Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

D'où vient l'univers?

IMPRIMER

Un de nos correspondants et amis, Jean-Pierre Snyers (dont le blog est accessible ICI), rouvre un débat vieux comme le monde. Saint Thomas d’Aquin lui-même envisage l’hypothèse que ce dernier soit co-éternel à Dieu. En ce sens que le créé procède sans cesse de l’incréé, comme le flux éternel d'une source éternelle. Rien ne prouve, par ailleurs, que le « big bang » soit un commencement absolu de la création. Et, s’agissant de la question du rapport entre l’éternité et le temps, la question est aussi de savoir s’il n’y a pas un temps de l’éternité. Sans quoi, comment expliquer la doctrine du purgatoire, du jugement particulier et du jugement dernier (lui-même suivi de cieux nouveaux et d'une terre nouvelle)?  L'échange est lancé... JP Schyns (JPS).

D'où vient l'univers? De quoi tient-il sa réalité? A-t-il une raison d'être?... Chacun le sait, toute existence provient d'une autre existence. Rien ne surgit de rien. Cela dit, en remontant le plus loin possible dans le passé, une question se pose: qu'en est-il de la première existence; de celle qui a permis la naissance des suivantes? Serait-elle issue du néant, d'un vide absolu? Impensable. Comment une présence pourrait-elle naître d'une absence? Le non-être est stérile.

Poursuivons. Si l'inexistant s'avère incapable d'engendrer l'existant, il s'ensuit inévitablement que l'existence première est incréée. Sans commencement, source de tout ce qui a de la réalité, elle est la réalité sans laquelle rien n'aurait émergé.  Mais quel nom lui donner? Comment parvenir à se la représenter?

Partons d'une supposition. Envisageons qu'elle soit une substance éternelle, quelque chose qui ressemble à un nuage d'hydrogène ou à des particules élémentaires. Voyons à présent ce qui aurait pu en résulter, si cette réalité peut suffire à expliquer la naissance de l'univers. Pour ce faire, un voyage dans le temps s'impose.

But de l'opération: nous rapprocher le plus possible de ce qu'était ce « quelque chose » dans son état primitif. Par la pensée, remontons des milliards de milliards d'années avant notre ère. Avouons que cela fait déjà beaucoup. Et pourtant, même dans ces conditions, nous n'aurons toujours pas reculé d'une seule seconde en direction de ce qui n'a pas de commencement. Tenter de rejoindre le début de ce qui n'a pas de début est à la fois voué à l'échec et absurde.

Conséquence de ce chemin impraticable: ce qui n'a pas de commencement ne peut évoluer puisqu'il n'a aucun point de départ. Tout changement supposant une comparaison entre un « avant » et un « après », comment une réalité sans passé pourrait-elle se transformer? Pas d'évolution ni de création possibles sans la présence du temps. S'il n'y a pas d'hier ni de demain, une horloge qui indique 15h15 n'aura jamais indiqué 15h14 et n'indiquera jamais 15h16.

Dès lors, s'il se trouve de toute éternité une substance telle qu'un nuage d'hydrogène ou un ensemble de particules élémentaires, il n'existera pour toujours que cette même substance. Affirmer qu'à « un moment donné » celle-ci a créé notre monde est inconcevable dans la mesure où pour elle, il n'y a pas de « moment donné ».

Et pourtant, l'univers existe. Il y a quatorze milliards d'années, lors du Big Bang, naissaient l'espace et le temps. Par quel « miracle »? Si avant le Big Bang toute modification (toute création) est impossible, comment expliquer la naissance de notre cosmos?...

Jusqu'à présent, nous avons considéré l'idée qu'à la base du monde, se trouve une substance éternelle mais aveugle et sourde, dépourvue de vie, d'intelligence et de conscience d'être. Et si la compréhension de notre univers passait non pas par un « grand moins » mais par un « grand plus », par une existence première qui, loin de nous dépasser uniquement par rapport aux limites du temps, nous dépasserait aussi par rapport à celles de notre vie, de notre intelligence et de nos capacités.

Il tombe sous le sens que ce « grand plus » ne peut être que Quelqu'un, un Etre qui, étant lui-même l'Existence, la Pensée, la Conscience d'être  et l'Intelligence, a permis qu'il y ait de la vie, de la pensée, de la conscience d'être et de l'intelligence. Non, jamais un moins n'expliquera un plus. Autant il est logique de concevoir qu'un artisan fabrique un meuble, autant il serait absurde d'envisager qu'un meuble puisse fabriquer un artisan. Dès lors, sous peine d'être un artisan dont l'auteur serait un meuble, notre monde doit avoir à sa source une Réalité non seulement égale à lui-même (donc comportant vie et pensée) mais également infiniment supérieure à lui.

Toute tentative visant à expliquer le supérieur par l'inférieur apparaissant déraisonnable, qu'on me permette d'appeler « Dieu » cette Existence vivante et pensante, consciente de son être et créatrice qui, incréée, me semble la seule à pouvoir rendre compte de la présence de réalités d'une complexité vertigineuse, telle la pensée humaine. Serais-je en train d'écrire ces lignes si je venais du néant, d'un nuage d'hydrogène ou d'une autre substance inanimée? Tout me dit que dans ce cas, n'existant pas, il me serait impossible de me poser cette question.

Bien sûr, entre un Dieu créateur et un Dieu révélé, un pas reste à franchir. Rien ne nous oblige à penser que l'Auteur du monde se soit manifesté à ses créatures. Il n'empêche qu'étant issus de lui, voulus, désirés, il serait surprenant qu'il refuse à jamais de décliner son identité, de nous faire connaître le but de sa création, le sens de notre vie. Ma foi et ma raison me disent qu'il est venu à notre rencontre en Jésus-Christ; qu'à travers lui s'éclaire notre passé, notre présent et notre avenir. Mais cela, j'en conviens, mérite une autre réflexion.

 Jean-Pierre Snyers  (rédacteur au mensuel « Médiatrice et Reine »)

 Blindef 2, B-4141 Louveigné

 E mail: jeanpierresnyers@hotmail.fr 

 

Commentaires

  • Si en philosophie thomiste, on peut acquérir cette certitude métaphysique que la création signifie une dépendance radicale, dans l'ordre de l'être, du crée par rapport à l'incréé, on ne peut trancher la question de savoir si le créé a un commencement temporel ou non. C'est la révélation surnaturelle qui nous a donné une lumière définitive sur cette question en nous révélant que le créé a de fait un commencement temporel.

  • On pourrait peut-être se demander aussi si notre monde n'évolue pas par des "big bang" successifs. Par des discontinuités incompréhensibles, l'apparition de quelque chose qui n'existait pas avant et qui se développe prodigieusement après.
    .
    Après le big bang de l'apparition et de l'évolution de l'Univers, n'y a-t-il pas eu le big bang de l'apparition et de l'évolution de la vie sur Terre, puis le big bang de l'apparition et de l'évolution de la pensée abstraite dans l'espèce humaine ? Et sans oublier le big bang de la venue du Christ.
    .
    Qui dit évolution suppose la notion de temps. Le temps est notre façon de mesurer ce qui change, ce qui évolue. Or, le temps (donc le fait d'évoluer) aurait été créé avec l'Univers. Ce qui a créé l'Univers ne peut donc être soumis à notre temps, il ne peut changer et évoluer. Ce qui a créé l'Univers est donc dit "éternel", hors du temps, non soumis au temps.
    .
    L'usage populaire a transformé la notion d'éternité (être hors du temps, non soumis au temps, non changeant avec le temps) en une notion floue de temps "plus long que n'importe quel autre temps", ce qui est inconcevable.

  • Que voilà un sujet intéressant ! Le principe de causalité implique, en effet, pour être cohérent, l’existence d’une cause première, d’une cause sans cause : c’est ce que l’apologétique met traditionnellement en avant comme preuve de l’existence (logiquement nécessaire et donc rationnelle) de Dieu. Je n’ai jamais rencontré, dans la vie ou dans mes lectures, de réfutation de cet argument précis, entendez sans une tentative de le contredire indirectement, par exemple en invoquant le problème du mal.
    Cela dit, dans son mot d’introduction, Jean-Paul Schyns pose des questions qui, personnellement, m’ont toujours paru insolubles. Comment peut-on concevoir la coexistence du temps et de l’éternité ? C’est pourtant ce que l’Eglise nous enseigne quand elle parle du Purgatoire comme d’une privation passagère de la vision béatifique (y aurait-il un Au-delà éphémère et un Au-delà immortel pour les hommes, et ces Au-delà « contemporains » de l’Au-delà éternel, purement divin ?) Et cette irruption de Dieu dans le temps, c’est-à-dire l’Incarnation ? Et le « délai » entre le jugement particulier et le Jugement dernier, comme le souligne JPS ? Et la justification de la prière par l’intervention divine dans l’histoire humaine, c’est-à-dire de l’intemporel dans le temporel ?
    Si la notion de « cause première » satisfait notre raison, il faut reconnaître que les croyants ont aussi des raisons de s’interroger sur la cohérence même de leur Credo. Et l’existence évidente du mal reste une énigme, sinon un scandale et une contradiction, à moins d’envisager une coexistence éternelle de Dieu et de Satan...
    On répond souvent que Dieu a tellement aimé sa créature qu’il lui a donné la liberté, ce qui n’est guère convaincant puisque Dieu « sait tout de toute éternité ». J’étonne souvent des amis (qui se disent ou sont vraiment) incroyants quand je leur assure que, personnellement, quoique catholique et pratiquant, je me considère comme un agnostique, au sens premier du terme : croire n’est pas savoir, et c’est pour cela qu’il faut qu’ardemment je prie le Tout-Autre pour qu’il fasse grandir ma foi, celle que j’ai reçue, à l’évidence, de certains de mes semblables, et que je voudrais tant percevoir essentiellement comme un don du Ciel. Par ailleurs, je regrette que l’apologétique contemporaine fasse si peu état des miracles. On dirait que les clercs craignent, en la matière, les démentis moqueurs des scientistes (à ne pas confondre avec les scientifiques), comme si ces phénomènes inexpliqués devaient être retirés de leur argumentaire (à l’adresse des croyants aussi bien que des incroyants). Mutien-Omer Houziaux.

  • @ M-O. Houziaux ... Je ne vois pas très bien quel problème pose le "mal", lorsqu'on fait référence à Dieu. Il me semble que l'on qualifie de "mal" ce que fait un être humain en n'obéissant pas au commandement d'amour charité. Une avalanche qui nous blesse ou nous tue ne fait pas le "mal", un lion qui nous blesse ou nous tue ne fait pas le "mal", un être humain qui nous blesse ou nous tue involontairement ne fait pas le "mal". Le "mal" n'existe donc que depuis qu'existent des êtres humains qui se détournent volontairement du projet bon de Dieu pour ce monde. En quoi cela peut-il être qualifié d'énigme par rapport à Dieu ? Le comble, je trouve, est d'entendre des gens qui disent ne pas croire ou ne plus croire en Dieu, à cause du "mal" causé par certains hommes. Ils attribuent donc à Dieu le fait que certains hommes lui désobéissent, comme si ces hommes n'étaient pas libres et responsables de leurs choix. Ils rejettent donc la foi en Dieu car ils n'ont pas foi en leur libre arbitre, ils n'ont pas foi en eux-mêmes.

  • En acceptant que Dieu a créé toutes choses, y compris le temps, je pense qu'il ne faut pas trop spéculer sur ce qui est en dehors de la création, sur la nature de la 'Puissance'(terme utilisé par Benoît XVI) qui a créé l'univers, car cela restera toujours en dehors de notre entendement. Dès le premier verset de la Genèse, cette 'Puissance' est désignée comme une 'personne' appelée 'Dieu', et cette intuition des premiers patriarches est certainement plus fidèle à la réalité que bien d'autres spéculations scientifiques.
    Ce que nous essayons de comprendre avec les concepts de 'mal' et de 'liberté', est bien plus à notre portée puisqu'ils font partie de l'expérience de chaque homme. On pourrait d'ailleurs commencer par se demander si l'un n'est pas nécessaire à l'autre depuis la chute originelle, à cause d'elle ou même grâce à elle. Si nos ancêtres n'avaient pas été chassés du Paradis terrestre, aurions nous pu participer à l'effort de création du Paradis céleste?
    Tout me semble terriblement cohérent quand on croit que Dieu est une personne qui a fourni un immense effort pour créer un monde d'où surgiraient d'autres personnes qui feraient leur minuscule effort d'amour véritable pour Lui et pour ses créatures humaines les plus éloignées de Son amour.
    La science nous fait découvrir chaque jour un peu plus l'étendue de l'univers physique, donc celle aussi d'un effort de création qui pourrait aussi s'appeler 'souffrance' de notre point de vue. Comment alors ne pas être terriblement reconnaissant à ce Père qui a tant donné, même son Fils, afin que nous ayons l'occasion de participer à l'édification de son Royaume?
    Cette tâche d'édification est ardue car il faut bien comprendre ce qu'est l'amour demandé par Dieu, il faut se méfier de ses propres esclavages, et chaque personne en détresse spirituelle ou autre requiert une approche spécifique inspirée par cet amour et toujours mieux consciente du but à atteindre.
    ( Autres considérations sur la souffrance écrites il y a une bonne vingtaine d'années ' http://www.kerkefas.net/ker/kychap06.htm ')

  • @ Pauvre Job et Kerkefas

    Sans doute, le mal moral suppose-t-il la conscience réflexe propre à l’homme , mais par elle nous savons aussi que nous avons été jetés, sans y avoir personnellement consenti, dans un univers manifestement imparfait, et qui comporte divers degrés de conscience. Est-ce que l’antilope ne souffre pas sous la dent du lion ?

    Cette blessure, qui affecte toute la création, notre foi l’impute à une “faute originelle” de la conscience humaine, bien difficile, me semble-t-il, à situer dans le temps de ce monde déchu

    L’Ecriture nous parle, toujours dans la foi, d’un monde eschatologique dont la figure renvoie -comme dans un miroir- à celle d’une innocence primordiale, celle d’un monde protologique auquel fait allusion le “mythe” (au sens d’expression imagée d’une vérité) de la Genèse: une assertion bien sûr sans rapport avec la recherche “scientifique”,cosmologique ou autre. Est-ce une hypothèse déraisonnable pour autant ?

    Quoi qu’il en soit, face au mal, il reste toujours la question: pourquoi Dieu a-t-il pris le risque de créer un monde où le mal est nécessairement possible et où il est devenu effectivement réel. Il reste aussi la question: pourquoi Dieu laisse-t-il l’ancien monde transitoire avec tout son mal aller vers sa fin au lieu d’instaurer tout de suite les cieux nouveaux et la terre nouvelle inaugurés par la résurrection de Jésus ! Il reste enfin la question du sens ultime de toutes les souffrances

  • @ jps ... Je ne comprends toujours pas la relation faite entre 'souffrance' et 'mal'. Pour moi, le mot 'mal' est utilisée de manière ambiguë. Il n'y a aucun 'mal' à ce que nous souffrions si nous nous brûlons par exemple. Au contraire, il est nécessaire et utile que nous souffrions pour nous prévenir que notre vie est en danger et pour prendre les mesures adéquates. La 'souffrance' est donc nécessaire au bon fonctionnement de la vie. On ne reproche pas à une alarme incendie de nous faire mal aux oreilles pour nous prévenir du danger. La souffrance est notre compagne, du début à la fin de notre vie.
    .
    D'ailleurs, nous pouvons nous causer nous-mêmes des souffrances par notre propre comportement (trop manger, trop boire, fumer, se droguer, prendre des risques, etc...). En outre, tout homme sait qu'il doit 'souffrir' s'il veut arriver à quelque chose (dans l'art, dans le travail, dans le sport, dans la famille, etc...).
    .
    Bref, il me semble que la 'souffrance', définie comme 'mal enduré', ne peut pas être confondue avec la notion du 'mal' causé consciemment et volontairement par un être humain, ce qui est signe de péché, c'est-à-dire de manque d'amour charité. Je peux blesser ou tuer involontairement un être humain sans être coupable d'avoir manqué d'amour charité envers lui. 'Faire mal' n'est pas 'faire le mal'.

  • C’est l’Ecriture elle-même qui fait ce lien : dans le projet de Dieu, nous dit la Genèse, l’homme ne devait ni souffrir, ni mourir. C’est par le péché d’Adam, ratifié par les nôtres propres, que la souffrance est entrée dans toute la création, ce sont les deux faces d’une même réalité que nous appelons communément le mal.

    Que vous réduisiez la notion de mal à la faute dont on est responsable ne change rien à la question posée, au contraire, et l’argument du caractère utilitaire de la souffrance dans l’ordre de ce monde n’est pas absolu. Il me semble même peu digne d’un créateur avisé…

  • @ jps ... Il me semble que le péché d'Adam (que nous perpétuons) c'est l'orgueil de se croire plus malin que Dieu, comme si nous savions mieux que Lui ce qu'est ou ce que devrait être ce monde, qu'il a créé pour un bien que Lui seul connaît. Cet orgueil se traduit entre autre par le fait de vouloir attribuer à la souffrance une signification qui nous est propre. Et lorsque cette signification personnelle entre en conflit avec celle (qui nous est inconnue) voulue par Dieu, nous sommes entraînés à contester Dieu, à le rejeter ou même à le nier. On pourrait sans doute dire que nous commettons le 'mal' en rejetant la 'souffrance' intrinsèque à ce monde tel que voulu par Dieu, tout comme nous commettons le 'mal' en infligeant consciemment et volontairement de la 'souffrance' à autrui.
    .
    À la limite, on en arrive à des notions absurdes de 'souffrance' et de 'plaisir' comme le concevait Sade par exemple. Il considérait que le 'plaisir' qu'il ressentait en faisant souffrir un animal ou un enfant était supérieur aux 'souffrances' ressenties par ses victimes, et que donc le bilan 'plaisir / souffrance' était globalement positif, et donc 'bon' selon lui. Combien d'élites de notre modernité ne raisonnent-elles pas ainsi, en faisant trimer ou se battre de pauvres gens pour leur propre plaisir associé à leur appétit de pouvoir ou à leur enrichissement personnel ?

Les commentaires sont fermés.