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Les trois messages de la démission de Benoît XVI selon Jean-Marie Guénois

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Sur son « religioblog » (extrait) :

(…) il faut reconnaitre que Benoît XVI a réussi sa sortie. La dernière journée, jeudi 28 février, a été grandiose... de majesté et de simplicité[...Mais] la vérité des relations intra-cléricales n'a rien à voir avec l'image gommée et onctueuse du prélat de curie. Benoît XVI n'a quasiment jamais réuni son conseil des ministres. S'il est un moment où tous les problèmes doivent être mis sur la table, c'est bien celui-là. Cette période de pré-conclave est un conseil d'administration de l'Eglise catholique dont le programme n'a jamais été aussi chargé.

Mais derrière les affaires, la technicité des questions, derrière les grandeurs et les scandales, derrière les enjeux, les priorités et les urgences, il y a aussi un message d'une simplicité biblique que Benoît XVI a voulu exprimer en renonçant à sa charge.

Les trois mots de ce message ont chacun un sens littéral précis. Mais ils ont aussi une signification inconsciente. Comme l'ombre porté d'un objet ensoleillé le définit parfois mieux que sa face la plus éclairé.

- Premier message : l'effacement devant la fonction. Les spécialistes de ressources humaines ou des entreprises, les experts en gouvernance et politique, apprécient l'ampleur et le détachement de cet acte de renonciation face au pouvoir. Mais son sens profond n'est dans cet aspect mondain. Il est dans la vision même de cette charge cléricale et papale.

Benoît XVI a démontré qu'elle « n'appartient » pas à celui qui l'a reçu, ni même à ceux qui ont voté pour lui. On la pensait quasi divine, la voilà caduque. Les canonistes et autres spécialistes de l'Eglise discuteront à l'infini. Les prélats vaniteux en prendront pour leur grade. Mais quel exemple chrétien s'il en est !

- Deuxième message : la nature de l'Eglise. Benoît XVI l'a dit sur tous les tons. Elle n'est pas une organisation ou une construction conçue et testée en laboratoire. Le Pape n'oppose pas esprit et structure mais il pense que la partie structurelle de l'Eglise dépend foncièrement de son être spirituel. Si ce dernier se dessèche son corps se calcifie. Les sépulcres blanchis dénoncés par le Christ ne sont pas loin. Ils sont même là du reste, visibles. Plutôt dorés et de styles baroques, avec ou sans cols romains, ils sont splendides mais froids comme le marbre et vides comme des timbales qui résonnent.

La question que je me pose depuis trois semaines et le pourquoi de cet insistance du désormais « pape émérite » sur ce point. Il l'a dit avec des mots différents lors de ses deux dernières audiences, devant la foule et devant les cardinaux. L'Eglise catholique serait-elle donc en train de perdre de sa substance spirituelle ? Et pourquoi ?

-Troisième message : l'unité interne de l'Eglise. Voici une phrase toute récente de Benoît XVI, le 13 février, deux jours après son annonce, lors de l'homélie de la messe des Cendres. Il évoquait « le visage de l'Église », à ses yeux « parfois, défiguré ». Et avançait cette explication : « Je pense en particulier aux coups portés contre l'unité de l'Église, aux divisions dans le corps ecclésial. » Il est revenu encore sur le sujet en saluant une dernière fois les cardinaux qu'il a comparé à un « orchestre » dont il attend « l'harmonie ».

Mais fallait-il que le chef d'orchestre casse sa baguette et se retire de la scène pour que ce message passe ? Fallait-il que les Lefebvristes devant qui il s'est mis à genoux, cédant à toutes les demandes, lui refuse jusqu'au bout cette main tendue, l'humiliant aux yeux du monde, de l'Eglise, et de certains cardinaux ennemis de ce projet ?

Fallait-il que les courants internes au Vatican et autres groupes de pressions, se déchaînent sous son pontificat pour finalement, et objectivement, abattre cet homme de paix en l'usant - moralement - jusqu'à la corde ?

Ces diviseurs là, plus sûrs que jamais de leur vérité, resteront dans leurs tranchés. Mais qui sera capable de porter une Eglise en pièces détachées ? "

Voir tout l'article ici: Benoît XVI a réussi sa sortie mais va-t-il réussir sa démission ?

Depuis le règne de saint Grégoire le Grand (590-604) un pape signe toujours « servus servorum Dei »: comment pourrait-on entendre autrement le premier message  supposé d’ « effacement devant la fonction » ? Celle de Pierre à qui le Christ a dit « pais mais agneaux » mais aussi « pais mes brebis » est indissociable de sa personne. Au moins autant que celle des autres apôtres. L’Eglise n’est pas l’Etat, les pasteurs ne sont pas des fonctionnaires, les évêques (et le premier d’entre eux a fortiori) sont revêtus en plénitude du sacerdoce institué par le Christ : non pas à temps limité ou partiel mais « in aeternum ». Certes, la papauté n’ajoute pas une sacramentalité distincte de celle de l’épiscopat, dont aucun membre ne peut démissionner, mais elle l’incarne au plus haut point. C’est pourquoi la renonciation d’un évêque, fut-il le pape, à sa juridiction, est toujours un acte grave. Et il ne devrait jamais être assimilé, comme on le voit dans la mentalité « postconciliaire », à une banale mise à la retraite…

Le second message est en effet que la partie structurelle de l'Eglise dépend foncièrement de son être spirituel . Le slogan «  adaptez l’Eglise aux temps et la foi se renouvellera » est illusoire et même dangereux. Au contraire : « Vivez de l’Esprit et l’Eglise se régénérera »…

L’unité qui constitue l’objet du troisième message est une préoccupation récurrente : beaucoup de rameaux se sont détachés de la Mère-Eglise au fil des siècles et bien rares sont ceux qui ont réussi une nouvelle greffe sur son unique tronc. Les nouveaux schismes latents, qui divisent l’Eglise postconciliaire depuis près d'un demi-siècle, échapperont-ils à la règle ? C’est, pour le prochain pontificat, un enjeu au moins aussi important que le « dialogue » avec les frères historiquement séparés ou les grandes religions du monde…

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