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  • Pas facile d'être un ”catholique conservateur”

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    Un billet (déjà ancien) de Dominique de la Barre sur le blog "La Ligne claire" :

    De la difficulté d’être un catholique conservateur

    [1] En Amérique on qualifiera plutôt les progressistes de liberals tandis qu’en Europe ils se nomment eux-mêmes réformistes ; néanmoins La Ligne Claire retiendra l’appelation progressistes. Quant aux conservateurs, il y a lieu de les distinguer des traditionalistes, attachés à la messe en latin, et qu’on retrouvera aussi bien au sein de l’Eglise qu’en dehors (lefèbvristes).

    [2] La Ligne Claire invite ses lecteurs intéressés par cette analyse du pontificat actuel de consulter les publications de Ross Douhat, journaliste au New York Times.

  • ”Le célibat, dernier bastion de la transcendance qu'il faut abattre” : la leçon magistrale du cardinal Müller

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    «Le célibat, le dernier bastion de la transcendance qu'il faut abattre»

    du site de la Nuova Bussola Quotidiana

    22-01-2020

    «Le célibat sacerdotal apparaît comme le dernier bastion d'une orientation radicalement transcendante de l'homme et de l'espérance dans un monde de l'au-delà à venir. Son abolition constituerait une offense à la nature du sacerdoce et un acte de mépris pour toute la tradition catholique. Qui veut prendre la responsabilité devant Dieu et sa sainte Église des conséquences désastreuses de son abolition? »

    La 'lectio magistralis' du cardinal Muller sur le célibat et le sacerdoce.

    Les médias qui tentent de créer de la confusion autour de la collaboration de Benoît XVI au livre du cardinal Sarah, "Des profondeurs de nos cœurs" (janvier 2020), ce n'est qu'un signe de la paranoïa qui sévit dans le public depuis la coexistence présumée de deux papes. Présumée, car il ne peut y avoir qu'un seul pape dans l'Église catholique, puisque "le Pontife romain, en tant que successeur de Pierre, est le signe perpétuel et visible et le fondement de l'unité des évêques et de la multitude des fidèles" (Vatican II, Lumen Gentium 23).

    Dans cette contribution de Benoît XVI au sacerdoce catholique, on voudrait trouver une nouvelle confirmation et un nouveau élément de ce brouillage de la perception de deux tenants de l'unité qui s'opposeraient. Néanmoins, il est clair que le pape François et son prédécesseur Benoît XVI ne sont pas les auteurs de cette polarisation morbide, mais plutôt les victimes d'une construction idéologique.

    «BENOÎT XVI N'EST PAS UN PENSIONNE»

    Cette polarisation constitue un danger pour l'unité de l'Église et, du même coup, mine la primauté de l'Église romaine. Tous ces faits ne font que démontrer que le traumatisme psychique causé par la renonciation du pape Benoît XVI à la charge de Pontife au début de 2013 n'est pas encore apaisé. Cependant, les fidèles ont droit à un jugement théologique clair sur la coexistence d'un pape régnant et de son prédécesseur désormais émérite. Ce processus singulier, par lequel le Pape, chef du collège épiscopal et de l'Église visible, dont la Tête invisible est le Christ lui-même, abandonne la Cathedra Petri qui lui a été donnée pour la vie jusqu'à sa mort, ne peut jamais, et alors jamais, être compris selon les catégories du monde, telles que par exemple le droit à la retraite pour des raisons d'âge ou le désir populaire de remplacer la personne de son patron. Et s'il est vrai que le droit canonique prévoit cette possibilité dans l'abstrait (Can. 332 §2 CIC), à ce jour cependant, des dispositions détaillées ainsi que des expériences concrètes pour décrire ce cas de figure et plus encore comment il peut être réalisée dans pratique pour le bien de l'Église font défaut.

    Dans le monde politique, les antagonismes dans la lutte pour le pouvoir sont courants. Une fois l'adversaire écarté, le cours des choses continue comme si de rien n'était. Cependant, il ne devrait pas en être ainsi parmi les disciples du Christ, car dans l'Église de Dieu, tous sont frères. Dieu seul est notre Père. Et seul Son Fils Jésus-Christ, le Verbe fait chair (Jn 1, 14-18) est le Maître de tous les hommes (Mt 23,10). En raison de l'ordination sacramentelle, les évêques et les prêtres sont les serviteurs de l'Église choisis dans le Saint-Esprit (Actes 20:28), qui guident l'Église de Dieu au nom et sous l'autorité du Christ. Il parle par leur bouche en tant que divin Maître de la prédication (1T 2,13). Il sanctifie les fidèles dans les sacrements à travers eux. Et enfin, le Christ, "gardien et berger de vos âmes" (1P 2,25), s'occupe du salut des hommes, appelant les prêtres (évêques ou presbytres) de son Église pour être leurs pasteurs (1P 5,2sg. ; Ac 20:28). L'évêque de Rome exerce le ministère de saint Pierre, appelé par Jésus, le Seigneur de l'Église, à la tâche de pasteur universel (Jn 21, 15-17). Mais même les évêques sont frères entre eux, bien qu'ils soient, en tant que membres du collège épiscopal, unis au Pape et placés sous son autorité (Vatican II, Lumen Gentium 23).

    Un "ex" Pape encore vivant est fraternellement uni à tous les évêques et est sous l'autorité magistrale et juridictionnelle du Pape régnant. Cependant, cela n'exclut pas du tout que sa parole ait encore un grand poids dans l'Église en raison de sa compétence théologique et spirituelle ainsi que de son expérience de gouvernement, à la fois comme évêque et comme pape.

    La relation de tout évêque émérite avec son successeur doit être caractérisée par un esprit de fraternité. Désirs de prestige mondain, les jeux de pouvoir politiques sont un poison dans le corps de l'Église, le Corps du Christ. Cela s'applique a fortiori à la relation encore plus délicate du pape en fonction avec son prédécesseur, qui a renoncé à l'exercice du ministère pétrinien et avec lui à toutes les prérogatives de la primauté papale et donc lui-même n'est certainement plus le pape.

    «LE FRONT COMMUN DES ENNEMIS INTERNES ET EXTÉRIEURS À L'ÉGLISE»

    Ce qui est surprenant ici, c'est que ces ennemis de l'Église issus des rangs du néo-athéisme paléolibéral et marxiste se retrouvent en front commun avec un courant laïciste présent au sein de l'Église, motivé par le désir de transformer l'Église de Dieu en une organisation humanitaire active sur une échelle planétaire.

    L'athée militant Eugenio Scalfari (photo) se targue d'être un ami du pape François. Unis dans l'idée commune d'une seule religion planétaire d'origine humaine (sans Trinité ni Incarnation), il lui propose sa collaboration. L'idée d'un front populaire composé de croyants et de non-croyants se propage contre laquelle se dressent ceux que Scalfari lui-même identifie comme ennemis et adversaires dans les rangs des cardinaux et des évêques et des catholiques de «droite conservateurs». En cela, il trouve des esprits semblables au sien dans le cercle de ceux qui prétendent faire partie d'une "garde bergoglienne". Ce réseau de populistes de gauche motivé par un simple désir de pouvoir pervertit la 'potestas plena' du pape en une 'potestas' illimitée et absolue. Cela reflète un volontarisme évident: selon leur vision, tout est bon et vrai parce que c'est le Pape qui le veut et non, par contre, parce que, quand le Pape fait ou dit quelque chose, cela serait bon et vrai. Ils contredisent le Concile Vatican II, qui reconnaît dans le Magistère le service de la Révélation, car il n'enseigne "que ce qui a été transmis, en ce que, par mandat divin et avec l'aide du Saint-Esprit, il écoute pieusement, conserve saintement, et expose fidèlement cette parole (...) "(Dei Verbum 19). Ils se révèlent donc comme des adversaires démoniaques de la papauté, comme cela est défini dogmatiquement dans les enseignements de Vatican I et II. Si déjà entre Jésus et ses disciples ne prévalait pas le principe de la servitude, mais bien celui de l'amitié (Jn 15, 15), comment alors la relation entre le Pape et ses frères dans l'ordre épiscopal pourraitt-elle être caractérisée par un opportunisme servile et une obéissance aveugle et irrationnelle, qui existent en dehors des limites de l'unité de foi et de la raison propre à la théologie catholique? Selon la vision libérale-marxiste, un pape "en phase avec son temps" serait légitimé dans la mesure où il achèverait l'agenda téméraire de l'extrême gauche et promouvrait un esprit d'unité sans transcendance, sans Dieu et sans la médiation historique du salut apportée par le Christ, seul médiateur entre Dieu et les hommes (1Tm 2,5).

    Ces messieurs - ceux qui manipulent l'opinion publique et les idéologues de ce monde (la civitas terrena) - abusent vraiment de leur pouvoir, lorsqu'ils ne prennent pas en compte la loi morale naturelle et les commandements divins. Ils usurpent fréquemment la place de Dieu et se transforment en démons sous l'apparence humaine. Cependant, là où Dieu est reconnu comme le seul Seigneur, la grâce et la vie, la liberté et la charité règnent. Dans le Royaume de Dieu, les paroles de Jésus constituent un principe directeur: «Mais il n'en est pas ainsi parmi vous; mais celui qui veut être grand parmi vous deviendra votre serviteur. (...) Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup "(Mc 10, 43-45).

    L'ordination sacramentelle (d'évêque, de prêtre et de diacre) reste valable et efficace, et avec elle aussi la responsabilité de l'enseignement de l'Église et de sa mission pastorale. Les opposants de longue date à Joseph Ratzinger (tant lorsqu'il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi qu'en tant que pape) n'ont pas le droit de lui infliger une 'damnatio memoriae', d'autant plus que la plupart d'entre eux se distinguent de ses qualités de docteur de l'Eglise par un amateurisme théologique et philosophique choquant. La contribution de Benoît XVI au livre du cardinal Sarah ne peut être discréditée comme un acte d'opposition au pape François que par ceux qui confondent l'Église de Dieu avec une organisation idéologique et politique. Ils ne veulent pas comprendre que les mystères de la foi ne peuvent être compris qu'avec "l'Esprit de Dieu" et non avec "l'esprit du monde". "Mais l'homme naturel ne comprend pas les choses de l'Esprit de Dieu" (1 Co 2, 14).

    Initialement, même les apôtres ne voulaient pas comprendre qu'il existe des hommes prêts à renoncer volontairement à l'union conjugale pour le Royaume de Dieu; Jésus lui-même s'est tourné vers eux: "Qui peut comprendre, qu'il comprenne" (Mt 19, 12) - expliquant ensuite: "nul n’aura quitté, à cause du royaume de Dieu, une maison, une femme, des frères, des parents, des enfants, 30 sans qu’il reçoive bien davantage en ce temps-ci et, dans le monde à venir, la vie éternelle. » (Lc 18,29-30; cf. Mt 19,29).

    L'affirmation que Benoît est l'adversaire secret du Pape régnant et que la défense du sacerdoce sacramentel et du célibat résulte d'une politique d'obstruction à l'exhortation attendue à la fin du Synode sur l'Amazonie, ne peut que prospérer dans le terreau fertile de l'ignorance théologique. Personne ne réfute cette idée fixe aussi brillamment que le pape François lui-même.

    Dans la préface du recueil de textes sur l'ordination des sacrements à l'occasion du 65e anniversaire du sacerdoce de Joseph Ratzinger en 2016, le pape François écrit: « Chaque fois que je lis les œuvres de Joseph Ratzinger/Benoît XVI, je me rends compte de plus en plus clairement qu’il a fait et qu’il fait encore de la “théologie à genoux“: à genoux, car, avant encore d’être un très grand théologien et maître de la foi, on voit que c’est un homme qui croit vraiment, qui prie vraiment; on voit que c’est un homme qui personnifie la sainteté, un homme de paix, un homme de Dieu ».

    Après avoir rejeté la caricature du prêtre catholique en tant que fonctionnaire expert d'une église qui ressemble à une ONG, le pape François souligne une fois de plus le statut exceptionnel de Joseph Ratzinger en tant que théologien sur la Cathedra Petri avec les mots suivants: "Le cardinal Gerhard Ludwig Müller a affirmé avec autorité que l’œuvre théologique de Joseph Ratzinger, d’abord, et de Benoît XVI, ensuite, le place parmi les plus grands théologiens sur le siège de Pierre; aux côtés, par exemple, du pape Léon le Grand, saint et docteur de l’Eglise. (…) De ce point de vue, au jugement pertinent du préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, je voudrais ajouter que c’est peut-être aujourd’hui, en tant que pape émérite, qu’il nous donne de manière la plus évidente l’une de ses plus grandes leçons de «théologie à genoux»."

    «CONNECTÉ PRIÈREMENT AU CHRIST, N'EST PAS UN OFFICIEL»

    La contribution de Benoît au livre de Sarah offre une herméneutique christo-pneumatologique approfondie de l'unité de l'Ancien et du Nouveau Testament, unité fondée sur la révélation de Lui-même par Dieu dans l'histoire; contribuant ainsi à surmonter la crise théologique et spirituelle de l'État sacerdotal, qui a "une tâche de plus en plus importante (...) dans le renouvellement de l'Église du Christ" (Presbyterorum Ordinis 1). Le prêtre n'est pas le fonctionnaire d'une entreprise qui offre des services religieux et sociaux. Il n'est pas non plus un représentant d'une communauté autonome qui peut affirmer ses droits en présence de Dieu, au lieu de recevoir "tout bon cadeau et tout cadeau parfait (...) d'en haut, (...) du Père de la lumière" (Jas 1, 17). Par l'ordination sacrée, il est plutôt conformé à Jésus-Christ, le Grand Prêtre et Médiateur de la Nouvelle Alliance, le divin Maître et bon Pasteur qui offre sa vie pour les brebis du troupeau de Dieu (LG 29; PO 2).

    À partir de cette 'conformitas cum Christo' dérive également le fait que la forme de vie célibataire du Christ est intimement conforme au sacerdoce sacramentel. Jésus lui-même a parlé de ces disciples qui, pour témoigner du Royaume à venir et œuvrer pour le salut des hommes, vivent continuellement et renoncent au mariage et à une famille de leur choix (Mt 19, 12; 1 Co 7, 32). En effet, le célibat n'est pas catégoriquement requis par la nature de la prêtrise. Cependant, il découle d'une manière intimement conforme de l'essence de ce sacrement, en tant que représentation du Christ, chef de l'Église, avec l'autorité dérivant de la mission et d'une forme de vie totalement consacrée à Dieu (voir PO 16). Pour cette raison, les dérogations à la loi du célibat, qui se sont développées de différentes manières dans l'Église orientale et occidentale, doivent être motivées comme des exceptions, et non comme la règle du célibat sacerdotal. L'Église doit fondamentalement viser un sacerdoce célibataire. Partant des origines bibliques et suite à l'obligation imposée aux clercs mariés de vivre dans la continence, la pratique de la consécration des évêques, des prêtres et des diacres n'a pris forme que parmi les candidats qui ont juré depuis le début de vivre comme célibataires.

    Dans l'Église d'Orient, s'écartant de la tradition de l'Église primitive et certainement pas dans son sillage, il a été concédé lors du deuxième concile de Trullo (691/92) - qui, de manière significative, a eu lieu dans le palais impérial et non dans une église - aux prêtres et diacres de maintenir la vie conjugale. Dans l'Église latine, en revanche, seuls les célibataires qui avaient promis une vie de célibataire étaient consacrés. Dans les Églises orientales, les clercs mariés étaient autorisés, mais pas les évêques, à persister dans l'état conjugal - à condition que la continence soit maintenue pendant une certaine période avant la célébration de la Divine Liturgie et qu'aucun remariage ne soit contracté en cas de décès de l'épouse. Cette disposition est également en vigueur pour les clercs catholiques qui ont obtenu une dispense de l'obligation de célibat (Lumen Gentium 29). L'Église catholique accepte cette pratique dans les Églises orientales unies au nom du bien supérieur de l'unité et accorde, à partir du pape Pie XII et, en ce qui concerne les anglicans, du pape Benoît XVI, que les religieux mariés d'autres confessions qui veulent retourner à la pleine unité avec l'Église, soient dispensés de l'obligation de célibat lorsqu'il est question de consécration sacerdotale.

    «ATTAQUE CONTRE LE SACERDOCE SACRAMENTEL»

    Une abolition claire du célibat sacerdotal selon le modèle des communautés protestante et anglicane du XVIe siècle constituerait en somme une offense à la nature du sacerdoce et un acte de mépris pour toute la tradition catholique. Qui veut prendre la responsabilité devant Dieu et sa sainte Église des conséquences désastreuses pour la spiritualité et la théologie concernant le sacerdoce catholique? Des millions de prêtres, depuis la fondation de l'Église, se sentiraient intimement blessés par l'explication selon laquelle leur sacrifice existentiel pour le Royaume de Dieu et l'Église était fondé uniquement sur une discipline juridique externe qui n'aurait rien à voir avec la la prêtrise et le modèle de vie du célibat pour le Royaume des Cieux. La pénurie de prêtres (en nombre comme en qualité) dans les pays occidentaux anciennement chrétiens n'est pas due à une pénurie d'appels de Dieu, mais plutôt à un manque de vie pour l'Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu et Sauveur du monde entier.

    Nous vivons non seulement une discussion sur le célibat, mais aussi une bataille acharnée contre lui et donc contre le sacerdoce sacramentel. Les réformateurs protestants du XVIe siècle croyaient que l'office ecclésiastique était une simple fonction religieuse au sein de la communauté chrétienne, et lui ont ainsi dérobé son caractère sacramentel. Si la consécration sacerdotale n'équivaut plus à une identification intérieure au Christ, le divin Maître, le bon Pasteur et Grand Prêtre de la Nouvelle Alliance, alors la compréhension du lien intime avec le célibat enraciné dans l'Évangile pour le Royaume de Dieu est également perdue. (Mt 19:12; 1 Co 7:32).

    Suite à la controverse de la réforme protestante et à cause de la vision immanentiste de l'homme qui leur est propre, les illuministes français n'ont vu dans le célibat sacerdotal et les vœux religieux qu'une forme de répression de l'instinct sexuel, qui conduirait à la névrose et aux perversions - en cela semblable à la thèse émise par la suite, élaborée par la psychologie des profondeurs, qui interprète la sexualité comme une satisfaction mécanique des instincts qui, s'ils étaient "refoulés", provoqueraient névrose et perversions.

    Dans le contexte de la dictature actuelle du relativisme, l'accent mis sur une autorité sacramentelle dérivée d'une autorité divine supérieure est perçu comme une soif cléricale de pouvoir et le modèle de vie célibataire comme une mise en cause publique de la vision qui réduit la sexualité à une acquisition égoïste de plaisir. Le célibat sacerdotal apparaît comme le dernier bastion d'une orientation radicalement transcendante de l'homme et de l'espérance d'un monde futur dans l'au-delà, qui cependant, selon les principes athées, serait une illusion dangereuse. L'Église catholique est donc farouchement combattue en tant qu'alternative idéologique à l'immanentisme radical par une élite liée au pouvoir et à l'économie qui aspire à un contrôle absolu sur l'esprit et le corps de la masse languissante de l'humanité.

    On déguise cela en un geste thérapeutique, en agissant en philanthropes qui ne feraient que faire plaisir aux pauvres prêtres et religieux, en les libérant de la cage d'une sexualité refoulée. Cependant, ces bienfaiteurs de l'humanité ne prêtent aucune attention, dans leur ignorance boursouflée, à la façon dont ils portent atteinte à la dignité de tous ces chrétiens qui, dans leur conscience, se sont tournés vers Dieu en prenant au sérieux l'indissolubilité du mariage ou qui tiennent fidèlement la promesse du célibat avec l'aide de la grâce. Précisément là où ces chrétiens croyants prennent les décisions les plus importantes, dans la profondeur la plus intime de leur conscience présente à Dieu, ceux qui nient la vocation surnaturelle de l'homme veulent les convaincre d'entrer dans l'horizon limité d'une existence vouée à mort, comme si le le Dieu vivant n'existait pas (Vatican II, Gaudium et Spes 21). « En effet, depuis la création du monde, on peut voir avec l’intelligence, à travers les œuvres de Dieu, ce qui de lui est invisible : sa puissance éternelle et sa divinité. Ils n’ont donc pas d’excuse, puisque, malgré leur connaissance de Dieu, ils ne lui ont pas rendu la gloire et l’action de grâce que l’on doit à Dieu. (...) En se déclarant sages, ils sont devenus fous ; ils ont échangé la gloire du Dieu impérissable contre des idoles représentant l’être humain périssable ou bien des volatiles, des quadrupèdes et des reptiles." (Rm 1,20-23).

    On accuse ces sombres réactionnaires qui, au sein de l'Église, défendent le sacerdoce sacramentel et une morale sexuelle éloignée du monde - c'est ainsi que cela apparaît aux yeux des accusateurs - ainsi qu'un célibat ennemi de l'homme, de retarder ou d'entraver la nécessaire modernisation de l'Église catholique et son adaptation au monde moderne. On tolère encore tout au plus une Église sans Dieu, sans la Croix du Christ et sans espérance dans la vie éternelle. Cette "Église de l'indifférentisme dogmatique et du relativisme moral", qui pourrait également inclure des athées et des non-croyants, se donne le droit de parler du climat, de la surpopulation, des migrants; cependant, elle garde le silence sur l'avortement, sur l'auto-mutilation appelé changement de sexe, sur l'euthanasie et sur le caractère moralement répréhensible d'une union sexuelle en dehors du mariage entre un homme et une femme. Elle doit absolument accepter la révolution sexuelle comme un acte de libération à l'égard du rejet du corps dans la morale sexuelle catholique. Elle enverrait ainsi un signal de repentir en direction du rejet traditionnel du corps dans la vision manichéenne du corps héritée de Saint Augustin.

    «UN CONSEILLER POUR LE PAPE»

    En dépit de toutes ces prétentions, les catholiques croyants maintiennent la position mûrement réfléchie selon laquelle, en lieu et place

  • Non, le célibat sacerdotal ne remonte pas à une loi édictée 900 ans après le Christ

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    brandmueller_dw_wis_756616z.jpgHistorien de l'Eglise, le cardinal allemand Walter Brandmüller met les choses au point à ce sujet dans Il Foglio du 13 juillet (nous reprenons la traduction parue sur chiesa.espresso):

    NOUS PRÊTRES, CÉLIBATAIRES COMME LE CHRIST

    Cher Monsieur Scalfari,

    Bien que n’ayant pas le privilège de vous connaître personnellement, je voudrais revenir sur ce que vous affirmez à propos du célibat dans le compte-rendu de votre entretien avec le pape François, affirmations qui ont été publiées le 13 juillet 2014 et immédiatement démenties, quant à leur authenticité, par le directeur du bureau de presse du Vatican. En tant que “vieux professeur” qui ai enseigné l’histoire de l’Église pendant trente ans à l’université, je souhaite porter à votre connaissance l’état  actuel de la recherche dans ce domaine.

    En particulier, il est nécessaire de souligner en premier lieu que le célibat ne remonte pas du tout à une loi inventée neuf cents ans après la mort du Christ. Ce sont plutôt les Évangiles selon Matthieu, Marc et Luc qui rapportent ce que Jésus a dit à ce propos.

    Matthieu écrit (19,29) : “Quiconque aura quitté maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs à cause de mon nom, recevra le centuple et aura en partage la vie éternelle”.

    Ce qu’écrit Marc est très semblable (10,29) : “En vérité, je vous le dis : nul n’aura quitté maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi qu’il ne reçoive le centuple”.

    Luc se montre encore plus précis (18, 29 et suiv.) : “En vérité, je vous le dis : nul n’aura quitté maison, femme, frères, parents ou enfants, à cause du Royaume de Dieu, qui ne reçoive bien davantage en ce temps-ci et, dans le temps à venir, la vie éternelle”.

    Ce n’est pas à de grandes foules que Jésus s’adresse lorsqu’il dit cela, mais bien à ceux qu’il envoie répandre son Évangile et annoncer l’avènement du Royaume de Dieu.

    Pour accomplir cette mission, il est nécessaire qu’ils se libèrent de tous les liens terrestres et humains. Et, étant donné que cette séparation signifie la perte de ce à quoi l’on peut normalement s’attendre, Jésus promet une “récompense” plus qu’appropriée.

    À ce point de la réflexion, on fait souvent remarquer que le “tout abandonner” faisait référence uniquement à la durée du voyage au cours duquel son Évangile serait annoncé et que, une fois qu’ils auraient accompli leur mission, les disciples reviendraient dans leurs familles. Mais il n’y a aucune trace de cela. Par ailleurs le texte des Évangiles, lorsqu’il fait allusion à la vie éternelle, parle de quelque chose de définitif.

    Par ailleurs, étant donné que les Évangiles ont été écrits entre l’an 40 et l’an 70 de l’ère chrétienne, ceux qui en furent les rédacteurs auraient donné une mauvaise image d’eux-mêmes s’ils avaient fait tenir à Jésus des propos avec lesquels leur propre comportement dans la vie n’aurait pas été en conformité. En effet Jésus demande à ce que ceux qui participent à sa mission adoptent également sa manière de vivre.

    Mais alors que veut dire Paul lorsque, dans sa première épître aux Corinthiens (9, 5), il écrit : “Ne suis-je pas libre ? Ne suis-je pas apôtre ? N’avons-nous pas le droit de manger et de boire ? N’avons-nous pas le droit de nous faire accompagner par une femme croyante, exactement comme les autres apôtres et les frères du Seigneur et Céphas ? Ou bien devrions-nous être les seuls, Barnabé et moi, à devoir renoncer au droit de ne pas travailler ?”. Ces questions et ces affirmations ne présentent-elles pas comme acquis le fait que les apôtres aient été accompagnés par leurs épouses respectives ?

    Sur ce point, il faut procéder de manière prudente. Les questions rhétoriques que pose l’apôtre font référence au droit que celui qui annonce l’Évangile a de vivre aux frais de la communauté et cela s’applique également à la personne qui l’accompagne.

    Une question se pose alors, bien évidemment, celle de savoir qui est cette personne qui accompagne. L’expression grecque “adelphèn gynaïka” nécessite une explication. “Adelphè” signifie sœur. Et dans ce texte on entend, par sœur dans la foi, une chrétienne, tandis que “gynè” indique – de manière plus générale – une femme, que celle-ci soit vierge, fiancée, ou épouse. En somme, un être féminin. Toutefois cela fait qu’il est impossible de démontrer que les apôtres étaient accompagnés par leurs épouses. Parce que, si au contraire il en était ainsi, on ne comprendrait pas pourquoi on parlerait clairement d’une "adelphè" en tant que sœur, donc chrétienne. En ce qui concerne l’épouse, il faut savoir que l’apôtre l’a quittée au moment où il a commencé à faire partie du groupe des disciples.

    Le chapitre 8 de l’Évangile de Luc aide à y voir plus clair. On y lit : “Jésus vint, accompagné par les douze et par quelques femmes qu’il avait guéries d’esprits mauvais et de maladies : Marie, appelée la Magdaléenne, de qui étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode, Suzanne, ainsi que beaucoup d’autres. Elles servaient toutes Jésus et les disciples avec ce qu’elles possédaient”. Il paraît logique de déduire de cette description que les apôtres auraient suivi l’exemple de Jésus.

    Par ailleurs il faut attirer l’attention sur l’appel empathique au célibat ou à l’abstinence conjugale qui est lancé par l’apôtre Paul (1 Corinthiens 7, 29 et suiv.) : “Je vous le dis, frères : le temps se fait court. Par conséquent, que ceux qui ont une femme vivent à l’avenir comme s’ils n’en avaient pas”. Et encore : “L’homme qui n’est pas marié a souci des affaires du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur. Celui qui est marié a souci des affaires du monde, il veut plaire à son épouse, et le voilà partagé”. Il est clair que Paul, lorsqu’il dit cela, s’adresse en premier lieu à des évêques et à des prêtres. Et lui-même s’en serait tenu à cet idéal.

    Dans le but de prouver que Paul ou l’Église des temps apostoliques ne connaissaient pas le célibat, on fait quelquefois appel aux épîtres adressées à Timothée et à Tite, celles que l’on appelle les épîtres pastorales. Et en effet, dans la première épître à Timothée (3, 2), il est question d’un évêque marié. Et, de manière répétée, on traduit le texte original grec de la façon suivante : “Que l’évêque soit le mari d’une femme”, ce qui est considéré comme un précepte. Mais il suffirait d’une connaissance rudimentaire du grec pour traduire correctement : “Voilà pourquoi il faut que l’évêque soit irréprochable, qu’il n’ait été marié qu’une fois (et il doit être le mari d’une femme !), qu’il soit sobre et pondéré”. On lit aussi, dans l’épître à Tite : “Un ancien (c’est-à-dire un prêtre, un évêque) doit être irréprochable et n’avoir été marié qu’une seule fois”.

    Il s’agit là d’indications qui tendent à exclure la possibilité qu’un homme qui, après la mort de son épouse, se serait remarié (bigamie “successive”) soit ordonné prêtre-évêque. En effet non seulement, à cette époque-là, un veuf qui se remariait n’était pas vu d’un bon œil, mais l’Église ajoutait à cela une autre considération : un tel homme ne pouvait donner aucune garantie qu’il respecterait l’abstinence, à laquelle un évêque ou un prêtre devait se vouer.

    LA PRATIQUE DE L’ÉGLISE POST-APOSTOLIQUE

    La forme originelle du célibat prévoyait donc que le prêtre ou l’évêque continuent leur vie familiale, mais pas leur vie conjugale. C’est également pour cette raison que l’on préférait ordonner des hommes d’âge plus avancé.

    Les œuvres d’auteurs ecclésiastiques tels que Clément d’Alexandrie ou Tertullien, originaire d’Afrique du Nord, qui vivaient aux IIe et IIIe siècles de l’ère chrétienne, témoignent du fait que tout cela peut être rattaché à des traditions apostoliques anciennes et consacrées. De plus, une série de récits édifiants concernant les apôtres – ce que l’on appelle les Actes des apôtres apocryphes, qui furent composés au IIe siècle et firent l’objet d’une large diffusion – témoignent du fait que l’abstinence était tenue en haute considération parmi les chrétiens.

    Par la suite, au IIIe siècle, les documents littéraires qui traitent de l’abstinence des clercs se multiplient et ils deviennent de plus en plus explicites, surtout en Orient. Voici, par exemple, un passage tiré de ce que l’on appelle la “Didascalie syriaque” : “L’évêque, avant d’être ordonné, doit être mis à l’épreuve, pour que l’on sache s’il est chaste et s’il a élevé ses enfants dans la crainte de Dieu”. De même le grand théologien Origène d’Alexandrie (IIIe siècle) connaît un célibat d’abstinence contraignant ; un célibat qu’il explique et approfondit au point de vue théologique dans plusieurs de ses ouvrages. Et il y aurait bien entendu d’autres documents que l’on pourrait citer pour soutenir cette thèse, ce qu’il n’est évidemment pas possible de faire ici.

    LA PREMIÈRE LOI RELATIVE AU CÉLIBAT

    C’est le concile d’Elvire, en 305-306, qui a donné la forme d’une loi à cette pratique d’origine apostolique. Dans son canon 33, ce concile interdit aux évêques, aux prêtres, aux diacres et à tous les autres clercs d’avoir des rapports conjugaux avec leur épouse ; il leur interdit également d’avoir des enfants. Par conséquent, à cette époque-là, on considérait que l’abstinence conjugale et la vie familiale pouvaient être conciliées. C’est ainsi que même le saint pape Léon Ier, dit Léon le Grand, écrivait vers 450 que les hommes consacrés ne devaient pas répudier leur femme. Ils devaient continuer à vivre avec elles, mais comme s’ils “n’en avaient pas”, pour reprendre l’expression utilisée par Paul dans sa première épître aux Corinthiens (7,29).

    Au fil du temps, on aura de plus en plus tendance à accorder les sacrements de l’ordination uniquement à des hommes célibataires. La codification surviendra au Moyen Âge, époque à laquelle on considérait comme évident que le prêtre et l’évêque soient célibataires. Il est de fait que la discipline canonique n’était pas toujours respectée à la lettre, mais cela ne doit pas étonner. Et, comme il est naturel, l’observance du célibat a également connu des hauts et des bas au cours des siècles.

    On peut en citer un exemple célèbre : la controverse très vive qui eut lieu au XIe siècle, à l’époque de ce qu’on appelle la réforme grégorienne. À cette occasion il se produisit dans l’Église – surtout en Allemagne et en France – un désaccord tellement marqué que des prélats allemands qui étaient opposés au célibat en arrivèrent à chasser de son diocèse, par la force, Altmann, l’évêque de Passau,. En France, les émissaires du pape qui avaient été chargés d’insister sur la discipline du célibat furent menacés de mort et, pendant un synode qui eut lieu à Paris, Gauthier, le saint abbé de Pontoise, fut frappé par des évêques qui étaient opposés au célibat et jeté en prison. Cependant la réforme réussit à s’imposer et on assista à un nouveau printemps religieux.

    Il est intéressant de constater que la contestation du précepte établissant le célibat s’est toujours manifestée dans les moments où apparaissaient des signes de décadence au sein de l’Église, tandis que l’observance du célibat se renforçait dans les périodes où la foi connaissait un regain de vigueur et où la culture était florissante.

    Et il n’est certes pas difficile d’établir des parallèles entre ces observations historiques et la crise actuelle.

    LES PROBLÈMES DE L’ÉGLISE D'ORIENT

    Deux questions qui sont fréquemment posées restent encore ouvertes. Il y a celle qui concerne la pratique du célibat dans l’Église catholique de l’empire byzantin et du rite oriental, qui n’admet pas le mariage pour les évêques et les moines, mais le permet aux prêtres, à condition que le mariage de ceux-ci ait eu lieu avant leur ordination. Et il y a des gens qui, prenant justement cette pratique comme exemple, se demandent si elle ne pourrait pas être adoptée également par l’occident latin.

    À ce sujet, il faut souligner avant tout que c’est précisément en Orient que la pratique du célibat abstinent a été considérée comme contraignante. Et c’est seulement pendant le concile de 691, appelé "Quinisexte" ou "in Trullo", à une époque où la décadence religieuse et culturelle de l’empire byzantin apparaissait évidente, que s’est produite la rupture avec l’héritage apostolique. Ce concile fut influencé en très grande partie par l’empereur, qui voulait remettre de l’ordre dans les relations au moyen d’une nouvelle législation, mais il ne fut jamais reconnu par les papes. C’est justement à cette période que remonte la pratique adoptée par l’Église d’Orient. Lorsque par la suite, à partir des XVIe et XVIIe siècles et ultérieurement, plusieurs Églises orthodoxes rejoignirent l’Église d’Occident, le problème s’est posé à Rome de savoir comment il fallait se comporter à l’égard des membres du clergé de ces Églises qui étaient mariés. Les papes qui se succédèrent décidèrent, pour le bien et l’unité de l’Église, de ne demander aux prêtres revenus à l’Église mère aucune modification de leur manière de vivre.

    L'EXCEPTION DE NOTRE TEMPS

    C’est sur une motivation semblable qu’est fondée la dispense de célibat qui est concédée par le pape – à partir de Pie XII – aux pasteurs protestants lorsqu’ils se convertissent au catholicisme et désirent être ordonnés prêtres. Cette règle a également été appliquée par Benoît XVI, récemment, aux nombreux prélats anglicans qui désiraient s’unir à l’Église mère catholique, conformément à la constitution apostolique "Anglicanorum cœtibus". Par cette concession extraordinaire, l’Église reconnaît le long et parfois douloureux cheminement religieux de ces hommes de foi, parvenus à leur but grâce à leur conversion. Un but qui, au nom de la vérité, conduit les intéressés à renoncer également aux ressources économiques perçues jusqu’alors. C’est l’unité de l’Église, bien d’une immense valeur, qui justifie ces exceptions.

    HÉRITAGE CONTRAIGNANT ?

    Mais, ces exceptions mises à part, l’autre question fondamentale qui se pose est : l’Église peut-elle être autorisée à renoncer à ce qui est évidemment un héritage apostolique ?

    C’est une option qui est continuellement prise en considération. Il y a des gens qui considèrent que ce n’est pas seulement par une partie de l’Église mais par un concile général que cette décision peut être prise. De cette manière, on pense que, même si tous les milieux ecclésiastiques n’étaient pas impliqués, on pourrait assouplir l’obligation du célibat au moins pour certains, sinon l’abolir purement et simplement. Et ce qui apparaît encore aujourd’hui comme inopportun pourrait être la réalité de demain. Mais si l’on voulait agir de cette manière, il faudrait replacer au premier plan l’élément contraignant des traditions apostoliques. Et l’on pourrait aussi se demander si, par une décision prise dans le cadre d’un concile, il serait possible d’abolir la fête du dimanche qui, si l’on veut être pointilleux, a moins de fondements bibliques que le célibat.?

    Enfin permettez-moi de me livrer, en guise de conclusion, à une considération tournée vers l’avenir : si la constatation que toute réforme ecclésiastique digne de ce nom doit avoir pour fondement une connaissance profonde de la foi ecclésiastique continue à être valable, alors la controverse actuelle à propos du célibat sera, elle aussi, dépassée grâce à une connaissance approfondie de ce que signifie le fait d’être prêtre. Et si l’on comprend et enseigne que le sacerdoce n’est pas une fonction de service, exercée au nom de la communauté, mais que le prêtre – en vertu des sacrements qu’il a reçus – enseigne, guide et sanctifie "in persona Christi", alors on comprendra d’autant mieux que, justement pour cette raison, il adopte aussi la forme de vie du Christ. Et un sacerdoce compris et vécu de cette façon recommencera à exercer son pouvoir d’attraction sur l’élite des jeunes.

    Pour le reste, il faut prendre acte du fait que le célibat, ainsi que la virginité au nom du Royaume des Cieux, resteront toujours, pour les gens qui ont une conception sécularisée de la vie, quelque chose d’irritant. Mais Jésus disait déjà à ce propos : “Que celui qui peut comprendre, comprenne”.

  • Europe 2014 : un nouveau commencement est-il possible ?

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    Europe 2014 : un nouveau commencement est-il possible ?

    De Communion et Libération (le 02 mai 2014) (via Liberté Politique)

    À la veille des élections européennes du 25 mai prochain, l’opinion publique semble partagée entre ceux qui poussent à sortir de l’Union européenne et ceux qui considèrent inutile d’aller voter parce que le vote, de fait, ne changera rien. Quoique l’UE ne manque pas de supporteurs, c’est la frustration qui prévaut : l’Europe n’apparait plus comme un centre mais plutôt comme une vaste périphérie du monde globalisé.

    Toutefois, suivant le pape François, le fait d’être ou se considérer comme une « périphérie », si cela est vraiment pris au sérieux, ne peut-il pas constituer une chance pour retrouver une attitude positive et nous offrir une occasion de pouvoir changer ?

    Quels sont les facteurs de l’opportunité qui nous est offerte ?

    L’Europe est née autour de quelques grandes réalités qui ont marqué l’histoire du monde et qui témoignent de la portée de la foi chrétienne pour la vie des hommes. Don Giussani[1] les rappelait en 1986 :

    •♦ la valeur de la personne, absolument inconcevable dans toute autre littérature du monde ;

    •♦ la valeur du travail, qui est perçu comme un esclavage par toutes les cultures, dans l’Antiquité mais aussi par Marx et Engels, alors que le Christ définit le travail comme l’activité du Père, de Dieu lui-même ;

    •♦ la valeur de la matière, c’est-à-dire l’abolition du dualisme entre l’aspect noble et l’aspect ignoble de la vie naturelle — qui n’existe pas pour le chrétien ;

    •♦ la valeur du progrès, du temps chargé de signification, car le concept d’histoire exige l’idée d’un dessein intelligent ;

    •♦ la liberté. L’homme ne peut pas se concevoir libre dans un sens absolu : puisque avant il n’existait pas et maintenant il existe, il dépend. Forcément. L’alternative est très simple : soit il dépend de Ce qui fait la réalité, c’est-à-dire de Dieu, soit il dépend du hasard des mouvements de la réalité, c’est-à-dire du pouvoir.

    1/ La valeur de l’Europe unie

    C’est dans le sillage de ces quelques grandes réalités qui constituent historiquement les fondements de l’Europe qu’est également né le projet d’une Europe unie, comme le souligne le père Julián Carrón[2] :

    « Qu’est-ce qui a permis aux premiers pères de l’Europe, même au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de trouver la disponibilité de se parler, de construire quelque chose ensemble ? La conscience qu’il était impossible d’éliminer l’adversaire, ce qui les rendait bien moins présomptueux, moins imperméables au dialogue, et davantage conscients de leur besoin. Ils ont commencé par se donner la possibilité de percevoir l’autre dans sa différence comme une ressource, comme un bien. » (La Repubblica, 10 avril 2013).

    Dans l’après-guerre, les leaders de pays qui quelque temps plus tôt s’étaient battus les uns contre les autres (De Gasperi, Schuman, Adenauer) décident de mettre de côté tout sentiment de vengeance ou de domination et jettent les bases d’une paix durable en mettant en commun leurs intérêts économiques respectifs.

    Pour comprendre la portée exceptionnelle de ce qui s’est produit en Europe à cette occasion, il suffit de penser à ce qui s’est passé après la Première Guerre mondiale, après les guerres napoléoniennes ou après les guerres de religion : ce ne fut jamais une véritable paix mais plutôt une tension continuelle qui préparait les guerres suivantes.

    L’Europe unie naît sur une question très précise et concrète : l’accord sur la coopération du charbon et de l’acier (Ceca) de 1951, qui a été reconnu dans le monde entier comme un exemple d’une façon nouvelle de se considérer les uns les autres. Avec la naissance de ce premier projet européen, la puissance de l’idéal a été un facteur décisif, capable de changer le cours des évènements.

    À la différence de ce qui se produit de nos jours, le but ne se limitait pas à l’économie. Cet accord économique constituait en effet le premier pas vers un but bien plus grand : la paix – car des partenaires qui coopèrent et qui ont des échanges commerciaux entre eux tendent à ne pas se faire la guerre – et, avec la paix, une aide réciproque afin que chacun puisse chercher à la fois son propre bien et le bien commun.

    Ce but a été poursuivi et s’est renouvelé lors de ce deuxième passage historique de l’Europe contemporaine que fût en 1989 la chute du Mur de Berlin et qui a été porté aussi par la puissance d’un idéal. Peu de personnes, aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest, auraient parié sur la possibilité de résorber pacifiquement la division de l’Europe en deux blocs qui a si dramatiquement marqué l’histoire du Vieux Continent.

    Václav Havel, le futur premier président de la Tchécoslovaquie postcommuniste, avait soutenu dans son livre Le Pouvoir des sans-pouvoir, paru en 1978, que le problème de la vie sociopolitique était la domination par le mensonge de l’idéologie et que la vraie réponse à cette situation ne serait ni une révolution violente ni une réforme purement politique, ni le simple fait de remplacer le totalitarisme par une démocratie parlementaire. Ce serait plutôt une vie, personnelle et sociale, engagée dans la recherche de la vérité.

    Il est évident dans le témoignage de Václav Havel que les facteurs qui changent l’histoire sont ceux qui passent à travers le coeur de l’homme.

    2/ La crise européenne

    La crise actuelle de la « conscience européenne », accompagnée par la crise économique, nous montre que ce qui a donné naissance à l’Europe unie n’est plus une donnée évidente, un présupposé reconnu de tous comme une condition nécessaire pour faire face aux défis de la réalité.

    Comme dans le passé, nous aussi Européens de 2014 devons reconquérir les raisons d’une unité qui ne va surtout pas de soi et qui peut toujours décliner. En effet, comme l’affirme Benoît XVI,

    « un progrès qui peut s’additionner n’est possible que dans le domaine matériel. Dans le domaine de la conscience éthique et de la décision morale, il n’y a pas de possibilité équivalente d’additionner, pour la simple raison que la liberté de l’homme est toujours nouvelle et qu’elle doit toujours prendre à nouveau ses décisions. La liberté présuppose que, dans les décisions fondamentales, tout homme, chaque génération, est un nouveau commencement ».

    Les difficultés du présent nous rendent conscients du fait que « même les structures les meilleures fonctionnent seulement si, dans une communauté, sont vivantes les convictions capables de motiver les hommes en vue d’une libre adhésion à l’ordonnancement communautaire. » (Spe salvi, 24).

    Voilà donc la grande chance que cette crise nous offre, à nous Européens : celle de reconquérir les raisons de notre « existence en tant que communauté ».

    Il s’agit d’un défi qu’on ne peut pas se passer de relever, et c’est encore Benoît XVI qui nous rappelle pourquoi :

    « Puisque l’homme demeure toujours libre et que sa liberté est également toujours fragile, le règne du bien définitivement consolidé n’existera jamais en ce monde. Celui qui promet le monde meilleur qui durerait irrévocablement pour toujours fait une fausse promesse ; il ignore la liberté humaine. »

    Autrement dit, « les bonnes structures aident, mais elles seules ne suffisent pas. L’homme ne peut jamais être racheté simplement de l’extérieur » (Spe salvi, 25).

    Il y a un élément qui, de nos jours, rend ce chemin encore plus ardu : nous n’avons plus la même conscience de la profondeur du besoin de l’homme qu’avaient les pères fondateurs de l’Europe unie ; l’élan idéal s’est tari et c’est maintenant une logique de purs intérêts qui domine.

    Descendre jusqu’à la racine de la crise en cherchant à comprendre quels sont tous les facteurs en jeu : voilà le seul chemin possible pour regagner cette conscience dont l’Europe d’aujourd’hui a tellement besoin.

    C’est notamment pour nous Européens qu’il est devenu essentiel de promouvoir une discussion réelle quant au présent et à l’avenir du Vieux Continent, en évaluant si les tentatives faites jusqu’ici ont été adaptées à la nature de cette crise. Cela concerne autant l’économie que les défis anthropologiques. Il est aussi inefficace qu’illusoire de prétendre résoudre les graves questions anthropologiques que nous devons affronter uniquement avec des instruments juridiques.

    Comme cela devient évident face aux problèmes les plus radicaux de l’existence humaine, on arrive à une solution « non pas en affrontant directement les  problèmes, mais en approfondissement la nature du sujet qui les affronte » (don Giussani, 1976).

    L’oubli de ce niveau de la question est à l’origine de cette crise de l’humain qui a affaibli la conscience du but. De sorte que, au fil du temps, le moyen (économie, profit, finance) est devenu le but et l’union économique s’est transformée dans un pur compromis entre des intérêts inévitablement opposés.

    Voilà donc que refait surface l’Europe des États, qui ne se font plus la guerre avec des canons mais plutôt avec les armes de l’économie et de la finance et sont divisés sur tant de questions cruciales : le rapport avec les pays du pourtour de la Méditerranée, l’immigration clandestine, la dette publique, les missions de maintien de la paix, la solidarité envers les partenaires le plus en difficulté.

    La crise de l’élan idéal et de la conscience du but a également eu des conséquences sur le fonctionnement de l’Europe en tant qu’institution: les organismes européens n’ont pas cessé de s’agrandir, devenant souvent hypertrophiques et en générant une sorte de monstre technocratique qui semble décidé à plier la réalité pour qu’elle se conforme à ses exigences. L’idée que les structures européennes soient inefficaces se diffuse donc de plus en plus.

    Jusqu’en 2008 (c’est-à-dire jusqu’au moment de l’explosion de la crise financière), le jugement porté sur la fiabilité des institutions européennes était encore très positif, bien meilleur que celle des États nationaux. Aujourd’hui, en revanche, selon les sondages, 70 % des citoyens européens considèrent les structures européennes (la Commission, le Conseil, le Parlement) inadaptées aux exigences des personnes et de la vie sociale.

    Selon l’universitaire américain Joseph Weiler (L’Europe chrétienne, une excursion, Cerf 2007), une des plus grandes autorités sur les dynamiques européennes, l’Europe souffre d’un déficit politique. Elle manque d’une véritable vie politique propre faute d’idéal. Puisqu’on a tout misé sur l’économie et que celle-ci n’a pas pris son envol, les gens se demandent : « Elle sert donc à quoi, l’Europe ? »

    En même temps s’affirme une idée de l’Europe en tant qu’espace culturel et politique relativiste dont les structures cherchent à rendre licite et même à transformer en droit toute aspiration individuelle faisant abstraction de ce qu’est la personne humaine. Les eurosceptiques qui veulent quitter l’Union européenne parce qu’ils considèrent que le rêve des pères fondateurs serait anéanti et dépassé ont-ils donc raison ?

    3/ La personne comme condition de l’Europe

    Y a-t-il une issue à cette impasse ? Oui, il faut repartir de cette position dont sont issues l’Europe et l’Europe unie. Les intérêts économiques ne suffisent pas à eux seuls pour repartir : il est nécessaire de redécouvrir que « l’autre est un bien et non un obstacle, qu’il est un bien pour la plénitude de notre “moi” aussi bien en politique que dans les relations humaines et sociales » (père Carrón).

    La seule chose capable de construire est un « amour au reflet de vérité qui se trouve en quiconque. C’est un facteur de paix, qui construit une demeure humaine, une maison qui peut offrir un refuge même face au désespoir le plus extrême » (don Giussani, 1995).

    Retrouver une conscience adaptée de l’humain, de ce qui est essentiel à la réalisation de chaque personne et des peuples, cela peut se produire dans des lieux qui réveillent le moi de chacun, l’éduquent à un rapport adapté avec la réalité (quelle qu’elle soit) et lui fassent percevoir dans la chair de son existence la centralité, l’unicité et la sacralité de toute personne.

    Pour cela, comptent l’expérience bimillénaire de la communauté chrétienne ainsi que toutes les réalités sociales inspirées d’idéaux laïques ou religieux. Ce n’est qu’une conception de l’homme en tant que réalité irréductible, « rapport avec l’infini » (don Giussani), qui peut réunir des personnes d’ethnies, de couches sociales, de cultures, de religions et d’idéologies politiques différentes en vue d’une réelle intégration qui abolit tout ghetto et qui devient porteuse de développement.

    C’est à partir de ces préoccupations qu’il faut ouvrir un ample dialogue sur la manière dont l’UE devra évoluer dans les prochaines années, en impliquant tous les citoyens et en particulier les jeunes génération qui, par milliers, quittent leurs pays d’origine et se sentent chez eux où qu’ils aillent étudier ou travailler.

    Cela a un reflet important au niveau institutionnel aussi. Dans le discours qu’on lui a empêché de prononcer à l’Université La Sapienza de Rome en 2008, le pape Benoît XVI a déclaré qu’il partageait le jugement du philosophe Jürgen Habermas

    « lorsqu’il dit que la légitimité d’une charte constitutionnelle, en tant que présupposé de la légalité, découlerait de deux sources : d’une part, de la participation politique égalitaire de tous les citoyens et, d’autre part, de la forme raisonnable qui voit la résolution des oppositions politiques. En ce qui concerne cette “forme raisonnable”, Habermas note qu’elle ne peut pas être une simple bataille en vue de majorités arithmétiques, mais qu’elle doit se caractériser comme un “processus d’argumentation sensible à la vérité” », c’est-à-dire dans la tension continue à découvrir toute étincelle de vérité qui s’élève dans la rencontre avec l’autre.

    La vérité, en effet, n’est jamais quelque chose que l’individu possède et brandit comme une massue contre les autres. Elle émerge plutôt dans la rencontre entre les hommes :

    « La vérité est une relation ! À tel point que même chacun de nous la saisit, la vérité, et l’exprime à partir de lui-même : de son histoire et de sa culture, du contexte dans lequel il vit, etc. Ceci ne signifie pas que la vérité soit variable et subjective, bien au contraire. Mais cela signifie qu’elle se donne à nous, toujours et uniquement, comme un chemin et une vie » (Pape François, Lettre à Eugenio Scalfari, La Repubblica, 11 septembre 2013).

    Cela met en déroute le relativisme en sauvant justement ce que le relativisme voudrait valoriser : la différence, l’altérité. Dans la mesure où l’on fait appel à une expérience non réduite de l’homme, il est possible de ne plus fonder la politique européenne sur le choc d’intérêts opposés et sur un relativisme qui débouche dans le nihilisme, dans l’indifférence de tout le monde envers toute chose, mais plutôt sur un usage « sensible à la vérité » et sur un réalisme qui reconnaît l’autre non pas comme une menace mais comme un bien pour soi.

    Comme l’écrit le pape François,

    « Notre engagement ne consiste pas exclusivement en des actions ou des programmes de promotion et d’assistance ; ce que l’Esprit suscite n’est pas un débordement d’activisme, mais avant tout une attention à l’autre qu’il “considère comme un avec lui”. Cette attention aimante est le début d’une véritable préoccupation pour sa personne, à partir de laquelle je désire chercher effectivement son bien. » (Evangelii Gaudium, 199).

    Dans ce sens, les organismes européens devraient être les premiers à s’organiser en fonction d’une subsidiarité réelle. Cela favoriserait la responsabilité de chacun (personnes, groupes sociaux, États), en évitant de créer l’illusion que les réponses tombent toujours et en tout cas du haut.

    Une Europe qui comprendrait cela n’aurait pas tendance à se fermer face à l’immigration, ne pratiquerait pas uniquement l’austérité économique mais la solidarité aussi, ne se replierait pas sur des nationalismes irréalistes et antihistoriques, ne travaillerait pas pour imposer une législation ayant pour but de casser tous les liens et cultivant l’obsession pour les nouveaux droits individuels, ne soutiendrait pas l’hostilité envers les fois religieuses et envers la foi chrétienne en particulier (trahissant notamment ce qui a construit l’Europe et qui l’a rendue grande dans l’histoire).

    « Parfois, je me demande — poursuit le pape François — qui sont ceux qui dans le monde actuel se préoccupent vraiment de générer des processus qui construisent un peuple, plus que d’obtenir des résultats immédiats qui produisent une rente politique facile, rapide et éphémère, mais qui ne construisent pas la plénitude humaine. L’histoire les jugera peut-être selon le critère qu’énonçait Romano Guardini : “L’unique modèle pour évaluer correctement une époque est de demander jusqu’à quel point se développe en elle et atteint une authentique raison d’être la plénitude de l’existence humaine, en accord avec le caractère particulier et les possibilités de la même époque.” […] Comme croyants, nous nous sentons proches aussi de ceux qui, ne se reconnaissant d’aucune tradition religieuse, cherchent sincèrement la vérité, la bonté, la beauté, qui pour nous ont leur expression plénière et leur source en Dieu. Nous les voyons comme de précieux alliés dans l’engagement pour la défense de la dignité humaine, la construction d’une cohabitation pacifique entre les peuples et la protection de la création. » (Evangelii Gaudium, 224-257

  • Le cardinal Müller s'exprime au sujet de l'intervention de Benoît XVI concernant les abus sexuels

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    De Riccardo Cascioli sur la Nuova Bussola Quotidiana en traduction française sur le site "Benoît et moi" :

    «ILS VEULENT FAIRE TAIRE BENOÎT XVI PARCE QU'IL DIT LA VÉRITÉ»

    «L'intervention de Benoît XVI est très importante en cette heure de l'Église, parce qu'elle nous force à affronter les racines de cette crise profonde... Ceux qui veulent faire taire le pape émérite sont des gens qui raisonnent selon le monde, et qui ne savent rien de la mission des évêques».

    Le cardinal Gerhard Müller - que le Pape Benoît XVI voulut comme héritier à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et qui a ensuite été brusquement démis par le Pape François à la fin de son premier mandat en 2017 - paraît réconforté par les "notes" sur le sujet des abus sexuels que le pape émerite a voulu rendre publiques ces jours-ci, mais il est très dur avec ceux qui pensent que Benoît ne devrait pas parler. Nous le contactons au téléphone, au retour d'un voyage en Allemagne.

    ---
    Éminence, comment jugez-vous la publication des "notes" de Benoît XVI à propos des abus sexuels?

    La contribution de Benoît XVI est très importante en cette heure que vit l'Église, parce que nous avons une grande crise de crédibilité, et nous avons le devoir d'aller aux racines ou aux débuts de cette crise, qui n'est pas tombée du ciel. Jusqu'à présent, on n'a parlé que de cléricalisme, un concept très flou, une façon de ne pas s'attaquer aux causes réelles de la crise. Elle a une longue histoire qui commence aussi dans l'Église avec la révolution sexuelle des années 1960 et avec la crise contemporaine de la théologie morale, là où elle a nié l'intrinsece malum, l'existence d'actes intrinsèquement mauvais. On a commencé à soutenir que certains actes ne constituent un péché ou un crime grave que sous certaines conditions, que tout dépend de la situation. Mais ce n'est rien de plus qu'une autojustification du péché.
    Le Pape Benoît XVI a une longue mémoire de ce qui s'est passé dans l'Église, et une grande capacité théologique d'analyse. Il est très surprenant qu'à 92 ans il ait cette lucidité d'analyser la situation, par ailleurs bien mieux que d'autres qui pourtant élèvent la voix.

    Une première objection qui a été faite concerne l'origine du scandale de la pédophilie que l'on fait remonter à 1968 et à la révolution sexuelle. On affirme que les affaires ont commencé bien avant 1968.

    C'est une objection sans consistance. Il est évident que de tels problèmes ont toujours existé, mais ici la différence réside dans le passage de quelques cas isolés à un phénomène répandu. Il suffit de regarder les données. Dans les années 1960, en même temps que ce qui se passait dans le monde, il y a eu dans l'Église une chute dans la ligne morale, dans l'éthique, dans la spiritualité du sacerdoce. Surtout, la confusion a été créée sur la frontière entre le bien et le mal, entre ce qui est interdit et ce qui est licite. Une déviation de la conscience s'est produite. Quand quelqu'un est éduqué correctement, il sait que ceci est un péché, et que cela ne l'est pas. La conscience respecte ces règles internes, mais s'il y a des théologiens moraux qui commencent à plonger dans la confusion, à dire que cela n'est pas un péché, que chacun a le droit de vivre sa sexualité, alors ensuite, nous nous retrouvons avec ces conséquences. Si quelqu'un sait clairement ce qui est licite et ce qui ne l'est pas, il a plus de force intérieure pour fuire les tentations.

    A ce propos, Benoît XVI se réfère à l'encyclique Veritatis Splendor(1993) comme réponse de saint Jean Paul II à cette dérive de la théologie morale. C'est une indication aussi pour aujourd'hui, étant donné que l'éthique de situation, du "cas par cas", semble triompher.

    Le jugement "au cas par cas" se veut une ligne pastorale, mais la pastorale doit avoir un fondement. On pense qu'en évitant de dire les choses clairement, on peut éviter d'éloigner les gens de l'Église, mais il est totalement erroné de remplacer les fondements de la morale humaine par une règle présumée et indéfinie de la pastorale. Et l'Église, en particulier les évêques et le Pape, a l'obligation de la part de Dieu de prêcher la vérité, y compris la vérité morale. C'est le seul moyen.

    Aujourd'hui, ce manque de clarté est particulièrement évident lorsqu'on parle d'homosexualité et d'idéologie 'gender'.

    C'est vrai, c'est une chose de s'occuper des personnes qui ont des tendances homosexuelles, c'en est une autre de cautionner une fausse anthropologie gender. Sur ce point, nous devons être très clairs, y compris publiquement, nous ne devons pas donner de faux signaux. L'Église catholique ne peut accepter l'idéologie gender, en aucune façon, parce qu'elle est contre nature, contre la volonté de Dieu, contre le bien de la famille, contre le bien des individus, des hommes et des femmes, des enfants. L'Église doit être très claire, elle ne doit pas avoir peur de la presse internationale et des organisations qui veulent introduire cette fausse anthropologie qui détruira toute l'humanité.

    A propos des cas de pédophilie chez les prêtres, le Pape Benoît XVI rappelle qu'à un certain moment la compétence est passée de la Congrégation pour le Clergé, qui n'était pas adaptée, à la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Pouvez-vous nous expliquer ce passage ?

    Après le Concile, une ligne soft a prévalu, on a dit qu'il ne fallait pas être trop légaliste, comme c'était le cas à l'époque du judaïsme. Nous sommes à l'époque de l'Évangile, disait-on, nous devons accepter les hommes et moins nous concentrer sur les limites et les choses à prohiber pour nous préoccuper de vivre la grâce de l'Évangile. Mais avec la nature humaine, cette ligne soft ne marche pas. La nature humaine est faible, elle a besoin de l'aide de la grâce mais aussi de la discipline personnelle et ecclésiale. Pour cette raison, la Congrégation du Clergé, n'était pas adéquate dans l'évaluation des cas d'abus sexuels commis par des prêtres, c'est pourquoi la tâche est passée à la Doctrine de la Foi, qui est le tribunal apostolique suprême pour ces causes contre la foi.

    A ce propos, dans son écrit, Benoît XVI insiste beaucoup sur le fait qu'il faut penser non seulement au garantisme pour les abuseurs mais aussi à la protection de la foi. Que veut-il dire exactement ?

    Les actes de pédophilie ne sont pas seulement des crimes sexuels mais aussi des crimes contre la foi. Parce que beaucoup de victimes souffrent dans leur relation avec Dieu. Le prêtre n'est pas un fonctionnaire du système, le prêtre est le représentant de Jésus le bon pasteur qui a donné sa vie, et tous les fidèles - surtout les mineurs - ont le droit fondamental de rencontrer un prêtre qui en témoigne et qui soit une personne de toute confiance. La crédibilité de l'Église et du représentant de Jésus-Christ est la porte par laquelle entre la foi théologique, la foi comme vertu, la foi comme union avec Jésus. C'est pourquoi nous parlons de crimes contre la foi. À l'époque où j'étais à la Doctrine pour la Foi aussi, il y en avait qui ne voulaient pas comprendre, qui disaient que la Congrégation était trop rigide, qu'il fallait respecter davantage les droits des auteurs de crimes. Il est vrai qu'il y a aussi de fausses accusations, mais lorsque les accusations sont vraies, nous devons prendre des mesures drastiques contre les coupables. On ne peut pas dire «ils ont abusé d'un enfant mais nous avons pitié de ces criminels»; l'argument qu'ils perdent ainsi le sacerdoce, que nous, prêtres, avons un caractère indélébile et que c'est une punition quand il n'est plus possible de célébrer une messe n'est pas valable. Evidemment, c'est une punition, mais c'est une punition juste. Dans ces cas, le prêtre est responsable d'actes contre la vie et contre la dignité humaine: ce n'est pas seulement un péché - nous sommes tous pécheurs - mais quand il s'agit d'un crime contre Dieu et contre les hommes, on ne peut pas continuer à aller à l'autel comme un représentant de Jésus Christ. Dans une certaine attitude, il y a aussi une fausse idée de la miséricorde. Bien sûr, il y a le pardon, pour ceux qui font pénitence, mais ce pardon ne peut pas signifier qu'un prêtre coupable de pédophilie peut continuer comme si rien ne s'était passé. Les victimes souffrent toute leur vie pour ce qu'elles ont souffert, certaines ne pourront plus se marier, elles ont encore beaucoup de difficultés profondes dans leur vie; et tout cela provoqué par un serviteur de Dieu, par un apôtre. Je suis totalement opposé à cette fausse miséricorde. La miséricorde de Dieu est un changement de la vie, ce qui implique aussi d'accepter une peine adaptée au crime commis pour pouvoir se réconcilier. Cette culpabilité, les dommages causés par un homme de Dieu, ne doivent pas être minimisés.

    Benoît XVI note pourtant que même à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le temps des procès était trop long.

    Cette lenteur n'est certainement pas due au personnel de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui a toujours travaillé dur sur ces cas. Mais les causes sont nombreuses et le personnel insuffisant. Nous devons aussi garder à l'esprit que les procès commencent dans les diocèses. En toutcas, au cours de mon mandat, l'engagement a été pris d'augmenter les effectifs d'au moins trois unités. Au lieu de cela, sans raison apparente, en 2017, quatre personnes qualifiées ont même été congédiées. On ne peut pas demander à la congrégation de travailler plus et plus vite, et ensuite réduire le personnel.

    Beaucoup ont également vu dans les "notes" de Ratzinger une réponse aux fameux Dubia des quatre cardinaux (Caffarra, Meisner, Burke, Brandmüller), qui en ce qui concerne Amoris Laetitia demandaient des confirmations sur la validité de l'intrinsece malum.

    Je ne sais pas quelles étaient les intentions [de Benoît XVI], mais il est absolument clair qu'il y a des actes qui sont mauvais en soi, qui ne peuvent jamais être bons ou justifiés. Je trouve incompréhensible la position de certains théologiens quand ils considèrent le bien dans une action mauvaise. Cette façon de faire dépendre le jugement des circonstances, est toujours en faveur d'un délinquant, ne tient pas compte de tous les facteurs. Si un innocent est tué, quel peut être l'aspect positif pour moi en tant que victime du crime? Cet argument n'est présenté que du point de vue du criminel. Je ne connais aucun cas où un crime est bon pour la victime. C'est le cas pour l'adultère: le partenaire qui doit souffrir, qui doit subir l'adultère, qui est trahi, où doit-il voir le bien? Il est absurde de prétendre qu'il y a des actions contre les commandements de Dieu qui, dans certaines circonstances, sont légitimes.

    Il y a eu des critiques vénéneuses contre Benoît XVI, accusé d'avoir rompu le silence. Il y en a même qui ont cité le Directoire pour les évêques (Apostolorum Successores) là où il interdit aux évêques émérites d'intervenir dans la direction de l'Église et de saper le magistère de l'évêque régnant par leurs interventions.

    Ces gens sont la preuve la plus évidente de la mondanisation de l'Église, elles n'ont aucune idée de la mission des évêques. Certes, les évêques émérites doivent rester en dehors du gouvernement quotidien de l'Église, mais quand on parle de doctrine, de morale, de foi, ils sont tenus par la loi divine de parler. Les évêques ne sont pas des fonctionnaires de la police criminelle qui, une fois à la retraite, ne peuvent plus agir contre les criminels, un évêque est évêque pour toujours. Le Christ a donné à l'évêque l'autorité d'être un serviteur de la parole, de rendre témoignage. Tous ont promis lors de la consécration épiscopale de défendre le depositum fidei. L'évêque et grand théologien Ratzinger n'a pas seulement le droit mais aussi le devoir par droit divin de parler et de témoigner de la vérité révélée.
    Malheureusement nous avons beaucoup de gens dans l'Église qui ne connaissent pas le B-A-BA de la théologie catholique. Ils parlent en tant que politiciens, en tant que journalistes, sans les catégories de la Sainte Écriture, de la tradition apostolique, du Magistère de l'Église. Comment peut-on dire que le pape émérite n'a pas le droit de parler de la crise fondamentale de l'Église? Nous avons même le scandale d'un athée comme Eugenio Scalfari qui peut impunément affirmer ses interprétations de ce que le Pape lui dit en privé, qui est traité comme un interprète autorisé du Pape , alors qu'un personnage comme Ratzinger devrait au contraire se taire? Mais où sommes-nous ? Ces idiots parlent partout mais ils ne connaissent pas l'Église, ils veulent juste plaire aux gens. Les apôtres Pierre et Paul, fondateurs de l'Église romaine, ont donné leur vie pour la vérité. Pierre et Paul n'ont pas dit: «À présent, il y a d'autres successeurs, Timothée et Tite, qu'ils parlent publiquement». Ils ont témoigné jusqu'à la fin de leur vie, jusqu'au martyre, par le sang.

    Quand un évêque émérite célèbre une messe, dans son homélie, ne doit-il pas dire la vérité? Doit-il ne pas parler de l'indissolubilité du mariage uniquement parce que d'autres évêques actifs ont introduit de nouvelles règles qui ne sont pas conformes à la loi divine? Ce sont plutôt les évêques actifs qui n'ont pas le pouvoir de changer la loi divine dans l'Église. Ils n'ont pas le droit de dire à un prêtre qu'il doit donner la communion à une personne qui n'est pas en pleine communion avec l'Église catholique. Personne ne peut changer cette loi divine, si quelqu'un le fait, c'est un hérétique, c'est un schismatique.

    Aujourd'hui, la mode est à ces idées étranges, selon lesquelles l'autorité ecclésiastique est conçue comme une autorité positiviste afin que ceux qui ont le pouvoir puissent définir la foi comme ils le souhaitent. Et les autres doivent se taire. Il vaudrait mieux qus ce soit eux, qui connaissent très peu la théologie, se taisent. D'abord, qu'ils étudient.

    Regardons où ces grands modernistes, que nous avons aussi parmi les professeurs, ont mené l'Église, par exemple en Allemagne. Chaque année, en Allemagne, 200 mille personnes quittent l'Église catholique. 300 mille chez les protestants, ce sont les vrais problèmes. À ce sujet, ils ne font rien, ils ne parlent que d'homosexualité, de comment changer la morale sexuelle, de célibat: voilà quels sont leurs thèmes, ils veulent détruire l'Église. Et ils disent que c'est la modernisation : ce n'est pas la modernisation, c'est la mondanisation de l'Église.

    Quelles conséquences attendez-vous de la publication de ces "notes" de Benoît XVI?

    J'espère que certains commenceront enfin à s'attaquer au problème des abus sexuels d'une manière claire et correcte. Le cléricalisme est une fausse réponse.

  • Quand les pères conciliaires préféraient se voiler la face devant les méfaits du communisme

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    De Jeanne Smits sur "Réinformation TV" :

    LifeSiteNews publie pour la première fois en vernaculaire les schémas de condamnation du communisme préparés pour Vatican II

    Le site LifeSiteNews vient de publier une traduction intégrale – pour la première fois semble-t-il, en langue vernaculaire – des trois schémas condamnant le communisme préparés en vue du concile Vatican II, qui ont été mis de côté, puis oubliés. Les traductions vers l’anglais ont été réalisées par Matthew Cullinan Hoffman depuis les textes latins qui « prennent la poussière », comme il le dit, parmi les documents officiels du concile conservés dans diverses bibliothèques de recherche à travers le monde.

    On peut y voir l’intention première de mettre en évidence l’horreur du marxisme et du communisme athée mis en œuvre dans le marxisme-léninisme ; et la volonté de les combattre. Par contraste, comme l’ont déjà montré Ralph Wiltgen, Jean Madiran, le Pr Roberto de Mattei dans divers ouvrages fondamentaux… Vatican II a finalement produit quelques lignes de condamnation sibylline de « doctrines funestes ». La condamnation claire réclamée par de nombreux Pères du concile (et notamment le cardinal Ottaviani et Mgr Lefebvre) s’est retrouvée dans les oubliettes.

    En ce centième anniversaire de la Révolution d’octobre, les schémas oubliés méritent qu’on les mette en évidence. En attendant de pouvoir vous en proposer une traduction française depuis l’anglais, ce que reinformation.tv essaiera de faire très prochainement, nous vous proposons la traduction intégrale du texte de présentation publié mercredi soir par Matthew Cullinan Hoffman. On y voit déjà très bien quel était l’objectif premier de l’Eglise catholique, abandonné au terme d’un accord secret par lequel elle s’est engagée à ne pas attaquer frontalement le concile afin d’obtenir que l’URSS y laisse venir des représentants de l’Eglise orthodoxe russe.

    Cet événement a été décrit et analysé par Jean Madiran dans son livre de 2007, L’accord de Metz, ou pourquoi notre mère fut muettetoujours disponible chez Via Romana.

    Voici pour le moment la traduction de l’article de Cullinan Hoffman. – J.S.

    Les schémas « oubliés » de condamnation du communisme de Vatican II présentés par Matthew Cullinan Hoffmann de LifeSiteNews

    En 1962, tandis que des millions de catholiques croupissaient derrière le rideau de fer et que l’Union soviétique travaillait à la diffusion du communisme athée à travers le monde, le concile Vatican II se préparait à prononcer une condamnation historique de l’idéologie marxiste et communiste, une condamnation qui devait inclure une stratégie globale en vue de sa défaite.

     

    Les commissions préparatoires de Vatican II avaient établi trois déclarations différentes visant à condamner le marxisme en tant que « danger excessivement grave et universel », et le communisme en tant que « fausse religion sans Dieu » qui « cherche à subvertir les fondements de la civilisation chrétienne ». Ils envisageaient également la mise en place d’une campagne massive et très coordonnée afin de délivrer l’humanité du communisme et de « faire voler en éclats son audace ».

    Ce devait être une contre-attaque de grande échelle face à ce que la voyante de Fatima, Lucia dos Santos, avait appelé « la plus grande hérésie de tous les temps dans le monde », qui « portait ses erreurs jusqu’aux confins de la terre ».

    Cependant, les documents furent écartés dans les tout premiers mois du concile lorsque les évêques progressistes allemands, français et néerlandophones du « groupe du Rhin » ont su habilement contourner la majorité conservatrice pour prendre le contrôle des commissions qui avaient la haute main sur les documents conciliaires. Ils ont alors rejeté la plupart des schémas préparatoires qui avaient été remis aux Pères conciliaires, en les remplaçant par des schémas qui de manière générale, évitaient de condamner les erreurs de l’époque. Les schémas condamnant le communisme et le marxisme n’ont jamais été pris en compte. Ce qui est resté n’est qu’une timide critique de l’athéisme dans le document Gaudium et Spes, qui comporte une référence indirecte aux condamnations antérieures du communisme par les papes dans une note en bas de page.

    Les plans du concile en vue de combattre le marxisme ont été presque entièrement oubliés, archivés et pour être finalement publiés dans leur version latine d’origine dans les actes officiels du concile, où ils prennent la poussière dans des bibliothèques de recherche à travers le monde.

    Au cours des années qui ont suivi le concile, des formes de « théologie de la libération » d’inspiration marxiste se sont installées parmi de nombreux clercs et théologiens catholiques, particulièrement en Amérique latine. L’un de ces prêtres, le Jésuite argentin Jorge Bergoglio, devait au départ résister face à ces influences, mais il a commencé à s’allier avec les théologiens de la libération d’inspiration marxiste avant d’être élu en 2013.

    Dans une interview récente avec le pape François, le journaliste athée de gauche Eugenio Scalfari rapporte qu’il a posé cette question au souverain pontife : « Donc, vous aspirez à une société où domine l’égalité. C’est, comme vous le savez, le programme du socialisme marxiste, puis du communisme. Pensez-vous à un type de société marxiste ? » A quoi le pape François a répondu, affirme-t-il : « Il a été souvent dit, et ma réponse a toujours été que ce sont plutôt les communistes qui pensent comme les chrétiens. » Le pape n’a jamais démenti ni désavoué cette déclaration.

    François s’est livré à d’autres gestes exprimant de la sympathie pour le marxisme, notamment en acceptant un crucifix orné d’une faucille et d’un marteau offert par le président marxiste de Bolivie, Evo Morales – un geste qui a beaucoup consterné en Amérique latine. Il se dit qu’il a demandé de l’aide à des théologiens de la libération d’inspiration marxiste, tel Léonardo Boff, pour la rédaction de sa lettre encyclique Laudato si’. Récemment, l’ordre des Jésuites a élu un nouveau supérieur général, le Vénézuélien Arturo Sosa Abascal, qui a ouvertement cherché à réconcilier le christianisme avec le marxisme.

    A d’autres occasions cependant, François a exprimé son désaccord par rapport au marxisme, tout en exprimant du respect pour les marxistes. « L’idéologie marxiste est erronée. Mais dans ma vie, j’ai connu beaucoup de marxistes qui sont de bonnes personnes, alors je ne me considère pas comme offensé », déclarait-il à des journalistes en 2013 après avoir été accusé de promouvoir le marxisme dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium.

    Pour la première fois en vernaculaire

    Aujourd’hui, LifeSite présente les traductions intégrales des condamnations écartées du communisme et du marxisme par Vatican II. Nous croyons que c’est la première fois que ces documents ont été traduits en quelque langue vernaculaire. Il y a trois documents en tout : deux schémas complets avec leur système indépendant de notes de bas de page, et un troisième texte qui fait partie d’un schéma plus important. L’ensemble des traductions représente vingt pages de texte.

    Les membres des commissions préparatoires de Vatican II, répondant à des demandes faites par les théologiens avant la phase préparatoire, étaient déterminés à condamner clairement le communisme ainsi que l’idéologie marxiste qui le sous-tend, et à élaborer une stratégie globale visant à obtenir son effondrement.

    Le document le plus complet formulé par les commissions préparatoires avait pour titre : « Du soin des âmes par rapport aux chrétiens infectés par le communisme » (De cura animarum pro Christianis communismo infectis), préparé par la commission sur les évêques et le gouvernement des diocèses. Il préconisait la mise en place d’une approche triple visant à contrer la propagande communiste parmi ceux qui étaient sous son influence dans le monde libre, à aider les catholiques ayant réussi à s’échapper de pays communistes, et à offrir une aide cachée à l’Eglise du silence souffrant sous la tyrannie communiste.

    Mettant en garde contre le fait que les communistes cherchent à « renverser radicalement l’ordre social et à subvertir les fondements de la civilisation chrétienne », De cura animarum déclarait que le communisme était l’équivalent d’une fausse religion fondée sur le matérialisme, avec ses propres doctrines, sacrements et promesses de rédemption. C’était, en somme, un rejeton du véritable christianisme, cherchant à supplanter ces derniers par une idéologie qui remplace Dieu par l’État.

    Citant Pie XI, le document note que le communisme est « imprégné, de manière pseudo mystique, d’une certaine idée fausse de la justice, de l’égalité et de la fraternité » qui a pour effet « d’enflammer les masses en les attirant au moyen de promesses trompeuses », et ajoute qu’il « offre une fausse idée de la Rédemption », une « religion fausse sans Dieu », qui fonctionne tel un « nouvel évangile et comme une sorte de rédemption salvifique ». Le résultat, met en garde le schéma, c’est « le saccage de la liberté de l’homme… et de même le renversement de la dignité humaine ainsi que la désacralisation de la vie humaine, tout comme la spoliation de l’autorité des parents vis-à-vis de l’éducation de leurs enfants. »

    « A l’Eglise appartient le droit et le devoir de se battre contre le communisme athée pour ce qui est de la doctrine comme pour ce qui est de l’action ou des méthodes d’action », affirme le document. Il ajoute plus loin qu’un « combat spirituel contre le communisme athée, “cette invention si pleine d’erreurs et d’illusions trompeuses”, doit être mis en œuvre afin que les fidèles chrétiens puissent être fortifiés. »

    De cura animarum envisageait une stratégie générale comprenant une commission internationale d’évêques et d’experts laïques qui serait chargé de superviser le combat global pour « défendre et libérer l’humanité des erreurs de l’athéisme et du communisme » et qui assurerait « la promotion et la coordination des études, des travaux, des ordonnances et des lois qui affaiblissent le communisme et ferait voler en éclats son audace ».

    Le document se faisait aussi l’avocat de programmes visant à éduquer pleinement les fidèles par rapport aux doctrines de l’Eglise catholique en matière de justice sociale, fournir une contre-réponse systématique à la propagande communiste, et lancer un effort évangélique en vue de convertir les communistes au christianisme. Tout cela serait au service d’un projet visant à christianiser la société moderne ; le schéma exhortait les prêtres à avoir « un cœur qui brûle d’établir un ordre social chrétien ».

    Remarquablement, De cura animarum insistait pour dire que les catholiques qui s’impliquent dans le « progressisme » en résistant aux combats de l’Eglise contre le communisme devaient être « publiquement réduits au silence par l’autorité ecclésiastique », tandis que les prêtres coupables de ces faits devaient être « sévèrement réprimandés et, le cas échéant, se voir infliger des peines ».

    Les deux autres schémas, « Du soin des âmes et du communisme » (De cura animarum et communismo), et « Sur l’apostolat des laïcs dans des environnements imprégnés de matérialisme, particulièrement le marxisme » (De laicorum apostolatu in ambitibus materialismo, praesertim Marxismo, imbutis), répétaient de nombreux éléments présents dans De cura animarum pro Christianis communismo infectis.

    Bien que condamnant également le communisme et le marxisme en des termes non équivoques, les deux documents se focalisaient surtout sur l’éducation des catholiques en matière d’enseignement de l’Eglise sur la justice sociale, les exhortant à donner un bon exemple dans leur conduite de manière à attirer les travailleurs et les autres à l’Eglise, loin des idéologies athées et extrémistes.

    Alors même que les documents finals ont généralement plu aux membres de la commission, le cardinal Alfredo Ottaviani, pro-préfet du Saint-Office, a voté contre De cura animarum et communismo du fait que ce document ne proposait pas un programme pratique pour contrer la menace communiste. D’autres, y compris Mgr Marcel Lefebvre, étaient favorables à son incorporation dans le texte plus long et plus complet, De cura animarum pro Christianis communismo infectis, où un tel programme était bien présent.

    Si le cardinal Ottaviani a bien voté pour De cura animarum pro Christianis communismo infectis, il a exprimé le désir d’y ajouter davantage d’éléments concernant les maux du communisme d’un point de vue purement naturel, en tant que contraire à la dignité fondamentale de l’être humain. Le document contenait des déclarations à cet effet mais elles étaient brèves et quelque peu vagues.

    Bien que les schémas dénonçant le communisme ont été écartés et oubliés à la suite de l’ouverture de Vatican II, un grand nombre d’évêques devaient exprimer leur déception devant cette omission et ils ont de manière répétée cherché à la corriger, comme l’affirmait Ralph Wiltgen, auteur de Le Rhin se jette dans le Tibre, un compte-rendu très estimé de l’histoire du concile.

    Au début de décembre 1963, l’archevêque Geraldo Sigaud de Diamantina, au Brésil, a présenté une pétition adressée au pape Paul VI demandant la création d’un schéma où « la doctrine serait exposée avec une grande clarté, et où les erreurs du marxisme, du socialisme et du communisme serait réfutées sur le plan philosophique, sociologique et économique ». La pétition fut signée par plus de 200 Pères conciliaires de 46 pays. Dans ce qui a constitué peut-être une réponse à cette pétition, le pape Paul VI a publié la lettre encyclique Ecclesiam Suam huit mois plus tard, où il dénonçait le communisme et protestait contre ces sévices tyranniques à l’égard des chrétiens, tout en exprimant un désir de dialogue avec les leaders des régimes communistes. Mais aucun schéma sur le communisme n’a fait son apparition.

    La « sourde oreille » face à la demande de condamnation du communisme lors de Vatican II

    A la fin d’octobre 1964, Paul Yu Pin, évêque exilé de Nankin en Chine, parlant au nom de 70 Pères conciliaires, demanda qu’un chapitre dénonçant le communisme athée soit ajouté au schéma Gaudium et Spes dans la mesure où il s’agit « d’un des phénomènes modernes les plus importants, les plus évidents et les plus malheureux ». Yu Pin, s’exprimant au nom des catholiques chinois, rappelait au concile le sort de tout ceux qui « gémissent sous le joug du communisme et sont obligés d’endurer injustement des douleurs indescriptibles ». On fit la sourde oreille face à sa complainte.

    Pour finir, à la fin septembre en 1965, une nouvelle mouture de Gaudium et Spes ayant de nouveau omis toute mention du communisme, une lettre signée par 25 évêques a été distribuée aux Pères conciliaires, donnant dix raisons pour lesquelles le communisme marxiste devait être traité par le concile. Elle déclarait que si le concile manquait à condamner le communisme, ce serait « l’équivalent d’un désaveu de tout ce qui a été fait et dit jusqu’à présent » à ce sujet, et avertissait : « (Plus tard) le concile sera blâmé – fort justement – pour son silence à propos du communisme, qui sera considéré comme un signe de lâcheté et de connivence. »

    La lettre s’accompagnait d’une pétition que les évêques étaient invités à signer, et qui a été diffusée par les Pères du groupe conservateur Coetus internationalis patrum. 450 évêques de 86 pays, soit environ un cinquième des Pères conciliaires, ont signé la pétition, demandant que Gaudium et Spes traite de la question. Selon les règles du concile, la requête aurait dû être soumise au vote du concile dans son ensemble, mais la commission mixte chargée de rédiger le document ne s’y est pas du tout référée dans son rapport suivant, et devait une nouvelle fois omettre de mentionner le communisme dans la mouture suivante.

    A ce moment-là, les signataires, sous la conduite de Mgr Luigi Carli de Segni en Italie, ont protesté auprès de la présidence du concile, commençant à accuser la commission mixte de négation des droits de vote des pères conciliaires. Un membre de la commission mixte a déclaré à la presse que la pétition ne leur était jamais parvenue, et une autre source anonyme a déclaré à la presse qu’elle avait été soumise trop tard – des allégations vigoureusement démenties par les évêques qui l’avaient remise. Wiltgen affirme qu’un rapport confidentiel remis au pape Paul VI par le président du concile, le cardinal Eugène Tisserant, avait conclu que le secrétaire de la commission mixte, Mgr Achille Glorieux, l’avait bien reçue mais ne l’avait pas fait suivre aux autres membres de la commission ; ce fait reçut un large écho dans la presse italienne.

    Les schémas de condamnation du communisme remplacés par un texte vague et une note de bas de page dans “Gaudium et Spes”

    C’est à ce moment précis que le pape Paul VI a cherché à remédier au problème. Lors d’une audience avec les évêques latino-américains, il a condamné le « marxisme athée » et son influence sur la société latino-américaine, notant que celle-ci considérait « la révolution violente comme seul moyen de résoudre les problèmes ». Le lendemain, selon Wiltgen, le pape a envoyé un ordre direct à la commission l’enjoignant d’inclure dans Gaudium et Spes une référence aux documents magistériaux antérieurs condamnant le communisme. La commission a répondu en faisant figurer dans le document un paragraphe qui condamne de manière vague « ces doctrines et ces manières de faire funestes qui contredisent la raison et l’expérience commune », assorti d’une note de bas de page citant plusieurs encycliques pontificales contenant des condamnations du communisme, mais sans référence spécifique aucune. Dans son rapport à l’assemblée générale du concile, la commission mixte déclarait que la phrase faisait référence aux « condamnations du communisme et du marxisme par le souverain pontife ».

    Cette référence vague, quasi indécelable, au communisme dans Gaudium et Spes n’a pas suffi aux signataires de la pétition, qui ont demandé aux Pères conciliaires de voter contre le schéma dans son ensemble. Cependant, lors du vote final du 7 décembre 1965, seuls 75 pères devaient voter contre, et le schéma fut adopté. Gaudium et Spes a été promulgué par le pape Paul VI le même jour. La condamnation du communisme qui devait être réalisée par Vatican avait été réduite à un texte sibyllin et à une vague note en bas de page.

    Traduction par Jeanne Smits