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Le beau, le bien et le vrai

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Dans ses « entretiens sur la foi » avec le journaliste Vittorio Messori (publiés chez Fayard, en juin 1985) le cardinal Joseph Ratzinger a cette phrase : « Un théologien qui n'aime pas l'art, la poésie, la musique ou la nature peut être dangereux. Cette cécité et cette surdité au beau ne sont pas secondaires, elles se reflètent nécessairement dans sa théologie. » (citation de ce jour, sur le site "Benoît et moi").

Ceci se vérifie en particulier dans la liturgie et singulièrement la messe qui nous donne le Christ lui-même. Sous le titre « sons et art pour l’Eternel » (pages 152 et suivantes), Messori a notamment transcrit ce jugement sévère (et toujours d'actualité) du futur Benoît XVI sur la dérive des célébrations postconciliaires :

« L'effrayant appauvrissement qui se manifeste là où l'on chasse la beauté et où l'on s'assujettit seulement à "l'utile", est devenu de plus en plus évident. L'expérience a montré que le fait de s'en tenir à la seule notion de 1"'accessible à tous" n'a pas rendu les liturgies véritablement plus compréhensibles ou plus ouvertes, mais seulement plus indigentes. Liturgie "simple" ne signifie pas misérable ou à bon marché : il y a une simplicité qui vient du banal, et une autre qui découle de la richesse spirituelle, culturelle et historique... Là encore, on a banni la grande musique de 1'Église au nom de la "participation active" mais cette "participation" ne peut-elle pas signifier aussi perception par l'esprit et par les sens ? N'y a-t-il vraiment rien d"`actif" dans le fait d'écouter, de percevoir et de s'émouvoir ? N'y a-t-il pas là un rapetissement de l'homme, n'est-ce pas le réduire à la seule expression orale, justement alors que nous savons aujour­d'hui que ce qu'il y a en nous de rationnellement conscient et qui émerge à la surface n'est que la pointe d'un iceberg par rapport à ce que représente notre totalité ? Se demander cela ne revient certes pas à s'opposer aux efforts pour faire chanter tout le peuple ; s'opposer à la musique "d'usage" signifie s'opposer à un exclusivisme (seulement cette musique-là) qui n'est justifié ni par le Concile, ni par les nécessités pastorales. »

Ce thème de la musique sacrée - entendue aussi comme symbole de la présence de la beauté "gratuite" dans l'Église - tient particulièrement à cœur à Joseph Ratzinger, qui y a consacré des pages vibrantes : « Une Église qui se contente de faire de la musique "d'usage" tombe dans l'ineptie et devient elle-même inepte. Il lui incombe quelque chose, de plus élevé. Elle doit être - comme il est dit du Temple de l'Ancien Testament - cité de la "gloire", et donc le lieu où est recueillie et portée à l'oreille de Dieu la plainte de l'humanité. L'Église ne peut se satisfaire du seul usuel au goût de la communauté : elle doit réveiller la voix du Cosmos et, en glorifiant le Créateur, dévoiler au Cosmos sa gloire, le rendre lui-même glorieux et, par là, beau, habitable, aimable ». Mais, là encore, comme il l'avait fait pour le latin, il me parle d'une "mutation culturelle", mieux encore, presque d'une "mutation anthropologique", surtout chez les jeunes « dont le sens acoustique a été dégénéré à partir des années soixante par la musique rock et d'autres productions similaires ». A tel point (il fait ici allusion à ses expériences pastorales en Allemagne) qu'il serait aujourd'hui « difficile de faire écouter, ou, pire, de faire chanter par des jeunes même les antiques chorals de la tradition allemande ».

Reconnaître ces difficultés objectives ne l'empêche pas de défendre passionnément non seulement la musique, mais l'art chrétien en général et sa fonction de révélateur de la vérité: « L'unique et véritable apologie du christianisme peut se réduire à deux arguments : les saints, expression de l'Église, et l'art, fruit de son sein. Le Seigneur est rendu crédible par la magnificence de la sainteté et par celle de l'art qui se sont épanouies à l'intérieur de la communauté des croyants, plutôt que par les habiles échappatoires que l'apologétique a élaborées pour justifier les côtés obscurs dont, hélas, abondent les vicissitudes humaines de l'Église. Si l'Église doit continuer à convertir et donc à humaniser le monde, comment pourrait-elle renoncer dans sa liturgie à la beauté, unie de façon indissociable à l'amour et, en même temps, à la splendeur de la Résurrection ? Non, les chrétiens ne doivent pas se contenter de peu, ils doivent continuer à faire de leur Église un foyer du beau - donc du vrai -, sans quoi le monde devient le premier cercle de l'enfer. »

Il me parle, écrit Messori, d'un théologien fameux, un des leaders de la pensée post-conciliaire, qui lui avoua sans problèmes qu'il se sentait "un barbare". Il commente : « Un théologien qui n'aime pas l'art, la poésie, la musique ou la nature peut être dangereux. Cette cécité et cette surdité au beau ne sont pas secondaires, elles se reflètent nécessairement dans sa théologie. ». Voir ici, sur le site « Benoît et moi » : Sons et art pour l'Éternel.

 Ajoutons, dans la même ligne, cet extrait, retrouvé un peu plus loin dans le même ouvrage :

 « Ratzinger n’est pas du tout persuadé de la validité de certaines accusations de triomphalisme  au nom desquelles on aurait jeté aux orties, avec une excessive facilité une grande part de l’ancienne solennité liturgique : ‘  Il n’y a pas trace de triomphalisme dans la solennité du culte avec laquelle l’Eglise exprime la gloire de Dieu, la joie de la foi, la victoire de la vérité et de la lumière sur l’erreur et les ténèbres. La richesse liturgique n’est pas la richesse de quelque caste sacerdotale ; c’est la richesse de tous, des pauvres aussi, qui la désirent en fait et ne s’en scandalisent absolument pas. Toute l’histoire de la piété populaire prouve que même les plus dépourvus ont toujours été instinctivement et spontanément disposés à se priver même du nécessaire, afin de rendre honneur, sans avarice aucune, à leur Seigneur et Dieu’ » (page 155 : solennité, non triomphalisme).

JPS 

Commentaires

  • Antoine Bodar doit boire du petit lait, en lisant cela.

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