Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : scalfari

  • Quand le pape minimise les péchés ”sous la ceinture”...

    IMPRIMER

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso, en traduction française sur le site Diakonos.be :

    Rappel pour le sommet sur les abus. Pour François, les péchés « sous la ceinture » sont « les plus légers »

    Voici une nouvelle qui a de quoi surprendre : à l’occasion du voyage que le Pape François s’apprête à faire au Panama pour les JMJ, ce dernier a tenu à être officiellement accompagné par le français Dominique Wolton (photo) qui n‘est pas un homme d’Église et qui n’est d’ailleurs pas catholique mais qui est un théoricien de la communication et directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique, le mythique CNRS et également fondateur de la revue internationale « Hermès ».

    Mais par-dessus tout, Wolton est également l’auteur du livre-entretien le plus réussi parmi tous ceux qui ont été publiés jusqu’à présent, un livre dans lequel Jorge Mario Bergoglio a surtout parlé librement, sans retenue, allant jusqu’à déclarer pour la première fois en public qu’à l’âge de 42 ans, il avait été suivi pendant six mois par un psychanalyste agnostique de Buenos Aires.

    Ce livre, traduit en plusieurs langues, est sorti en 2017 et se compose de huit chapitres contenant chacun un entretien que l’auteur a eu avec le Pape en 2016. C’est depuis lors que le Pape Bergoglio a développé un sentiment de proximité envers Wolton qui l’incite aujourd’hui à le vouloir à ses côtés pour son prochain voyage.  Un sentiment qui n’est pas sans rappeler celui qui s’est développé entre le Pape Bergoglio et Eugenio Scalfari, un autre héraut des sans-Dieu que le Pape a convoqué en entretien à plusieurs reprises avec la certitude que Scalfari transcrirait et publierait ensuite à sa manière le contenu de leurs conversations, tout cela dans le but de construire une bonne image de François « in partibus infidelium ».

    Cette façon de faire fait également partie du modèle de communication qui plaît au Pape Bergoglio. En effet, au cours d’un entretien avec le bon interlocuteur, il peut dire à un large public bien davantage que ce qui pourrait apparaître dans les textes officiels.  Il peut lever le voile sur le fond de sa pensée.

    Par exemple, dans le livre-entretien avec Wolton, on nous explique pourquoi le Pape François ne considère pas tellement les abus sexuels commis par des hommes d’Église comme étant un problème de morale et de sexe mais plutôt de pouvoir et en particulier de pouvoir clérical, qu’il concentre dans l’expression « cléricalisme ».

    À Wolton qui lui demandait pourquoi on entendait aussi peu le message « le plus radical » de l’Évangile qui est « de condamner la folie de l’argent », le Pape Bergoglio a répondu :

    “Mais parce que certains préfèrent parler de morale, dans les homélies ou dans les chaires de théologie. Il y a un grand danger pour les prédicateurs, les prêcheurs, qui est de ne seulement condamner que la morale – je vous demande pardon – « sous la ceinture ». Mais les autres péchés, qui sont les plus graves, la haine, l’envie, l’orgueil, la vanité, tuer l’autre, ôter la vie… ceux-là on n’en parle pas tant que ça. Entrer dans la mafia, faire des accord clandestins… « Tu es catholique ? Alors donne-moi le chèque. »”

    Et plus loin, le Pape dit encore :

    “Les péchés de la chair sont les plus légers. Parce que la chair est faible. Les péchés plus dangereux son ceux de l’esprit. J’ai parlé d’angélisme : l’orgueil, la vanité sont des péchés d’angélisme. Les prêtres ont eu la tentation – pas tous, mais beaucoup – de se focaliser sur les péchés de la sexualité : ce que j’appelle la morale sous la ceinture. Les péchés plus graves sont ailleurs”.

    Wolton objecte alors : « Ce que vous dites n’est pas entendu ».

    Et le Pape répond :

    “Non, mais il y a des bons prêtres… Je connais un cardinal ici qui est un bon exemple. Il m’a confié, en parlant de ces choses là, que lorsqu’on vient le voir pour lui parler de ces péchés sous la ceinture, il dit tout de suite : « J’ai compris, passons à autre chose. » Il arrête la personne, comme pour dire : « J’ai compris, mais voyons si tu as quelque chose de plus important. » « Je ne sais pas. – Mais est-ce que tu pries ? Tu cherches le Seigneur ? Tu lis l’évangile ? » Il lui fait comprendre qu’il y a des échecs plus importants que ça. Oui, c’est un péché, mais… Il lui signifie « j’ai compris », puis il passe à autre chose. À l’inverse, il y en a certains, qui, quand ils reçoivent confession d’un péché de ce genre, demandent : « Comment tu l’as fait, et quand l’as-tu fait, et combien de temps ? »… Et ils se font un « film » dans leur tête. Mais ceux-là, ils ont besoin d’un psychiatre”.

    Le voyage du Pape au Panama a lieu moins d’un mois avant le sommet de tous les présidents des conférences épiscopales du monde entier qui se retrouveront afin de définir une stratégie commune pour gérer les abus sexuels et qui se déroulera du 21 au 24 février au Vatican.

    Il sera intéressant de voir comment, au cours de ce sommet, François arrivera à concilier sa minimisation de la gravité des péchés qu’il qualifie lui-même de « sous la ceinture » avec la stigmatisation des abus de pouvoir de la caste cléricale qu’il a lui-même à plusieurs reprises pointée du doigt comme étant la principale cause du désastre.

    Et ce n’est pas tout. On comprendra peut-être mieux dans quelle mesure le fait qu’il minimise les péchés sexuels – et les pratiques homosexuelles répandues au sein du clergé – explique ses silences et sa tolérance face à des des cas concrets d’abus de la part d’hommes d’Église de haut rang qu’il apprécie et qu’il favorise :

    > François et les abus sexuels. Le pape qui en savait trop

    Le cas de l’évêque argentin Gustavo Óscar Zanchetta est particulièrement interpellant à ce sujet. Après avoir été son confesseur, il l’a promu en 2013 évêque d’Oran avant de l’appeler à Rome en 2017 pour le nommer au sommet de l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique, malgré qu’à deux reprises, en 2015 et 2017 – comme Associated Press l’a montré le 20 janvier – des accusations concernant des comportements « sous la ceinture » inappropriés de sa part sur des jeunes séminaristes soient parvenues au Vatican depuis son diocèse, et par deux fois, le Pape lui a demandé des comptes à propos de ces accusations, avant de décider ensuite de le limoger de son diocèse mais aussi de le promouvoir à une charge encore plus prestigieuse, en considérant naturellement ses écarts comme étant peu importants et « légers » :

    > Ex-deputy to Argentine bishop says Vatican knew of misdeeds

  • Eglise: le pape François veut modifier la loi du célibat obligatoire pour les prêtres de rite latin

    IMPRIMER

    DieZeit_cover.jpgC’est ce qu’il a réaffirmé à l’hebdomadaire allemand « Die Zeit » le 9 mars dernier (voir ici  sur Belgicatho).  Il n’y a là aucun « scoop ». Le 13 juillet 2014, Eugenio Scalfari, fondateur et ancien directeur du quotidien italien de gauche « La Reppublica » avait déjà reproduit ce dialogue censé transcrire la parole même du pape régnant  à propos du célibat des prêtres:

     -« Comment va évoluer au fil du temps ce problème dans l'Eglise de Rome ? » 

    - «Peut-être ne savez-vous pas que le célibat a été établi au Xe siècle, c'est-à-dire 900 ans après la mort de notre Seigneur (1). L'Eglise catholique orientale a à ce jour la faculté que ses prêtres se marient. Le problème existe certainement mais n'est pas d'une grande ampleur. Il faut du temps, mais il y a des solutions et je les trouverai. »

    Le célibat ecclésiastique, une invention tardive ?

    Ceux qui comme le pape régnant voient dans le célibat des clercs majeurs une invention tardive (1) sont de moins en moins nombreux, car l’argument, tiré en fait d'une disposition du 2e concile de Latran (1139), ne résiste pas à une simple lecture du texte conciliaire : celui-ci a pour objet de frapper de nullité tout mariage contracté par un clerc déjà ordonné. Mais les auteurs qui font autorité reconnaissent généralement que le respect de la continence exigé des clercs est bien antérieur à cette époque. On en trouve la trace formelle dans un décret du concile d’Elvire (305 ou 306), dont on peut déduire qu'il "canonise" une pratique existante. Etablir le motif exact de celle-ci et la genèse précise de son développement est une autre question: c'est sur ce point que les auteurs divergent, bien plus que sur l'antiquité de la règle. 

    Approfondir la doctrine

    Par ailleurs, les seuls arguments historiques ou disciplinaires sont rarement décisifs pour mettre fin à une  contestation (ce n’est pas la première) dans un domaine aussi sensible : a fortiori lorsqu’elle refait surface  dans l’ambiance séculariste postconciliaire exaltant toutes les formes de liberté. C’est pourquoi, dans l’époque précédant le règne du pape François, la réflexion s’est surtout portée sur le développement théologique légitime de la doctrine du célibat ecclésiastique.

    Selon l’argumentaire avancé à ce titre, la prêtrise est un état avant d’être une fonction et si -selon l’adage- le prêtre devient un autre Christ, par le sacrement qui l’ordonne à son Seigneur, il doit lui être « configuré en tout ». Ceci expliquerait que le prêtre ne puisse être une femme et demeure célibataire.

     

    C’est aussi pourquoi le clergé marié des églises orientales a un aspect théologiquement « inabouti ». L’auteur de cette remarque est, sauf erreur, Benoît XVI qui, parlant de l’Eglise grecque dans le livre d’interviews "Le sel de la terre", réalisé par Peter Seewald (à chacun son journaliste de référence) considère avec peu de faveur le développement historique d’un tel clergé « de seconde zone » (l’expression est de Ratzinger).

    C’est dans le même sens d’un approfondissement doctrinal que le cardinal Alfons Stickler, très apprécié par l’ancien pape, conclut son étude « Le célibat des clercs, Histoire de son évolution et fondements théologiques » (texte traduit de l’allemand, publié aux Editions Pierre Téqui, Paris, 1998) et c’est également ce que pense le cardinal Mauro Piacenza, préfet de la congrégation du clergé sous le règne de Benoît XVI. Citant ce grand pape théologien lors d’un colloque organisé à Ars du 26 au 28 janvier 2011, il avait mis en lumière  la dimension eucharistique d’un célibat sacerdotal intimement lié à l’acte d’oblation totale de soi que fait l’ordinand, à l’image de Jésus, Souverain Prêtre :

    « L’offrande que le Christ fait à tout instant de Lui-même à l’Eglise doit se refléter clairement dans la vie des prêtres. Ceux-ci, écrit-il,  sont appelés à reproduire dans leur vie le Sacrifice du Christ à qui ils ont été identifiés par la grâce de l’ordination sacerdotale.

    « De la nature eucharistique du célibat découlent tous les développements théologiques possibles, qui placent le prêtre face à son office fondamental : la célébration de l’Eucharistie, dans laquelle les paroles : « Ceci est Mon Corps » et « Ceci est Mon Sang » n’opèrent pas seulement l’effet sacramentel qui est le leur, mais doivent façonner progressivement et concrètement l’offrande de la vie sacerdotale elle-même. Le prêtre célibataire est ainsi associé personnellement et publiquement à Jésus Christ ; il Le rend réellement Présent, et devient lui-même offrande, grâce à ce que Benoît XVI appelle : « la logique eucharistique de l’existence chrétienne ».

    « Plus on reviendra, dans l’Eglise, au caractère central de l’Eucharistie, célébrée dignement et adorée en tout temps, plus grandes seront la fidélité au célibat, la compréhension de sa richesse inestimable et, permettez-moi de le dire, la floraison de saintes vocations au ministère ordonné ».

    Une conversion des mentalités

    Pour être réellement compris, ce langage exige une conversion des mentalités et l’ouverture sur un monde tourné vers l’invisible : si la religion, dont c’est l’objet de nous en montrer le chemin, y renonce,  présentera-t-elle encore un réel  intérêt ?

    Il est a priori étrange que l’ordination d’hommes mariés  soit revendiquée dans des pays où la tradition du célibat sacerdotal est plus que millénaire et non par les jeunes chrétientés d’Afrique ou d’Asie. Là où manque désormais la foi, la discipline ecclésiastique semble un obstacle insurmontable. Je ne crois pas qu’il faille chercher plus loin.

     JPS

    (1)  le pape François ou plutôt son porte-plume Scalfari la situent erronément « au Xe siècle », mais ils veulent sans doute parler du XIe (réforme grégorienne) et du XIIe siècles  (2e concile du Latran).

  • A propos de la communication du pape François

    IMPRIMER

    La foule des fidèles n’est pas seulement  touchée par  l’affection démonstrative  que le pape lui voue lors de ses apparitions publiques. Ceux-ci et tous les autres lisent aussi ses interviews dans la presse : après celle de  Spadaro pour l’intelligenzia cléricale dans la « Civilta Cattolica » et celle de Scalfari, publiée par épisodes promis à une large audience dans la « Repubblica », on trouve aussi -quelques crans plus bas- le reportage de Caroline Pigozzi : dans « Paris Match » cette semaine,  la "spécialiste" des scandales du Vatileaks brode  autour de sa visite à François sur deux pleines pages, auxquelles s’ajoutent deux photos chacune sur deux pages. Soit pas moins de six pages en tout.La « com » dans la presse people et autre est-elle en passe de remplacer les encycliques ? C’est  la question que pose Sandro Magister sur le blog « chiesa » (Les encycliques ont un nouveau format: l'interview) :

     « ROME, le 7 octobre 2013 – Les jours passent et les deux interviews accordées par le pape François l’une au jésuite Antonio Spadaro, directeur de "La Civiltà Cattolica", et l’autre à Eugenio Scalfari, athée proclamé et fondateur du principal quotidien laïc italien, "La Repubblica", apparaissent de plus en plus comme des points de repère dans ce début de pontificat.

    Dans ces deux interviews, Jorge Mario Bergoglio explique quels sont les critères qui l’inspirent, il dit quelle est sa vision de l’état actuel de l’Église, il indique quelles sont ses priorités, il énonce son programme.

    Il est également très explicite quand il mentionne les points sur lesquels il prend ses distances par rapport à ses prédécesseurs Benoît XVI et Jean-Paul II:

    > Le virage de François

    L’adoption de la forme de l'interview pour communiquer avec les fidèles et avec le monde est une décision que le pape actuel a longtemps hésité à prendre.

    Le 22 juillet encore, lors de son voyage aller vers Rio de Janeiro, il s’était dérobé face aux journalistes : "À vrai dire, je ne donne pas d’interviews, mais je ne sais pas pourquoi, je ne peux pas, c’est comme cela... Pour moi c’est un peu fatigant". Mais ensuite, pendant le voyage de retour, il s’est prêté à une longue séance de questions-réponses sans préparation et sans protection, sur tous les sujets qui lui ont été proposés :

    > "Bonsoir et merci…"

    Une phrase qu’il a prononcée au cours de ce voyage a eu l’effet d’une bombe et elle a fait le tour du monde, lui apportant une énorme quantité d’approbations de la part de l’opinion publique laïque : "Si une personne est gay et cherche le Seigneur et qu’elle est de bonne volonté, mais qui suis-je pour la juger ?". Serait-ce une phrase qui lui aurait échappé dans le feu de l’improvisation ? Pas du tout. Non seulement le pape François l’a reprise dans la plus calibrée de ses interviews ultérieures, celle qu’il a accordée à "La Civiltà Cattolica", mais il l’a développée. En y ajoutant un corollaire à l’effet tout aussi explosif : "L'ingérence spirituelle dans la vie personnelle n’est pas possible".

    L'interview accordée à "La Civiltà Cattolica" a été le fruit d’une série d’entretiens entre le pape et celui qui l’interviewait. Elle a été mise par écrit avec beaucoup de soin. Elle a été contrôlée mot par mot par l’auteur avant impression. Elle a été publiée simultanément le 19 septembre par seize revues de la Compagnie de Jésus, en onze langues :

    > Interview du pape François

    On peut donc considérer à juste titre qu’elle constitue la première véritable "encyclique" du pape François et qu’elle est bien plus son œuvre que "Lumen fidei", qui est de facture classique et qu’il a héritée de Joseph Ratzinger.

    Une "encyclique" nouvelle par le format : justement celui de l’interview, qui vise à en faciliter la lecture et à en favoriser la diffusion. Nouvelle également par le degré d’autorité, qui est indubitablement moindre que celui des actes de magistère proprement dits mais qui peut cependant toujours être rattaché au "munus" pontifical.

    Depuis ce moment, le pape François montre qu’il apprécie particulièrement cette modalité de communication. L'interview réalisée par Scalfari en est la preuve. En se confiant à une personnalité très connue de la pensée laïque et à un journal à fort impact sur l’opinion publique tel que "La Repubblica", le pape a obtenu un niveau d’écoute infiniment supérieur à celui de l'interview qu’il a accordée à "La Civiltà Cattolica". Il l’a fait en prenant consciemment des risques. L'interview a été publiée dans "La Repubblica" du 1er octobre, sous la signature de Scalfari, sans que le pape François en ait lu le texte au préalable. Mais, le même jour, "L'Osservatore Romano" l'a reproduite intégralement et le site officiel vatican.va l’a à son tour mise en ligne parmi les "nouvelles" du moment, comme il le fait pour les autres discours du pape. C’est le signe que le pape François la reconnaît comme une transcription fidèle de sa pensée.

    Pour ce qui est du contenu, l'interview accordée à Scalfari aborde, comme celle de "La Civiltà Cattolica", toutes sortes de sujets, même si elle le fait plus brièvement.

    Elle y ajoute des éléments nouveaux, mais en reprend certains qu’elle réaffirme. En particulier ce passage concernant la subjectivité de la conscience qui est celui qui avait soulevé le plus d’objections. Là encore sans diluer ou atténuer ses propos précédents. Mais plutôt en les renforçant : "Chacun de nous a son idée en ce qui concerne le Bien et le Mal et il doit choisir de suivre le Bien et de combattre le Mal tels qu’il les conçoit".

    Dans la préface du premier volume de sa trilogie consacrée à Jésus, Joseph Ratzinger-Benoît XVI avait écrit : "Ce livre n’est pas un acte magistériel ; par conséquent chacun est libre de me contredire". Le pape François ne dit pas cela expressément. Mais on peut présumer que cette liberté s’applique aussi à lui, quand il adopte une forme d’expression aussi clairement ouverte à la controverse que l’interview.

    On trouvera ci-après le texte complet d’un vigoureux échantillon de contradiction suscité par les interviews du pape François : le professeur Pietro De Marco, qui est l’auteur de cette note, est enseignant à l'université de Florence et à la faculté de théologie d'Italie centrale.  JPSC :

    Un message "liquide", par Pietro De Marco

    Je me sens tenu en conscience d’interrompre le chœur de courtisans, composé de personnalités laïques et ecclésiastiques trop connues, qui accompagne depuis plusieurs mois les interventions publiques du pape Jorge Mario Bergoglio. C’est le chœur de ceux qui applaudissent le côté "nouveau" du pape alors qu’ils savent qu’il ne l’est pas, et qui ne parlent pas des véritables "nouveautés" lorsque celles-ci sont embarrassantes. Voilà pourquoi je suis contraint à signaler quelques-unes des approximations réitérées dans lesquelles tombe la parole spontanée et séduisante du pape François. 

    Personne n’évite complètement les approximations et les exagérations dans les conversations quotidiennes et privées, réunissant un petit nombre de gens, mais toute personne qui a des responsabilités envers un grand nombre de gens – un enseignant, par exemple – adoptera en public un autre registre et s’efforcera d’éviter l’improvisation. Or nous avons maintenant un pape qui s’exclame : “Qui suis-je pour juger ?”, comme on peut le dire avec emphase à table ou en prêchant des exercices spirituels. Mais, face à la presse et au monde, un “qui suis-je pour juger ?” dit par un pape est objectivement en contradiction avec toute l’histoire et avec la nature profonde de la fonction pétrinienne et cela donne en outre la sensation désagréable d’une sortie incontrôlée. En raison de sa fonction vicariale par rapport au Christ, et non pas en tant qu’individu, le pape juge. Puisque le pape François se montre, quand il le veut, conscient de ses pouvoirs en tant que pape, il s’agit – quoi qu’il ait voulu dire – d’une véritable erreur de communication.

    Nous avons par ailleurs lu dans l’interview accordée à "La Civiltà Cattolica" la phrase : “L’ingérence spirituelle dans la vie personnelle n’est pas possible”, qui semble regrouper sous le concept liberal-libertaire de l’“ingérence” à la fois le jugement théologico-moral, l’évaluation publique de l’Église, quand elle est nécessaire, et même l’intervention d’un confesseur ou d’un directeur spirituel qui signale, prévient ou sanctionne des comportements intrinsèquement mauvais. Ici le pape Bergoglio fait sien, involontairement, un lieu commun typique de la postmodernité, selon lequel la décision individuelle est, en tant que telle, toujours bonne ou tout au moins toujours dotée de valeur, dans la mesure où elle est personnelle et libre, comme on pense naïvement qu’elle l’est, et donc inattaquable.

    Ce glissement relativiste, qui n’est plus rare désormais dans la pastorale courante, est couvert – et pas uniquement chez Bergoglio – par des appels à la sincérité et au repentir de l’individu, presque comme si la sincérité et le repentir faisaient disparaître la nature du péché et interdisaient à l’Église d’appeler celui-ci par son nom. De plus il est douteux que rester silencieux et respecter ce que chacun d’entre nous fait parce qu’il est libre et sincère quand il le fait soit une manifestation de miséricorde : nous avons toujours su que révéler – et non pas dissimuler - la nature d’un comportement de péché est un acte éminemment miséricordieux, parce que cela permet au pécheur le discernement de soi-même et de son état, selon la loi et l’amour de Dieu. Si un pape paraît confondre la primauté de la conscience avec une sorte d’injugeabilité, ou plutôt d’immunité par rapport au jugement de l’Église, cela constitue pour l’autorité du pape et pour le magistère ordinaire un risque qui ne peut pas être sous-évalué. 

    Dans l’interview accordée à "La Civiltà Cattolica" le pape revient sur le "qui suis-je pour juger ?" et confirme : “Si une personne homosexuelle est de bonne volonté et qu’elle est à la recherche de Dieu, je ne suis pas là pour la juger. […] La religion a le droit d’exprimer son opinion au service des gens, mais Dieu, dans la création, nous a rendus libres”.

    D’une part l’utilisation répétée de ce “qui suis-je ?” confirme que, comme beaucoup de gens, François considère le mot “juger” comme un synonyme de “condamner”, ce qui est générateur de confusion, parce qu’un jugement n’est pas nécessairement une condamnation et que bien souvent ce n’est pas le cas. D’autre part elle accentue l’idée qu’aucun d’entre nous, pas même le pape, ne peut légitimement formuler un jugement. Mais c’est faux : chacun d’entre nous peut être juge dans quelque système que ce soit, et même dans l’Église, s’il a acquis les compétences pour cela, et le pape est juge en raison du mandat qui lui est propre. De plus, ou bien personne n’est jamais légitime pour juger, parce que seul Dieu l’est, ou bien on ne voit pas pourquoi il n’y aurait que dans le cas de l’homosexualité que l’on ne trouve pas l’instance chargée de juger. 

    De plus, si, comme le dit le pape, “la religion” – ce qui est une manière expéditive de désigner l’histoire, les institutions et les trésors de grâce fondés dans le Christ dont le pape est le garant – “a le droit d’exprimer son opinion au service des gens”, mais si elle ne doit pas interférer dans la liberté, il n’y a plus de place ni pour la Loi de Dieu ni pour la Charité. La liberté en tant que telle devient véritablement l’absolu. Et il est certain que, si “la religion” se réduit à un groupe d’opinion, elle ne peut pas représenter le juge. De plus, qui a besoin de la Charité si sa liberté l’absout avant tout jugement ? 

    La formule de l’Église “au service des gens” revient également dans les propos du pape à propos de la réforme liturgique, qui aurait été “un service au peuple en tant que relecture de l’Évangile à partir d’une situation historique concrète”. Définition stupéfiante, qui ramène les signes sacrés en-dessous même de ce qu’ils sont devenus - bien peu de choses - dans les églises protestantes. À quoi a servi un siècle et demi de "ressourcement" liturgique ? 

    On dira qu’il ne faut pas ergoter sur des propos tenus au cours d’une conversation entre confrères jésuites. Mais, s’il en est ainsi, il aurait été bon que cette conversation reste dans la mémoire privée du pape Bergoglio et du père Antonio Spadaro. En arriver à ce que l’on puisse lire dans "La Civiltà Cattolica" – qui a magnifiquement combattu en faveur de la vérité catholique et de Rome au moins jusque dans les années Cinquante – que, pour l’actuel successeur de Pierre, la doctrine, les traditions et la liturgie sont devenues la possibilité et l’éventualité de donner un avis et d’"offrir un service", est une humiliation qui pouvait être épargnée à l’Église.

    On peut lire dans "La Repubblica" du 1er octobre d’autres affirmations discutables du pape Bergoglio. Nous apprenons que “le prosélytisme est une solennelle sottise, il n’a pas de sens”, en réponse à une question sur le thème de la conversion posée ironiquement par Eugenio Scalfari ("Vous voulez me convertir ?"). Mais chercher la conversion d’autrui n’est pas une “sottise” ; on peut le faire de manière sotte, ou bien sublime comme cela a été le cas pour de nombreux saints. Je rappelle que les époux Maritain, Jacques et Raïssa, qui étaient eux aussi des convertis, désiraient ardemment le retour à la foi de leurs grands amis et y travaillaient. Pourquoi éluder le thème de la conversion en la confondant avec le “prosélytisme”, mot chargé d’une connotation péjorative ?

    Ensuite nous avons lu que, face à l’objection relativiste de Scalfari : “Y a-t-il une seule vision du bien ? Et qui la définit ?”, le pape concède que “chacun de nous sa vision du bien” et que “nous devons l’inciter à aller vers ce qu’il considère comme étant le bien”.

    Mais si chacun de nous a “sa vision du bien” qu’il doit pouvoir réaliser, ces visions seront forcément d’une très grande diversité, en opposition et en conflit souvent mortel, comme le prouvent l’actualité et l’histoire. Inciter chacun à agir selon sa vision personnelle du bien c’est, en réalité, inciter à la lutte de tous contre tous, une lutte sans fin, parce que menée pour le bien et non pas pour l’utile ou autre concept contingent. C’est pour cette raison que les visions particulières – y compris celles qui sont guidées par les intentions les plus droites – doivent être régies par un souverain, ou de manière moderne par les lois, et en dernier lieu par la loi du Christ, qui ne comporte aucune nuance concessive du point de vue individualiste.

    Peut-être le pape François voulait-il dire que, selon la doctrine catholique de la loi naturelle, l’homme a la capacité originelle, une impulsion première et fondamentale, donnée à tous par Dieu, de distinguer ce qui est bien en soi de ce qui est mal en soi. Mais ici s’insère le mystère du péché et de la grâce. Peut-on admirer Augustin, comme le fait le pape, et omettre le fait que, dans tout ce que l’homme "considère comme étant le bien”, il y a également toujours le péché qui agit ? Qu’en est-il de la dialectique entre la cité de Dieu et la cité de l’homme et du diable, “civitas” de l’amour de soi ? Si le bien était ce que l’individu "considère comme étant le bien", et si la convergence de ces pensées sauvait l’homme, pourquoi aurait-on eu besoin de la loi positive en général, de la loi de Dieu en particulier, et de l’incarnation du Fils ?

    Le pape affirme aussi : "Vatican II, inspiré par le pape Jean et par Paul VI, a décidé de regarder l’avenir avec un esprit moderne et d’ouvrir à la culture moderne. Les pères conciliaires savaient qu’ouvrir à la culture moderne signifiait œcuménisme religieux et dialogue avec les non croyants. A partir de ce moment-là, très peu a été fait dans cette direction. J’ai l’humilité et l’ambition de vouloir le faire”.

    Tout cela ressemble à un "a priori" peu critique. Que d’“œcuménisme” destructeur et de “dialogue” soumis aux idéologies du Moderne nous avons vus à l’œuvre au cours des décennies passées, que seule Rome, de Paul VI à Benoît XVI, a endigués ! Le Bergoglio qui a critiqué les théologies de la libération et de la révolution ne peut pas ne pas savoir que le dialogue avec la culture moderne mis en œuvre après le concile fut bien autre chose qu’un “œcuménisme” poli.

    Il se confirme que le pape François est le religieux typique de la Compagnie de Jésus dans sa phase récente, converti par le concile au cours de ses années de formation, spécialement par ce que j’appelle le “concile extérieur”, le Vatican II des attentes et des lectures militantes, créé par certains épiscopats, par leurs théologiens et par les médias catholiques les plus influents. L’un de ces hommes d’Église qui, avec leur ton insinuant et souple, avec leurs valeurs indiscutables, sont en même temps les “conciliaires” les plus rigides, convaincus, un demi-siècle plus tard, que le concile est encore à réaliser et qu’il faut faire les choses comme si l’on était encore dans les années Soixante, dans un corps-à-corps avec l’Église “pacellienne” et la théologie néo-scolastique, sous l’influence du paradigme laïc ou marxiste de la modernité. 

    Au contraire : ce que cet “esprit conciliaire” voulait et pouvait faire a été dit ou expérimenté au fil des décennies et aujourd’hui il s’agit avant tout de faire un bilan critique de ses résultats, qui sont parfois désastreux. Cette annonce tenace de la miséricorde divine par le pape François correspond à un comportement pastoral qui est désormais courant dans le clergé et qui va jusqu’à ce laxisme que le pape critique par ailleurs. Ce n’est pas tout. Le thème du péché a presque disparu de la catéchèse, ce qui fait disparaître le besoin même de miséricorde. Plutôt que de promouvoir d’une manière générale des attitudes de miséricorde, il s’agit aujourd’hui de reconstruire une théologie morale qui soit moins faite de paroles et qui soit de nouveau capable de guider le clergé et les fidèles dans les cas concrets. Dans le domaine de la théologie morale aussi, la voie de la véritable mise en œuvre du concile a été rouverte par l’œuvre magistérielle de Karol Wojtyla et de Joseph Ratzinger.

    Certains soutiennent que François peut être, en tant que pape postmoderne, l’homme de l’avenir de l’Église, au-delà des traditionalismes et des modernismes. Mais ce qu’il y a en lui de postmoderne – comme la “liquidité” des formes, la spontanéité dans les apparitions publiques, l’attention portée au village mondial – est superficiel. Avec sa souplesse et ses esthétismes, le postmoderne est peu plausible chez un évêque d’Amérique Latine, région où le Moderne marxiste a dominé longuement, jusqu’à hier, au sein de l’intelligentsia. Le noyau dur de Bergoglio est et reste “conciliaire”. Sur la voie empruntée par ce pape, si elle se confirme, je vois surtout la cristallisation du conciliarisme pastoral qui est prédominant chez les clercs et chez les laïcs actifs.

    Certes, si Bergoglio n’est pas postmoderne, l’accueil qui lui est fait dans le monde l’est. Le pape plaît à droite comme à gauche, aux pratiquants et aux non croyants, sans distinction. Son message prédominant est “liquide”. Toutefois, sur ce succès, on ne peut rien construire, mais seulement remanier quelque chose de préexistant, et pas le meilleur.

    Il existe des signes de cette forme “liquide” qui sont préoccupants pour quelqu’un de peu enclin au bavardage relativiste de cette modernité tardive :

    a) se laisser aller à des phrases toutes faites du genre “chacun est libre de faire…”, “qui dit que les choses doivent être ainsi …”, “qui suis-je pour…”, qu’il laisse échapper parce qu’il est convaincu qu’elles favorisent le dialogue et sont au goût du jour. Se présenter comme un simple évêque, pour justifier des comportements peu formels, ne correspond pas et ne peut pas correspondre au poids différent et à la responsabilité différente que portent ses paroles, quelles qu’elle soient, parce que l’évêque de Rome et le pape ne font qu’un ;

    b) l’absence d’un contrôle exercé par des personnes de confiance, sages, cultivées et italiennes, sur les textes destinés à circuler, peut-être parce que le pape pense que ce n’est pas nécessaire ;

    c) une certaine tendance à être autoritaire (“je ferai tout pour…”) qui forme un contraste singulier avec ses fréquentes attitudes pluralistes mais qui est typique des “révolutionnaires” démocrates, avec un risque de collisions imprudentes avec la tradition et le "sensus fidelium" ;

    d) de plus, le pape François garde sa façon inadaptée de prendre continuellement des initiatives de communication publique individuelle et sa volonté de vivre sans filtres (sa comparaison symptomatique de l’appartement pontifical avec un entonnoir), qui révèlent son indisponibilité à se sentir homme de gouvernement (ce qui est plus difficile que d’être réformateur) dans une institution très haute et “sui generis” comme l’Église catholique.  Il a, par moments, un comportement de manager moderne et informel, de ceux qui ont des rapports fréquents avec la presse. Mais cette façon de s’agripper à des personnes ou à des choses extérieures – collaborateurs, amis, presse, opinion publique, son appartement à la maison Sainte-Marthe lui-même est “en dehors” – comme si l’homme Bergoglio craignait de ne pas savoir quoi faire une fois resté seul, en tant que pape, dans l’appartement des papes, n’est pas positive. Et cela ne pourra pas durer. Les médias aussi se lasseront de servir de berge à un pape qui a trop besoin d’eux.

    Deux remarques pour finir.

    1. À ceux qui invoquent le style ignatien d’approche du pécheur ou de celui qui est éloigné, je réponds que cela concerne les rapports en for interne ou la direction de conscience ou l’entretien privé. Mais si le pape s’exprime ainsi en public, ses paroles entrent dans le flux du magistère ordinaire, elles deviennent catéchèse. Nous savons tous que le slogan conciliariste “du bâton à la miséricorde” visait moins à adoucir les confesseurs qu’à affaiblir l’autorité de Rome.

    2. Le modèle d’expression choisi par Bergoglio ne peut pas être poussé jusqu’au point limite où il investit le magistère ordinaire et le rend peu ou pas contraignant. Les pouvoirs d’un pape ne s’étendent pas à la nature même de son "munus", qui le transcende et lui impose des limites. Je n’approuve pas les extrémismes traditionalistes, mais il ne fait aucun doute que la tradition est la norme et la force du successeur de Pierre. 

    Florence, le 2 octobre 2013

  • Le pape François s'apprêterait à autoriser l'ordination d'hommes mariés

    IMPRIMER

    Lu sur le site Diakonos.be :

    Il Sismografo

    LE PAPE S'APPRÊTERAIT BIEN À AUTORISER L'ORDINATION DE PRÊTRE MARIÉS

    Le chilien ultrabergoglien Luis Badilla vient de publier sur son blog "Il Sismografo", un site d'informations officieux proche du Vatican, un article intitulé : "Il est certain que dans l'exhortation apostolique sur le Synode amazonien, le Pape ouvrira la possibilité d'ordonner prêtre des hommes idoines et reconnus par la communauté dans les diocèses d'Amazonie."

    Selon lui, début février, le Pape publiera une exhortation post-synodale qui autorisera l'ordination de diacres mariés à la prêtrise en Amazonie.

    L'article du Sismographe se base sur des sources proches du dossier et cite plusieurs articles du rapport post-synodal qui vont dans ce sens.

    La question de savoir si le célibat - et surtout la continence - sont intrinsèquement liés à la prêtrise ou pas divise actuellement l'Eglise: certains, se basant sur une lecture historique, prétendent qu'il ne s'agit que d'une question purement disciplinaire que l'Eglise pourrait donc abolir. Mais d'autres, comme le cardinal Sarah et le pape émérite Benoît XVI, se basant sur une lecture théologique, expliquent qu'il s'agit d'une question dogmatique, ancrée dans la vie du Christ lui-même et de ses apôtres, et qui trouve ses racines dans les anciens prêtres d'Israël.

    La méthode synodale fait également débat: certains prétendent qu'il faut suivre la voix de la majorité mais d'autres s'interrogent sur le fait qu'un synode local, ne regroupant qu'un petit nombre d'évêques triés sur le volet et souvent assez orientés sur les positions progressistes allemandes, puisse se prononcer une matière qui concerne en fait l'Eglise toute entière. En effet, plusieurs évêques allemands ont annoncé que si on ouvrait une exception pour l'Amazonie, ils l'exigeraient également pour leurs diocèses en Europe qui sont aussi en manque de prêtres.

    Voici la conclusion, péremptoire, de Luis Badilla, qui se passe de commentaires:

    "Les analyses, les considérations et les conclusions de la majorité des pères synodaux sont donc claires et précises, comme nous l'avons illustré. Comment le Pape François, qui a justement voulu ce synode pour entendre l'opinion des pères synodaux, pourrait-il ignorer une prise de position qui a recueilli le soutien d'une majorité qualifiée bien supérieure à ce qu'exigeait le règlement ?

    Selon plusieurs sources proches du dossier, il semble que dans son exhortation, le Pape François autorisera ces ordinations [de diacres mariés à la prêtrise] exactement comme on peut le lire au paragraphe 111, tout en sachant qu'une certaine frange de la hiérarchie et du Peuple de Dieu y est opposé et ne partage pas cette décision. Il s'agit d'une minorité, respectable certes mais une petite minorité de l'Eglise. Le Pape François lui-même l'a rappelé avec douceur et sympathie, comme l'a rapporté aujourd'hui Eugenio Scalfari dans son article sans être démenti.

    François est également bien conscient que le sujet sera instrumentalisé pour créer des divisions et des tensions au sein de l'Église comme cela a déjà été le cas pour d'autres sujets. Aujourd'hui, la stratégie des multiples opposants au Pape, c'est-à-dire d'une myriade de groupuscules et de faiseurs d'opinion, divisés entre eux, est d'utiliser la seule arme dont ils disposent allègrement : les campagnes médiatiques, grâce auxquelles ils récoltent de plantureux financements. Le dernier exemple est date est ce battage médiatique en France, à grand renfort de publicité éditoriale et journalistique, autour du fameux livre du card. Robert Sarah, avec la contribution de l'évêque émérite de Rome.

    Mais ce ne sont pas ces bavardages médiatiques qui arrêteront le Pape françois et la majorité du Peuple de Dieu qui veut aller de l'avant sans se laisser intimider, même quand on a voulu ces derniers - en mentant - faire passer une question disciplinaire comme étant une question doctrinale."

    Source: ilsismografo.blogspot.com/2020/01/vaticano-e-certo-che-nellesortazione.html

    Lire également : http://www.benoit-et-moi.fr/2020/2020/01/19/une-nouvelle-conception-de-la-relation-entre-doctrine-et-pratique/

  • Quand la communication vaticane cafouille

    IMPRIMER

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso en traduction française sur Diakonos.be :

    Communicateurs du Vatican en pleine confusion.  Mais le Pape aime ça

    Incroyable mais vrai.  La nouvelle information explosive que le Pape vient de donner, c’est que lors de la dernière Cène, Jésus a institué non pas un mais « deux Sacrements », l’Eucharistie et le lavement des pieds, pour un total de non plus sept mais bien huit sacrements.  Vous n’y croyez pas ?  Lisez ci-dessus.  Parce que c’est bien ce qui est écrit dans la version italienne des déclarations de François dans son message vidéo aux évêques et aux prêtres du Venezuela diffusée le 19 janvier par la salle de presse du Vatican.

    Fort heureusement, dans l’original espagnol du message vidéo, le Pape disait autre chose.  Il parlait non pas de « dos Sacramentos » mais de « dos instituciones que Jesús lleva a cabo en la Última Cena », c’est-à-dire non pas de « deux Sacrements » mais de « deux actes institutifs que Jésus a accompli lors de la dernière Cène ».

    Il est à peine croyable que la machine de communication du Vatican en arrive à tomber dans de tels contresens.  Mais ce n’est pas tout.  Ce dont nous venons de parler n’est qu’une petite partie qui illustre un état de confusion généralisé.

    Trois jours plus tôt, le 16 janvier, le Pape François avait reçu en audience Paolo Ruffini, Préfet du Dicastère pour la communication.  Et dix jours plus tard, le message annuel du Pape pour la journée mondiale des communications sortait, avec les tirades habituelles contre les « fake news ».  Mais en la matière, il semble que le Vatican donne plutôt un mauvais exemple.

    Pour s’en rendre compte, il suffit de parcourir le catalogue à rebours.

    *

    Les premiers jours de l’année 2021, le Pape François était en grande forme.  Le 2 janvier, il accordait une grande interview à la « Gazzetta dello Sport », le numéro un des quotidiens sportifs italiens.  Puis un article à la une de « Vanity Fair ».  Puis un dossier spécial dans « Vogue ».  Et encore, dimanche 10 janvier, une interview exclusive et un documentaire en prime time sur Canale 5, le fleuron des télévisions privées italiennes.

    Une planification parfaite, en apparence.  Mais si l’on y regarde de plus près, le scénario est très différent.

    Passe encore pour « Vanity Fair » et pour « Vogue », où l’on retrouve un minimum de coordination entre le Pape et les responsables de la communication vaticane, comme en témoigne un article d’Andrea Tornielli sur la première revue et une note du P. Antonio Spadaro sur la seconde.

    Mais l’interview du Pape François à la « Gazzetta dello Sport » est une toute autre histoire.  C’est d’autant plus vrai que ni « L’Osservatore Romano » ni les autres médias du Vatican n’y ont fait la moindre allusion.  C’est le vice-directeur du journal, Pier Bergonzi, qui a interviewé le Pape.  Mais celui qui a tout organisé, c’est don Marco Pozza, chapelain de la prison de Padoue, qui n’occupe aucune fonction officielle au Vatican mais qui, dans les faits, est l’attaché médiatique de prédilection de Jorge Mario Bergoglio.  C’est à lui qu’on doit la série d’interviews avec le Pape sur le « Notre Père », sur le « Je vous salue Marie » et sur le « Credo » qui ont été diffusées sur TV 2000, la chaîne de la Conférence épiscopale italienne.  C’est à l’une de ces interviews que l’on doit le fait qu’aujourd’hui, la traduction du « Notre Père » ait changé dans les églises italiennes, pour se conformer aux injonctions télévisées du Pape.  Il n’est donc pas étonnant que don Pozza se soit ensuite plaint le 3 janvier sur son blog personnel du silence, voire de la « censure » que les les médias du Vatican lui ont infligée à lui et plus encore au Pape.

    Et puis il y a avant tout cette impétuosité du Pape Bergoglio.  Au lendemain de la publication de son interview à la « Gazzetta dello Sport », le Pape a appelé le journal pour se réjouir de « l’excellent travail d’équipe ».  Alors que pour l’interview sur Canale 5, il s’est lui-même mis en contact avec le journaliste qui l’a interviewé, Fabio Marchese Ragona, et c’est lui qui a fixé le rendez-vous à Sainte-Marthe.  Là encore avec le soutien de don Pozza, qu’il n’a pas manqué d’inviter pour commenter sur les ondes l’interview qui venait à peine d’être diffusée, y compris le passage où le Pape avait déclaré que le vaccin contre le Covid était moralement obligatoire alors qu’il l’avait lui-même défini comme « volontaire » quelques semaines plus tôt, dans une instruction du 17 décembre de la Congrégation pour la Doctrine de la foi.

    En outre, à la différence de toutes les interviews papales précédentes, enregistrées par une équipe du Vatican et contrôlées avant d’être diffusées, l’interview sur Canale 5 a été enregistrée à Sainte-Marthe par la chaîne elle-même, en exclusivité et sans la moindre intervention du Dicastère pour la communication.

    Toujours avec le soutien de don Pozza, on vient d’annoncer la diffusion – cette fois sur Nove, la chaîne italienne de Discovery – d’autres interviews dans lesquelles le Pape François nous dira ce qu’il pense des sept péchés capitaux, des quatre vertus cardinales et des trois vertus théologales.  Sans parler d’une série de quatre nouveaux épisodes avec le Pape qui vont bientôt sortir sur Netflix.

    *

    Autre cas d’école, entre novembre et décembre : les bordées contre l’avortement lancées par François dans certaines lettres privées adressées à des amis argentins, à l’approche du double vote, au congrès et au sénat, qui allait en approuver la légalisation totale.

    Settimo Cielo en a donné un compte-rendu détaillé.  Ce n’est pas le Pape qui a révélé le contenu de ces lettres mais bien les destinataires, parce qu’en public et officiellement, François s’est astreint au silence le plus absolu en la matière, aussi bien avant l’approbation de la loi qu’après.

    Et les médias du Vatican eux-mêmes n’ont jamais fait allusion à ces lettres.  Dans ce cas, en totale concordance avec le dosage décidé par le Pape entre ses paroles privées et ses silences publics, un dosage naturellement apprécié par les législateurs argentins.

    Il est en outre révélateur, concernant sa philosophie de la communication, de lire ce que le Pape François a écrit dans l’une de ses lettres manuscrites.  Dans les médias – a-t-il expliqué – très souvent « on ne sait pas ce que je dis ».  En fait, « on sait ce qu’eux disent que je dis », souvent à travers l’ « entendu dire » de personnes qui se vantent d’une amitié et d’une proximité avec le Pape qu’ils n’ont pas en réalité, comme par exemple – a-t-il précisé – l’ex-présidente argentine Cristina Kirchner et l’activiste des « mouvements populaires » Juan Grabois.  D’où la prédilection du Pape Bergoglio pour les interviews directes, sans intermédiaires entre lui et le peuple.

    *

    Mais il y a interview et interview.  Parmi les nombreux entretiens accordés jusqu’ici par le Pape, celles entre lui et Eugenio Scalfari, fondateur du grand quotidien laïque « La Repubblica » et grand athée devant l’éternel, sont un cas à part.  En huit années, elles frisent désormais la dizaine, presque toutes à l’initiative du pape et ensuite transcrites par Scalfari avec des omissions désinvoltes de choses qui ont été dites et des ajouts de choses qui n’ont pas été dites, comme l’admet d’ailleurs candidement Scalfari lui-même, une chose que le Pape Bergoglio accepte placidement, malgré qu’on lui fasse dire tout et n’importe quoi, que l’enfer n’existe pas, que Dieu n’est pas catholique, qu’il n’y a qu’une seule religion, etc.

    Au début, après chaque entretien, la salle de presse du Vatican, à l’époque dirigée par le père Federico Lombardi, avertissait qu’il fallait prendre avec des pincettes les déclarations que le célèbre journaliste mettait dans la bouche du Pape.  Mais ensuite, la salle de presse a baissé les bras et n’a plus rien dit, sauf une autre fois, quand même le « Times » de Londres avait titré « Le pape abolit l’enfer ».

    Mais c’est ce qui plaît au Pape François.  Et à Scalfari aussi.  Ses dernières sorties retentissantes sont parues dans « La Repubblica » le 20 et le 22 novembre, faisant cette fois référence à un coup de téléphone « émouvant » du Pape pour le remercier de l’article de la veille.

    À propos de coups de téléphone transformés par le Pape en message public, le 20 novembre, « America », l’hebdomadaire des jésuites de New-York, partisans pur et durs du Pape Bergoglio, avait donné l’information que François avait appelé ces derniers jours son ami Evo Morales, l’ex-président de la Bolibie et champion de la gauche populiste indigéniste, pour le féliciter de la victoire électorale de son parti.  Sans que le Pape se préoccupe le moins du monde de la consternation des évêques boliviens, à plusieurs reprises maltraités par le même Morales.

    *

    Autre grand moment de confusion sous les cieux : l’information-choc, relayée dans les médias du monde entier, de ces déclarations du Pape, dans un film du réalisateur américain Evgeny Afineevsky présenté le 21 octobre au Festival du Cinéma de Rome :

    « Les personnes homosexuelles… ont droit à une famille…  Ce que nous devrions faire, c’est une loi de cohabitation civile ».

    En réalité, cette déclaration était issue du montage de fragments d’une précédente interview de François à la journaliste mexicaine Valentina Alazraki ; une interview en partie coupée, à l’époque, par les réviseurs du Vatican, mais qui avait de toute évidence été mise à disposition du réalisateur dans son intérêt.

    Dans l’interview originale, le Pape François n’avait jamais béni les « familles » et les mariages entre personnes de même sexe.  Mais c’était ce que le film lui faisait dire.

    Et pourtant, devant à cette manipulation honteuse des déclarations du Pape, quelle a été la réaction des responsables du Vatican ?

    Une réaction de silence complet.  La salle de presse et les médias du Saint-Siège, pour être bien certains que le sujet ne vienne pas sur la table, ont même omis de donner l’information que l’après-midi du jeudi 22 octobre, dans les jardins du Vatican, en présence de Paolo Ruffini, Préfet du Dicastère pour la communication, on avait décerné au réalisateur Afineevsky le Kineo Movie for Humanity Award pour son documentaire « Francesco ».

    Mais le plus impressionnant, ce fut le silence du Pape, qui avait reçu en audience Afineevsky en grandes pompes, à grand renfort de gâteau d’anniversaire.  De toute évidence, pour lui, il n’y avait rien à rectifier.

    Ce n’est que dix jours plus tard, le 31 octobre, qu’on a été mis au courant d’une correction timide et presque clandestine de ce méfait quand le nonce apostolique au Mexique, Franco Coppola, a publié sur son compte Facebook une « Note de précision pour comprendre certaines expressions du pape dans le documentaire ‘Francesco’ », envoyée de manière confidentielle par la Secrétairerie d’État à lui et aux nonces apostoliques du monde entier.

    *

    Même la bataille pour la démocratie à Hong Kong, avec en première ligne les catholiques de la ville, a fait les frais de la confusion qui règne au Vatican.

    L’incident s’est produit lors de l’Angélus du 5 juillet.  Une heure avant midi, la salle de presse avait fait parvenir aux journalistes accrédités le texte que le Pape allait lire peu après.  Dans ce texte figurait – après des mois de silence absolu – un premier soutien prudent aux défenseurs de la démocratie à Hong Kong, sur une douzaine de lignes rédigées dans le style diplomatique de la Secrétairerie d’État.

    Mais ensuite, depuis la fenêtre du Palais Apostolique, le Pape François a complètement sauté ce paragraphe.  De sa propre initiative ?  Probablement oui.  Tout comme c’est certainement lui, lors de l’Angélus du dimanche suivant, le 12 juillet, qui a décidé d’ajouter cette déclaration improvisée à propos de la transformation en mosquée de la basilique de Constantinople Sainte-Sophie : « La mer entraîne mes pensées au large : vers Istanbul.  Je pense à Sainte-Sophie et je suis très attristé ».  Panique à la Secrétairerie d’État, à cause de la crainte de représailles de la part du susceptible président turc Erdogan.

    Résultat : depuis lors, la salle de presse du Vatican a cessé de fournir à l’avance aux journalistes accrédités les déclarations du Pape prévues pour l’Angélus suivant, pour éviter les problèmes liés à son imprévisibilité.

    Et le silence du Pape François sur Hong Kong s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui, malgré les nombreuses voix qui se sont élevées en protestation, dont celle de Lord Christopher Patten, le dernier gouverneur britannique de la ville chinoise, recteur de l’Université d’Oxford et ancien président de la BBC, un catholique, appelé au Vatican entre 2014 et 2015 pour présider une commission d’experts chargée justement de clarifier une réforme du système de communication du Saint-Siège.

    *

    Une dernière perle de cette anthologie : le communiqué émis par la salle de presse du Vatican le 6 mars 2020, qui disait textuellement :

    « En accueillant la proposition du Conseil des Cardinaux et du Conseil pour l’Économie, Sa Sainteté François a décidé d’instituer la ‘Direction Générale du Personnel’ auprès de la Section pour les Affaires Générales de la Secrétairerie d’État ».

    Le communiqué se poursuivait en fournissant des détails précis sur les pouvoirs du nouveau service.  Et il se concluait par cette affirmation solennelle :

    « Il s’agit d’une avancée de grande importance dans le parcours de réformes mis en œuvre par le Saint-Père ».

    Sauf que rien n’était vrai.  Le jour suivant, la salle de presse a dû communiquer que l’institution du nouveau service n’en était encore qu’au stade d’une « proposition » avancée par quelques cardinaux et que « Le Pape, après les avoir entendus, l’étudierait et que, s’il le juge opportun, il en définira la structure en temps utile dans les modalités décidées par lui par un Motu proprio à cet effet ».

    Un motu proprio dont, encore aujourd’hui, presque un an plus tard, 

  • Corriger le pape pour obéir au Christ ?

    IMPRIMER

    Où va l'Eglise ? (source : "Benoît et moi")

    En marge d'un congrés qui se tiendra à Rome demain en mémoire du cardinal Caffara, Riccardo Cascioli (Nuova Bussola Quotidiana) s'entretient avec le cardinal Burke, qui n'a pas perdu une once de sa pugnacité (6/4/2018)

    sml304418a8bc088a4101.jpg

    A noter parmi les intervenants, outre le cardinal Burke, les cardinaux Brandmüller et Zen, Mgr Athanasius Schneider et l'ami de Benoît XVI Marcello Pera.

    Ce qui s'est passé avec la dernière interview donnée à Eugenio Scalfari pendant la Semaine Sainte et rendue publique le Jeudi Saint est allé au-delà du tolérable. Qu'un athée notoire prétende annoncer une révolution dans l'enseignement de l'Église catholique, considérant qu'il parle au nom du Pape, niant l'immortalité de l'âme humaine et l'existence de l'enfer, a été source de profond scandale non seulement pour beaucoup de catholiques mais aussi pour beaucoup de laïcs qui respectent l'Église catholique et ses enseignements, même s'ils ne les partagent pas.

    Cardinal Burke

    BURKE: CORRIGER LE PAPE POUR OBÉIR AU CHRIST (www.lanuovabq.it, 5 avril 2018, traduction de "Benoît et moi") :

    Certains accusent de désobéissance ceux qui ont exprimé des doutes, des questions et des critiques sur l'action du Pape, mais «la correction de la confusion ou de l'erreur n'est pas un acte de désobéissance, mais un acte d'obéissance au Christ et donc à son Vicaire sur terre». Ainsi s'exprime le Cardinal Raymond Leo Burke dans cet entretien avec La Nuova BQ, à la veille d'une importante conférence qui se tiendra à Rome le samedi 7 avril sur le thème «Où va l'Église» (voir ici), dont lui-même sera l'un des intervenants. La conférence de Rome aura lieu à la mémoire du cardinal Carlo Caffarra, disparu en septembre dernier, l'un des signataires des Dubia. Comme on s'en souvient, il s'agit de cinq questions au Pape François visant à obtenir une déclaration claire de continuité avec le Magistère précédent suite à la confusion créée par les interprétations différentes et parfois opposées de l'exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia. A ces Dubia, dont le Cardinal Burke est également signataire, aucune réponse n'a jamais été donnée et le Pape François n'a jamais répondu à la demande répétée d'audience de la part des cardinaux signataires.

    La Bussola: Eminence, vous serez l'un des principaux orateurs de la conférence du 7 avril qui, au nom du Cardinal Caffarra, s'interrogera sur l'orientation de l'Eglise. Le titre de la conférence laisse déjà percevoir l'inquiétude pour la direction prise. Quelles sont les raisons de cette inquiétudes?

    Cardinal Burke: La confusion et la division dans l'Église sur les questions les plus fondamentales et les plus importantes - le mariage et la famille, les sacrements et la juste disposition pour y accéder, les actes intrinsèquement mauvais, la vie éternelle et les "novissimes" [ndt: c'est-à-dire ce qui arrive à l'homme à la fin de sa vie, la mort, le Jugement, le destin éternel: le ciel ou l'enfer] - se répandent de plus en plus. Et le Pape refuse non seulement de clarifier les choses par l'annonce de la doctrine constante et de la discipline saine de l'Église, responsabilité inhérente à son ministère de successeur de saint Pierre, mais il augmente même la confusion.

    - Vous référez-vous aussi à la multiplication des déclarations privées qui sont rapportées par ceux qui le rencontrent ?

    Ce qui s'est passé avec la dernière interview donnée à Eugenio Scalfari pendant la Semaine Sainte et rendue publique le Jeudi Saint est allé au-delà du tolérable. Qu'un athée notoire prétende annoncer une révolution dans l'enseignement de l'Église catholique, considérant qu'il parle au nom du Pape, niant l'immortalité de l'âme humaine et l'existence de l'enfer, a été source de profond scandale non seulement pour beaucoup de catholiques mais aussi pour beaucoup de laïcs qui respectent l'Église catholique et ses enseignements, même s'ils ne les partagent pas. De plus, le Jeudi Saint est l'un des jours les plus saints de l'année, le jour où le Seigneur a institué le Saint Sacrement de l'Eucharistie et du sacerdoce, afin qu'il puisse nous offrir toujours le fruit de sa passion rédemptrice et de sa mort pour notre salut éternel. En outre, la réponse du Saint-Siège aux réactions scandalisées du monde entier a été très insuffisante. Au lieu d'annoncer à nouveau clairement la vérité sur l'immortalité de l'âme humaine et sur l'enfer, le démenti affirme seulement que certaines des paroles citées ne viennent pas du Pape. Il ne dit pas que les idées erronées, voire hérétiques, exprimées par ces paroles ne sont pas partagées par le Pape et que le Pape rejette ces idées comme étant contraires à la foi catholique. Cette façon de jouer avrc la foi et la doctrine, au plus haut niveau de l'Église, laisse à juste titre les pasteurs et les fidèles scandalisés.

    - Si ces choses sont très graves et source d'embarras, le silence de nombreux Pasteurs est surprenant.

    - Certes, la situation s'est encore aggravée par le silence de nombreux évêques et cardinaux qui partagent avec le Pontife romain sa préoccupation pour l'Église universelle. Certains sont tout simplement silencieux. D'autres prétendent qu'il n'y a rien de grave. D'autres répandent la fiction d'une nouvelle Église, d'une Église qui prend une direction totalement différente du passé, imaginant par exemple un «nouveau paradigme» pour l'Église ou une conversion radicale de la pratique pastorale de l'Église, la rendant complètement nouvelle. Et puis, il y a ceux qui sont des promoteurs enthousiastes de la soi-disant révolution dans l'Église catholique. Pour les fidèles qui comprennent la gravité de la situation, le manque de direction doctrinale et disciplinaire de la part de leurs pasteurs les laisse perdus. Pour les fidèles qui ne comprennent pas la gravité de la situation, ce manque les laisse dans la confusion et peut-être victimes d'erreurs nuisibles à leur âme. Beaucoup de ceux qui sont entrés en pleine communion avec l'Église catholique, ayant été baptisés dans une communion ecclésiale protestante parce que leurs communautés ecclésiales ont abandonné la foi apostolique, souffrent intensément de la situation: percevant que l'Église catholique suit le même chemin d'abandon de la foi.

    - Ce que vous dépeignez là est une situation apocalyptique...

    - Toute cette situation m'amène à réfléchir de plus en plus sur le message de Notre-Dame de Fatima qui nous met en garde contre le mal - encore plus grave que les maux très graves subis à cause de la propagation du communisme athée - qu'est l'apostasie de la foi au sein de l'Église. Le §675 du Catéchisme de l'Église catholique nous enseigne que «avant la venue du Christ, l'Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants», et que «la persécution qui accompagne son pèlerinage [de l'Église] sur terre révélera le "mystère d'iniquité" sous la forme d'une imposture religieuse qui offre aux hommes une solution apparente à leurs problèmes, au prix de l'apostasie de la vérité».

    Dans une telle situation, les évêques et les cardinaux ont le devoir de proclamer la vraie doctrine. Dans le même temps, ils ont le devoir de conduire les fidèles à réparer les offenses contre le Christ et les blessures infligées à son Corps mystique, l'Église, quand la foi et la discipline ne sont pas correctement sauvegardées et promues par les pasteurs. Le grand canoniste du XIIIe siècle, Henri de Suse, confronté à la difficile question de savoir comment corriger un Pontife romain qui agirait d'une manière contraire à sa charge, affirme que le Collège des Cardinaux constitue un contrôle de facto contre l'erreur papale.

    - Sans aucun doute, la figure du Pape François est aujourd'hui très discutée. On passe facilement de l'exaltation acritique de tout ce qu'il fait, à la critique impitoyable pour choses doivent être clarifiées. En attendant, que représente le Pape pour l'Église ?

    - Selon l'enseignement constant de l'Église, le Pape, par la volonté expresse du Christ, est «le principe perpétuel et visible et le fondement de l'unité tant des évêques que de la multitude des fidèles» (Constitution dogmatique sur l'Eglise du Concile Vatican II, 23). C'est le service essentiel du Pape pour sauvegarder et promouvoir le dépôt de la foi, la vraie doctrine et la saine discipline en cohérence avec les vérités crues. Dans l'interview citée plus haut avec Eugenio Scalfari, on se réfère avec complaisance au pape comme «révolutionnaire» Mais l'Office pétrinien n'a rien, absolument rien à voir avec la révolution. Au contraire, il existe exclusivement pour la préservation et la propagation de la foi catholique immuable qui conduit les âmes à la conversion du cœur et conduit toute l'humanité à l'unité fondée sur l'ordre inscrit par Dieu dans Sa création et surtout dans le cœur de l'homme, unique créature terrestre faite à l'image de Dieu. C'est l'ordre que le Christ a restauré pour le mystère pascal que nous célébrons ces jours-ci. La grâce de la Rédemption qui émane de son Cœur glorieux transpercé dans l'Église, dans le cœur de ses membres, donne la force de vivre selon cet ordre, c'est-à-dire en communion avec Dieu et avec son prochain. 

    - Le Pape n'est certainement pas un souverain absolu, mais aujourd'hui, il est beaucoup perçu de cette façon. «Si c'est le Pape qui le dit...» est le moyen courant de couper cout à toute question ou tout doute sur certaines déclarations. Il y a une sorte de papolâtrie. Comment réagissez-vous à cela ?

    - La notion de la plénitude du pouvoir du Souverain Pontife a déjà été clairement énoncée par le Pape Saint Léon le Grand. Les canonistes du Moyen Âge ont grandement contribué à l'approfondissement du pouvoir inhérent à l'Office pétrinien. Leur contribution reste valable et importante. La notion est très simple. Le Pape, par la volonté divine, jouit de tout le pouvoir nécessaire pour sauvegarder et promouvoir la vraie foi, le vrai culte divin et la saine discipline requise. Ce pouvoir n'appartient pas à sa personne, mais à sa charge de successeur de saint Pierre. Dans le passé, la plupart du temps, les papes n'ont pas rendu publics leurs actes personnels ou leurs opinions, précisément pour ne pas risquer que les fidèles soient entraînés dans la confusion sur ce que fait et pense le successeur de saint Pierre. Actuellement, il y a une confusion dangereuse et même nuisible entre la personne du Pape et sa charge, qui a pour conséquence l'obscurcissement de l'Office pétrinien et une conception "mondaine" et politique du service du Pontife romain dans l'Église. L'Église existe pour le salut des âmes. Tout acte d'un Pape qui sape la mission salvifique du Christ dans l'Église, qu'il s'agisse d'un acte hérétique ou d'un acte peccamineux en soi, est tout simplement vide du point de vue de l'Office pétrinien. Par conséquent, même s'il cause clairement des dommages très graves aux âmes, elle [l'Eglise] ne commande pas l'obéissance des pasteurs et des fidèles. 

    Il faut toujours distinguer le corps de l'homme qui est le Pontife romain du corps du Pontife romain, c'est-à-dire de l'homme qui exerce l'office de saint Pierre dans l'Église. Ne pas faire la distinction, c'est de la papolâtrie, cela se termine par la perte de la foi dans l'Office Pétrinien divinement fondé et soutenu.

    - Dans la relation avec le Pape, à quoi un catholique doit-il tenir le plus?

    - Le catholique doit toujours respecter, de manière absolue, l'Office pétrinien en tant que partie essentielle de l'institution de l'Église par le Christ. Dès l'instant où le catholique ne respecte plus l'office pétrinien, il se dispose soit au schisme, soit à l'apostasie de la foi. Dans le même temps, les catholiques doivent respecter l'homme en charge de l'office, ce qui signifie attention portée à son enseignement et à sa direction pastorale. Ce respect inclut aussi le devoir d'exprimer au Pape le jugement d'une conscience correctement formée, lorsqu'il s'écarte ou semble s'écarter de la vraie doctrine et de la saine discipline ou abandonne les responsabilités inhérentes à sa charge. Par la loi naturelle, par les évangiles et la tradition disciplinaire constante de l'Église, les fidèles sont tenus d'exprimer à leurs pasteurs leur sollicitude pour l'état de l'Église. Ils ont ce devoir, auquel correspond le droit de recevoir une réponse de leurs pasteurs.

    - Est-il donc possible de critiquer le Pape? Et à quelles conditions ?

    - Si le Pape ne remplit pas sa charge pour le bien de toutes les âmes, il est non seulement possible mais aussi nécessaire de critiquer le Pape. Cette critique doit suivre l'enseignement du Christ sur la correction fraternelle dans l'Évangile (Mt 18,15-18). D'abord, le fidèle ou le pasteur doit exprimer sa critique de manière privée, ce qui permettra au Pape de se corriger lui-même. Mais si le Pape refuse de corriger sa manière gravement manquante d'enseigner ou d'agir, la critique doit être rendue publique, parce qu'il s'agit du bien commun dans l'Église et dans le monde. Certains ont critiqué ceux qui ont exprimé publiquement la critique au Pape comme une manifestation de rébellion ou de désobéissance, mais demander - dans le dû respect de sa charge - la correction de la confusion ou de l'erreur n'est pas un acte de désobéissance, mais un acte d'obéissance au Christ et donc à son Vicaire sur terre.

  • Ne pas confondre le pape François avec celui des médias

    IMPRIMER

    Pape François : le vrai n'est pas celui décrit par les médias

    Le livre « Ce pape qui plaît trop » confond le pape des médias et l’homme qu’il est en vérité. Réaction du journaliste Riccardo Cascioli.

    D'Emanuele D'Onofrio sur Aleteia.org : 

    De l'autre côté des Alpes, l’ouvrage publié par Giuliano Ferrara, Alessandro Gnocchi et Mario Palmaro, « Ce pape qui plaît trop » fait parler de lui. L'une de ses principales dénonciations : la machine médiatique avec laquelle le pape François aurait la mauvaise habitude de flirter, favorisant ainsi une notoriété personnelle croissante et cassant l’image intouchable et sacrée de l’image papale qui s’est construite au fil des siècles.

    Une machine dont il est, disons-le, très difficile d’en sortir indemne : et cela, semble être le dessein des auteurs, Gnocchi et Palmaro, lesquels, à cause de leur critique du Pape, qui, de leur point de vue correspond à un « acte d’amour » envers l’Eglise catholique, ont été évincés de leur poste à Radio Maria. Mais ce livre a au moins l'intérêt d'offrir l’occasion, hors de tout engouement, de faire un point sur la situation, après un an de Pontificat, de ce pape tant chéri. Aleteia a demandé son avis sur le sujet à Riccardo Cascioli, directeur du quotidien catholique italien La Nuova Bussola Quotidiana.

    Que pensez-vous du fait d'accuser le Pape d'une trop grande connivence avec le monde des médias ?

    Riccardo Cascioli : Je comprends qu’il y ait, légitimement, une certaine gêne quant à la façon dont on présente le Pape : un véritable “phénomène François” généralisé, qui met ainsi l’accent sur le moindre détail insignifiant. Par exemple, nous avons pu voir le Pape malade à la une de tous les journaux, comme si cela n’avait jamais eu lieu avant. Il est vrai qu’il y a, même dans les journaux catholiques, un surplus de flatteries qui gêne et atteint le Pape. Le Pape lui-même, dans une interview au Corriere della Sera, a déclaré qu’il ne voulait pas être traité comme une star.

    Cela dit, il me semble que Gnocchi et Palmaro ont été eux-mêmes les victimes de ce jeu médiatique : ils parlent en effet du Pape qui est présenté par les médias, et non de l’homme qu’il est en vérité. Je pense que l’exemple le plus clair est leur critique extrêmement dure de son voyage à Assise, qui apparait comme une énorme erreur si vous pensez à ce qui s’est réellement passé. A cette occasion en effet, la visite du Pape avait tout de normal, avec des moments touchants, durant laquelle le Pape François a détruit l’image caricaturale que l'on veut plaquer sur la sainteté de saint François. Très vite dans les journaux, on a pu lire que le Pape allait demander aux cardinaux de se dépouiller [comme saint François d'Assise retirant ses vêtements], dans un geste symbolique : à Assise, ce dernier s’est alors moqué des journalistes lorsqu’il a dit : « Dépouillons-nous tous, mais de nos péchés ». Ce geste souligne la différence qui existe entre le Pape présenté par les médias et le Pape en personne, qui vient et qui explique en vérité qui était Saint François. De tout cela, il n’y en a pas une seule trace dans l’œuvre de Gnocchi et Palmaro. Ils parlent en effet de lui comme s’il avait fait tout ce que le journal italien La Repubblica avait déclaré les précédents jours. Ce sont eux-mêmes les victimes d’une vision du Pape « emprisonné » par les médias.

    Mais est-il vrai que son désir d’être une personne « trop normale » anéantit la fonction sacrale d’un Pape ? 

    Riccardo Cascioli : Cela me fait rire cette façon de juger, que ce soit de la part de ceux qui l’acclament comme de ceux qui le critiquent, ce que fait Bergoglio, comme si tout était nouveau, alors que nous avons eu, il n’y a pas très longtemps, un Jean Paul II qui avait déjà bouleversé les étiquettes. Je me rappelle très bien ses débuts, quand il les rendait tous fous, à commencer par la sécurité. Jean Paul II était un cyclone : il a fait construire une piscine au Vatican, il allait skier, tout ce qu’il faisait dépassait toutes les fantaisies possibles. Il venait après des papes qui sortaient rarement du Vatican, et c’est pour cela qu’il a fait une sorte de révolution, différente de celle du pape François. Mais ce qui n'est pas pardonn" au pape François, et qui n’a pas été pardonné à Jean Paul II, c'est que ce qu’ils sont est ce qu’ils sont : le pape Bergoglio était ainsi lorsqu’il était prêtre, évêque et désormais pape. Il est lui-même et l’a toujours été. Bien sûr, c’est différent si l’on pense à la responsabilité qu’ont les personnes autour du Pape, qui suggèrent d’accentuer certains points – les vieilles chaussures, la croix de fer – aux journalistes et qui ont pour but, eux, de faire briller ce Pape, en tentant de l’opposer à son prédécesseur.

    Est-il vrai, comme le soutiennent les auteurs, que le « cœur » de François a crée une rupture avec la « raison » de Benoit XVI ?

    Riccardo Cascioli : L’histoire n’avance pas avec des ruptures, mais ce sont des situations qui sont en fait le résultat d’un long cheminement. Il est certain que le pape François est différent de son prédécesseur : en grande partie par son caractère et sa culture sud-américaine. Mais ce qui compte c’est la papauté : le Pape se doit de transmettre la foi comme elle l’a été par les apôtres, avec évidemment des ajustements, car la Tradition se mêle à l’Ecriture. Sur ce point, le Christianisme est différent de l’Islam, où tout est figé. Et ce Pape démontre très certainement une sensibilité très différente de celle de Benoit XVI, comme par exemple  sur la question des principes non négociables, qui est également très évoquée par les journaux. C’est une autre façon de s’interroger. Mais penser que cela soit une réelle rupture avec le passé semble être juste l’illusion de quelqu’un qui souhaite prendre une certaine revanche. Je voudrais rentrer un peu plus dans les détails : il y a un livre récent de Renzo Guccetti, Les poisons de la contraception, qui fait une digression sur le pontificat de Paul VI. Il est intéressant de noter ici un  parallèle historique avec le pape François : sous Paul VI, juste après le Concile, s’est crée une atmosphère de grandes attentes et l’on pensait que tant de choses allaient changer, et également en termes de doctrine. Nous savons qu’il y a eu des pressions venant de ceux qui désiraient tout révolutionner. Lorsqu’en 1968, est publié l’Humane Vitae, toutes ces espérances se sont écroulées, et Paul VI fut massacré par les mêmes personnes qui l’avaient jusqu’alors soutenu. Aujourd’hui, le même phénomène est en train de se répéter, et l’objet principal est le Synode sur la Famille. Certains cardinaux allemands, et ce n’est pas un hasard, parlent déjà de supprimer l’Humae Vitae : c’est ceux qui cherchent une revanche sur cette encyclique. De grandes attentes sont en train de se créer, ayant pour objet de changer la doctrine sur la famille, et l’on tente d’emprisonner le pape François dans cette logique d’opposition à celui qui l’a précédé.

    Et que pensez-vous des critiques concernant les prises de position du pape sur la doctrine ?

    Riccardo Cascioli : Avec Gnocchi, mais surtout avec Palmaro, je dois dire que je suis d’accord sur beaucoup de choses, notamment sur le niveau de confusion totale qu’il y a au sein de l’Eglise. Mais eux, ils s’en sont pris directement au Pape, et je pense qu’ils se trompent de cible, car il y a au sein de l’Eglise des forces qui créent cette confusion, qui ont fait émerger une sorte d’Eglise parallèle, protestante mais sous l’enseigne de l’Eglise catholique. Il suffit de voir ce qu’il se passe en Allemagne, en Suisse ou en Autriche, où a été établi un enseignement parallèle. Et ils pensent désormais pouvoir influencer le Pape vers ces positions.

    Que pensez-vous de ceux qui, comme Massimo Introvigne, soutiennent que la position de Gnocchi et Palmaro est « schismatique » ? 

    Riccardo Cascioli : Tout ce que fait un pape n’est pas forcément compris. Si le Pape dit quelque chose, surtout lors d’une interview, sa façon de s’exprimer peut être déstabilisante, et notamment si l’on parle de la lucidité et de la logique de son prédécesseur. Ce qu’il dit peut être certes discuté, mais l’on ne peut pas penser, comme le font Palmaro et Gnocchi, qu’il y a une espèce de tradition de l’Eglise qui doit être défendue parce qu’elle est menacée par le Pape. En ce qui concerne le Catéchisme, le Pape est le garant de la Tradition ; la Tradition n’est pas simplement ce qui relève de l’usage général, c’est le Pape qui donne à l’Eglise toute sa valeur. Créer cette sorte d’antagonisme entre la Tradition et ce que dit le Pape est particulièrement dangereux, parce que cela va directement contre le Catéchisme de l’Eglise Catholique. C’est en cela que je crois que leur livre est en train de créer une énième confusion, car on ne comprend plus ce qui relève de l’Enseignement et ce qui n’en relève pas. L’Enseignement est l’Encyclique, ça n’est pas l’interview à Scalfari ni l’homélie à Santa Marta. Dans tout les cas cependant, tout ce que dit le Pape doit être lu sous la lumière de l’Enseignement : l’Encyclique est ce qui nous ôte les doutes. En même temps, il faut tout de même reconnaitre qu’ils ont posé des questions qui ne peuvent pas être négligées comme le fait Introvigne, mais qui peuvent être discutées.

    Quel est, s’il y en a un, le problème lié à la communication de l’Eglise ?

    Riccardo Cascioli : Il y a effectivement un problème. Le problème est que personne ne lit l’Encyclique, alors que l’interview à Scalfari et à De Bortoli s’y réfère grandement. Alors, il devient important que le Pape prenne en compte ce problème de la communication. Tu peux écrire dans l’Encyclique une chose importante, mais après, il y a à la une de La Repubblica : « Dieu n’est pas absolu », ce qui contredit ce que dit l’Eglise depuis 2000 ans, et tout s’écroule. Alors se pose le problème de la façon de communiquer : si moi je communique beaucoup à travers les interviews, alors j’augmente le risque d’être incompris. Mais celui qui a la prétention d’expliquer aux autres ce que pense le Pape, comme le font Gnocchi et Palmaro, doit se préoccuper d’absolument tout ce qu’il dit et ce qu’il fait, et non se limiter à observer qu’une petite partie, simplement pour faire polémique. Ca n’est pas comme cela qu’on l’on obtient la Vérité.

    Traduit de l’édition italienne d’Aleteia par Mathilde Dehestru.

    sources: Aleteia

  • Un philosophe, ami de Benoît XVI et ancien Président du Sénat italien, critique sévèrement les positions du pape Françoi

    IMPRIMER

    Marcello Pera est un philosophe italien très apprécié de Benoît XVI qui s'est dit très proche de ses positions lors de la publication d'un ouvrage intitulé "Pourquoi nous devons nous dire chrétiens. Le libéralisme, l'Europe, l'éthique". L'amitié qui les lie n'est un mystère pour personne. Marcello Pera juge très sévèrement les positions exprimées par le pape François...

    De Corrado Ocone sur Il Mattino (9/7, p. 9), transmis et traduit par un ami auquel nous exprimons toute notre gratitude. 

    Bergoglio veut faire de la politique, ça n’a rien à voir avec l’Evangile !

    Marcello Pera : « Ouvrir grand les portes aux migrants risque d’exacerber les tensions » 

    Dans un entretien exclusif avec Eugenio Scalfari pour le quotidien « La Repubblica », le pape François est à nouveau intervenu dans le débat politique avec des positions fortes et dérangeantes, des positions que l’on aurait autrefois qualifiées de « gauchistes ».  Cette fois, le pape s’est adressé directement aux grands de ce monde réunis à Hambourg à l'occasion du G20 pour s’opposer par principe à toute politique visant à contrôler et à limiter les migrations de masse en provenance des pays pauvres vers l’Europe. Pour mieux comprendre les idées et surtout l’action politique et médiatique du pape, aux antipodes de celle de son prédécesseur, nous avons posé quelques questions à l’ex-président du Sénat Marcello Pera.  Il se définit comme libéral et catholique et partage, comme on le sait, de nombreuses idées avec le pape émérite Benoît XVI avec lequel il a même rédigé un livre à quatre mains intitulé « Sans racines » (Senza radici.  Europa, relativismo, cristianesimo, Islam. Mondadori. 2004).

    Président, quel jugement portez-vous sur les appels incessants du pape François à accueillir les migrants ?  Un accueil indiscriminé, inconditionnel, total ?

    « Franchement, je ne comprends pas ce pape, ce qu’il dit dépasse tout entendement rationnel.  Il est évident pour tout le monde qu’un accueil indiscriminé n’est pas possible : il y a un seuil critique qu’on ne peut pas dépasser. Si le pape ne fait pas référence à ce point critique, s’il insiste sur un accueil massif et total, alors je me pose cette question : pourquoi dit-il cela ?  Quel est le véritable but de ses déclarations ?  Pourquoi ne fait-il pas preuve d’un minimum de réalisme ?  Je ne peux donner qu’une seule réponse : le pape le fait parce qu’il déteste l’Occident, il aspire à le détruire et il fait tout pour atteindre ce but.  Tout comme il aspire à détruire la tradition chrétienne, le christianisme tel qu’il s’est réalisé dans l’histoire. S’il ne tient pas compte du seuil critique au-delà duquel nos sociétés ne peuvent plus accueillir personne ni garantir à quiconque la dignité minimale due à tout être humain, nous allons rapidement assister à une véritable invasion qui nous submergera et remettra en cause nos façons de vivre, nos libertés et le christianisme lui-même. l y aura une réaction et une guerre. Comment le pape ne le comprend-il pas ?  Et dans quel camp sera-t-il une fois que cette guerre civile éclatera ? »

    Ne considérez-vous pas qu’il y ait un lien avec l’Evangile et l’enseignement du Christ ?  L’éthique du pape ne serait-elle pas celle d’une conviction absolue, abstraite, qui ne tient pas compte des conséquences ?

    « Absolument pas.  Tout comme il n’y a aucune motivation rationnelle, il n’y a pas davantage de motivation évangélique susceptible d’expliquer ce que dit le pape. Par ailleurs nous avons affaire à un pape qui, depuis le jour de son installation, fait uniquement de la politique. Il cherche les applaudissements faciles en jouant tantôt au secrétaire général de l’ONU, tantôt au chef de gouvernement et même au syndicaliste quand il intervient dans les dossiers contractuels d’une société comme Mediaset.  Sa vision est dans la droite ligne du justicialisme péroniste sud-américain qui n’a rien à voir avec la tradition occidentale des libertés politiques avec ses racines chrétiennes. Le christianisme du pape est d’une autre nature.  Il s’agit d’un christianisme entièrement politisé ».

    Comment se fait-il que cela ne suscite aucune réaction des défenseurs de la laïcité qui n’ont pourtant eu de cesse de faire entendre leur voix au cours des pontificats précédents ?

    « En Italie, le conformisme est à son apogée. Ce pape plaît à l’opinion publique avertie qui apprécie sa manière d’être et qui est prête à l’applaudir même quand il dit des banalités ».

    Dans un passage de l’interview de Scalfari, Bergoglio, après avoir fait un appel à l’Europe, évoque des « alliances très dangereuses » contre les migrants dans le chef de « puissances qui ont une vision déformée du monde : l’Amérique et la Russie, la Chine et la Corée du Nord ».  N’est-il pas curieux de mettre sur un même pied une ancienne démocratie telle que l’Amérique et des pays fortement autoritaires voire totalitaires ?

    « Ça l’est mais cela n’a rien d’étonnant à la lumière de ce que je viens de dire. Le pape ressort toutes les idées préconçues du Sud-Américain envers l’Amérique du Nord, vis-à-vis du marché, des libertés et du capitalisme. Cela aurait été pareil même si Obama était resté en place à la présidence des Etats-Unis mais il ne fait aucun doute que ces idées du pape rejoignent aujourd’hui, dans une combinaison explosive, le sentiment anti-Trump répandu en Europe ».

    Monsieur le Président, j’aimerais revenir un instant sur le fait que le pape « fasse de la politique ».  S’agit-il vraiment d’une nouveauté par rapport au passé ?

    « Certainement. Bergoglio ne s’intéresse que peu voire pas du tout au christianisme en tant que doctrine, à l’aspect théologique. Et c’est sans aucun doute une nouveauté. Ce pape a pris le christianisme et l’a transformé en un programme politique. En apparence, ses affirmations reposent sur l’Ecriture mais en réalité elles sont fortement sécularistes. Bergoglio ne se préoccupe pas du salut des âmes mais seulement de la sécurité et du bien-être social. C’est un fait préliminaire. Sur le fond de ses déclarations, on ne peut manquer de s’inquiéter que ses affirmations ne finissent par déclencher de façon incontrôlable une crise politique et une crise religieuse.  Du premier point de vue, il suggère à nos Etats de se suicider, il incite l’Europe à ne plus être ce qu’elle est. Du second point de vue, on ne peut pas nier qu’un schisme latent divise le monde catholique et qu’il est entretenu par Bergoglio avec obstination et détermination et, en ce qui concerne ses collaborateurs, même avec méchanceté ».

    Quelle est la raison de tout cela ?  N’est-ce pas profondément irrationnel ?

    « Non, ça ne l’est pas. Je dirais même que le Concile Vatican II vient finalement d’exploser dans toute sa radicalité révolutionnaire et subversive. Ce sont des idées qui mènent l’Eglise catholique au suicide mais elles étaient déjà soutenues et justifiées à l’époque et à cette occasion. On oublie parfois que le Concile a historiquement précédé la révolution étudiante, la révolution sexuelle, celle des coutumes et des manières de vivre. Il l’a anticipée et d’une certaine façon provoquée. L’aggiornamento du christianisme a alors profondément laïcisé l’Eglise et a initié un changement très profond qui risquait de mener au schisme même s’il fut gouverné et étroitement contrôlé au cours des années qui ont suivi. Paul VI l’avait soutenu mais il en fut finalement lui-même victime. Les deux très grands papes qui lui ont succédé étaient parfaitement conscients des conséquences que cela risquait de provoquer mais ils ont toujours tenté de les contenir et de les garder sous contrôle. Ils ont adopté une vision tragique de la réalité, ils ont résisté en cherchant à mitiger le nouveau à l’aide de la tradition et ils l’ont fait d’une façon remarquable. Ils avaient entrepris une marche en arrière mais aujourd’hui les barrières sont tombées : la société plutôt que le salut, c’est la cité terrestre de Saint Augustin plutôt que la cité céleste qui semble à présent former l’horizon de référence de la hiérarchie ecclésiastique dominante. Les droits de l’homme, tous et sans exclusion, sont devenu la référence idéale et la boussole de l’Eglise et il n’y a presque plus d’espace pour les droits de Dieu et de la tradition. À tout le moins en apparence. Bergoglio se sent totalement libre par rapport à cela ».

    Pourquoi dites-vous « en apparence » ?

    « Parce que derrière la façade et les applaudissements, tout ce qui brille n’est pas or. Il n’y a pas que les applaudissements place Saint-Pierre. Moi qui vis en province, je me rends compte qu’une partie du clergé, surtout et de manière étonnante les plus jeunes, sont stupéfaits et déconcertés par certaines affirmations du pape. Pour ne pas parler de tant de personnes simples qui sont aujourd’hui victimes des problèmes d’insécurité que les migrants créent dans nos périphéries et qui sont outrés d’entendre parler d’accueil sans condition. Le clergé plus adulte, celui d’âge moyen, est en revanche davantage dans le camp de Bergoglio : qui par conformisme, qui par opportunisme, qui par conviction, ayant eux-mêmes grandi dans ce climat culturel des années soixante qui est à l’origine de certains choix.  C’est justement pour cela que je parle d’un schisme profond et latent. Dont le pape ne semble cependant pas se préoccuper le moins du monde ».

    Que pensez-vous, de façon plus générale, de la gestion des flux migratoires et de l’insensibilité de l’Europe envers l’Italie ?

    « Notre pays est seul, désespérément seul. C’est dangereux. Cela m’inquiète. Nous sommes seuls parce que les autres pays font passer leur propre intérêt national avant tout. Derrière les belles déclarations publiques, ils ne se préoccupent pas tellement de nous.  Et nous sommes seuls parce que l’Eglise nous invite à ouvrir grand nos portes, presque comme s’ils voulaient profiter de notre faiblesse. Je crains une réaction négative. Je crains que la protestation du peuple ne se renforce et ne débouche sur quelque chose de peu souhaitable. Dans le cas présent, ce n’est plus une question de gauche ou de droite. Par ailleurs, je pense que les contradictions du pape seront rapidement mises en évidence : il n’est déjà plus en phase avec ses fidèles. Une alliance entre catholiques conservateurs et les forces souverainistes, pour le dire comme cela, est très probable ».

    Que pensez-vous de « l’incident » concernant Renzi qui a dû supprimer le post Facebook dans lequel il citait un passage de son prochain livre réclamant un « numerus clausus » et invitant à aider les migrants chez eux ?

    « Renzi a raison sur ce point. Le slogan est correct. Même s’il faut admettre qu’il faut aussi savoir concilier certaines idées en politique. La grave crise dans laquelle notre pays est plongé est celle d’une classe politique qui n’est tout simplement plus à la hauteur de sa mission. A droite comme à gauche, Renzi est sur la courbe descendante et paye les nombreuses erreurs qu’il a commises : il aura du mal à s’en relever…  Il suffit de penser à notre provincialisme et à la façon dont nous sommes rapidement tombés amoureux d’un leader comme Macron qui appartient davantage au monde de la robotique qu’à celui de la politique. Et qui, par-dessus le marché, sert avant tout les intérêts de la France ».

    Comment sortir de la crise ?  Qu’est-ce que vous souhaitez ?

    « Je souhaite un pape qui prenne en mains la croix de l’Occident, de ses valeurs.  Qui ne rêve pas d’un Occident paupérisé. Et je souhaite à l’Italie une classe politique et une opinion publique qui remette les thèmes de l’identité, le sens national et la tradition au centre du discours. Je suis de plus en plus pessimiste. Et je prends toujours plus de pilules pour chercher à me tranquilliser ».

    © Tous droits réservés

  • Retour des obsessions postconciliaires

    IMPRIMER

    Voici quelques semaines un ami me déclarait : « A quand les femmes prêtres et le mariage des prêtres ? Avec la popularité du nouveau pape, un peu macho, la controverse  obsessionnelle de l’Eglise postconciliaire semble oubliée ».

    C’était aller un peu vite en besogne. La récente décision du synode de l’Eglise anglicane de faire accéder des femmes à « l’épiscopat » et la réponse supposée  de François à son ami journaliste Scalfari sur les prêtres mariés relancent le sujet : à quand des prêtresses dans l’Eglise catholique et l’abolition de la règle du célibat ecclésiastique dans l'Eglise latine ? Et les clichés habituels réapparaissent : Vrai ou faux ? JPSC

    photoFB_copie.jpgRéponse de l’abbé Pierre Amar (photo) sur le site Aleteia :

    L’Eglise est misogyne. Faux. Elle a même l’audace de proclamer que ce que Dieu a fait de plus beau sur cette terre, son chef d'œuvre, est une femme : une vierge immaculée, modèle d’humilité et de prière, Marie, mère du Sauveur. Marie, que nous fêterons ce 15 août dans le dernier des privilèges que le Seigneur lui aura accordé : celui de monter au ciel avec son corps et son âme. Marie que des millions de catholiques prient dans de multiples sanctuaires comme Lourdes, Rocamadour, Fatima, Aparecida ou Guadalupe.

    D’ailleurs, aucune institution n’a jamais autant fait pour les femmes que l’Eglise. Elle n’a eu de cesse que de proclamer la dignité et la vocation spécifique de la femme. Tout au long des siècles, elle n’a pas cessé non plus de se préoccuper du sort des femmes sans famille ou particulièrement vulnérables, à travers des institutions destinées aux enfants abandonnés, aux filles-mères, aux prostituées, aux femmes indigentes, âgées ou malades, aux femmes en instance de séparation, aux femmes détenues, …

    Une femme-prêtre ferait le « job » aussi bien qu’un homme. Vrai. Mais tout dépend de la conception que l’on a du sacerdoce. Car si être prêtre c’est aider les malades, accompagner ceux qui souffrent et qui peinent, faire du catéchisme, écouter, enseigner, célébrer, bref … « faire de la pastorale », oui, bien sûr, une femme peut le faire et d’ailleurs, peut-être même mieux qu’un homme ! Mais on est là dans le registre de l’action et du faire. Or, prêtre ce n’est pas ça. On ne « fait » pas le prêtre, on est prêtre. Le prêtre est un autre Jésus, il est Jésus. La preuve ? Lorsqu’il célèbre la messe, il dit « ceci est mon corps » et non« ceci est le corps de Jésus ». Il y a identité parfaite entre le Christ et lui. Il est pour le Christ, une humanité de surcroit. Et le Christ était un homme. Bref, ce n’est pas que l’Eglise ne veut pas ordonner des femmes, c’est qu’elle ne le peut pas.

     Les femmes n’ont pas d’âme. Faux. Et tellement ridicule de le penser ! Si c’était le cas, on ne baptiserait jamais les filles, ni hier ni aujourd’hui. Pourtant c’est le cas depuis toujours ! Et si jamais il fallait vous convaincre du génie féminin et de la grâce d’être femme, relisez en urgence Mulieris Dignitatem et la Lettre aux femmes, deux textes magnifiques de saint Jean-Paul II où il s’exclame : « Merci à toi, femme, pour le seul fait d'être femme! Par la perception propre à ta féminité, tu enrichis la compréhension du monde et tu contribues à la pleine vérité des relations humaines ».

     Aujourd’hui c’est bloqué mais qui nous dit que plus tard …Faux. Le sujet est clos et depuis longtemps. L’Eglise ne se reconnaît tout simplement pas le droit de revenir sur un choix libre et souverain de Jésus lui-même. Et le fait même que Jésus n’ait appelé que des hommes à devenir ses apôtres, et non sa mère ou même des anges, prouve qu’il ne s’agit pas d’une question de dignité. Qui donc était plus digne d’être prêtre que Marie ? En 1988, Jean Paul II mettait un point final à cette question : « cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l'Église ».

    Quand donc l’Eglise reconnaitra-t-elle que l’homme et la femme sont égaux ? Elle le dit depuis toujours. Déjà Saint Paul se fait l’écho de l’égale dignité de l’homme et de la femme allant jusqu’à dire : « il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Galates 3, 28).

    Il y a une stricte égalité mais surtout une différence, ce qui ne veut pas non plus dire injustice. Cette altérité est précieuse, source de richesse et de complémentarité. Un peu comme en musique avec les tonalités (majeur, mineur) qui font résonner une mélodie différente où même le corps humain qui a besoin à la fois d’une tête et d’un cœur. Qui dira que l’un est plus important que l’autre ? Impossible de vivre sans les deux !

    « Il n’y a pas assez de femmes au Vatican ou aux postes de responsabilité. Presque vrai. Et pas que dans l’Eglise d’ailleurs : regardez les patrons du CAC 40. Ce sont presque tous des hommes ! Le Pape François est bien conscient de cette difficulté et souhaite que cela change. « Une Eglise sans femmes c’est comme le collège apostolique sans Marie » a-t-il dit. Il a nommé des femmes à la Curie, comme la française Marguerite Léna par exemple. De nombreuses femmes font partie des services du Vatican mais n'en sont pas encore à la tête c'est vrai. Ceci dit, leur efficacité naturelle est peut être plus utile pour le moment à cette place. Les choses bougent, malgré tout. Reste surtout à trouver les compétences et les disponibilités : ce n’est pas avec ce que gagne un salarié d’Eglise que l’on va attirer les personnes les plus compétentes !
    Là encore, il faut envisager la conception que l’on a du sacerdoce : l’enjeu est-il d’avoir un pouvoir ou de servir ? La question ne se pose pas en terme de compétence ou d’égalité c’est un problème de sens : que signifie le sacerdoce ?

    Et le mariage des prêtres ? Padreblog s’en est déjà fait l’écho, dans un article remarqué. A (re)lire ici

    Ref. Les femmes prêtres c’est pour quand ?

    Qui est l’abbé Pierre Amar ? 40 ans. Diocèse de Versailles. Licencié en droit, chargé de communication d'une communauté religieuse, puis aumônier militaire, il est aujourd'hui vicaire en paroisse et en mission d'études à l'Institut Catholique de Paris. Auteur de spectacles pour les familles

    JPSC

  • Une Eglise qui ne juge plus

    IMPRIMER

    Dans la Nuova Bussola Quotidiana, l’archevêque de Ferrare (Italie), Mgr Negri appelle l’Eglise à se ressaisir. La traduction de son message se trouve sur le site de notre consoeur de « Benoît et moi". Extraits : 

    « […] Le scandale de la situation actuelle de l'Eglise - et j'utilise délibérément le mot «scandale» - c'est que l'Église a été jetée en pâture à la presse. L'Eglise est un instrument manipulable et manipulé par la presse, une presse qui en Italie (et ailleurs! ) est à 90% d'empreinte laïciste et anti-catholique. Nous en sommes donc au paradoxe que la mentalité laïciste est maîtresse dans notre propre maison, prétendant décider qui sont les vrais orthodoxes et qui sont les hétérodoxes, quelle est la position correcte et quelle est la position du Saint-Père, pour qu'ensuite chacun prétende, ou se vante d'un crédit auprès du Saint-Père. Et donc, nous assistons impuissants à une manipulation qui est avilissante, c'est-à-dire qu'elle avilit la foi de notre peuple. Parce que nos gens ont une expérience de foi réelle et personnelle qui n'a rien à voir avec le plan d'Eugenio Scalfari et d'autres.

    Ceux-ci peuvent être des outils qui indiquent une position, mais le dialogue - comme l'a dit à plusieurs reprises Benoît XVI au Synode sur l'évangélisation - est l'expression d'une identité forte. Forte non pas de moyens, mais forte de raisons. S'il y a une identité forte, il est inévitable que cette identité, en prenant position, rencontre des hommes, des situations, des conditions, des problèmes, des difficultés; donc entre en dialogue avec ceux qui ont une autre position. Mais s'il n'y a pas d'identité, le dialogue est une illusion. Le dialogue est la conséquence d'une identité, il ne peut pas être l'objectif. L'objectif est l'évangélisation.

    C'est un moment bien défini par cette déclaration de Paul VI à Jean Guitton , quelques mois avant sa mort: «À l'intérieur du catholicisme semble prédominer parfois une pensée de type non-catholique, et il peut arriver que cette pensée non-catholique au sein du catholicisme devienne demain la plus forte. Mais elle ne représentera jamais la pensée de l'Église. Il faut que subsiste un petit troupeau, aussi petit qu'il soit». C'est une déclaration qui requiert d'assumer un critère de jugement auquel fait suite un comportement.

    […] Qu'est-ce que la crise actuelle de la chrétienté (et par chrétienté, on doit entendre une expérience de peuple chrétien jouant son identité à ce moment de l'histoire)?  Dans la période qui s'étend aux deux pontificats de Jean-Paul II et Benoît XVI, l'Eglise était une réalité qui jugeait, et agissait en conséquence. Et ainsi, elle donnait sa contribution, majoritaire ou minoritaire peu importe, elle donnait sa contribution pour favoriser la lecture de la situation et une ligne de développement adéquate au moins celle que l'on pouvait penser adéquate. Ce n'était pas un jugement abstrait, idéologique, c'était la tentative d'investir la situation d'une certitude du jugement qui naissait de la certitude de la foi.

    Comme l'a dit George Weigel, à Jean-Paul II a été donnée la fortune de changer le cours de l'histoire. Jean-Paul II en vertu de sa seule foi, et de son extraordinaire capacité à revivre toute la grande expérience ecclésiale de la Pologne et en elle la grande expérience du catholicisme, a montré que le communisme n'était pas invincible. Même la chrétienté, jusqu'à l'époque de Jean-Paul II, agissait, écrasée par un terrible hypothèse: qu'ils allaient de toute façon gagner. Et étant déjà écrit que c'étaient eux qui allaient gagner - par la puissance politique, économique, militaire - il s'agissait de sauver ce qui était sauvable. Cette expression revint en permanence dans certains milieux de la chrétienté italienne et détermina des choix de type ecclésial, comme la soi-disant Ostpolitik, menée sur le fil du «sauver ce qui était sauvable». 

    Le magistère de Jean-Paul II et Benoît XVI a donné au christianisme le sens d'une unité réelle, et d'un jugement, et de la nécessité du jugement.

    Sur cela, aujourd'hui, il y a une crise. Elle n'est pas niable: aujourd'hui la chrétienté semble ne plus être en mesure de porter des jugements pertinents, mais je dirais plus. Certains secteurs de la chrétienté disent que ce n'est pas absolument nécessaire de porter des jugements, et même que la formulation de jugements représenterait quelque chose de pathologique, car elle mettrait en crise la radicalité et la pureté de la foi, la souillant avec des circonstances de caractères historique et donc contingentes.

    Cela signifie que l'idéal est une Eglise sans capacité de jugement, une Église réduite de façon individualiste à certaines pratiques spirituelles, certaines émotions individuelles ou une certaine pratique caritativo-sociale. Ce sont les choses contre lesquelles Benoît XVI met en garde l'Eglise au début de son encyclique Deus caritas est, quand il dit que le christianisme n'est ni une série de pratiques spirituelles, ni des sentiments, ni un projet à caractère caritativo-social, mais c'est un rencontre avec une personne, le suivre Lui, changer de vie en Lui, communiquer cette vie nouvelle aux hommes.

    […] Une certaine chrétienté qui a mûri son propre chemin de foi, ne doit pas accepter une relecture partielle ou falsifiée de l'histoire de la chrétienté italienne. Qui n'est pas l'histoire de gens refusant accepter le fait de n'avoir plus aucune hégémonie et qui pour retrouver cette hégémonie ont mené la bataille sur le divorce, l'avortement et d'autres. Batailles inutiles - dit-on - car elles seraient certainement perdues. En réalité, pour plus d'une génération, ce furent des batailles pour la foi, pour la maturité de la foi. Défaite ou victoire, c'était pareil dans le sens où elles ont permis à tous la maturation de la foi. 

    La crise de l'Eglise n'est pas une crise ponctuelle, c'est une grande crise. Mais on n'a pas besoin d'une analyse qui cherche à établir les responsabilités. L'Église est à Dieu, l'Église ne disparaît pas, la modalité selon laquelle Dieu conduit son Eglise dépasse nos capacités. Mais nous avons la tâche de faire une véritable expérience d'Eglise, dans le chemin que la Providence nous a fait rencontrer. Faisons ce que Dieu nous a demandé de faire et alors Dieu prendra ce que nous faisons et lui donnera le poids. Les modes et les temps, c'est lui qui les choisit, à nous revient la clarté de notre position, qui vient de la loyauté avec notre conscience et notre histoire, et de cette capacité de compagnie qui, si nous la réalisons dans la pratique de notre condition, rend le chemin moins ardu […]"

    Ref. LA CRISE DE L'EGLISE, LE BESOIN DE SAINTETÉ

    JPSC

  • Les doutes prudents de Vittorio Messori concernant la ligne du pontificat en cours

    IMPRIMER

    De Vittorio Messori dans le CORRIERE DELLA SERA du 24 décembre dernier, ces réticences exprimées avec prudence et respect. Cela correspond assez à notre état d'esprit comme nous l'avions signalé précédemment.

    LES DOUTES SUR LA LIGNE DU PAPE FRANÇOIS

    Pour un catholique non progressiste, Bergoglio est imprévisible. Il suscite un large intérêt, mais dans quelle mesure cet intérêt est-il sincère?

    (traduction du site "Benoît-et-moi")

    Je pense qu'il est honnête de l'admettre d'emblée: abusant, peut-être, de l'espace qui m'est alloué, ce que je propose ici, plus qu'un article, est une réflexion personnelle. Plutôt, une sorte de confession que j'aurais volontiers reportée, si on ne me l'avait pas demandée. Mais oui, reportée parce que mon évaluation (et pas seulement la mienne) de ce pontificat oscille continuellement entre l'adhésion et la perplexité, c'est un jugement variable selon les moments, les occasions, les thèmes. Le pape n'était pas imprévu: pour ce que cela vaut, j'étais parmi ceux qui s'attendaient à un Sud-Américain et à un homme de pastorale, d'expérience quotidienne de gouvernement, comme pour équilibrer un admirable professeur, un théologien trop raffiné pour certains palais, comme le bien-aimé Joseph Ratzinger. Un pape pas imprévu, donc, mais qui tout de suite, dès ce tout premier «buona sera», s'est révélé imprévisible, au point de faire progressivement changer d'avis même certains cardinaux qui avaient été parmi ses électeurs.

    Une imprévisibilité qui continue, troublant la tranquillité du catholique moyen, habitué à éviter de penser par lui-même en ce qui concerne la foi et la morale, et invité à simplement «suivre le pape».

    Certes, mais quel Pape? 

    Celui de certaines homélies matinales à Santa Marta, des sermons de curé à l'ancienne, avec de bons conseils et de sages dictons, et même avec des avertissements insistants à ne pas tomber dans les pièges que nous tend le diable? Ou celui qui téléphone à Giacinto Marco Pannella (voir par exemple ici), engagé dans un énième jeûne sans danger, et lui souhaitant «bon travail», quand pendant des décennies, le «travail» du leader radical a consisté et consiste à prêcher que la vraie charité c'est de se battre pour le divorce, l'avortement, l'euthanasie, l'homosexualité pour tous, la théorie du genre et ainsi de suite? 

    Le Pape qui, dans le discours de ces jours-ci à la Curie romaine, s'est référé avec conviction à Pie XII (mais, en vérité, à Saint Paul lui-même) définissant l'Eglise comme «Corps mystique du Christ»? Ou celui qui, dans la première interview avec Eugenio Scalfari, a ridiculisé ceux qui pensaient que «Dieu est catholique», comme si l'Ecclesia, une, sainte, apostolique, romaine était une option, un accessoire à accrocher ou non, en fonction de son goût personnel, à la Trinité divine?

    Le Pape Argentin, conscient par expérience directe, du drame de l'Amérique latine qui est en passe de devenir un continent ex-catholique, avec le passage en masse de ces peuples au protestantisme pentecôtiste? Ou le pape qui prend l'avion pour embrasser et souhaiter un bon succès à un ami très cher, un pasteur précisément d'une des communautés qui vident la catholique, justement avec le prosélytisme qu'il condamne durement chez les siens?

    On pourrait continuer, bien sûr, avec ces aspects qui semblent - et peut-être sont effectivement - contradictoires. On pourrait, mais ce ne serait pas correct pour un croyant. Ce dernier sait qu'on ne regarde pas un pontife comme un président élu de la République ou comme un roi, héritier fortuit d'un autre roi. Bien sûr, lors du conclave, ces instruments de l'Esprit Saint que sont, selon la foi, les cardinaux électeurs partagent les limites, les erreurs, peut-être les péchés qui marquent l'humanité toute entière. Mais la tête (le chef) unique et vraie de l'Eglise est ce Christ tout-puissant et omniscient, qui sait mieux que nous quel est le meilleur choix pour celui qui sera pour un temps son représentant terrestre. Un choix qui peut sembler déconcertant pour les contemporains dont la vue est limitée mais qui ensuite, dans la perspective historique, révèle ses raisons.

    Quiconque connaît vraiment l'histoire est surpris et reste songeur en découvrant que - dans la perspective millénaire qui est celle de la Catholica - chaque pape, qu'il en soit conscient ou non, a joué son rôle approprié et qui, à la fin, s'est révélé nécessaire. 

    C'est précisément à cause de cette conscience que j'ai choisi, en ce qui me concerne, d'observer, écouter, réfléchir, sans me hasarder dans des opinions intempestives sinon téméraires. En me référant à une question qui n'a été que trop mentionnée hors contexte: «Qui suis-je pour juger?». Moi qui - comme tous les autres, à l'exception d'un seul - ne bénéficie certes pas du «charisme pontifical», l'aide promise par le Paraclet. Et à ceux qui seraient tentés de juger, l'approbation pleine et entière, plusieurs fois répétée - verbalement et par écrit - de l'activité de François de la part de ce «Pape émérite» pourtant si différent par le style, par la formation, et même par le programme - cette approbation ne dit-elle rien?

    Elle est terrible la responsabilité de celui qui, aujourd'hui, est appelé à répondre à la question: «Comment annoncer l'Evangile aux contemporains? Comment montrer que le Christ n'est pas un fantasme décoloré et passé, mais le visage humain de ce Dieu créateur et sauveur qui peut et veut donner à tous un sens à la vie et à la mort?». Nombreuses sont les réponses, souvent contradictoires.

    Pour le peu que cela compte, après des décennies d'expérience ecclésiale, moi aussi j'aurais les miennes, de réponses. Je dis bien «j'aurais», le conditionnel est de rigueur parce que rien ni personne ne m'assure avoir entrevu la voie appropriée. Ne risquerais-je pas d'être comme l'aveugle de l'Évangile, celui qui veut guider d'autres aveugles, finissant tous dans la fosse? Ainsi, certains choix pastoraux de l'«évêque de Rome», comme il préfère qu'on l'appelle, me convainquent; mais d'autres me laisseraient perplexe, me sembleraient peu opportuns, peut-être suspects d'un populisme capable d'obtenir un intérêt aussi vaste que superficiel et éphémère. J'aurais à observer certaines choses à propos de priorités et de contenus, dans l'espoir d'un apostolat plus fécond. 

    J'aurais, je penserais: au conditionnel, je le répète, comme l'exige une perspective de foi où n'importe qui, même un laïque (le code canonique le rappelle) peut exprimer sa pensée, à condition qu'elle soit calme et motivée, sur les tactiques de l'évangélisation. Laissant toutefois à l'homme qui est sorti vêtu de blanc du Conclave la stratégie générale et, surtout, la garde du «depositum fidei». 

    Dans tous les cas, n'oubliant pas ce que François lui-même a rappelé précisément dans le dur discours à sa Curie: il est facile, a-t-il dit, de critiquer les prêtres, mais combien prient pour eux? Voulant aussi rappeler que lui, sur la Terre, est le «premier» parmi les prêtres. Et, par conséquent, demandant à ceux qui critiquent, ces prières dont le monde rit, mais qui conduisent, en secret, le sort de l'Eglise et du monde entier.

  • Miséricorde sans conversion ?

    IMPRIMER

    De Thibaud Collin sur le site du bimensuel "L’Homme Nouveau ":

    « Débattu aujourd’hui à nouveau, l’accès à la communion des divorcés remariés s’inscrit dans un processus général qui en se déconnectant de la conversion dénature la notion même de miséricorde et méconnaît l’appel à la sainteté du Père de toute miséricorde. Sans péché, plus de miséricorde possible ni conscience de la possibilité de se tourner vers Dieu.

     Paradoxe ?

    Une telle expression joignant miséricorde et tentation n’est-elle pas un paradoxe douteux ? Jean-Paul II dans Dives in misericordia note que « plus peut-être que l’homme d’autrefois, la mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde ».

    Il me semble qu’une des figures de cet effacement est une représentation mentale pervertie de la miséricorde. On peut en effet s’opposer à quelque chose soit en le rejetant, soit en s’en faisant une image tronquée et dénaturée. La deuxième attitude est plus subtile car elle ne se présente pas comme une opposition mais bien au contraire comme une manière d’honorer ce qui est, en réalité, bel et bien rejeté dans sa nature propre.

    La question des divorcés-remariés

    La question de l’accès aux sacrements de l’Eucharistie et de la réconciliation des fidèles divorcés et remariés civilement est revenue au cœur de l’actualité ecclésiale et médiatique. À cette occasion beaucoup ont de nouveau réclamé une approche pastorale et non plus juridique de ce problème majeur. La première serait attentive aux personnes accueillies dans leur unicité ; la seconde serait objective et impersonnelle. Ces deux approches s’incarneraient dans deux pratiques opposées de la vie sacramentelle. La miséricorde est alors invoquée pour souligner à quel point seule la première correspond au cœur de Dieu. La loi n’est-elle pas liée à la justice dont la miséricorde est le dépassement ? Rester sur une approche légaliste de l’accès aux sacrements serait une nouvelle forme de pharisaïsme. Le magistère ecclésial aurait jusqu’alors toujours privilégié la loi et le dogme, ressemblant étrangement à ces pharisiens disposant de lourds fardeaux sur les épaules de leurs disciples. Le temps serait enfin venu de vivre pleinement les valeurs évangéliques dont la miséricorde est la quintessence. Au terme d’un temps de pénitence, dont les conditions seraient à préciser, les divorcés remariés devraient être admis à la réconciliation sacramentelle et à l’Eucharistie. Leur refuser serait faire preuve d’obstination aux antipodes de l’empressement de Jésus à guérir les blessés de la vie et à pardonner aux pécheurs.

    Le pardon de Dieu

    Si Dieu n’est que pardon pourquoi l’Église s’entêterait-elle à mettre des conditions au don de Dieu ? La médiatrice de la grâce divine deviendrait-elle son principal obstacle dans une sorte d’avarice insupportable ? Une telle Église serait davantage un organe de pouvoir (nostalgique d’un temps de chrétienté ?) qu’une servante de l’humanité souffrante. Depuis quand le Bon Samaritain ou n’importe quel médecin digne de ce nom ­pose-t-il des conditions objectives au soin qu’il dispense ?

    J’utilise à dessein le préfixe « méta » car celui-ci renvoie en grec à une dimension plus fondamentale et englobante. La méta-tentation assume toutes les autres et donc les rend vaines. Comme le dit Jean-Paul II, la mentalité contemporaine a du mal avec la miséricorde car celle-ci semble impliquer la misère, et du coup être synonyme de pitié. Être l’objet de la miséricorde, c’est perdre sa dignité d’homme capable et autonome. Est-ce paradoxal avec ce que je viens de dire plus haut ?

    Miséricorde sans conversion

    Non car ce refus de la miséricorde, chez beaucoup de chrétiens imprégnés de la mentalité actuelle, se drape justement dans l’appel à la miséricorde. En effet, le présupposé de tout ce que j’ai exposé consiste à déconnecter la miséricorde de la conversion. Les divorcés remariés sont bien sûr l’objet de la miséricorde de Dieu comme n’importe quel pécheur mais seuls la contrition de son péché reconnu comme tel et le ferme propos de le rejeter peuvent permettre de recevoir la miséricorde. Vouloir être pardonné sans reconnaître son péché est une contradiction dont l’apparente solution consiste à dénaturer ce que l’on entend par miséricorde. En fait, c’est tout simplement le péché qui est nié en tant que tel. Ainsi les divorcés remariés ayant de nouveau accès à la vie sacramentelle ne seraient ni mariés ni adultères, ils seraient dans un entre-deux qui en tout cas ne serait pas peccamineux. Or s’il n’y a pas de péché, vaine et inutile est la miséricorde, puisque celle-ci est la réponse de Dieu à la misère de l’homme. Avec l’évacuation du péché disparaissent aussi la conscience de la liberté et sa capacité à se tourner vers Dieu en réponse à l’appel à la sainteté qu’Il adresse à tous les hommes quel que soit leur péché.

    Réf  La méta-tentation de la miséricorde

    Thibaud Collin est philosophe. Dernier ouvrage paru : Sur la morale de Monsieur Peillon, Salvator, 142 p., 14,50 €.

    De son « dialogue » avec le pape François, Eugenio Scalfari pensait déjà pouvoir conclure dans le journal italien laïc de gauche « La Reppublica » : l'éthique est l'exigence la plus changeante d'homme à homme, de société à société, de temps et de lieu. Si la conscience est libre, et si l'homme ne choisit pas le mal mais choisit le bien « comme il l'entend », alors le péché, de fait, disparaît et avec lui la punition. Et de s’exclamer :  « Ce n'est pas une révolution? Comment voulez-vous l’appeler? ».

    Mais on a peine à croire que François ait ainsi confondu subjectivisme et liberté de conscience, car, en effet, la miséricorde qu’il appelle de ses vœux deviendrait  alors inutile.   JPSC