle est loin» et il pensait "à ma mère."

    "Les peuples autochtones, du moins ceux que j'ai rencontrés, ne peuvent pas comprendre que l'homme ne soit pas marié", a-t-il déclaré.

    Citant les Ecritures, Mgr Kräutler a déclaré qu'il était plus important de faire connaître l'Eucharistie que de maintenir le célibat obligatoire.

    La question a été soulevée à plusieurs reprises jusqu'à présent au cours du synode, mais elle a également suscité une opposition considérable, certains voyant dans l'évangélisation une solution plutôt que de promouvoir un changement de la nature du sacerdoce.

  • ”Prêtres, envers et malgré tout ?” (Père Cédric Burgun)

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    Du Père Cédric Burgun :

    Un nouveau livre : « Prêtres, envers et malgré tout ? »

    La figure du prêtre dans notre société est-elle en train de changer ? Après les scandales qui ont abîmé le sacerdoce, la dénonciation du cléricalisme, et l’ignorance de plus en plus grande d’une société envers ceux qui consacrent leur vie à Dieu, quelle est l’espérance des prêtres ? Dans ce dernier ouvrage, « Prêtre envers et malgré tout » (publié aux éditions du Cerf) et préfacé par Mgr Laurent Camiade, Président de la Commission doctrinale des évêques de France, j’ai voulu lancé une sorte de plaidoyer en faveur de la prêtrise. Oui, beaucoup de prêtres sont heureux ; ils aiment ce qu’ils font et la consécration de leur vie. Mais que signifie être heureux ? Le sacerdoce a ses joies et ses peines, comme toute vocation, comme tout métier, comme toute action. On se focalise un peu trop souvent sur la question du bonheur comme si c’était le critère ultime de décision de nos vies. Le Christ n’a jamais promis le bonheur et l’extase à ses disciples …

    Pour présenter mon livre, j’étais l’invité jeudi 12 septembre de la matinale de RCF. Une interview à revoir ici :

    Partant du contexte ecclésial difficile que nous vivons, il est bon de réfléchir à nouveau à nos relations ecclésiales, pour ne passer à côté de souffrances et de difficultés que traversent des prêtres, qui ne sont en rien des abuseurs : oui, il peut y avoir aujourd’hui une difficulté à vivre le sacerdoce dans la société actuelle, qui le méconnait ou le décrédibilise. Et la solitude des prêtres peut rendre le sacerdoce difficile ; et il y a des difficultés. On se focalise beaucoup sur ces questions d’abus, d’autorité, de pouvoir dans l’Église, mais du fait de cela, on a parfois du mal à exprimer le sacerdoce, et à voir quelle est la vocation profonde d’un prêtre, tout comme il peut y avoir un déficit de lieux de parole et de partage, pour des prêtres en souffrance.

    J’ai écrit ce livre pour cela : réfléchir à nos relations ecclésiales, puisque cette difficulté à comprendre le sacerdoce peut se retrouver également dans le peuple de Dieu. Mais ces difficultés ne sont en rien un calvaire, mais une croix puisque la croix est toujours ouverte sur la résurrection et sur la vie, sur un don de soi renouvelé.

    Quant au célibat, que j’aborde également, j’essaie de relire à la lumière des renoncements qu’il implique : non pas d’abord dans l’ordre de la sexualité (il y a suffisamment d’écrits sur cette question) mais dans l’ordre des relations. Oui, il y a plein de prêtres qui le vivent avec joie et don de soi. Et ce don de soi vient témoigner quelque chose de la présence de Dieu. Mais quel renoncement implique-t-il dans une paternité spirituelle bien comprise et bien vécue ? Enfin, j’essaie d’interroger aussi le cléricalisme : certes, il faut le dénoncer, mais j’indique également qu’il ne faudrait pas qu’il devienne comme un nouveau soupçon jeté sur les prêtres. Selon nous, et face au cléricalisme, il faudrait peut-être se focaliser sur la paternité spirituelle des prêtres vécue comme un accompagnement qui permet à l’autre de prendre son envol. En aucun cas, la paternité sacerdotale ne peut être un pouvoir sur les fidèles. C’est bien pour cela que toute paternité est une paternité qui s’efface.

    Père Cédric Burgun

  • Célibat sacerdotal : le témoignage de Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et de Lourdes

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    Rédigé par Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes, propos recueillis par Odon de Cacqueray et publié sur le site web du bimensuel « L’Homme Nouveau » le 03 février 2020 :

    brouwet-1.jpg« Mgr Nicolas Brouwet est évêque de Tarbes et Lourdes. Après avoir lu Des profondeurs de nos cœurs, il a accepté de répondre à nos questions et de nous livrer ses réflexions sur le livre du Cardinal Sarah et du pape émérite, ainsi que sur le célibat sacerdotal. 

    Le cardinal Sarah et le pape émérite Benoît XVI ont sorti un livre sur le célibat sacerdotal, pourquoi ce sujet revêt-il une telle importance aujourd’hui ?

    Deux éléments ont relancé la question du célibat des prêtres. Le synode sur l’Amazonie, d’une part, puisque les pères du synode ont voté une résolution favorable à l’ordination sacerdotale de diacres mariés. La question des abus sexuels commis par des clercs, d’autre part, certains prétendant que le mariage des prêtres aurait pu éviter ces abus. Le manque de prêtres dans nos diocèses est aussi un argument récurrent en faveur de l’ordination d’hommes mariés.

    Les réponses qui circulent réduisent souvent le célibat des prêtres à une « discipline » qui se serait imposée dans l’Église catholique latine au Moyen Âge et qu’il serait temps de réviser parce qu’elle ne correspondrait plus à l’esprit du temps. Voilà pourquoi il fallait écrire ce livre. Je signale aussi le livre très intéressant du cardinal Marc Ouellet, Amis de l’Époux : Pour une vision renouvelée du célibat sacerdotal. 

    Comment comprenez-vous la volonté de Benoît XVI d’expliquer le célibat sacerdotal en recourant à l’Ancien Testament ?

    Faire remonter la décision du célibat pour les prêtres à la réforme grégorienne ou au deuxième concile du Latran en 1239 est réducteur. Le choix de prendre les prêtres parmi les hommes qui ont reçu le charisme du célibat n’est pas une pure décision juridique prise tardivement. Elle s’enracine très profondément dans la vie de l’Église mais également dans l’Ancien Testament où, déjà, apparaît la figure du prêtre consacré pour le culte de Dieu. Il était mis à part pour se tenir devant le Seigneur et le servir, comme l’explique le pape émérite Benoît XVI, et cette consécration se traduisait concrètement par un renoncement à la possession d’une terre et par l’absence de relations conjugales au moment du service liturgique à Jérusalem. « Les prêtres doivent vivre seulement de Dieu et pour lui » (p. 53). Si notre sacerdoce catholique vient du Christ nous sommes aussi héritiers de la figure du prêtre de l’ancienne Alliance. 

    Au-delà du célibat est-ce une manière d’être prêtre et de recevoir le sacerdoce que propose le Pape émérite ?

    La vie d’un prêtre est une offrande de soi à la suite de Jésus, bon pasteur et prêtre de la nouvelle Alliance. Le culte du Temple est pour nous une figure qui trouve son accomplissement dans l’offrande que Jésus a faite de lui-même sur la croix pour le salut du monde, à la fois autel, prêtre et victime. C’est dans cette offrande que se comprend notre ministère sacerdotal.

    Cette dimension cultuelle de notre sacerdoce n’a rien perdu de son actualité, parce qu’en célébrant la messe, c’est toute l’humanité que nous offrons au Père par Jésus-Christ dans le feu de l’Esprit-Saint. Mais c’est également notre pauvre vie que nous présentons au Seigneur pour lequel, par grâce, nous avons tout donné. Le reste de notre mission, de notre journée, nos prédications, nos projets missionnaires, la célébration des autres sacrements, ne prennent sens que dans cette action fondamentale et quotidienne qu’est la célébration de la messe, où tout est déposé, remis entre les mains du Père.

    Le célibat sacerdotal est-il remis en cause parce que son sens a été en partie perdu ?

    Lorsque Jésus annonce à ses apôtres la possibilité d’un célibat pour le Royaume, il suggère tout de suite que cet appel ne sera pas compris par tous : « Qui peut comprendre, qu’il comprenne ! » (Mt 19, 12). Pourtant il y a, chez les catholiques, une véritable estime pour le célibat. Les fidèles comprennent, dans un regard de foi, qu’un prêtre s’est mis à la suite de Jésus célibataire venu offrir le salut à tous les hommes. Le cœur d’un prêtre est disponible pour tous, sans exclusivité et sans préférence. C’est cela qui fait la richesse de son célibat : il peut aller vers tous, le cœur libre, sans attachement. Et c’est aussi cela qui est apprécié par les fidèles : cette grande disponibilité qui n’est pas seulement celle de l’agenda mais celle du cœur profond livré entièrement au Christ. « Les pauvres et les simples, écrit le cardinal Sarah, savent discerner avec les yeux de la foi la présence du Christ-Époux de l’Église dans le prêtre célibataire. » (p. 85)

    Le célibat sacerdotal n’est-il pas un moyen de revaloriser la vocation au mariage ?

    On reproche parfois aux prêtres de ne pas être dans le monde parce qu’ils ne sont pas mariés. Ils ne connaîtraient pas les réalités de la vie. Rappelons qu’en janvier 2018, 41,3 % des Français de plus de 15 ans sont célibataires. Les prêtres ne sont pas seuls à vivre dans cet état de vie. En fait le célibat, pour nous, ouvre à la relation. Au début de mon ministère un prêtre m’avait dit que nous avions une vie « surrelationnelle », et c’est vrai. J’ai toujours rendu grâce pour la richesse des rencontres que j’ai faites dans mes différentes missions. Notre sacerdoce, vécu dans le célibat, nous ouvre un nombre considérable de portes.

    Prêtre célibataire ou fidèle engagé dans les liens du mariage, la vie prend le sens d’une offrande, d’un amour donné. Le célibat n’est pas du tout une privation de sa capacité d’aimer et d’être aimé. S’il était vécu ainsi il serait vraiment déshumanisant. Un cœur de prêtre est fait pour aimer. Il le fait à la manière et à la suite du Christ époux, du Christ entièrement livré par amour à l’humanité. Et ce don de soi pour l’humanité et dans l’Église a du sens ; il comble la vie d’un prêtre.

    S’il y a une émulation entre les prêtres et les couples dans les paroisses, c’est parce que chacun de ces états de vie est une offrande d’amour à la suite de Jésus. Et si les prêtres, dans leur don d’eux-mêmes, dans la fidélité à leurs engagements, sont un encouragement pour les fidèles engagés dans le sacrement du mariage, l’inverse est également vrai : le témoignage des couples mariés est extrêmement précieux pour un prêtre.

    Le cardinal Sarah et le Pape émérite rappellent qu’aux premiers siècles les hommes mariés ordonnés prêtres s’engageaient à l’abstinence. Les discussions autour du célibat sacerdotal ne sont-elles pas tout simplement dues à un manque de profondeur historique ?

    Je ne crois pas qu’on puisse comprendre le célibat sacerdotal par des études historiques. Il fait peur à certains parce qu’ils n’y sont pas appelés. Ils pensent que seul l’état du mariage est une garantie pour l’équilibre humain. Mais je ne suis pas du tout convaincu que le mariage soit une voie plus facile. J’ai suffisamment confessé et accompagné des gens mariés pour le savoir. Ce qui manque pour comprendre le célibat, c’est un regard de foi, et une action de grâce pour la différence des états de vie dans l’Église qui sont une incroyable richesse humaine et spirituelle.

     

    En tant qu’évêque comment appréhendez-vous le célibat sacerdotal ?

    Il est une grande chance pour l’Église. Le prêtre célibataire témoigne de la présence du Christ qui s’est entièrement donné à l’Église, comme l’époux à l’épouse. Et, par son ministère, par sa disponibilité, par tout ce qu’il entreprend pour l’annonce de l’Évangile, par son humble fidélité, il dit à la communauté des fidèles tout l’amour, l’attention qu’il a pour elle, à la manière de Jésus. Il n’a pas d’à-côté, il n’a pas d’autre refuge, il n’a personne à protéger. Toute sa vie est offerte dans ce ministère.

    Benoît XVI souligne aussi plusieurs fois que le célibat, pour prendre tout son sens, doit être vécu dans une certaine sobriété de vie, une forme de renoncement à tout le confort matériel qui est à notre disposition. À cela s’ajoute aussi la disponibilité à la mission confiée par l’évêque. C’est un grand dépouillement de ne pas choisir sa mission mais de la recevoir et de se tenir prêt à changer, à partir, à se déplacer. Le célibat permet cette liberté et cette disponibilité pour être envoyé.

    Comme évêque je suis témoin de cette générosité chez les prêtres de mon diocèse et chez ceux que je connais. Combien de prêtres offrent un visage joyeux, serein, du ministère sacerdotal ! Et combien leur mission est féconde dans l’Esprit-Saint ! J’aimerais les remercier, les encourager et leur dire combien, nous, comme évêques mais aussi comme pères, frères et amis de nos prêtres, nous leur sommes reconnaissants pour le témoignage qu’ils nous offrent. Qu’ils soient vraiment bénis par le Seigneur ! »

     Ref. Mgr Nicolas Brouwet : « Le cœur d’un prêtre est disponible pour tous »

     JPSC