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Quand Chantal Delsol et Remi Brague débattent de la modernité

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La modernité dans l'impasse

Source : La Nef n°257 Mars 2014

Chantal Delsol et Rémi Brague publient en même temps deux essais importants très critiques sur la modernité, montrant qu’une société ne peut vivre sans transcendance : Les pierres d'angle (Cerf) et Modérément moderne (Flammarion). C’était l’occasion de les faire débattre sur ce thème central.

La Nef – Chantal Delsol, pouvez-vous nous faire la généalogie de ces valeurs auxquelles nous tenons et que vous nommez les « pierres d’angle », titre de votre livre ?

Chantal Delsol – Je n’aime pas parler de valeurs, c’est un terme relativiste qui signifie que chacun a ses propres valeurs, mais plutôt de principes, qui sont les fondements communs. Et ce n’est pas non plus véritablement une généalogie que je fais : je cherche plutôt à dégager une origine de ces pierres d’angle. Je crois que ce qui nous caractérise en tant que civilisation occidentale, c’est d’abord notre attachement non négociable à la dignité humaine, le statut de l’homme en tant qu’être sacré, parce qu’au départ nous le croyons « créé à l’image et à la ressemblance de Dieu ». En même temps cette culture s’inscrit dans un temps fléché, qui est d’abord le temps du Salut et de l’espérance, puis celui du progrès, sécularisation du Salut. C’est la première fois, car avant et ailleurs, le temps est circulaire, c’est celui de l’éternel retour et de la fatalité. Parmi ces principes fondamentaux, il y a aussi notre reconnaissance de la vérité, je dirai même plus précisément notre reconnaissance du fait qu’elle existe, qu’on peut donc la chercher – et cette conviction nous attire vers l’universel. Ce qui me frappe, c’est que ces différents principes, propres à la civilisation judéo-chrétienne, nous n’avons pas du tout envie de nous en séparer : nous y tenons, même si nous en avons perdu les racines religieuses.

Rémi Brague – Je suis bien d’accord : il vaut mieux parler de principes que de valeurs. Le discours catholique est aujourd’hui infesté de « valeurs », terme dont on oublie qu’il a été popularisé par Nietzsche. Quant au fond, il est vrai que chez les Grecs, la révélation n’a pas lieu à un moment précis de l’Histoire. Les dieux antiques sont l’objet de mythes qui n’ont jamais été des événements datables. Dans l’Ancien Testament, au contraire, il y a un commencement, une histoire, une communauté créée par Dieu. Il y a une libération après une captivité. Et on peut ainsi remonter en amont jusqu’à la Création qui est racontée elle aussi dans ces livres. Vous avez eu raison de rappeler, dans L’Âge du renoncement, que le temps biblique, judéo-chrétien, est en effet ce temps qui ne tourne pas en rond, mais qui est, comme vous le dites dans une heureuse expression, « fléché ».

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