Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : zuppi

  • « PAS D’AVENIR SANS AÎNÉS » APPEL INTERNATIONAL POUR « RÉHUMANISER NOS SOCIÉTÉS » CONTRE UNE « SANTÉ SÉLECTIVE »

    IMPRIMER

    « PAS D’AVENIR SANS AÎNÉS »
    APPEL INTERNATIONAL POUR « RÉHUMANISER NOS SOCIÉTÉS »
    CONTRE UNE « SANTÉ SÉLECTIVE »

    Premier signataire Riccardi (Sant’Egidio), avec Prodi, Habermas, Sachs, Gonzalez, Pöttering, Zuppi, Bokova, De Rita et d’autres personnalités

    C’est d’une inquiétude de la Communauté de Sant’Egidio sur l’avenir de nos sociétés – survenue ces jours-ci à l’occasion de la crise provoquée par le coronavirus – que part cet appel, traduit dans différentes langues et diffusé à partir d’aujourd’hui au niveau international (voir les premiers signataires à la fin).
    Il s’adresse à tous, citoyens et institutions, pour un changement ferme des mentalités qui conduise à prendre de nouvelles initiatives, sociales et sanitaires, à l’égard des populations âgées.

    PAS D’AVENIR SANS AÎNÉS

    Appel pour réhumaniser nos sociétés. Non à une santé sélective

    Avec la pandémie du Covid-19 les personnes âgées sont en danger dans beaucoup de pays européens comme ailleurs. Les chiffres dramatiques des décès dans les institutions font frémir.

    Il y aura beaucoup à revoir dans les systèmes de santé publique et dans les bonnes pratiques nécessaires pour rejoindre et soigner tout le monde avec efficacité, pour dépasser le placement en établissement.

    Nous sommes préoccupés par les récits funestes des hécatombes qui se produisent dans les instituts pour personnes âgées
    . L’idée s’installe qu’il est possible de sacrifier leurs vies en faveur d’autres vies. Le pape François parle à ce propos de « culture du déchet » qui retire aux personnes âgées le droit d’être considérées comme des personnes et fait d’elles un numéro et, dans certains cas, même moins que cela.


    Dans beaucoup de pays d’Europe, face à l’exigence des soins, nous voyons apparaître un modèle périlleux qui privilégie une «santé sélective», tenant pour résiduelle la vie des personnes âgées
    . Leur plus grande vulnérabilité, l’avancée en âge et les autres pathologies possibles dont elles sont porteuses justifieraient une forme de « sélection » en faveur des sujets plus jeunes et plus sains.


    Se résigner à une issue de cette sorte est humainement et juridiquement inacceptable
    . Cela l’est également dans une vision religieuse de la vie, mais aussi dans la logique des droits de l’homme et de la déontologie médicale. Aucun « état de nécessité » ne peut être accepté qui légitimerait ou codifierait des dérogations à de tels principes. La thèse qu’une espérance de vie plus courte comporte une diminution « légale » de sa valeur est, d’un point de vue juridique, une barbarie. Que cela advienne par le moyen d’une imposition (par l’État ou par les autorités sanitaires) extérieure à la volonté même de la personne représente une expropriation intolérable de plus des droits de l’individu.


    L’apport des personnes âgées continue d’être l’objet d’importantes réflexions dans toutes les civilisations. Il est fondamental dans la trame sociale de la solidarité entre les générations. Nous ne pouvons pas laisser mourir la génération qui a lutté contre les dictatures, qui a peiné pour reconstruire après la guerre et qui a construit l’Europe.

    Nous croyons qu’il est nécessaire de réaffirmer avec force les principes de l’égalité de traitement et du droit universel aux soins, conquis au cours des siècles. Le moment est venu de dédier toutes les ressources nécessaires à la sauvegarde du plus grand nombre de vies et d’humaniser l’accès aux soins pour tous. Que la valeur de la vie reste la même pour tous. Celui qui méprise l’existence fragile et faible des plus âgés se prépare à dévaluer toutes les existences.

    Par cet appel, nous exprimons notre douleur et notre inquiétude devant le nombre excessif de morts de personnes âgées ces derniers mois et nous appelons de nos vœux une révolte morale afin qu’un changement de direction s’opère dans le soin réservé aux aînés, afin surtout que les plus vulnérables ne soient jamais considérés comme un poids ou, pire, comme inutiles.

    Signez l'appel



    Premiers signataires:

    Andrea Riccardi, historien, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio
    Romano Prodi, ancien président du Conseil des ministres de la Commission européenne
    Jeffrey D. Sachs, directeur de UN Sustainable Development Solutions Network
    Aleksandra Dulkiewicz, maire de Gdansk, Pologne
    Simonetta Agnello Hornby, écrivain, Royaume-Uni
    Manuel Castells, professeur de sociologie de l’Université de Californie Berkeley, Espagne
    Irina Bokova, ancienne directrice générale de l’UNESCO, membre du Haut comité pour la fraternité humaine, Bulgarie
    Mark Eyskens, ancien premier ministre belge
    Hans Gert Pöttering, ancien président du Parlement européen, Allemagne
    Felipe González Márquez, ancien premier ministre espagnol
    Marie De Hennezel, psychologue, France
    Jean-Pierre Denis, directeur de l’hebdomadaire La Vie, France
    Card. Matteo Zuppi, archevêque de Bologne
    Adam Michnik, essayiste, directeur de Gazeta Wyborcza, Pologne
    Michel Wieviorka, sociologue, président de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme de Paris, France
    Giuseppe De Rita, fondateur de CENSIS
    Stefania Giannini, directeur général adjoint de l’UNESCO
    Maria Antónia Palla, journaliste, Portugal
    Navi Pillay, juge, président ICDP, Afrique du Sud
    Annette Schavan, ancienne ministre fédérale allemande de l’Éducation et de la recherche, Allemagne
    Jürgen Habermas, philosophe, Allemagne

  • L'image publique du pape a été détruite en Ukraine

    IMPRIMER

    Du site (anglais) Aleteia.org :

    Un dirigeant catholique ukrainien tente de sauver l'image du pape dans son pays

    16/09/23

    L'archevêque majeur de l'Église catholique ukrainienne a défendu le pape tout en déplorant certaines de ses déclarations les plus polémiques.

    "L'image publique du Pape est détruite en Ukraine", a déclaré Sa Béatitude Sviatoslav Shevchuk, archevêque majeur de l'Église gréco-catholique ukrainienne, lors d'une conférence de presse tenue le 14 septembre 2023 à Rome, à l'occasion du synode de son Église d'Orient. Le représentant ukrainien a défendu le pontife en affirmant que le pape François leur avait dit : "Je vous assure : Je suis avec vous."

    Un synode d'espérance

    Du 3 au 13 septembre, 45 évêques de l'Église gréco-catholique ukrainienne se sont réunis à Rome pour leur synode. Les prélats sont venus d'Ukraine, d'Europe occidentale, d'Amérique du Nord et du Sud, d'Australie, là où se trouve la diaspora de leur pays. Cette assemblée, dont le thème était l'accompagnement des populations touchées par la guerre, était un "synode de l'espoir", a déclaré Mgr Shevchuk.

    Pendant les 10 jours de travail, les participants au synode ont eu l'occasion de se rendre au Vatican pour une rencontre avec le Pape François le 6 septembre. La rencontre a duré deux heures, le pape ayant prolongé la réunion d'une heure pour "permettre aux évêques de s'exprimer", a déclaré Mgr Shevchuck.

    Dans une déclaration publiée peu après, les évêques ont remercié le souverain pontife, tout en lui faisant part de la "souffrance" de leur peuple et d'une "certaine déception" face aux "malentendus" entre Kiev et Rome. Les commentaires du souverain pontife sur les dirigeants historiques russes lors d'une récente vidéoconférence avec de jeunes catholiques ont fortement marqué l'opinion publique ukrainienne.

    Un accueil mitigé pour la diplomatie papale

    Mgr Shevchuck est également revenu sur les propos d'un conseiller du président Volodymyr Zelensky, qui a critiqué l'action diplomatique du pape dans la presse italienne, affirmant qu'il était "philo-russe" et que sa volonté de jouer un rôle de médiateur n'était donc "pas crédible".

    L'archevêque majeur a expliqué que les diplomates ukrainiens au Saint-Siège et en Italie lui avaient assuré qu'il s'agissait de "l'opinion personnelle" du conseiller et non d'une déclaration officielle ukrainienne. "Je ne suis pas sûr que le gouvernement ukrainien ait fermé ses portes", a-t-il déclaré.

    Le chef religieux ukrainien a néanmoins affirmé que la cote de popularité du souverain pontife avait récemment chuté de manière significative en Ukraine et que les sondages qui faisaient de lui le principal "leader moral" pour près de la moitié des Ukrainiens avant la guerre lui accordaient aujourd'hui une confiance de "6 %, voire 3 %". "L'image publique du pape a été détruite en Ukraine", a-t-il déploré, faisant écho aux propos de l'évêque latin de Kiev, Vitaliy Krivitskiy. Il a ajouté : "C'est un vrai problème pour l'Église catholique en Ukraine".

    Le pasteur catholique ukrainien a tenu à lutter contre ce rejet : "Il ne faut pas mépriser les amis".

    "Sans un soutien global de la communauté internationale, l'Ukraine ne résistera pas" et a affirmé sa confiance dans la formule de paix proposée par le cardinal Matteo Zuppi, l'envoyé du pape actuellement à Pékin.

    Il a toutefois souligné la difficulté de la mission du cardinal, qui cherche à libérer les civils ukrainiens présents en Russie. Pour Moscou, accepter un tel accord - en particulier concernant les enfants - reviendrait à reconnaître qu'ils les ont enlevés, et donc qu'ils ont commis des crimes de guerre.

    Mgr Shevchuck a relaté les propos du souverain pontife lors de leur rencontre, qui lui ont laissé une impression durable. "Vous doutez peut-être de la position du pape. Je vous assure que je suis avec vous : Je suis avec vous". Il s'agit là d'un "message de consolation" pour eux, a-t-il déclaré, avant de poursuivre : "Maintenant, c'est à nous de convaincre notre peuple de ce message et de le transmettre.

    Le représentant des catholiques ukrainiens a rappelé les 227 interventions publiques étonnantes du Pape en faveur de l'Ukraine depuis le début du conflit. Il a également souligné les 3 000 participants ukrainiens à la messe célébrée par les évêques gréco-catholiques le 10 septembre dans la basilique Saint-Pierre. La décision de tenir leur synode dans la capitale italienne a permis de "faire grandir la communion catholique", a-t-il déclaré. Cette Église orientale dont il est le chef est unie à Rome depuis la fin du XVIe siècle et sa séparation d'avec le patriarcat orthodoxe russe.

    "Nous avons payé un prix très élevé pour cette communion. Aujourd'hui, cette communion catholique et universelle est la force de survie de notre peuple", a déclaré Mgr Shevchuck. Il a cité le cas du martyre de saint Josaphat (1580-1623), les "marques" de torture soviétique que portent encore certains évêques gréco-catholiques et le destin tragique d'un prêtre de 34 ans, Oleg Tsunovskyy, qui a perdu un bras et une jambe dans le conflit actuel.

    Pour une paix juste et durable

    L'archevêque de Kiev a expliqué que lors de leur rencontre, le pape a pu entendre le témoignage des évêques des diocèses les plus touchés par la guerre, notamment ceux d'Odessa, de Kharkhiv et de Donetsk - aujourd'hui exilés à Zaporijia. Il lui a été rappelé qu'aucun prêtre catholique - latin ou grec-catholique - ne travaille actuellement dans les territoires ukrainiens occupés par l'armée russe.

    L'archevêque Shevchuk a défendu le souverain pontife, mais a semblé déplorer certaines de ses déclarations polémiques. Il a notamment cité la référence du pape à la "pax mongolica" du XIIIe siècle lors de sa récente visite en Mongolie.

    Mgr Shevchuk estime que cela ne correspond guère à ce que les populations envahies et soumises par les Mongols - notamment celles d'Ukraine et de Pologne - ressentaient à l'époque. "On voit comment le mot paix peut changer de sens", a-t-il affirmé, rappelant que lorsque la Russie a envahi la Géorgie lors de la guerre russo-géorgienne de 2008, elle a présenté son action militaire comme une "pacification".

    Le chef religieux ukrainien a tenu à défendre une vision de la paix, reprenant les propos de l'envoyé du pape, le cardinal Zuppi : "La paix doit être juste et durable. Sinon, a-t-il prévenu, il ne s'agira que d'une "trêve".

    Au cours de sa rencontre avec le pape, Mgr Shevchuk a attiré une nouvelle fois son attention sur le souhait des gréco-catholiques ukrainiens de voir leur Église orientale, actuellement un grand archidiocèse, élevée au rang de patriarcat - le rang le plus élevé pour une Église orientale. Il a assuré le souverain pontife que, de leur point de vue, il ne s'agissait pas d'un "privilège" mais d'un modèle d'organisation ecclésiale qui correspondrait à leur réalité d'aujourd'hui.

  • L'autoritarisme du pape à la tête de l'Eglise d'Italie serait de moins en moins apprécié

    IMPRIMER

    C'est en tout cas ce que cet article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso, donne à penser. (Traduction de diakonos.be.)

    François, monarque d’Italie, de plus en plus patron, de moins en moins aimé

    Lundi 23 mai, quand les évêques italiens réunis en assemblée générale à Rome rencontreront à huis clos le Pape François, ils savent déjà qu’ils recevront de lui non seulement les réprimandes habituelles mais également le « diktat » sur la nomination de leur nouveau président, pour remplacer le cardinal Gualtiero Bassetti, 80 ans, qui arrive à la fin de son quinquennat.

    Comme le prévoient les statuts, les évêques italiens proposeront une terna de candidats, dont chacun sera élu à la majorité absolue, parmi lesquels le Pape choisira et nommera le nouveau président.

    Mais en pratique, le Pape François a déjà choisi son favori et il a déjà annoncé à l’avance – non pas à la Conférence épiscopale italienne mais au « Corriere della Sera » dans son interview téméraire du 3 mai dernier, celle de « l’aboiement de l’OTAN aux portes de la Russie » – qu’il s’agira d’un cardinal, et non pas d’un simple évêque.

    Et ce n’est pas tout. Il a fait savoir par d’autres canaux que le cardinal qu’il nommera président n’aura pas plus de 75 ans quand son mandat viendra à échéance en 2027.

    Ce qui revient à dire qu’à cause de la limite d’âge, il n’y aurait plus que trois cardinaux en lice : le vicaire de Rome, Angelo De Donatis, 68 ans, l’archevêque de Bologne Matteo Maria Zuppi, 67 ans, et l’archevêque de Sienne, Augusto Paolo Lojudice, 58 ans. Trois candidats qui de fait se réduisent à deux si l’on enlève le nom de De Donatis, qui depuis quelques années n’est plus dans les bonnes grâces du Pape et qui serait en partance vers un poste de repli à la Curie romaine.

    Les paris vont déjà bon train sur les deux cardinaux restants. Dans un article précédent, Settimo Cielo a misé sur Lojudice, que le Pape rappellerait à Rome pour être son vicaire. Tandis que pour Zuppi, l’objectif dont tout le monde parle, c’est plutôt sa future élection comme Pape que la présidence de la CEI.

    *

    Les limites d’âge dont nous avons parlé ne s’appliquent pas seulement à la CEI mais aussi à toutes les conférences épiscopales du monde, où le président n’est pas nommé par le Pape mais élu.

    C’est une lettre envoyée en mars dernier à tous les évêchés, et signée par le cardinal Marc Ouellet, Préfet de la Congrégation pour les évêques, pour les pays d’Occident et d’Amérique, et par le cardinal Luis Antonio Gokim Tagle, Préfet de la Congrégation pour l’Évangélisation des peuples, pour les pays en terre de mission.

    C’est la Conférence épiscopale d’Australie qui a été la première à se soumettre aux nouvelles règles pour l’élection de son président, la seconde semaine du mois de mai.

    Et c’est à présent au tour de l’Italie. Mais voici ce que prescrit textuellement la lettre, donc les cinq paragraphes-clés sont ici rendus publics pour la première fois :

    « La pratique est de plus en plus répandue, dans les différentes Conférences épiscopales, d’élire à leur tête des évêques diocésains qui sont sur le point d’atteindre leurs soixante-quinze ans ou qui les ont déjà atteints. Du fait de leur élection, les évêques élus ont souvent demandé au Saint-Père, parallèlement à leur renonciation pour avoir atteint la limite d’âge conformément aux can. 401 § 1 CIC, d’être prolongés dans leur office diocésain jusqu’à l’échéance de leur mandat au sein de leurs Conférences épiscopales respectives.

    Cette pratique a atteint une dimension telle qu’elle conditionne à plusieurs titres la liberté d’appréciation du Saint-Père dans l’acceptation de la renonciation et, par conséquent, qu’elle remet en question la bonne application de la discipline du can. 401 & 1 CIC. En effet, les mesures concédées par ce Dicastère dans le passé ont créé des attentes indues et généralisées de prolongation dans les divers offices diocésains en dépit de la limite d’âge. Par conséquent, après mûre réflexion, je tiens à vous signifier ce qui suit.

    Quand le Président et le Vice-Président de la Conférence épiscopale quittent leur office d’évêque diocésain, à dater du jour de la publication de l’acceptation de leur renonciation de la part du Pontife romain, ils sont également déchus de leurs fonctions de Président et de Vice-Président de la Conférence épiscopale (cfr. Congrégation pour les Évêques, lettre circulaire aux Présidents des Conférences épiscopales concernant la révision de leurs statuts, 13 mai 1999, n°7).

    Par conséquent, afin de prévenir la vacance des offices à la tête des Conférences épiscopales avant l’échéance naturelle du terme de leur mandat, il faut éviter sans exception l’élection d’évêques diocésains qui auraient déjà atteint les soixante-quinze ans d’âge aux fonctions de Président et de Vice-Président des Conférences épiscopales (cfr. can. 401 & 1 CIC ; art 1 de la lettre apostolique en forme de motu proprio ‘Imparare a congedarsi’).

    En outre, afin de ne pas conditionner indument la libre acceptation de la renonciation de la part du Saint-Père, il est aimablement demandé aux Conférences épiscopales de ne pas élire aux charges de Président ou de Vice-Président de la Conférence épiscopale des évêques diocésains qui atteindraient les soixante-quinze ans d’âge au cours de leur charge (mandat électif). »

    *

    Naturellement, le Pape François fait ce que bon lui semble. Le 13 mai, il a nommé comme nouvel archevêque de Prague, à la place du cardinal Dominik Duka, Mgr Jan Graubner, déjà âgé 74 ans, et est donc déjà très proche de la limite d’âge des 75 ans où il faut présenter sa démission.

    Mais en ce qui concerne les évêques italiens, il a déjà décidé de la manière dont il va procéder. Il a déjà ouvert la voie au prochain président en le débarrassant du Secrétaire général actuel, Mgr Stefano Russo, transféré le 7 mai dans le diocèse de Velletri-Segni. Et il a déjà fait savoir – toujours dans le « Corriere della Sera » – que le nouveau président aura la possibilité de choisir lui-même son secrétaire, dont « il puisse dire : j’ai envie de travailler avec cette personne ».

    Parce que dans le passé, ce n’était pas le cas. Depuis qu’il est pape, Jorge Mario Bergoglio a personnellement nommé et limogé les secrétaires généraux de la CEI.

    Le premier à en avoir fait les frais, Mgr Mariano Crociata, a été brusquement liquidé fin 2013 et expédié dans le modeste diocèse de Latina-Terracina-Sezze-Priverno.

    Le second, Mgr Nunzio Galantino, le Pape l’a nommé avant de l’utiliser comme homme de main contre la CEI elle-même, notamment parce que les rapports entre le Pape et la Conférence épiscopale se sont rapidement détériorés, surtout à cause de l’amertume avec laquelle les évêques ont accueilli le discours de réprimande du Pape à Florence en 2015 et ensuite sa proposition de lancer un synode national.

    Le troisième, Mgr Stefano Russo, choisi et nommé par le Pape François en 2018, n’est pas parvenu à satisfaire les attentes du Pape, toujours plus en rupture avec la CEI et son président, Mgr Bassetti.

    Le Pape n’a autorisé ni Mgr Galantino, qui sera par la suite rappelé au Vatican pour présider l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique, ni Mgr Russo, à terminer leurs quinquennats respectifs, contrairement au cardinal Bassetti, qu’il a nommé en 2017, mais qui est rapidement tombé en disgrâce avant d’être carrément humilié, à nouveau à Florence en février dernier, par le refus du Pape de se déplacer – et même de les saluer à distance depuis Rome – pour la clôture de ce colloque des Églises et les nations de la Méditerranée si chères au président sortant de la CEI.

    Mais à présent que le Pape Bergoglio s’est libéré d’eux deux, il sera curieux de voir qui composera le ticket – président et secrétaire – auquel il voudra confier le « beau changement » auquel il s’attend finalement, lui aussi annoncé au « Corriere ».

    *

    On peut ajouter à la série des mauvais traitements énumérés ci-dessus la gifle infligée par François à un autre ex-secrétaire général de la CEI, Ennio Antonelli, aujourd’hui âgé de 86 ans, que Jean-Paul II avait promu archevêque de Florence et cardinal et que Benoît XVI avait appelé à président le Conseil pontifical pour la famille. Le Pape François n’avait pas autorisé le cardinal Antonelli à participer au synode sur la famille de 2014, malgré sa compétence en la matière, simplement parce qu’il s’était montré contraire à ce feu vert à la communion des divorcés remariés que le nouveau Pape voulait à tout prix.

    Le Pape François a toujours maltraité la Conférence épiscopale italienne sur les questions ayant trait à la famille.

    Depuis l’assemblée générale de novembre dernier, le Pape a même créé une commission – dirigée par un de ses protégés, l’espagnol Alejandro Arellano Cedillo, doyen de la Rote Romaine – pour inspecter un par un les quelque 200 diocèses italiens et s’assurer qu’ils obéissent bien à ce qu’il a décidé concernant les procès en nullité matrimoniale.

    Dans ce domaine, l’Église italienne était depuis longtemps un de meilleurs élèves au monde, avec son réseau de tribunaux régionaux efficaces et les coûts réduits des procès, qui aillaient d’un maximum de 525 euros jusqu’à descendre à la gratuité totale, en fonction des moyens des demandeurs. Rien de comparable avec la situation d’autres régions du monde, dont certaines sont totalement dépourvues de tribunaux, en particulier en Amérique latine, le continent dont provient le Pape.

    Mais le Pape François tenait à élargir outre mesure les concessions de nullités. Et pour y parvenir, à travers le motu proprio « Mitis Iudex » d’août 2015 et ses décrets d’application successifs, il a confié le rôle de traiter les procès en nullité et de rendre les jugements non plus aux tribunaux ecclésiastiques régionaux avec leurs magistrats et avocats avec toutes les garanties du droit, mais aux évêques individuels, en tant que pasteurs « et pour cela même juges » de leurs fidèles, via des procédures drastiquement abrégées et des voies extra-judiciaires, dans un régime de gratuité totale pour les demandeurs.

    La CEI a bien tenté de résister à ce démantèlement, et même une personnalité très appréciée par le Pape Bergoglio telle que le cardinal et théologien allemand Walter Kasper a tiré la sonnette d’alarme face à « un élargissement des procédures en nullité » qui « donneraient la dangereuse impression que l’Église serait de manière malhonnête en train de concéder ce qui seraient en réalité des divorces ».

    Mais rien à faire. Le Pape François s’est réjoui que dans certaines régions d’Italie, surtout du Sud, certains diocèses aient commencé à se débrouiller seuls en érigeant leur propre tribunal, malgré des résultats presque partout désastreux par manque de personnel compétent.

    Et à présent, il voudrait que ce soit le cas partout. Avec des jugements de nullité rendus en masse et ressemblant toujours plus à l’annulation de mariages ayant échoué, en pratique à un « divorce catholique ».

    *

    Pour en revenir à la nomination du nouveau président de la CEI, voici ci-dessous, publié pour la première fois, le résultat des votes qui en mai 2017 ont abouti à la terna des candidats, parmi lesquels le préféré du Pape avait alors été le cardinal Bassetti.

    Premier vote pour le premier candidat de la terna, 226 votants :

    Franco Giulio Brambilla 44, Gualtiero Bassetti 44, Francesco Montenegro 34, Giuseppe Betori 20, Bruno Forte 15, Matteo Maria Zuppi 12, Mario Meini 9…

    Second vote pour le premier candidat de la terna, 228 votants :

    Bassetti 72, Brambilla 59, Montenegro 42, Betori 17, Forte 9, Zuppi 6, Meini 6…

    Ballottage, 226 votants:

    Bassetti 134 (élu), Brambilla 86, 5 blancs, 1 nul

    Premier vote pour le second candidat de la terna, 224 votants :

    Brambilla 90, Montenegro 53, Betori 20, Meini 10, Forte 9…

    Second vote pour le second candidat de la terna, 226 votants :

    Brambilla 115 (élu), Montenegro 67, Betori 22, Forte 7…

    Premier vote pour le troisième candidat de la terna, 226 votants :

    Montenegro 126 (élu), Betori 42, Forte 11, Zuppi 9…

    *

    À propos de Mgr Franco Giulio Brambilla, depuis 2011 évêque de Novara, entre 2015 et 2021 Vice-Président de la CEI et auparavant professeur de christologie et président de la Faculté théologique de Milan, Settimo Cielo a publié en 2020 une de ses interventions sur l’interprétation du Concile Vatican II dans le sillage de la « réforme de la continuité » soutenue par Benoît XVI dans son mémorable discours du 22 décembre 2005.

    On retrouve parmi les théologiens du XXè siècle les plus étudiés par Mgr Brambilla, Edward Schillebeeckx, Karl Rahner e Hans Urs von Balthasar, qu’on ne peut certes pas classer parmi les traditionnalistes, dont il est toujours resté à distance. Une raison de plus pour accueillir le sérieux de son appréciation – dans cette même intervention – pour les critères d’historicité adoptés par le cardinal « conservateur » Walter Brandmüller, face aux « nombreuses banalités » qui circulent aujourd’hui au sujet du dernier Concile.

  • François, Poutine et Xi : les déboires de la « diplomatie parallèle »

    IMPRIMER

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso (traduction de diakonos.be) :

    François, Poutine et Xi. Les déboires de la « diplomatie parallèle »

    L’attribution au cardinal Matteo Zuppi d’une « mission » de paix en Ukraine sans davantage de précisions constitue la dernière initiative personnelle prises par le Pape François au nez et à la barbe des diplomates de la Secrétairerie d’État.

    En plus d’être archevêque de Bologne et président de la Conférence épiscopale italienne, Mgr Zuppi est également l’un des membres historiques de la Communauté de Sant’Egidio, universellement connue pour la « diplomatie parallèle » qu’elle exerce depuis de nombreuses années dans plusieurs parties du globe.

    Mgr Zuppi sait qu’il n’est pas aimé en Ukraine, ni par le gouvernement de Kiev, ni par l’Église grecque catholique locale. Dans le flot ininterrompu de ses déclarations sur la guerre, il s’est toujours gardé d’approuver avec clarté aussi bien le droit de l’Ukraine à prendre les armes pour se défendre contre l’invasion russe que les livraisons d’armes de la part de nombreuses nations occidentales. « Le chrétien – a-t-il déclaré – est un homme de paix qui choisit une autre manière de résister : la non-violence ».

    Évidemment, ces paroles sont du pain bénit pour Russie, et plus encore celles du fondateur de Sant’Egidio, Andrea Riccardi, monarque tout-puissant de la Communauté.

    Dès le premier jour de l’agression Russe, Riccardi a milité pour la reddition de l’Ukraine et a même lancé un appel pour que Kiev soit déclarée « ville ouverte », c’est-à-dire occupée par l’armée de l’envahisseur sans opposer de résistance.

    Et c’est encore ce même Riccardi qui a prononcé le 5 novembre dernier le discours de clôture de l’imposant cortège pacifiste qui a traversé les rues de Rome jusqu’à Saint-Jean-de-Latran pour réclamer le cessez-le-feu, avec des dizaines de bannières de Sant’Egidio mais évidemment pas un seul drapeau ukrainien.

    On ne peut qu’être frappé par la distance entre les positions de Zuppi et Riccardi et celles du ministre des Affaires étrangères du Vatican, l’archevêque Paul Gallagher, qui défend quant à lui sans réserve le droit de l’Ukraine à se défendre par les armes.

    Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le Pape François semble également affectionner tout particulièrement la « diplomatie parallèle » de Saint’Egidio avec un autre pays, la Chine.

    *

    En effet, de nouveaux événements sont récemment venu saper l’accord secret sur la nomination des évêques passé en 2018 entre le Saint-Siège et la Chine et renouvelé pour la deuxième fois pour deux années supplémentaires en octobre dernier.

    Depuis la signature de cet accord, il n’y a eu à ce jour que six nominations à peine : en 2019 à Jining et Hanzhong (mais dans ces deux cas, les candidats avaient déjà été approuvés des années auparavant, respectivement en 2010 et en 2016) ; en 2020 à Qingdao et à Hongdong ; en 2021 à Pingliang et à Hankou-Wuhan.

    Ensuite, pendant plus d’un an, plus rien. Jusqu’à ce que le Saint-Siège communique, le 24 novembre 2022, avoir appris « avec étonnement et regrets » la « cérémonie d’installation » de John Peng Weizhao, ancien évêque de Yujiang, en tant qu’« évêque auxiliaire de Jiangxi » également.

    Rome dénonce cet acte comme « ne correspondant pas » avec l’accord en cours et, qui plus est, posé dans le diocèse de Jiangxi qui n’est « pas reconnu par le Saint-Siège », c’est-à-dire avec les frontières unilatéralement définies par le gouvernement de Pékin.

    Mais la Chine ne s’est pas arrêtée en si bon chemin et a posé un deuxième acte unilatéral. Le 4 avril 2023, le directeur de la salle de presse vaticane, Matteo Bruni – lui aussi membre de Sant’Egidio – a communiqué que le Saint-Siège « a appris par les médias » que Joseph Shen Bin avait quitté son précédent diocèse de Haimen pour être installé à la tête d’un autre diocèse, celui de Shanghai.

    Dans le quotidien de la Conférence épiscopale italienne « Avvenire », le spécialiste de la Chine, Agostino Giovagnoli, cherche à minimiser les faits en faisant remarquer qu’il ne s’agit pas d’une consécration épiscopale mais seulement du transfert d’un évêque d’un siège à l’autre, et qu’il est possible qu’il y ait eu un « malentendu » entre les autorités de Pékin, « peut-être, dans ce cas, à cause d’un changement récent à la tête de l’organisme du Front uni qui traite des affaires religieuses et en partie du catholicisme ».

    Giovagnoli est lui aussi membre de haut niveau de Sant’Egidio, en plus d’être professeur d’histoire contemporaine à l’Université catholique de Milan et vice-président de l’Institut pontifical Jean-Paul II pour le mariage et la famille. Il fait partie de l’Institut Confucius de Milan, l’un de nombreux instituts du même nom ouverts par Pékin dans le monde entier pour promouvoir la langue et la culture chinoise.

    Mais Shanghai n’est pas un diocèse comme les autres, c’est l’un des plus anciens et des plus importants de Chine. Gouverné jusqu’à sa mort en 2013, à 97 ans, par le jésuite Aloysus Jin Luxian – à ton tour précédé par l’héroïque Ignace Kung Pinmei créé cardinal en secret par Jean-Paul II en 1979 pendant qu’il était en prison – il comptait dans l’ordre de succession l’évêque « souterrain » Joseph Fan Zhongliang, qui avait cédé sa charge à Jin, ainsi que l’évêque auxiliaire Joseph Wenzhi Xing et l’autre évêque auxiliaire, Thaddée Ma Daqin.

    Cependant, le premier des trois successeurs potentiels, Fan, est mort en 2014. Le second, Wenzhi, aujourd’hui âgé de soixante-trois ans, préféré par le Vatican, a été contraint par le régime à se démettre en 2011 pour des raisons jamais élucidées. Et le troisième, consacré évêque en 2012 sur accord conjoint de Pékin et Rome, a été arrêté le jour même de son ordination pour avoir démissionné de l’Association patriotique des catholiques chinois, l’instrument principal à travers lequel le régime exerce son contrôle sur l’Église. Et depuis lors, il est toujours aux arrêts malgré qu’il se soit publiquement rétracté, et il reste assigné à résidence dans le séminaire attenant au sanctuaire marial de Notre-Dame de She-Shan, dans les environs de Shanghai.

    En revanche, après une décennie de diocèse vacant, ce sont à présent les autorités chinoises qui ont choisi et installé unilatéralement le nouvel évêque de Shanghai. Et l’on comprend pourquoi. Shen est le numéro un des évêques inféodés au régime communiste, il est vice-président de la Conférence politique consultative du peuple chinois, l’organe composé de plus de deux mille délégués appelés à approuver les décisions du président Xi Jingping et du leadership du parti, et c’est également le chef du Conseil des évêques chinois, la conférence épiscopale fantoche jamais reconnue par Rome qui désigne tous les nouveaux évêques en vertu de l’accord secret de 2018, ne laissant au Pape que la faculté de l’approuver ou pas.

    De plus, le nouvel évêque de Shanghai est un habitué des meetings internationaux organisés par la Communauté de Sant’Egidio. Les derniers auxquels il a pris part étaient ceux de Münster et d’Osnabrück en septembre 2017 et de Bologne en octobre 2018, le diocèse dirigé par Mgr Zuppi depuis trois ans.

    Mais de là à penser que la « diplomatie parallèle » philo-chinoise de Sant’Egidio puisse influer sur une amélioration des rapports entre Rome et Pékin, il y a de la marge.

    Cet optimisme, déjà largement contredit par les faits, a récemment été douché par la récente interview donnée par l’évêque jésuite de Hong Kong, Stephen Chow à « La Civiltà Cattolica » de retour d’un voyage à Pékin sur invitation de l’évêque de la capitale, Joseph Li Shan, président de l’Association patriotique des catholiques chinois, lui aussi très proche du régime.

    Mgr Chow a fait explicitement référence aux deux affaires de Jangxi et de Shanghai pour déduire que « l’accord n’est pas mort » mais qu’il révèle une série de « différences de points de vue entre les deux parties » qui exigeraient des « entretiens plus réguliers et approfondis », notamment « sur les présupposés censés régir le processus de dialogue entre les parties impliquées ».

    Il a jouté que « ceux qui sont opposés à l’accord provisoire semblent plutôt défavorables au Pape François », même si « une grande majorité des catholiques en Chine » reste « fidèle au Pape ».

    Mais il a surtout tiré un bilan négatif de l’accord, quand il a déclaré qu’ « environ un tiers des diocèses du continent » continue à rester « dans l’attente d’une nomination épiscopale respective ».

    En effet, c’est bien ainsi que sont les choses. D’après le Vatican, il y aurait 147 diocèses dans toute la chine, y compris Macao et Hong Kong. Mais il y a aussi le décompte du gouvernement chinois qui a redessiné unilatéralement toutes les frontières et réduit les diocèses au nombre de 99.

    Or, sur ces 99 diocèses, 34 sont encore sans évêque, malgré l’accord sur les nouvelles nominations. La liste détaillée des diocèses vacants, avant que n’éclatent les affaires de Jiangxi et de Shanghai, a été publié par « Asia News », l’agence de l’Institut pontifical des Mission étrangères de Milan, qui est spécialisé sur la Chine.

    En outre, d’autres statistiques laissent transparaître une Église en difficultés. Dans les séminaires chinois, aussi bien « officiels » que « souterrains », le nombre de candidats à la prêtrise est passé de 2400 au début du siècle à 420 à peine en 2020, qui « peinent à se faire confiance entre eux et ont tendance à rester isolés », a constaté un missionnaire à Hong Kong, qui a rédigé sur thèse de doctorat sur ce sujet.

    Mais ce sont surtout les vexations et les restrictions imposées à de nombreux évêques, à bien des prêtres et à un grand nombre de simples baptisés qui pèsent sur l’Église catholique chinoise. Parmi les évêques qui se trouvent davantage dans la ligne de mire, outre l’évêque auxiliaire de Shanghai Ma Daqin dont nous avons parlé, il faut également mentionner :

    – l’évêque de Xhanhua, Augustin Cui Hai, jeté en prison à plusieurs reprises ces dernières années et de nouveau arrêté dans une ville inconnue, qui ne donne plus de nouvelles depuis 2021 ;

    – l’évêque de Baoding, James Su Zhimin, dans les mains de la police depuis plus de 25 ans, après en avoir déjà passé plus de 40 aux travaux forcés sous Mao Tsé Toung.

    – l’évêque de Wenzhou, Shan Zhumin, arrêté à plusieurs reprises et détenu par la police ;

    – l’évêque de Zhengding, Jules Jia Zhiguo, assigné à domicile depuis le 15 août 2020 ;

    – l’évêque de Xinxiang, Joseph Zhang Weizhou, emprisonné le 21 mai 2021 et depuis lors détenu on ne sait où ;

    – l’évêque auxiliaire de Xiapu-Mindong, Vincent Quo Xijin, assigné à résidence, forcé sous la contrainte à démissionner de toutes ses charges.

    Les plus persécutés sont les évêques « souterrains », privés de la reconnaissance officielle du régime. Et même quand, écrasés par la pression, ils finissent par accepter de s’enregistrer, les autorités les emmènent dans des endroits secrets où ils sont soumis à des sessions de « rééducation » politique, jusqu’à ce qu’on soit certain qu’ils donnent des gages de soumission.

    Jamais ni la hiérarchie chinoise ni les autorités vaticanes et encore moins le Pape François n’ont jamais émis la moindre protestation en public contre tout cela. Le seul à avoir haussé le ton à plusieurs reprises, c’est le vieux cardinal Joseph Zen Zekiun, lui aussi arrêté et condamné il y a quelques mois pour avoir défendu la liberté de ses concitoyens de Hong Kong et qui est à l’heure actuelle toujours inculpé de « collusion avec des puissances étrangères ».

    À Hong Kong, plus de mille personnes, dont beaucoup sont chrétiennes, sont incarcérées pour avoir participé aux manifestations pour la démocratie de 2014 et de 2019. Lors d’une de ses visites aux détenus, le cardinal Zen a également baptisé Albert Ho, un important leader démocratique.

    Dans son message de pâques adressé à ses fidèles peu avant son voyage à Pékin, l’actuel évêque de la ville, Mgr Chow, a demandé aux autorités politiques de faire preuve de clémence envers ces prisonniers, dans l’optique d’un apaisement.

    Et il reste à espérer que ce geste de la part d’un confrère jésuite puisse encourager le Pape François à remettre en question sa « voie chinoise », plus encore que la stérile « diplomatie parallèle » de Sant’Egidio.

  • L'évêque italien Mariano Crociata est le nouveau Président de la COMECE

    IMPRIMER

    Communiqué de Presse

    ASSEMBLEE | L'évêque italien Crociata est le nouveau Président de la COMECE

    Son Excellence Mgr Mariano Crociata (Italie) est le nouveau Président de la COMECE. Il a été élu le mercredi 22 mars 2023 par les évêques délégués des épiscopats de l'Union européenne, réunis à Rome pour l'Assemblée plénière de printemps de la COMECE. À cette occasion, quatre vice-présidents ont également été élus : Mgr Hérouard, Mgr Brás da Silva Martins, Mgr Norvila, Mgr Kozon.

    Screenshot 2023-03-22 at 19.12.37

    Mgr. Mariano Crociata, évêque de Latina, est le nouveau Président de la Commission des Épiscopats de l'Union européenne (COMECE). Il a été élu par les évêques délégués des Conférences épiscopales de l'Union européenne, réunis à Rome pour leur Assemblée de printemps 2023.

    Mgr. Crociata, 70 ans, (1) succède au Cardinal Jean-Claude Hollerich SJ pour la période 2023-2028. Lors de son élection, l'évêque de Latina a exprimé sa gratitude aux membres de l'Assemblée pour leur confiance. "Nous vivons une période cruciale pour l'Europe et pour l'Église. L'unité et la solidarité sont plus que jamais nécessaires. Elles doivent nous guider dans les nombreuses transitions auxquelles nos sociétés sont confrontées", a déclaré Mgr Crociata.

    "Je pense en particulier à la nécessité d'une reprise juste et durable après les conséquences de la pandémie de COVID-19, en veillant à ne laisser personne de côté, ainsi qu'au renouvellement de la vocation de l'Union européenne à être une source de développement et une promesse de paix pour notre continent bien-aimé et pour le monde", a-t-il poursuivi.

    Le nouveau président est le délégué de la Conférence épiscopale italienne auprès de la COMECE depuis 2017. Au cours des cinq dernières années, il a occupé le poste de premier vice-président de la COMECE.

    L'Assemblée a également élu quatre vice-présidents, reflétant la diversité géographique et culturelle de l'Église dans l'Union européenne. Les vice-présidents sont Mgr Antoine Hérouard (France), Mgr Nuno Brás da Silva Martins (Portugal), Mgr Rimantas Norvila (Lituanie), Mgr Czeslaw Kozon (Conférence épiscopale nordique).

    Après l'élection de la nouvelle Présidence, l'Assemblée a accueilli le Cardinal Secrétaire d'Etat, Son Eminence Pietro Parolin. Ensemble, ils ont échangé sur les implications humanitaires, géopolitiques et sociales de la guerre en Ukraine, et sur les moyens pour l'Église catholique d'encourager et de contribuer au rôle de l'UE en tant qu'acteur mondial de la paix.

    Le jeudi 23 mars, la nouvelle présidence, ainsi que tous les évêques délégués de l'UE et les membres du Secrétariat de la COMECE et leurs familles, seront reçus par le Pape François.
    L'audience sera l'occasion de discuter avec le Saint-Père de certains des sujets les plus cruciaux pour l'Europe, avec un accent particulier sur la promotion de la paix, sur les politiques de migration et d'asile de l'UE et sur les élections du Parlement européen de 2024.

    Le même jour, les évêques de l'UE auront également une réunion de dialogue avec S.E. Alexandra Valkenburg, Ambassadeur de l'UE auprès du Saint-Siège. Dans l'après-midi, S.E. Mgr Paul Gallagher, Secrétaire pour les relations avec les États, s'adressera aux évêques de la COMECE. Dans la soirée, ils visiteront la Conférence épiscopale italienne (CEI) et célébreront la Sainte Messe avec S.Em. Matteo Zuppi.

    Enfin, l'Assemblée de la COMECE aura une réunion de dialogue avec Antonio Tajani, Ministre italien des Affaires étrangères, Vice-président du Parti Populaire Européen (PPE) et ancien Président du Parlement européen.

    (1) Né à Castelvetrano, dans la province de Trapani, en Sicile, Mariano Crociata a été ordonné prêtre en 1979. Il a étudié la philosophie et la théologie à l'Université pontificale grégorienne de Rome, où il a obtenu un doctorat en théologie en 1984.

    Il a dirigé le département de théologie des religions à l'école théologique de Palerme. Depuis 2003, il est vicaire général du diocèse de Mazara del Vallo. Le 16 juillet 2007, le pape Benoît XVI l'a nommé évêque de Noto. Il a été consacré le 6 octobre 2007. Entre 2008 et 2013, il a été secrétaire général de la Conférence épiscopale italienne (CEI).

    Il est évêque du diocèse de Latina-Terracina-Sezze-Priverno depuis le 19 novembre 2013. Il est délégué de la Conférence épiscopale italienne auprès de la COMECE depuis 2017. Il a été premier vice-président de la COMECE pour la période 2018-2023.

  • Quels sont les profils des nouveaux cardinaux désignés par le pape François ?

    IMPRIMER

    D'Edward Pentin, correspondant du National Catholic Register à Rome (traduction rapide) :

    Profils des nouveaux cardinaux du pape François

    Comme lors des précédentes nominations du Saint-Père, elles ont une large portée géographique et viennent en renfort aux thèmes auxquels il a accordé la priorité tels que l’immigration, l’environnement et le dialogue avec l’islam.

    CITE DU VATICAN - Le pape François a nommé dimanche 13 nouveaux cardinaux de manière inattendue, des choix qui ont de nouveau révélé son souhait que l'Eglise se rende dans les périphéries et dans les pays en développement.

    Mais ils révèlent également que les hommes d'Eglise soutiennent d'autres causes qui lui tiennent à cœur, notamment les politiques de migration ouverte, le souci de l'environnement et du populisme, une attitude diplomatique plutôt que réaliste envers l'islam et une sympathie à l'égard de ceux qui soutiennent les questions homosexuelles.

    "Leur origine exprime la vocation missionnaire de l'Église alors qu'elle continue à proclamer l'amour miséricordieux de Dieu à toute personne sur Terre", a déclaré le pape.

    Les nouveaux cardinaux, dont 10 auront le droit de voter lors d'un conclave, recevront leur chapeau rouge lors du consistoire du cardinal le 5 octobre, à la veille du synode amazonien du 6 au 27 octobre.

    Avec les nouveaux choix de François, le nombre de cardinaux électeurs passera à 128, soit huit de plus que le nombre recommandé par le pape saint Paul VI (le pape saint Jean-Paul II dépassait parfois la limite de 120); toutefois le nombre déclinera rapidement dans les mois à venir.

    Trois électeurs - le cardinal congolais Laurent Monsengwo Pasinya de Kinshasa, le cardinal italien Edoardo Menichelli et le cardinal indien Telesphore Placidus Toppo - vont bientôt perdre leur droit de vote car ils auront 80 ans en octobre, avec d'autres qui dépasseront l’âge du vote l’année prochaine.

    Après le consistoire du cardinal qui se tiendra le 5 octobre, le sixième de François, le Collège des cardinaux comptera 67 électeurs choisis par François, 42 créés par Benoît XVI et 19 par Jean-Paul II.

    La liste des nouveaux cardinaux électeurs, que le Saint-Père a failli manquer d’annoncer après avoir été bloqué pendant 25 minutes dans un ascenseur avant de se rendre à l’Angélus, a encore internationalisé le Collège des cardinaux. Mais les choix restent également centrés sur l’Europe, comprenant cinq Européens, un asiatique, deux africains et deux d’Amérique centrale.

    À l'exception de Bologne, François continue de négliger d'autres cités épiscopales historiquement dirigées par un chapeau rouge - en Italie, notamment le patriarcat de Venise, Palerme et Turin; et, aux États-Unis, Los Angeles et Philadelphie.

    Aucun cardinal américain n’a été annoncé; François n’a pas décerné de chapeau rouge à un Américain depuis le consistoire de novembre 2016, préférant se concentrer sur l’Europe et promouvoir la présence du Sud dans le monde. L'absence d'un cardinal chinois est peut-être plus surprenante étant donné l'accord historique signé entre le Vatican et la Chine concernant les nominations épiscopales, signé en septembre dernier.

    Mgr Miguel Angel Ayuso Guixot figurait en tête de liste des 10 nouveaux cardinaux électeurs. Né à Séville, en Espagne, âgé de 67 ans, il est président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux depuis mai dernier, succédant au regretté cardinal Jean-Louis Tauran. En 2012, Benoît XVI a nommé Mgr Ayuso secrétaire (adjoint) du dicastère. Il a dirigé diverses réunions interreligieuses, écrit de nombreux ouvrages et articles et parle plusieurs langues, dont l'arabe.

    Ancien président de l'Institut pontifical d'études arabes et islamiques de Rome, Mgr Ayuso a participé activement à la rédaction du document «Fraternité humaine», signé le 4 février par Cheikh Ahmed el-Tayeb, grand imam d'Al-Azhar, et le pape à Abu Dhabi. Le Vatican l'a qualifié de "grand pas en avant" et de "puissant signe de paix et d'espoir" entre les deux religions, mais des critiques ont exprimé de fortes réserves quant à un passage du document selon lequel "la diversité des religions" est "voulue par Dieu", arguant que cela contredit une croyance centrale de l'Église en relativisant l'unicité du Christ et de l'Église.

    L'Archevêque José Tolentino de Mendonça, archiviste et bibliothécaire de la Sainte Eglise Romaine depuis juin 2018, est un prélat portugais qui a connu une ascension fulgurante. C'était un prêtre pratiquement inconnu en dehors du Portugal jusqu'à ce que le pape le choisisse pour prêcher sa retraite de carême l'année dernière. Né à 1965 à Madère, Mgr Tolentino de Mendonça, docteur en théologie biblique, est devenu en 2011 membre du Conseil pontifical de la culture. Elevé au rang d'archevêque à son poste actuel, il a publié de nombreux volumes et articles de nature théologique et exégétique, ainsi que plusieurs ouvrages de poésie.

    Mais c’est aussi une personnalité controversée qui a écrit l’introduction d’un livre sur la théologie féministe de Sœur Maria Teresa Forcada. Surnommée par la BBC «la moniale la plus radicale d’Europe» et connue pour promouvoir la «théologie queer», Sœur Maria Teresa est une pro-avortement férocement anticapitaliste et favorable à l'ordination des femmes. Dans son introduction, le père Tolentino de Mendonça a écrit qu’il estimait que son "apostolat" devrait être un modèle de christianisme "libre" de liens dogmatiques passés et présents et que sa valeur est d’avoir «souligné l’importance de relations éthiques libérées des règles codifiées. "

    L'archevêque Matteo Zuppi, que François a choisi pour être le successeur surprise du cardinal Carlo Caffarra en tant qu'archevêque de Bologne en 2015, a été prêtre puis curé de la paroisse historique Santa Maria in Trastevere de Rome de 1981 à 2010, puis assistant général ecclésiastique à la communauté laïque de Sant'Egidio à Rome. Benoît XVI l'a nommé évêque auxiliaire de Rome en 2012.

    Reconnu comme un «prêtre de la rue» pour ses efforts auprès des personnes âgées, des immigrants, des gitans et des toxicomanes, il a également participé aux initiatives de paix de Sant'Egidio en Afrique, notamment pour ses médiations pour libérer les missionnaires kidnappés et son accord de paix négocié avec succès entre le Mozambique et Burundi, auquel il a travaillé avec Nelson Mandela. Populaire parmi les Italiens, il aime circuler en vélo à Bologne et on pense que sa sensibilité aux questions sociales l’amène à se rapprocher de François. Lors de sa visite à Bologne, il y a deux ans, le pape aurait été ravi lorsque l'archevêque lui a offert un déjeuner avec les pauvres de la ville. De nombreux membres de la gauche politique italienne ont reçu la nouvelle de son chapeau rouge avec un grand enthousiasme.

    L’archevêque Zuppi s'est attiré des critiques pour avoir rédigé la préface italienne du livre 'Construire un pont' du père jésuite James Martin dans lequel il approuvait une nouvelle attitude pastorale à l'égard des catholiques «LGBT». Mais les partisans de l'archevêque Zuppi ont déclaré au NCR que sa position était plus nuancée que ce que le père Martin en a dit (le père Martin l'a décrit comme un "grand partisan des catholiques 'LGBT'") et que, même si l'archevêque appelle à une approche pastorale dans son avant-propos, il réaffirme l’enseignement de l’Eglise sur la question (...).

    L’archevêque Jean-Claude Höllerich, jésuite nommé archevêque de Luxembourg par Benoît XVI en 2011, est également président de la conférence des évêques catholiques de l’Union européenne (COMECE). Il s'est montré proche du pape François sur de nombreuses questions. En avril, il a fait la une des journaux en écrivant dans le journal jésuite La Civiltà Cattolica que les populistes européens jouaient à un «jeu méchant» en exploitant les craintes des citoyens en matière d’immigration et de sécurité. Le "drame" des migrants en Europe, a-t-il dit, est une "honte" et qui "ravive nos peurs à l'égard d'ennemis que seraient les migrants, l'islam, les juifs, etc.", a-t-il ajouté. L'ancien stratège du président Donald Trump, Steve Bannon et l'analyste politique russe Aleksandr Dugin seraient les "prêtres de ces populismes qui évoquent un faux monde pseudo-religieux et pseudo-mystique, reniant le cœur de la théologie occidentale, qui est l'amour de Dieu et l'amour du prochain".

    Il a exprimé son soutien total au prochain synode sur l'Amazonie, déclarant lors d'une conférence organisée conjointement par la COMECE, le REPAM (l'organisation de l'Église créée en 2014 pour préparer le synode) et les organisations d'aide catholiques allemandes Adveniat et Misereor, que l'Amazone est confrontée à «un conflit mondial», problème qui appelle une réponse globale. "Il a ajouté:" Nous devons nous immerger dans la réalité, car c’est dans la  réalité que nous trouvons Dieu. Et aujourd'hui, cela nous invite à prendre soin de la création, ce qui nécessite une véritable révolution des coutumes, des mentalités et de l'économie.» Au synode de la jeunesse de l'année dernière, l'archevêque a déclaré que « le discernement ne consiste pas en du noir et du blanc, mais à découvrir toutes les couleurs de la réalité. » Ancien enseignant de séminaristes et directeur des vocations, Mgr Höllerich entretient des liens étroits avec l’Église au Japon, ayant été aumônier puis vice-recteur de la Sophia University à Tokyo.

    Le père jésuite Michael Czerny, qui est actuellement sous-secrétaire de la section des migrants et des réfugiés du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral, est un autre cardinal jésuite dont les opinions sont très proches de celles de François. Né dans l'ex-Tchécoslovaquie en 1946, citoyen canadien, le père Czerny s'est depuis longtemps spécialisé dans la justice sociale et les droits de l'homme. De 1992 à 2002, il a exercé les fonctions de secrétaire à la justice sociale à la Curie générale des jésuites, puis a fondé et dirigé le Réseau jésuite africain sur le sida (AJAN). En 2005, il a enseigné à Nairobi, en collaboration avec la conférence des évêques du Kenya. En 2009, Benoît XVI l'a nommé expert du Synode pour l'Afrique.

    Souvent vu lors de réunions de justice et de paix ou de réunions impliquant des préoccupations environnementales, l'influence du père Czerny s'est accrue lorsqu'il a été nommé conseiller du Conseil pontifical pour la justice et la paix, aujourd'hui défunt, en 2010. Il y a exercé et continue d'exercer les fonctions de conseiller principal. au cardinal Peter Turkson, en lui offrant des conseils sur un large éventail de questions de justice sociale. François s’est souvent appuyé sur son expertise au point de devenir membre du synode pour la jeunesse de l’année dernière. Il est l’un des secrétaires spéciaux du prochain synode d’Amazonie et une figure de proue dans la promotion de cette réunion.

    Parmi les nouveaux cardinaux «à la périphérie» se trouve l'archevêque Ignatius Suharyo Hardjoatmodjo de Jakarta, Indonésie - la nation musulmane la plus peuplée du monde (en 2018, selon le CIA Factbook, les catholiques comptaient 2,9%, soit 7,6 millions de personnes sur 263 millions d'habitants.) Né en 1950, Jean-Paul II l'a nommé évêque de Semarang pour la première fois en 1997, avant d'être nommé archevêque de Jakarta par Benoît en 2010. Considéré comme proche de l'État indonésien, il a été réélu pour un troisième mandat l'année dernière comme président de la conférence des évêques d'Indonésie. (...) Il a assisté au Synode 2012 sur la nouvelle évangélisation et aux Synodes sur la famille. François l'a nommé membre de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples.

    Mgr Juan de la Caridad García Rodríguez, archevêque de San Cristóbal, à La Havane (Cuba), est évêque depuis 1997, année à laquelle le pape Saint Jean-Paul II l'a nommé auxiliaire de Camagüey. Il en devint l'archevêque en 2002 et l'une de ses initiatives fut de développer des programmes d'évangélisation dans lesquels les grands-parents, qui se souvenaient encore de leur éducation au catholicisme comme enfant, enseignaient les principes du catholicisme à leurs petits-enfants. Il a également créé des ministères pénitentiaires. Il a représenté Cuba à l'assemblée du CELAM 2007 à Aparecida, au Brésil. François l'a nommé archevêque de La Havane en avril 2016. Il aurait déclaré qu'il ne voulait pas que le capitalisme vienne à Cuba, mais plutôt "un socialisme en progrès".

    Alors que le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya de Kinshasa - un ancien membre du conseil des cardinaux du pape François - aura 80 ans le mois prochain, le pape a choisi de faire du cardinal son successeur à Kinshasa, l'archevêque Fridolin Ambongo Besungu. Né en 1960, l'archevêque Besungu, capucin, sera l'un des plus jeunes membres du Collège des cardinaux. Il a étudié en partie à Rome, à l'Accademia Alfonsiana, où il a obtenu un diplôme en théologie morale et a été président de l'Assemblée nationale des supérieurs majeurs (ASUMA). Après avoir été nommé évêque de Bokungu-Ikela en 2005, il a été élu président de la Commission épiscopale «Justice et paix», après quoi il est devenu archevêque de Mbandaka-Bikoro en 2016. En juin 2016, il est devenu vice-président des de la conférence des évêques du Congo. Le pape François l'a nommé archevêque de Kinshasa l'année dernière.

    Nommé évêque par le pape Saint Jean-Paul II en 1989, Mgr Alvaro Ramazzini Imeri, 72 ans, est né à Guatemala et s'est depuis longtemps impliqué dans les questions de justice sociale, en particulier dans le domaine de la protection des droits des peuples autochtones. En 2011, il a reçu le prix Pacem in Terris pour la paix et la liberté pour son travail courageux en faveur de l'autonomisation des pauvres et des marginalisés. Les lauréats précédents étaient Martin Luther King Jr., Dorothy Day et Mère Teresa. Premier évêque ordonné en 1989, il a été président de la Conférence des évêques guatémaltèques de 2006 à 2008 et a pris part à l’assemblée du CELAM de 2007 à Aparecida où le cardinal Jorge Bergoglio a joué un rôle de premier plan. Benoît XVI l'a nommé évêque de Huehuetenango en 2012.

    Enfin, le pape a choisi l'archevêque Cristóbal López Romero de Rabat (Maroc) comme nouveau cardinal. Né en 1952 à Vélez-Rubio du diocèse d'Almería en Espagne, le prêtre salésien étudia à Barcelone et obtint une licence en sciences de l'information à l'École de journalisme de la ville en 1982. De 1979 à 1984, il était connu pour son ministère pastoral marginalisé à Barcelone, et de 1983 à 2003, il a été missionnaire au Paraguay. De 2011 à 2014, il a dirigé la pastorale paroissiale et le ministère des écoles à Kenitra, au Maroc, avant de devenir provincial salésien en Bolivie de 2011 à 2014. Francis l'a nommé évêque de Rabat en décembre 2017.

    Le pape a également choisi trois autres hommes d'église, âgés de plus de 80 ans, pour devenir cardinaux, en raison de leur "service pour l'Église":

    L'Archevêque Michael Louis Fitzgerald, 82 ans, est missionnaire de l'Afrique (Père blanc) et ancien président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux de Walsall, en Angleterre. Après avoir exercé les fonctions de secrétaire du dicastère à partir de 1987 (alors appelé Secrétariat aux non-chrétiens), il en a été nommé président en 2002, avant que Benoît XVI ne le mute pour devenir nonce en Égypte et dans la Ligue arabe en 2006. Ce déménagement a été une surprise. Pour certains, il a été interprété à l'époque comme révélant l'approche plus réaliste de Benoît XVI à l'égard de l'islam plutôt que le ton plus diplomatique de l'archevêque Fitzgerald. Peu de temps après le transfert de l’archevêque, Benoît a prononcé sa conférence historique à Ratisbonne, qui a bouleversé une partie du monde islamique. L'archevêque Fitzgerald a démissionné en 2012, après avoir atteint l'âge limite obligatoire de 75 ans pour les évêques.

    L’archevêque Sigitas Tamkevičius, 81 ans, archevêque émérite de Kaunas (Lituanie), a été arrêté en 1983 pour propagande anti-soviétique et a passé 10 ans dans les camps de travail pénitentiaires de Perm et de Mordovie. Libéré en 1988 après son exil en Sibérie, le prêtre jésuite a été nommé recteur du séminaire interdiocésain de Kaunas en 1990. Il a été consacré évêque auxiliaire de Kaunas en 1991 et en est devenu archevêque en 1996. De 1999 à 2002 et de 2005 à 2014, il a servi en tant que président de la conférence des évêques de Lituanie. Le pape François a accepté sa démission d'archevêque en 2015 en raison de son âge.

    Mgr Eugenio Dal Corso, émérite de Benguela, en Angola, est un prélat italien qui a commencé sa carrière en tant que missionnaire. Serviteur pauvre du prêtre de la Divine Providence en 1975, il a d'abord servi dans une province de Buenos Aires, en Argentine, où il est resté pendant onze ans jusqu'à son transfert. à Luanda en Angola, où il s'est consacré aux plus pauvres et aux plus faibles de la population. Il a d'abord été nommé évêque en 1997 en tant qu'évêque de Saurino avant que Benoît XVI ne le nomme évêque de Benguela en 2008, poste qu'il a occupé jusqu'à sa démission lorsqu'il atteignait l'âge limite.

    Dimanche, à l’Angélus, le pape a appelé les fidèles à «prier pour les nouveaux cardinaux, confirmant ainsi leur adhésion au Christ, m’aide dans mon ministère en tant qu’évêque de Rome pour le bien de tous, saints fidèles Dieu."

  • Les 19 candidats les plus probables pour succéder à François lors du prochain conclave

    IMPRIMER

    De Maike Hickson sur LifeSiteNews :

    Un nouveau livre présente les 19 candidats les plus probables pour le futur pape

    Edward Pentin espère que son livre "The Next Pope" aidera un futur conclave à élire le cardinal "le plus apte à diriger l'Eglise en ces temps tumultueux".

    13 juillet 2020

    Featured Image

    Les cardinaux assistent à la messe du pontificat Pro Eligendo Romano à la basilique Saint-Pierre avant d'entrer dans le conclave de 2013 qui a élu le cardinal Jorge Mario Bergoglio comme pape FrançoisPhoto de Franco Origlia / Getty Images

    Dans une interview gracieusement accordée à LifeSiteNews, le correspondant à Rome et auteur Edward Pentin explique l'histoire de son nouveau livre The Next Pope : The Leading Cardinal Candidates (publié par Sophia Press) qui présente les profils de 19 candidats potentiels pour le prochain conclave.

    La raison d'être de ce livre est d'informer les membres du conclave des biographies et des positions des candidats les plus probables, mais aussi d'en informer le monde catholique.

    En parlant de certains candidats, Pentin déclare qu'il ne croit pas qu'un homme comme le cardinal Christoph Schönborn serait élu, et pointe du côté plus conservateur les cardinaux Robert Sarah, Peter Erdo, Malcolm Ranjith et Raymond Burke. A propos de Burke, Pentin ajoute : "Bien que beaucoup pensent que le cardinal Burke a peu de chances d'être élu, je pense que ce pontificat suscite un tel malaise parmi un grand nombre de cardinaux qu'il pourrait créer des surprises du côté plus orthodoxe".

    Image
    Pour le côté progressiste, Pentin verrait dans les cardinaux Pietro Parolin, Luis Antonio Tagle et Matteo Zuppi les candidats les plus probables.

    En ce qui concerne les devoirs d'un futur pape, Edward Pentin estime que "d'innombrables nouveaux défis affecteront certainement le prochain pape de manière considérable, et une évaluation franche de Vatican II pourrait en faire partie, certainement si un pape plus orthodoxe et penché vers l'extérieur était élu".

    Il conclut par ces mots : "il est important de prier pour le bon candidat lors d'un conclave et c'est pourquoi j'espère que ce livre donnera aux lecteurs la conviction de demander au Seigneur de choisir le plus apte à diriger l'Église en ces temps tumultueux".

    Le père Gerald Murray du "Papal Posse" du ROEJ a commenté ce nouveau livre, se souvenant de sa présence à Rome lors du conclave de 2013 : "Comme j'aurais aimé avoir un livre comme celui-ci à l'époque ! Edward Pentin nous fournit des rapports de fond bien documentés sur 19 cardinaux qui seront probablement pris en considération lors du prochain conclave. Des informations précises sur les approches pastorales et doctrinales de ces cardinaux, présentées ici avec des références soigneusement notées, aideront leurs confrères cardinaux, et tous les observateurs intéressés, à porter des jugements bien informés sur ces hommes, dont l'un pourrait devenir le prochain pape".

    Veuillez consulter ici l'interview complète d'Edward Pentin :

    LifeSite : Comment ce livre a-t-il vu le jour ? Pourquoi pensez-vous qu'un tel livre serait utile ?

    Le livre découle du fait que lors d'un conclave, il n'y a généralement pas que le public qui ne connaît pas ou peu un futur pape. Il est peut-être surprenant de constater que les cardinaux qui votent pour lui ne le connaissent pas non plus. Lors du dernier conclave en 2013, un cardinal a déclaré de façon mémorable qu'il trouvait le processus confus et d'autres se sont plaints du manque d'informations sur les personnes pour lesquelles ils votaient. Souvent, ils devaient se fier aux recommandations des autres, qui n'étaient pas toujours fiables. Ce problème s'est aggravé depuis que le pape François a cessé de tenir des réunions pré-consistoire du Sacré Collège des cardinaux en 2016. Cet événement était traditionnellement une bonne occasion pour les cardinaux de se rencontrer et d'apprendre à se connaître. Ce livre vise donc principalement à équiper les cardinaux pour qu'ils sachent pour qui voter - ou ne pas voter - selon le cas. Mais il se veut également une ressource pour les fidèles, afin de leur donner une connaissance détaillée de certains des cardinaux les plus susceptibles d'être élus pape et donc aussi de savoir pour qui prier.

    Comment en êtes-vous venu à choisir ces 19 cardinaux et pas d'autres ?

    Nous les avons choisis parce que nous pensons qu'ils ont les plus grandes chances d'être élus pape étant donné leurs antécédents, leur réputation en matière de leadership, de sainteté, de gouvernance, d'enseignement et de classement général favorable à l'Eglise. Bien sûr, comme le dit le vieux dicton romain, "Chi entra papa in conclave, ne esce cardinale" (celui qui entre dans un conclave comme pape, le quitte comme cardinal), il est donc naturellement possible que le prochain pape ne soit aucun de ceux-là - peut-être même le 20, celui que nous n'avons pas inclus ! Mais même s'il n'est pas choisi parmi ces 19, nous espérons que le livre aura aidé les cardinaux dans leur processus de discernement.

    Pourriez-vous nous en dire plus sur l'équipe de chercheurs qui vous a aidé à réaliser ce livre ?

    Nous avons affecté quatorze universitaires au total à chacun des 19 cardinaux, en trouvant ceux qui étaient de la même nationalité que le cardinal concerné ou qui connaissaient la langue du candidat. Six d'entre eux étaient américains. Nous avions également une équipe de rédacteurs et de correcteurs professionnels. Je dois dire que la plupart des cardinaux avaient déjà fait l'objet de recherches au moment où je suis arrivé à bord et j'ai aidé à combler certaines lacunes. C'est pourquoi il s'agit vraiment d'un effort de collaboration, même si mon nom figure au recto, et ma gratitude va aux bailleurs de fonds, aux chercheurs et aux éditeurs qui ont fait le gros du travail pour rendre ce livre possible.

    Quelles sont pour vous les caractéristiques les plus importantes pour un bon pape ?

    Dans l'introduction du livre se trouve un guide sur ce que les cardinaux doivent rechercher dans le choix d'un bon pape, en s'appuyant sur un traité de saint Bernard de Clairvaux du 12e siècle intitulé 'réflexion sur la façon d'être un saint pape'. Ce traité a ensuite été résumé par Benoît XIV (1740-58). Certaines des caractéristiques qui m'ont frappé sont qu'un futur pape doit édifier l'Église, prier et enseigner au peuple. Par-dessus toutes les autres vertus, il doit cultiver l'humilité. Il est également important qu'un pape "ait des amis connus pour leur bonté" et "choisisse des cardinaux parmi les hommes les plus éminents en matière de savoir et de vertu, des pasteurs bons et qualifiés". Et naturellement, ils doivent être un instrument d'unité - la tâche première de Pierre. Je préfère ne pas en dire plus, car je ne suis qu'un journaliste et le livre lui-même ne dit pas non plus au lecteur quel candidat pourrait faire un bon pape. Il expose plutôt tous les faits et laisse le lecteur décider.

    Un ou plusieurs de vos candidats cardinaux ont-ils les caractéristiques qui en feraient un bon candidat ?

    Aucun d'entre eux n'est parfait, bien sûr, et aucun n'a exactement ce qu'il faut pour être pape, mais aucun pape ne l'a jamais été. Pierre était un pêcheur sans éducation - impulsif, ambitieux, sûr de lui et imprudent - qui a renié le Christ à trois reprises avant de devenir le premier pape charismatique. De ces 19 papabili, je dirais qu'un ou deux ont potentiellement ce qu'il faut pour être de saints grands papes. Mais comme l'ont montré saint Pierre et nombre de ses successeurs, la grâce de la fonction peut faire l'homme.

    En faisant des recherches sur les antécédents de ces cardinaux, pourriez-vous nous faire part de deux ou trois conclusions particulièrement frappantes - soit particulièrement positives, soit particulièrement choquantes ?

    Le livre révèle un certain nombre d'éléments intéressants de ces cardinaux, aidant à donner une image claire de leurs qualités, de leurs forces et de leurs faiblesses liées à leurs fonctions d'évêque : sanctifier, gouverner et enseigner. Mais je préfère laisser le lecteur découvrir ces qualités par lui-même, car les sortir de leur contexte pourrait donner une image faussée du candidat.

    Qui nommerez-vous comme les cardinaux progressistes ayant le plus de chances d'être élus pape lors d'un futur conclave ?

    Les cardinaux Luis Antonio Tagle, Pietro Parolin et Matteo Zuppi.

    Et qui, du côté le plus orthodoxe, pourrait selon vous avoir les meilleures chances d'être élu ? Ou bien, compte tenu de la formation d'un nouveau collège de cardinaux par le pape François, ont-ils très peu de chances ?

    Les cardinaux Robert Sarah, Peter Erdo, Malcolm Ranjith et Raymond Burke. Bien que beaucoup pensent que le cardinal Burke a très peu de chances d'être élu, je pense que ce pontificat suscite un tel malaise parmi un grand nombre de cardinaux qu'il pourrait entraîner quelques surprises du côté des plus orthodoxes.

    Seriez-vous d'accord avec John Allen qui, récemment, lors d'une table ronde de Sophia Press sur ce livre, a déclaré que le cardinal Christoph Schönborn pourrait très bien être un candidat de compromis pour les deux côtés du spectre ?

    Je comprends le point de vue de John, mais je pense que le cardinal Schönborn n'est plus considéré comme le champion de l'orthodoxie qu'il était, en tout cas aux États-Unis et en Europe. Sa réputation en matière de liturgie est particulièrement problématique pour lui, son jugement a été remis en question et il est en mauvaise santé. Je pense que son temps est peut-être passé, même si beaucoup pensaient la même chose de Jorge Mario Bergoglio !

    À votre avis, dans combien de temps pouvons-nous espérer un nouveau conclave ? Pensez-vous que le pape François se retirerait un jour comme le pape Benoît XVI ?

    La date est bien sûr impossible à prévoir, mais un certain nombre de théories circulent depuis des années, notamment celle selon laquelle le pape François démissionnerait à la mort de Benoît. Certains disent que François ne tient qu'à un fil et qu'il n'a que peu de soutien au Vatican où le moral est généralement très bas. D'autres disent qu'il continue à se réjouir d'être pape, qu'il est en bonne santé et qu'il souhaite voir aboutir sa vision de la réforme, ce qui signifie que son pontificat pourrait durer encore de nombreuses années.

    Quelle serait, selon vous, la mission principale d'un futur pape - non seulement à la lumière de certaines des décisions prises par le pape François ces dernières années, mais aussi à la lumière des controverses qui existent depuis le Concile Vatican II ? Comment un futur pape pourrait-il guider l'Eglise à travers ces temps très tumultueux à l'intérieur et à l'extérieur de l'Eglise ?

    D'innombrables nouveaux défis vont certainement affecter considérablement le prochain pape, et une évaluation franche de Vatican II pourrait être l'un d'entre eux, certainement si un pape plus orthodoxe était élu. D'énormes batailles spirituelles se déroulent dans le monde d'aujourd'hui, des batailles qui exigent un véritable leadership papal à mesure qu'elles se multiplient, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Église. C'est pourquoi il est important de prier pour le bon candidat lors d'un conclave et c'est pourquoi j'espère que ce livre donnera aux lecteurs la conviction de demander au Seigneur de choisir le candidat le plus apte à diriger l'Église en nos temps tumultueux.

  • Après François : un conclave difficile en perspective ?

    IMPRIMER

    De Marco Grieco sur Vanity Fair (.it) :

    Après le pape François ? Le Conclave le plus difficile de l'histoire va s'ouvrir

    Le pape François est rentré au Vatican et préside les rites de Pâques, mais son hospitalisation a fait réfléchir à l'avenir du Vatican, et de nombreuses rumeurs ont circulé ces derniers jours. La guerre en Ukraine, les nouveaux équilibres géopolitiques, la fin du catholicisme européen. C'est le rébus du futur Conclave, où les questions internationales seront plus importantes que les noms.

    2 avril 2023

    Au Vatican, il n'y a pas qu'un plan B pour les rites de la Semaine Sainte. Le séjour du pape François à l'hôpital Gemelli, qui a duré 66 heures en raison d'une infection respiratoire immédiatement sédatée, a relancé le toto-nomi sur son successeur. Comme l'explique Massimo Franco dans le Corriere della Sera, le conclave de l'ombre qui choisira le prochain pape a commencé. Mais le pape François ne semble pas vouloir quitter trop tôt la direction de l'Église : "On ne gouverne pas avec les genoux", confessait-il il y a quelques mois, et aux jésuites de la République démocratique du Congo, en février dernier, il expliquait : "Je crois que le ministère du pape est ad vitam [...]. Si, au lieu de cela, nous écoutons les bavardages, alors nous devrions changer de pape tous les six mois".

    Pourtant, les bavardages se poursuivent au-delà du Tibre. La déclaration faite au Corriere della Sera par Monseigneur Georg Gänswein, auteur avec le journaliste Saverio Gaeta du livre-confession Nient'altro che la verità - La mia vita al fianco di Benedetto XVI (Rien que la vérité - Ma vie aux côtés de Benoît XVI), anticipait l'aveu du pape. L'ancien secrétaire particulier du pape allemand a en effet déclaré : "Je crois que pas mal de cardinaux auraient bien vécu, avec Angelo Scola comme pape." Cela confirme que certains ont regretté leur vote de 2013. L'archevêque émérite de Milan, aujourd'hui écarté des jeux en raison d'une limite d'âge, faisait partie des favoris du conclave de 2013, comme en témoigne la gaffe sensationnelle des évêques italiens qui, dès l'élection de Bergoglio, ont envoyé par erreur un télégramme de félicitations pour "l'élection du cardinal Angelo Scola comme successeur de Pierre". C'est certainement depuis le Costa Rica, où Monseigneur Georg sera envoyé comme nonce apostolique, que le mécontentement romain pourrait se calmer. Le pape François ne tolère pas les ragots, comme l'a également laissé entendre Mgr Gänswein : "Chacune de mes phrases à ce sujet pourrait être interprétée comme une manifestation négative à l'encontre du souverain pontife actuel. Et comme je vous l'ai dit, il y a une grande sensibilité à Santa Marta".

    A la Curie, cependant, nombreux sont ceux qui pensent qu'entre bavardage et intolérance, il y a une certaine différence. C'est ce que pensait George Pell, cardinal australien et proche collaborateur de Bergoglio, décédé en janvier dernier des suites de complications chirurgicales. Immédiatement après sa mort, le vaticaniste Sandro Magister a révélé que c'est lui qui avait rédigé un mémorandum critiquant le pontificat de François sans si et sans mais - "ce pontificat est un désastre à plusieurs égards, une catastrophe" -, diffusé parmi les cardinaux en vue du prochain Conclave. Le nom du cardinal australien, proche collaborateur du pape, montre que même les plus proches de François peuvent changer d'avis ou devenir de fervents critiques, et certains commencent déjà à s'inquiéter de la manière dont ils se positionneront dans l'ère post-Pape François.

    Tous ceux qui ont vécu dans l'ombre du pape pensent déjà à celui qui pourrait être le prochain", murmure-t-on dans l'ombre de la Coupole. Le défi consiste à trouver la bonne équidistance entre le pontife en exercice et son successeur. Un prochain pape jésuite suscite le scepticisme, les plus critiques ne voteront plus pour un cardinal issu de la Compagnie de Jésus. Mais ce n'est pas tout. Des doutes subsistent également quant à sa provenance. Les cardinaux créés au cours de cette décennie par le pape François sont issus de plus de 50 nations, mais nombre d'entre eux se sont rencontrés pour la première fois lors du consistoire d'août dernier, ce qui ajoute un élément d'imprévisibilité au prochain conclave. Il est probable que tous les regards se tourneront vers la "fin du monde", mais rares sont ceux qui parient sur un successeur latino-américain. Surtout, un facteur pèsera dans la balance : François sera-t-il émérite ou pape jusqu'au bout ? Bergoglio ne semble pas vouloir suivre la voie de Benoît XVI, puisque la fonction de pape émérite n'a pas encore été codifiée. Toutefois, s'il devait démissionner pour des raisons de santé, sa présence dans les congrégations du pré-conclave pourrait influencer les rangs du Sacré Collège.

    Pour la première fois, dans un Sacré Collège aussi complet, les courants dirigés par un cardinal spécifique ne seront pas décisifs : "Ce sont plutôt les cordatas qui sont les grandes questions", rapportent des sources vaticanes. Sera-t-il un pape de continuité ou de rupture ? Extra-européen ou européen ? De quelle Europe ? Ce n'est qu'à la fin de ce diagramme en arbre qu'un espace de probabilité avec un nom émergera. Le nouvel ordre international après l'agression russe en Ukraine - assurent-ils - sera un motif de confrontation. L'espace vacant s'ouvrira-t-il avec la poursuite de la guerre ou avec le nouvel équilibre géopolitique ? Au cours du XXe siècle, l'Église a élu des papes en temps de guerre, mais dans le nouveau millénaire, l'Église catholique a besoin d'un leader capable de se détacher des nouveaux équilibres géopolitiques : sera-t-il pacifiste ou soutiendra-t-il la real-politik ? En ce sens, deux noms émergent : les deux cardinaux italiens Pietro Parolin et Matteo Maria Zuppi. Secrétaire d'État du Vatican, Parolin est le plus diplomate : "Celui qui se prépare à servir le pape dans la diplomatie est appelé à assumer une vision universelle, à "respirer" - je dirais - au rythme de l'universalité", a-t-il lui-même avoué dans l'interview qu'il a accordée à Limes (Così la Chiesa pensa il mondo - Voici comment l'Église pense le monde), une sorte de manifeste de la diplomatie vaticane, qui, dans le cas russe, a jusqu'à présent porté peu de fruits.

    Plus pacifiste est le second "papabile" italien, Don Matteo Zuppi. Symbole de l'Eglise qui allie diplomatie et hospitalité, dans l'esprit de la Communauté de Sant'Egidio dont il est issu, l'archevêque de Bologne est la synthèse parfaite entre le prêtre de rue et le curial qui sait se démêler dans les salles de contrôle. S'il a avoué par le passé qu'il était diplomate par hasard, il est devenu le chef de file de la diplomatie silencieuse de Sant'Egidio depuis 1992, lorsqu'il a réussi à négocier la paix au Mozambique. Avec le pape François, la communauté baptisée "Onu di Trastevere" pèse lourd au Vatican : non seulement son fondateur, Andrea Riccardi, est un collaborateur du pape, mais de Sant'Egidio proviennent aussi bien le porte-parole de la salle de presse, Matteo Bruni, que le président de l'Académie pontificale pour la vie, Monseigneur Vincenzo Paglia. Mais invoquer la paix - une condition souhaitée par tous, en particulier par les catholiques - n'est pas si simple. Dans une récente interview accordée à Il Manifesto, l'archevêque de Bologne s'est demandé si la légitime défense avait une limite dans le cas de l'aide humanitaire. Une question qui a poussé Luis Badilla, directeur du site Il Sismografo, toujours bien informé sur les sentiments dans les salles sacrées, à juxtaposer ses déclarations avec ce que dit le Catéchisme sur le "droit d'utiliser même les armes pour repousser les agresseurs de la communauté civile confiée à leur responsabilité".

    Les chances d'un pape européen ne sont pas grandes, avec de nouveaux sièges cardinaux comme Haïti, le Cap-Vert, le Mali, le Luxembourg et Singapour. Mais ce n'est pas tout. Le fléau de la pédophilie a investi toute l'Église européenne ces dernières années : "Il est peu probable que le prochain pape vienne de France ou d'Espagne", assure-t-on, c'est-à-dire de ces nations où le scandale des abus a marqué la crédibilité de l'autorité ecclésiastique d'une manière presque irrémédiable. Une inconnue est le cardinal Reinhard Marx, l'archevêque proche du pape et, en même temps, de l'Allemagne la plus ouverte au changement, ceux qui veulent une Eglise catholique ouverte aux femmes et aux croyants Lgbtqi+. Cependant, sa candidature sera affectée par la relation entre le pape François et l'église allemande à la lumière du synode lancé en Allemagne, ouvert aux couples Lgbtqi+ et enclin à revoir le célibat des prêtres. Un autre nom qui s'est imposé au fil du temps au niveau européen parle aussi des femmes : il s'agit du cardinal luxembourgeois Jean-Claude Hollerich, jésuite proche du pape François, et résolument partisan d'une église plus ouverte. Dans sa dernière interview avec La Stampa, il a déclaré : "Malheureusement, l'Église n'accueille pas toujours les personnes homosexuelles : elle les marginalise encore trop souvent. Et cela me blesse". Et sur la bénédiction des couples homosexuels, refusée par le Vatican en 2021, il a ajouté : "Bénir un couple gay ? Bénir signifie 'dire du bien' de quelqu'un, et Dieu ne dit pas de mal. De plus, bénir un couple homosexuel ne signifie pas un mariage sacramentel. Et pourquoi "maudire" un couple gay qui vit un véritable amour ?"

    En Europe occidentale, les églises se vident, selon les chiffres de la dispersion des catholiques dans le monde rapportés par l'Annuarium Statisticum Ecclesiae. L'hémorragie des fidèles est commune à tous les États européens, mais elle est plus lente en Europe de l'Est. C'est pourquoi le nom du primat de Hongrie, le cardinal Péter Erdö, est évoqué parmi les "papabili". Polyglotte et bien connu du Sacré Collège, l'archevêque de Budapest jouit de l'estime de nombreux cardinaux africains, le continent le plus dynamique, pour son profil œcuménique. La prochaine partie se jouera fin avril, lors de la visite du pape en Hongrie : attention aux appuis possibles, comme l'avait fait Paul VI en son temps avec le patriarche de Venise, Albino Luciani.

    Considéré comme l'un des plus "papabili" dès l'élection de Bergoglio, le cardinal philippin Louis Antonio Tagle s'est peu à peu effacé. L'ancien archevêque de Manille et ancien préfet de Propaganda Fide est également le président sortant de Caritas Internationalis, la confédération de toutes les Caritas du monde, qui, en novembre dernier, a été placée de manière inattendue sous commission par le pape François pour des "lacunes dans les procédures de gestion ayant des effets négatifs sur l'esprit d'équipe et le moral du personnel". Le cardinal philippin est l'expression d'une Église asiatique en pleine expansion, les Philippines montrant la voie, puisque quelque 80 % de ses habitants se déclarent catholiques. Ce sont également les dynamiques que les cardinaux devront prendre en compte en cas de vacance du siège. Mais au-delà des raisonnements et des noms, la maxime s'applique toujours : "Celui qui entre comme pape, sort comme cardinal".

  • Quels sont les critères du pape pour nommer ou démettre les évêques ?

    IMPRIMER

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso, traduit par Diakonos.be :

    Les critères du Pape François pour nommer ou chasser les évêques. Un échantillon

    La nomination du nouvel archevêque de Paris est la dernière d’une série de nominations importantes décidées par le Pape François. L’heureux élu, Mgr Laurent Ulrich, a été évêque de Chambéry puis de Lille et est généralement considéré comme un progressiste modéré, proche de Jorge Mario Bergoglio par sa sensibilité pour les migrants et sur le fait que c’est bien le « cléricalisme » qui est à la racine des abus sexuels.

    Mais plus que cette nomination, c’est la manière dont son prédécesseur a dû abandonner sa charge qui en dit long sur le style de gouvernement du Pape. Mgr Michel Aupetit, qui était archevêque de Paris depuis 2017, a été renversé par une campagne médiatique massive qui a déterré et retourné contre lui une relation présumée avec une secrétaire, une affaire qui avait pourtant été classée comme privée de fondement par les autorités ecclésiastiques plusieurs années auparavant. Le Pape François, comme on le sait, considère le « commérage » comme la peste et l’a défini à plusieurs reprises comme étant même plus criminel que le terrorisme. Et pourtant, il n’a pas hésité à sacrifier Mgr Aupetit sur ce qu’il a lui-même, le Pape, défini comme étant « l’autel de l’hypocrisie ».

    En 2020 déjà, la destitution de Mgr Barbarin comme archevêque de Lyon avait suivi le même schéma : bien que blanchi par la justice, il avait finalement succombé à un tsunami d’accusations médiatiques pour présomption de couverture d’abus sexuels.

    Et aujourd’hui, c’est l’archevêque de Cologne, le cardinal Rainer Maria Woelki, qui se trouve sur la sellette et qui fait l’objet d’une campagne médiatique similaire, alors qu’il est en réalité attaqué parce qu’il est l’une des rares voix critiques importantes du « chemin synodal » de l’Église d’Allemagne. Et l’archevêque de Milan, Mgr Mario Delpini, est lui aussi sous le feu des critiques, là encore pour avoir soi-disant couvert des abus.

    Paris, Lyon, Cologne et Milan sont tous des diocèses très importants. Et pourtant, c’est « l’autel de l’hypocrisie » qui aura décidé de la destitution de leurs titulaires respectifs, même pour le Pape.

    Le diocèse de Rome semble être un autre exemple de la désinvolture des critères de destitution et de nomination adoptés par le Pape François.

    L’évêque de Rome c’est le Pape, même si Bergoglio ne semble pas beaucoup s’impliquer dans ce rôle. La fonction de vicaire est donc une charge-clé, une charge que François a confiée en 2017 à Mgr Angelo de Donatis, qu’il a promu cardinal l’année suivante.

    Mais entre eux deux, l’idylle a été de courte durée. Ce qui a provoqué la disgrâce du cardinal, c’est une lettre qu’il a envoyée aux fidèles le 13 mars 2020, en pleine pandémie de Covid.

    Le jour précédent, De Donatis avait émis un décret qui ordonnait la fermeture totale de toutes les églises de Rome pendant trois semaines.

    Sauf que le matin même du 13 mars, au début de la messe qu’il célébrait seul à Sainte-Marthe et qui était retransmise en streaming, le Pape François a désavoué les « mesures drastiques » décrétées la veille par son vicaire, les qualifiant de « pas bonnes » et de privées de « discernement ». Et la même matinée, le cardinal Konrad Krajewski, qui est l’« aumônier » du Pape et son fidèle exécutant, a ouvert en grand le portail de l’église romaine dont il est le recteur, en se vantant de désobéir.

    Il ne restait plus à De Donatis qu’à se rétracter, en publiant le même jour un contre-décret de réouverture des églises. Qu’il a cependant accompagné d’une lettre adressée aux fidèles pour les informer que la fermeture malheureuse des églises avait été adoptée « après avoir consulté notre évêque, le Pape François ».

    Bergoglio ne le lui pardonnera pas. Depuis ce jour, non seulement le cardinal De Donatis mais le vicariat de Rome tout entier est en débandade. Plus de vice-régent, une charge-clé vacante depuis 2017 et attribuée pour quelques mois à peine à un évêque, Gianpiero Palmeri, que François aimait bien avant qu’il ne tombe lui aussi en disgrâce et ne soit envoyé à Ascoli Piceno. Plus d’évêque auxiliaire pour le secteur Est de Rome. Et avec deux évêques auxiliaires démissionnaires pour les secteurs Nord et Sud de la ville, Mgr Guerino Di Tora et Mgr Paolo Selvadagi, qui ont atteint la limite d’âge et qui attendent toujours leurs successeurs.

    Entretemps, il se dit que Mgr De Donatis sera bientôt limogé de sa charge de vicaire et renvoyé à la Curie, peut-être comme pénitencier majeur, ce qui ne serait clairement pas une promotion. Pour le remplacer, le Pape François rappellerait à Rome, depuis Sienne où il est actuellement archevêque, le cardinal Augusto Paolo Lojudice, l’ancien auxiliaire de De Donatis pour le secteur Sud de Rome et qui lui est bien dans les petits papiers du Pape.

    Et ce n’est pas tout. Il semblerait que la voie soit libre pour que Lojudice soir nommé par le Pape François président de la Conférence épiscopale italienne, en remplacement du cardinal Gualtierio Bassetti, 80 ans, dont le mandat s’achève à la fin de ce mois de mai.

    Le cardinal Bassetti est un autre exemple de responsable à avoir mordu la poussière après avoir connu la gloire des autels, en fonction de l’humeur du Pape François.

    Le Pape François n’a jamais supporté ses réticences à faire ce que lui, le Pape, voulait que l’on fasse en Italie, en premier lieu un synode national. Et à l’inverse, le Pape n’a jamais apprécié ce que Bassetti organisait de sa propre initiative, en particulier le double colloque international d’abord à Bari et ensuite à Firenze, des Églises et des nations de la Méditerranée, pour la paix entre les peuples et les religions, en présence des évêques et des maires des principales villes, de Jérusalem à Athènes en passant par Istanbul.

    En effet, alors que le colloque était en cours, François a annulé sa visite à Florence, prétextant des difficultés à se déplacer. C’est le cardinal secrétaire d’État, Pietro Parolin, qui était censé s’y rendre à sa place pour lire le discours du Pape. Mais finalement, Parolin n’est pas venu non plus et Bassetti a dû célébrer seul la messe de clôture, sans même le discours du pape, disparu lui aussi. Il ne restait plus qu’à écouter ce que le Pape François aurait déclaré à l’Angélus sur le colloque, et on avait installé à cet effet des écrans géants à Florence devant la basilique Sainte-Croix pour voir et écouter le Pape en direct télévisé. Parmi les spectateurs, trépignant d’impatience, il y avait même le Président de la République italienne, Sergio Matterella. Mais au moment de l’Angélus, le Pape n’a pas fait la moindre allusion au colloque de la Méditerranée. Des rumeurs, jamais vérifiées, ont prétendu que son silence visait à condamner la présence à Florence d’un haut dirigeant de Leonardo, le plus grand fabricant d’armes italien. En réalité, la véritable raison était d’humilier Bassetti et la Conférence épiscopale italienne qu’il présidait.

    Le Pape a déjà fait savoir, dans une conversation le 23 avril dernier avec le vicaire et les auxiliaires du diocèse de Rome et ensuite le 2 mai avec le directeur du « Corriere della Sera » Luciano Fontana, qu’il avait l’intention de nommer comme président de la CEI « un cardinal ». On en a donc déduit qu’il choisira entre Lojudice et Matteo Zuppi, l’archevêque de Bologne, et que c’est certainement le premier qui sera choisi.

    Ce serait une manière de revenir à l’habitude que le Président de la CEI soit aussi vicaire de Rome, comme au temps des pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI où le cardinal Ruini cumulait les deux fonctions, en lien étroit avec le Pape.

    Quant au cardinal Zuppi, il est vraisemblable qu’il ne saute pas sur l’occasion. En tant que tête de liste des papabile, il n’a aucun intérêt pour une présidence de la CEI qui lui apporterait plus d’inconvénients que d’avantages, et encore moins pour une proximité trop marquée avec le Pape François qui pourrait jouer contre tous ceux qui aspirent à lui succéder.

    *

    Au sujet des critères de destitution et de nomination des évêques utilisés par le Pape François, on signalera également le « relèvement » de l’évêque Daniel Fernández Torres, 57 ans, « de la charge pastorale » du diocèse portoricain d’Arecibo.

    Aucune motivation n’a été donnée pour ce « relèvement » ni dans le communiqué du Vatican du 9 mars 2022 ni par la Conférence épiscopale de Porto Rico. L’évêque destitué a lui-même déclaré : « il ne m’appartient pas d’expliquer une décision que je ne m’explique pas ».

    Ce n’est pas la première fois que des évêques sont limogés par François, mais toujours en prenant soin de leur faire signer un acte de renonciation volontaire. Mais dans ce cas, c’est la première fois qu’un évêque a refusé de s’y plier – déclarant au contraire vouloir avancer « la tête haute » et se sentir « chanceux de subir des persécutions des calomnies pour avoir annoncé la vérité de la dignité de l’homme » – et le Pape l’a « relevé » de force.

    Mais ce n’est pas non plus la première fois que le Pape François destitue un évêque sans explication. Il s’est dit que Mgr Fernández Torres aurait été puni pour avoir soutenu l’objection de conscience contre l’obligation vaccinale anti-Covid. Mais ce serait insuffisant pour une condamnation aussi drastique.

    L’archevêque émérite de La Plata, Mgr Héctor Aguer, l’un des rares de l’épiscopal argentin à parler librement, a déclaré connaître et estimer l’évêque portoricain destitué et avoir pu visiter son « magnifique diocèse, avec une grande activité pastorale et des vocations florissantes ».

    L’évêque et jésuite Álvaro Corrada del Rio, chargé par Rome d’administrer le diocèse d’Arecibo dans l’attente de la nomination d’un successeur, a ensuite déclaré au cours d’une réunion avec le clergé de Porto Rico que le « relèvement » de Mgr Fernández Torres avait été précédé par la visite apostolique secrète d’un cardinal, l’archevêque de Chicago Blase Cupich, très proche du Pape François.

    Il n’en demeure pas moins que la condamnation est tombée sans que l’on ne donne ni les chefs d’accusation ni la parole à la défense.

    *

    La dernière nomination qui confirme la règle est celle du nouvel archevêque du Turin, tombée le 19 février, en la personne du théologien Roberto Repole, à l’âge de 55 ans.

    Repole n’a pas la moindre expérience de gouvernement d’un diocèse et il ne faisait même pas partie des candidats les plus en vue. Mais en le choisissant lui, le Pape François a pris tout le monde de court, sans craindre d’attirer l’attention sur un moment délicat de son pontificat, celui où ont éclaté au grand jour les divergences fondamentales entre le Pape émérite Benoît XVI et le cercle de prélats les plus proches du Pape Bergoglio.

    L’affaire a éclaté en 2017 avec la publication par la Librairie éditrice du Vatican d’une collection de onze livrets rédigés par autant de théologiens, visant à « montrer la profondeur des racines théologiques de la pensée, des gestes et du ministère du Pape François ».

    On avait alors demandé à Joseph Ratzinger d’écrire la présentation des onze livrets, pour faire l’éloge du contenu et en recommander la lecture.

    Sauf que Ratzinger a refusé. Tout en précisant dans une lettre envoyée au chef de la communication vaticane de l’époque, Dario Viganò, qu’il n’avait pas non plus l’intention de lire ces livrets parce que parmi leurs auteurs figuraient certains de ses ennemis de longue date, avec à leur tête le théologien allemand Peter Hünermann, « qui durant mon pontificat s’est distingué pour avoir mené des initiatives antipapales ».

    C’est Settimo Cielo qui avait rendu publiques les parties de la lettre de Ratzinger que Viganò avait en vain tenté d’occulter. L’incident lui avait coûté son poste mais pas sa proximité avec le Pape, qui garde toujours de l’affection pour lui. Il est un fait que cette affaire a révélé une divergence fâcheuse dans les rapports entre le pape régnant, le pape émérite et leurs cercles respectifs, si l’on s’en tient à la reconstruction de l’expert vaticaniste Massimo Franco, éditorialiste du « Corriere della Sera », dans un livre sorti le mois dernier.

    Mais qui était donc le directeur de ces onze livrets, en plus d’être l’auteur de l’un d’entre eux ? Roberto Repole en personne, celui-là même que le Pape vient de promouvoir archevêque de Turin.

  • Vatican : qui sera le plus sinophile ? Sant’Egidio est en tête

    IMPRIMER

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso, en traduction française sur Diakonos.be :

    Au Vatican, c’est à qui sera le plus sinophile. Sant’Egidio est en tête

    Sur la photo ci-dessus, le cardinal Joseph Zen Zekiun brandit une pancarte pour réclamer la libération de l’évêque de Xuanhua, Augustin Cui Tai, 72 ans, emprisonné à plusieurs reprises en 2007 pour des périodes plus ou moins longues, et de nouveau enfermé dans un endroit inconnu.

    Mgr Tai n’est pas le seul évêque de Chine à s’être retrouvé derrière les barreaux ou assigné à résidence. L’évêque de Xinxiang, Joseph Zhang Weizhu, a été emprisonné le 21 mai 2021 et est depuis lors détenu on ne sait où. L’évêque de Wenzhou, Pierre Shao Zumin a été arrêté le 21 avril dernier. Celui de Zhengding, Jules Jia Zhiguo, le 15 août 2020. L’évêque auxiliaire de Xiapu-Mindong, Vincent Guo Xijin a été mis en résidence surveillée et a dû se démettre de toutes ses charges.

    Ce qui est encore plus scandaleux, c’est la privation de liberté infligée à l‘évêque de Shanghai, Mgr Thaddée Ma Daqin, destitué par les autorités chinoises le jour même de son ordination épiscopale en 2012 pour s’être dissocié de l’Association patriotique des catholiques chinois, le principal instrument à travers lequel le régime contrôle l’Église, et assigné à résidence sans interruption depuis lors, malgré l’acte public de soumission auquel il a consenti en 2015.

    Sans parler du sort réservé au cardinal Zen en personne, évêque de Hong Kong de 2002 à 2009, arrêté le 11 mai de cette année et relâché après le paiement d’une caution dans l’attente d’un procès pour atteinte à la sécurité nationale et collusion avec des pouvoirs étrangers.

    Sous le pontificat de François, pas un seul mot n’a été publiquement prononcé par lui ou les autorités vaticanes pour demander que soit levées les restrictions imposées à ces évêques, ainsi qu’à de nombreux prêtres et fidèles qui subissent le même sort en Chine et à Hong Kong.

    Et pourtant, un accord « provisoire et secret » sur la nomination des évêques est en vigueur depuis le 22 octobre 2018 entre la Chine et le Saint-Siège, d’une durée de deux ans, renouvelé le 22 octobre 2020 et à présent de nouveau proche de son échéance. Avec un Pape François qui déclare vouloir le prolonger une fois encore en l’état, parce que « face à une situation fermée, il faut chercher la voie du possible, pas la voie idéale ».

    Les clauses de l’accord ne sont pas publiques, mais d’après ce que l’on pense, le choix des nouveaux évêques revient aux autorités chinoises à travers des organes semi-ecclésiastiques sous leur contrôle total, avec faculté pour le Pape d’accepter ou de rejeter le candidat.

    Au moment de la conclusion de cet accord, en 2018, le Saint-Siège a levé les excommunications frappant les sept évêques unilatéralement institués par le régime, en leur attribuant les diocèses où ils résidaient. L’un d’entre eux, Paul Lei Shiyin, a célébré en grande pompe, le 29 juin dernier, dans la cathédrale de son diocèse de Leshan, l’anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois, en invitant ses fidèles à « écouter la parole du Parti, à ressentir la grâce du Parti et à suivre le Parti ».

    Mais en échange, le Saint-Siège n’a rien obtenu en retour de la part des autorités chinoises, pour ces quelques dizaines d’évêques nommés par Rome mais jamais reconnus par Pékin.

    Au contraire, les autorités chinoises se sont plutôt acharnées contre ces mêmes évêques « souterrains », même après la ratification de l’accord. À part le cardinal Zen, tous les évêques qui ont été arrêtés appartiennent à cette catégorie de résistants.

    Quant à la nomination de nouveaux évêques approuvés par les deux parties, ce que l’accord aurait dû faciliter, le bilan est bien maigre. Après quasiment quatre ans, en Chine, les diocèses privés d’évêque continuent à s’élever à plus d’un tiers des 97 au total, soit 36 pour être exact, cités un par un par « Asia News » le 10 juillet. On ne compte en tout et pour tout que six nominations : en 2019 à Jining et Hanzhong (mais dans ces deux cas les candidats avaient déjà été désignés des années auparavant, respectivement en 2016 et en 2016) ; en 2020 à Quingdao et à Hongdong, en 2021 à Pingliang et à Hankou-Wuhan.

    Il n’est pas donc étonnant que le Secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pierre Parolin, ait émis le souhait qu’on réfléchisse, lors des négociations pour renouveler l’accord, à « la nécessité d’apporter des précisions ou de revoir certains points ».

    Dans son interview du 2 juillet accordée à Phil Pullella pour « Reuters », le Pape François a chanté les louanges du cardinal Parolin, « un homme d’une grande stature diplomatique ». Mais sur le fond, il a déclaré, au cours de la même interview que pour lui « l’accord est bon », et qu’il espère qu’on « puisse le prolonger en octobre ». Il est vraisemblable que ce soit la consigne qu’il ait donnée à l’archevêque Claudio Maria Celli, le chef de la délégation vaticane chargée de négocier la prolongation de l’accord, reçu en audience deux jours plus tard. Depuis Pékin, le 6 juillet, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Zhao Lijian a assuré que pour la Chine aussi, l’accord s’est révélé être « un succès ».

    « On avance lentement, comme je le dis, ‘à la chinoise’ – a commenté le Pape – parce que les Chinois ont cette notion du temps que personne ne les bouscule ».

    Entretemps, à Hong Kong

    Mais pendant ce temps, à Hong Kong, les mesures de privation de liberté se font de plus sentir, à 25 ans du retour de la cité à la mère patrie.

    Le nouveau chef de l’exécutif de cette « Région administrative spéciale », John Lee, élu le 8 mai par 99% des membres du comité électoral contrôlé par Pékin, est catholique et a étudié dans une école catholique, tout comme sa prédécesseur Carrie Lam. Mais il a aussi été le chef du département pour la sécurité qui, en 2019, a durement réprimé les manifestations populaires pour la liberté, même les plus pacifiques, qui comptaient parmi leurs instigateurs des personnalités catholiques de premier plan.

    Le 16 avril dernier, cinq de ces éminents catholiques ont été condamnés et jetés en prison. « Ce sont les ‘confesseurs’, les prophètes de notre temps », écrivait à leur sujet le missionnaire italien Gianni Criveller, qui les connaissait personnellement.

    Puis, le 11 mai, c’était au tour du cardinal Zen, âgé de 90 ans, un autre irréductible « confesseur » de la foi et de la liberté, ainsi que critique sévère de l’accord entre le Vatican et la Chine.

    La nouvelle de son arrestation a été accueillie par le silence total de François, qui s’était déjà montré impitoyable avec le cardinal Zen, en refusant de le recevoir quand le cardinal avait fait le voyage à Rome depuis Hong Kong en septembre 2020, pour frapper en vain pendant quatre jours à la porte du Pape.

    Le cardinal Parolin a déclaré qu’il était « très déçu » et avait exprimé sa « proximité » au cardinal qui « a été libéré et bien traité », mais il s’est surtout empressé d’assurer qu’il ne fallait pas considérer son arrestation comme « un désaveu » de l’accord avec la Chine.

    Quant au fait que « Hong Kong ne soit plus aujourd’hui la grande tête de pont catholique qu’elle a été » par le passé, grâce à la mission de l’Église en Chine continentale, il s’agit d’un état de fait accepté même par les diplomates du Vatican qui travaillent dans la ville.

    C’est ce qu’a expliqué l’un de ces diplomates, le Mexicain Javier Herrera Corona, dans une série de quatre colloques privés entre octobre 2021 et le printemps de cette année avec des missionnaires catholiques de la ville, relatés le 5 juillet dans un article exclusif de « Reuters » sur base de comptes-rendus fournis par certains participants, qui n’ont été démentis ni par le Vatican ni par le diocèse de Hong Kong.

    L’archevêque Herrera Corona a été nommé le 5 février de cette année nonce au Congo et au Gabon mais il est surtout depuis 2016 l’un des deux diplomates du Vatican, depuis 2020 avec le rôle de chef de mission, de ce qu’on a appelé la « mission d’étude » à Hong Kong, officiellement dépendante de la nonciature des Philippines mais dans les faits présente de manière stable dans la métropole chinoise.

    On n’a pas l’information que Herrera Corona aurait été remplacé. Sur place, il ne reste que le numéro deux de la mission, avec le titre de « secrétaire », Alvaro Ernesto Izurieta y Sea, un Argentin du diocèse de Buenos Aires, qui est Hong Kong depuis 2020.

    Herrera Corona a fait entrevoir à ses interlocuteurs un futur pour Hong Kong caractérisé par des limitations toujours plus forte des libertés civiles et religieuses, à l’instar de ce qui se passe déjà en Chine. Une perspective à laquelle plusieurs institutions missionnaires se préparent en transférant à l’étranger les documents confidentiels en leur possession, surtout ceux qui concernent les relations avec les Chinois du continent.

    Une étude dirigée par Chen Jingguo de l’Académie des sciences sociales du gouvernement et par Zhang Bin de l’université de Jinan, citée par Herrera Corona pour étayer ses propos alarmistes, identifie justement les catholiques de Hong Kong, et en particulier le cardinal Zen, comme étant les adversaires les plus farouches et influents aux restrictions opérées par le régime, et donc comme étant les premiers à cibler.

    L’éminence grise

    Et pourtant, malgré tout cela, le Pape François n’est pas le seul à défendre coûte que coûte sa politique d’apaisement avec la Chine.

    Si la Secrétairerie d’État laisse timidement transparaître quelques doutes sur l’accord de 2018, parallèlement à la diplomatie Vaticane, et en concurrence avec elle, certains le soutiennent mordicus.

    Derrière cette tendance nettement sinophile, on retrouve un lobby et un expert. Le lobby, c’est la Communauté de Sant’Egidio, et l’expert c’est le professeur Agostino Giovagnoli.

    Le professeur Giovagnoli est depuis des décennies l’éminence grise de la Communauté, un temps en rivalité avec le tout-puissant fondateur Andrea Riccardi, ils se sont depuis réconciliés. Il habite à Rome, est marié avec la pédagogue Milena Saterini et ils sont ensemble les vice-présidents de l’Institut Jean-Paul II pour le mariage et la famille. Il enseigne l’histoire contemporaine à l’Université catholique de Milan et il est le principal commentateur des questions entre le Vatican et la Chine – ainsi que plus largement en matière de géopolitique – pour le quotidien de la conférence épiscopale italienne « Avvenire ».

    La compétence qu’on lui attribue sur la Chine est également liée au fait que Giovagnoli est membre du comité scientifique de l’Institut Confucius de l’Université catholique de Milan, l’un des nombreux Instituts Confucius ouverts par Pékin dans le monde entier pour la propagation de la langue et de la culture chinoise.

    Cet institut est dirigé par la Chinoise Liang Qing et par l’Italienne Elisa Giunipero, professeur d’histoire de la Chine contemporaine à L’Université catholique de Milan et elle aussi proche de la Communauté de Sant’Egidio, elle est l’auteur de nombreux libres dont un ouvrage qu’elle a publié comme coautrice avec Giovagnoli et qui est précisément consacré à « L’accord entre le Saint-Siège et la Chine. Les catholiques chinois entre passé et futur ».

    Comme on le sait, le cardinal qui est actuellement en tête du peloton des successeurs potentiels du Pape François est l’archevêque de Bologne, Matteo Zuppi, lui aussi membre historique de la Communauté de Sant’Egidio.

    Parmi les cardinaux, certaines connaissent tellement bien la Communauté de Sant’Egidio qu’ils préviennent déjà que si Zuppi est élu, c’est Riccardi qui sera le véritable pape.

    Et pourquoi pas ? Avec Giovagnoli à la Secrétairerie d’État.

  • Tagle, Hollerich, Roche, Tolentino de Mendoça : quelques ”papabili” de gauche

    IMPRIMER

    De Res Novae :

    Les papables de gauche

    La considération du profil de ces cardinaux progressistes, dont on nous dit que les stratèges de cette mouvance, spécialement jésuites, s’apprêtent à pousser l’un d’eux vers l’élection au Siège de Pierre, laisse rêveur. On avance trois noms : Tagle, Hollerich, Roche. Mais la liste n’est pas exhaustive. Par exemple, pourrait être avancé le nom du tout nouveau cardinal africain Richard Kuuia Baawobr, 63 ans, supérieur général des Pères Blancs.

    Luis Antonio Tagle, le cardinal-qui-plaît-aux-jeunes

    Luis Antonio Tagle, Philippin, 65 ans, n’a certes pas une pensée d’une grande originalité, mais elle est délibérément progressiste. Il fut l’élève brillant des jésuites, et a obtenu ses grades théologiques à la Catholic University de Washington. Il a pris part aux travaux de L’Histoire de Vatican II, éditée par l’École de Bologne (Giuseppe Alberigo, Alberto Melloni), qui est typiquement une histoire « selon l’herméneutique de rupture ».

    Il est devenu le cardinal-archevêque de Manille des mains de Benoît XVI, qui se plaisait à élever des universitaires reconnus, fussent-ils partisans de « l’herméneutique de rupture ». Et le pontificat bergoglien en a fait un personnage de premier plan : en 2014 et en 2015, il était l’un des co-présidents des deux assemblées du Synode sur la Famille, faisant ces apparitions « jeunes » qu’il affectionne : c’est un « bon gars », dit-on de lui.

    Il n’a point besoin de tisser des réseaux : toutes les tendances de mouvement agissent pour lui. Le cardinal Rodriguez Maradiaga, du Honduras (du Conseil des cardinaux qui a préparé la fameuse réforme de la Curie), l’a propulsé au titre de « défenseur des marginalisés » à la présidence de Caritas Internationalis pour lui succéder.

    Donné comme un grand représentant de « de la pensée théologique asiatique », le 8 décembre 2019, il était nommé préfet de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples. La réforme de la Curie a regroupé en un seul dicastère cette Congrégation et le Conseil pontifical pour la nouvelle Évangélisation. Nommé Pro-Préfet d’une de ses deux sections, il y a été comme posé comme sur un piédestal. Pro-Préfet seulement parce que le pape, pour signifier la prééminence de ce Dicastère, en est le Préfet, de même qu’avant le Concile les papes, maîtres de la doctrine, étaient eux-mêmes Préfets du Saint-Office.

    Mais les responsabilités romaines et l’atmosphère plus que tendue du monde curial actuel ont montré les limites de Tagle et affecté sa santé : il a été victime du fameux syndrome d’épuisement professionnel, d’un burn-out. Souriant et énigmatique, il reste cependant « en réserve ».

    Jean-Claude Hollerich, le cardinal synodal

    Le cardinal Hollerich, Luxembourgeois, 64 ans, est, pour sa part, plus que l’ami des jésuites, il est jésuite. Ordonné en 1990, il fut intégré à la province jésuite du Japon, dont il connaît la langue et la culture (il a enseigné à l’université Sophia de Tokyo). Archevêque ratzinguérien de Luxembourg en 2011, il est devenu cardinal bergoglien en 2019.

    Sandro Magister lui a réservé un article assassin : « Si le conclave souhaite un François bis, voici son nom et son programme »[1]. Il a été nommé en 2021 rapporteur général du grand synode pluriannuel sur la synodalité, lequel est en partie conçu comme un moyen de transaction avec les « excès » du Chemin synodal allemand. Il a eu ainsi l’occasion, en une série d’entretiens, de détailler une sorte de programme modéré.

    Il s’est opposé à la déclaration de l’avortement comme droit fondamental par le parlement européen, mais il comprend que l’on soit préoccupé par la dignité des femmes et pense que le discours de l’Église pour la défense de la vie n’est plus audible et qu’il faut trouver d’autres voies. Lesquelles ? Il n’en dit rien. Il souhaite, « après mûre réflexion », qu’on ordonne des hommes mariés parmi des viri probati, ce qui permettrait de solutionner, croit-il, la crise des vocationsIl ne juge pas utile que des femmes soient ordonnées, dans la mesure où la reconnaissance des virtualités du sacerdoce commun des baptisés leur permettra d’exercer de nombreux rôles d’importance. Concrètement, il fait sienne la mesure de transaction qui est dans l’air du temps : les femmes n’ont pas à consacrer l’Eucharistie, mais on peut leur confier l’homélie.

    Et surtout : « Nous devons changer notre façon de voir la sexualité ». En effet : « « Les positions de l’Église sur le caractère peccamineux des relations homosexuelles sont erronées. Je crois que les fondements sociologiques et scientifiques de cette doctrine ne sont plus corrects. » Cela vaut a fortiori pour les divorcés « remariés » et même pour les protestants : « À Tokyo, je donnais la communion à tous ceux qui venaient à la messe. Je n’ai jamais refusé la communion à personne. Je partais du principe que si un protestant venait communier, c’est qu’il savait ce que les catholiques entendent par la communion, au moins autant que le savent les autres catholiques qui participent à la messe. » Mais d’ajouter : « Cependant, je ne concélébrerais pas avec un pasteur évangélique. » Ouf !

    Arthur Roche, le cardinal qui veut en finir avec la liturgie traditionnelle

    Le tout nouveau cardinal Arthur Roche, n’a pas l’envergure d’un personnage historique, ni ne cherche à l’être : l’Auream quisquis mediocritatem diligit, d’Horace, Quiconque aime la médiocrité dorée…, s’applique bien à sa personnalité. Mais ce grand humaniste a réussi à se glisser parmi les possibles post-François. Et il est devenu l’homme d’une idée : néantiser les adversaires de la réforme liturgique.

    Anglais du Yorkshire, 71 ans, il a dû sa nomination comme Secrétaire du Culte divin, en 2012, par Benoît XVI, au fait qu’il connaissait mieux que personne le dossier des traductions anglaises de la nouvelle liturgie (il avait présidé l’International Commission on English in the Liturgy, ICEL, le très libéral organisme de coordination entre les conférences épiscopales anglophones).

    Le nouveau pontificat advenu, il a participé activement à la mise en place par étapes de l’offensive contre la liturgie traditionnelle : motu proprio de 2019, qui supprimait la Commission Ecclesia Dei ; lancement, en 2020, par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, auprès de l’ensemble des évêques de l’Église latine d’une enquête sur l’application du motu proprio Summorum Pontificum ; publication de Traditionis custodes, le 16 juillet 2021, accompagné d’une lettre du pape aux évêques annonçant clairement l’intention des rédacteurs : faire disparaître à terme l’ancienne lex orandi. Elle était mise sous la tutelle de la Congrégation pour le Culte divin et des Sacrements, en d’autres termes sous la tutelle d’Arthur Roche qui en était devenu Préfet.

    Et le 18 décembre 2021, par ses Responsa, des réponses à des questions censées avoir été posées à la Congrégation au sujet de Traditionis custodes, le Préfet Roche en rajoutait. Seul le missel traditionnel, et donc la célébration de l’Eucharistie, restait permis comme tolérance. Il interdisait l’usage des autres livres (rituel des sacrements et pontifical de l’évêque) et interdisait donc de célébrer traditionnellement tous les autres sacrements : baptêmes, pénitences, confirmations, mariages, extrêmes-onctions et ordinations. Théoriquement.

    Ou bien alors le bobo-cardinal Tolentino de Mendonça ?

    Le Catholic Herald, qui affirme avec assurance que la course du pré-conclave se joue actuellement entre Tagle le progressiste, Erdö le conservateur[2] et Matteo Zuppi, situé dans un centre indéfini[3], remarque cependant qu’une élection pontificale se fait aux deux tiers des voix et nécessite donc un large consensus. Du coup il avance un nouveau nom, celui du nouveau cardinal José Tolentino de Mendonça, qui serait « le genre de figure acceptable pour toutes les factions et capable d’attirer un large soutien parmi elles.[4] » Portugais de Madère, bientôt 57 ans, bibliste de formation, il a essentiellement eu une carrière académique et est devenu archiviste et bibliothécaire de l’Église romaine en 2018, bien que de compétences d’archiviste et de paléographe légères. Invité, la même année, à prêcher la retraite de carême de la Curie, il a été créé cardinal l’année suivante et, à l’occasion de la tout récente réforme de la Curie, il est devenu Préfet du Dicastère pour la Culture et l’Éducation.

    Il est déjà l’auteur d’une œuvre très conséquente de poésie, théâtre, essais, prières, qui lui a valu une collection de prix littéraires. Poète blasé, coqueluche des salons de Lisbonne et de l’intelligentsia lusitanienne catho, il a été désigné en 2019 personnalité portugaise de l’année par l’hebdomadaire Expresso.

    José de Mendonça, comme il se doit, est bergoglien : « Nous vivons au milieu de la ville, dans cet espace plein de frontières et plein de murs invisibles et de blocages existentiels […] Que les chrétiens soient remariés, blessés par des expériences conjugales naufragées, ou par la réalité de nouvelles familles, ou des homosexuels, ils doivent trouver dans l’Église un espace d’écoute, d’accueil et de miséricorde.[5] »

    Il est plus que bergoglien même, car il est très lié avec la Sœur Teresa Forcades, bénédictine de Montserrat, féministe convaincue : « Accepter l’avortement comme un mal mineur n’entre pas en contradiction avec le Dieu chrétien »[6]. Elle est pro-contraception, pro-ordination des femmes, et parcourt le monde pour répandre ses idées : « Je crois que sur le thème de l’acceptation de l’homosexualité ou des minorités sexuelles en général dans l’Église, le pape François n’a pas promu des changements doctrinaux mais l’atmosphère dans l’Église a changé. […] Je peux parler pour moi et pour d’autres compagnes qui travaillent pour une inclusion pleine de l’homosexualité dans l’Église[7]. » Le cardinal poète a donné une préface très élogieuse à son livre, La théologie féministe dans l’histoire[8].

    Qui vivra, verra. À bien des reprises et de bien des manières Dieu jadis a envoyé des fléaux pour punir les péchés des chrétiens. Lui seul sait ce qu’il veut permettre demain.

    Don Pio Pace


    [1] Si le conclave souhaite un François bis, voici son nom et son programme | Diakonos.be.
    [2] Péter Erdő, 70 ans archevêque d’Esztergom-Budapest et primat de Hongrie.
    [3] La candidature Zuppi, 67 ans, est plombée du côté conservateur par le fait qu’il a préfacé l’édition italienne du livre du P. James Martin, sj, rédacteur en chef de la revue jésuite America, Un ponte da costruire. Una relazione nuova tra Chiesa e persone LGBT (Marcianum Press, 2018). Dans ce type de littérature on ne dit jamais clairement que celui qui demande les sacrements doit avoir cessé, pour les recevoir, d’être installé dans une situation publique de péché. Certes, la préface propose, quant à elle, « une savante pédagogie de la gradualité ». Réserve insuffisamment claire, disent les conservateurs, pour faire espérer un enseignement moral irréprochable.
    [4] Enter Cardinal Mendonça, newly-promoted love poet and possible future Pope – Catholic Herald.
    [5] Radio Renascença, 22 décembre 2016.
    [6] TV5, 11 mars 2016.
    [7] Médias-Presse-Info, 18 octobre 2019.
    [8] La teologia feminista en la història, Fragmenta Editorial, 2007.

  • Au prochain conclave, la voie semble ouverte aux hommes de compromis ou qui se présentent comme tels

    IMPRIMER

    De l'abbé Claude Barthe sur Res Novae :

    Les ambitions du cardinal Tolentino Mendonça

    Le pape François a porté Vatican II à son maximum. Pour être plus précis, il a rendu l’enseignement moral, qui restait relativement ferme, aussi cotonneux que l’enseignement œcuménique du dernier concile. A-t-il fait un pas de trop dans cette entreprise ? En tout cas Fiducia supplicans a ouvert une véritable crise de légitimité : on a vu des épiscopats entiers (Afrique, Hongrie) se refuser à l’appliquer.

    Divers signes montrent que « le parti bergoglien » est en grande agitation et que les consultations s’y multiplient depuis la déclaration du 18 décembre 2023 du Dicastère pour la Doctrine de la Foi rendant possible la bénédiction de couples irréguliers et de couples de même sexe, déclaration que les stratèges progressistes considèrent comme une faute tactique, celle d’un homme impulsif, d’autant plus impatient que le temps lui est compté. 

    Tout au contraire, du côté conservateur, on estime que cette crise ouvre de nouvelles perspectives. Et pourtant on ne peut en espérer davantage qu’un certain recentrage, l’horizon restant celui d’un conclave où 95 cardinaux, soit nettement plus que les 2/3 des électeurs, ont été nommés par François. Si on s’en tient aux deux catégories énoncées par Benoît XVI en 2005, pour ceux qui acceptent Vatican II, « l’herméneutique de réforme dans la continuité » et « l’herméneutique de rupture », et que l’on considère que Jean-Paul II et Benoît XVI ont représenté la première et François la seconde, un retour à la ligne Wojtyla/Ratzinger ne semble pas envisageable après François. Ce retour, d’ailleurs, ne réglerait pas davantage ce qui n’a pu être réglé hier[1].

    Le bilan d’un pontificat

    Bien sûr l’enjeu des élections à la Sixtine est toujours plus compliqué qu’un choix idéologique binaire. Par exemple, en 2005, le cardinal Ratzinger n’avait pas seulement été choisi comme une sorte de super wojtylien, qui pouvait faire remonter les chiffres des vocations, mais aussi parce qu’il était partisan d’un assainissement moral du clergé, et peut-être aussi, paradoxalement, parce qu’on prévoyait qu’il insisterait moins que son prédécesseur sur l’enseignement d’Humanæ vitæ. La géopolitique joue-t-elle un rôle, plus ou moins inconscient sur les conclaves ? 2005 était le moment où l’Allemagne d’après-guerre, quinze ans après avoir absorbé la RDA, arrivait au faîte de sa puissance.

    Et cependant, le pontificat ratzinguérien a échoué. Outre l’impossibilité de refaire l’unité de l’Église autour de l’« herméneutique de réforme dans la continuité », il n’a pu s’imposer à Rome même : face à une opposition continue et déterminée, Benoît XVI peu enclin à agir avec autorité, n’osant user systématiquement de l’arme absolue des papes, les nominations curiales et épiscopales, démissionna après moins de 8 ans de pontificat. Si bien qu’en 2013, c’était un homme fort que l’on a cherché. Et trouvé ! Évêque depuis 1992, Jorge Bergoglio était en réalité un personnage à deux faces : celle du péroniste, par le fait anticommuniste et donc hostile à la forme marxiste de la première théologie de la libération ; celle du partisan d’une certaine théologie de la libération, qui postérieure à la chute du mur de Berlin, œuvrait pour la libéralisation de la constitution de l’Église, l’éclatement de sa rigidité morale et la promotion d’une théologie écologique. Ce second aspect lui avait permis de devenir, dès le conclave de 2005 où il était arrivé second, le candidat de la ligne du cardinal Martini (même si ce dernier l’appréciait peu). Le cardinal « Janus » a ainsi pu compter en 2013 sur toutes les voix progressistes et recevoir aussi celles de nombreux conservateurs.

    En 1999, alors que le pontificat de Jean-Paul II entrait dans sa dernière phase, au synode des évêques européens de 1999, le cardinal Martini, archevêque de Milan, avait développé dans un discours très remarqué un véritable programme de pontificat. Il ne pourra pas l’appliquer lui-même car la maladie de Parkinson allait le mettre hors-jeu. Dans cette profession de foi, qui commençait par ces mots : « J’ai fait un rêve »[2], Martini énumérait les « nœuds à trancher » :

    • Le nœud de la « carence dramatique de ministres ordonnés » (autrement dit, il convenait d’ordonner éventuellement des hommes mariés) ;
    • Le nœud de l’insuffisante « place des femmes dans l’Église » (les faire accéder à divers « ministères ») ;
    • Le nœud des problèmes afférents à la « sexualité » (mettre sous le boisseau Humanæ vitæ et l’enseignement moral subséquent[3]) ;
    • Le nœud de la « discipline du mariage » (permettre aux divorcés « remariés » d’accéder à l’eucharistie, demande récurrente à l’époque).

    Après son élection en 2013, le jésuite de Buenos Aires a appliqué le programme du jésuite de Milan, dont l’essentiel, il faut le souligner, était une libéralisation de la morale. L’un des deux textes marquants du pontificat bergoglien restera Amoris lætitia, l’autre étant Traditionis custodes pour barrer la dynamique d’un retour avant le Concile ouverte de fait par Summorum Pontificum. Et parce que le monde contemporain ne cesse d’avancer dans ce nihilisme dénoncé par Benoît XVI et que le catholicisme libéral conciliaire ne peut que l’y accompagner, la déclaration Fiducia supplicans se voulait la touche finale, celle d’une concession sous forme de « miséricorde » à l’endroit de l’idéologie LGBT. On peut désormais bénir au nom du Christ cette négation suicidaire de la nature et de la société[4]. En réalité comme on sait, c’est à l’occasion de « mariages » homosexuels que sont demandées des bénédictions.

    D’où il résulte dans le collège des cardinaux une situation incertaine. Une réunion discrète organisée par Austin Institute for the Study of Family and Culture, dont le siège est au Texas, s’est tenue du 26 au 28 septembre dernier à Prague pour y parler de l’« idéologie du genre ». S’y sont notamment retrouvés les cardinaux Do Carmo da Silva, archevêque de Dili, au Timor oriental, Oswald Gracias, archevêque d’Agra (Inde), Patrick D’Rozario, de Dacca, William Goh, archevêque de Singapour, Angelo Bagnasco, archevêque émérite de Gênes, Dominik Duka, archevêque émérite de Prague, Willem Eijk d’Utrecht et aussi Mgr Salvatore Cordileone archevêque de San Francisco, quatre d’entre eux – Virgilio do Carmo da Silva, Oswald Gracias, William Goh Seng Chye, Willem Eijk – étant à ce jour cardinaux électeurs.

    On peut donc imaginer l’union de cardinaux outrés par le document du Dicastère pour la Doctrine de la Foi et des conservateurs classiques. Peut-on dès lors estimer possible l’élection d’un pape qui défendrait un solide enseignement moral ? Sans doute pas. En revanche, on peut tout à fait concevoir que ce même ensemble de cardinaux puisse empêcher l’élection d’un cardinal franchement « progressiste » (à ce jour, 45 y suffiraient).

    À quoi s’ajoute le fait que, si l’élection de 2013 était partiellement une réaction contre le défaut d’autorité dont avait pâti l’Église romaine sous Benoît XVI, le prochain conclave sera inévitablement le théâtre d’un rejet du trop-plein d’autorité créé par un pape au style chaotique et imprévisible qu’aucune règle écrite ou non écrite n’arrête (voir la manière stupéfiante dont a été menée la procédure contre le cardinal Becciu, quoi qu’il en soit des fautes de ce dernier, qui jonglait avec des sommes fabuleuses au nom du Saint-Siège).

    Le cardinal José Tolentino Mendonça, un faux centriste

    La voie semble donc ouverte aux hommes de compromis ou qui se présentent comme tels.

    Le cardinal Parolin, Secrétaire d’État, s’y essaie, nous l’avons dit[5]. Plus en souplesse, le cardinal Zuppi, archevêque de Bologne et Président de la Conférence épiscopale italienne, adossé aux puissants réseaux de la Communauté de Sant’Egidio. Il a été délégué par le pape pour explorer la possibilité d’une négociation de paix en Ukraine et il a réussi à ce que la CEI ne tombe pas comme la CEF dans le piège des virulentes des campagnes contre les abus sexuels. D’autre part, il ne craint pas de se prêter à des célébrations selon l’ancienne liturgie, en y développant à chaque fois le thème : « Il y a de la place pour tous dans l’Église », gestes en direction des cardinaux conservateurs.

    Mais il a approuvé Fiducia supplicans devant la CEI. Il l’a fait, en se rangeant habilement derrière l’approbation du cardinal Betori, archevêque de Florence, qui passe pour conservateur[6]. Une approbation qui pourrait lui coûter cher.

    Et puis, chemine un autre papable, qu’on voudrait faire passer comme de compromis, dont nous avions déjà parlé en rapportant l’avis du Catholic Herald  qui affirmait que le cardinal José Tolentino de Mendonça, cultivé, urbain, serait « le genre de figure acceptable pour toutes les factions et capable d’attirer un large soutien parmi elles[7]. » En réalité, le cardinal de Mendonça, 58 ans, est un faux centriste. Portugais de Madère, bibliste, tertiaire dominicain, devenu archiviste et bibliothécaire de l’Église romaine en 2018, il a été invité, toujours en 2018, à prêcher la retraite de carême de la Curie, et a été créé cardinal la même année. Nommé en septembre 2022, dans la foulée de la réforme de la Curie, Préfet d’un grand Dicastère, celui pour la Culture et l’Éducation, il succède à la fois au cardinal Ravasi, qui était Préfet du Conseil Pontifical pour la Culture, et au cardinal Versaldi, qui était Préfet de la Congrégation pour l’Éducation catholique.

    Il est l’auteur d’une œuvre de poésie, théâtre, essais, prières, qui lui a valu une série de prix littéraires. Très en phase avec les élites gouvernantes, il a été désigné en 2019 personnalité portugaise de l’année par l’hebdomadaire Expresso. Il ne lui viendrait pas à l’idée, même par politique, de se commettre avec des traditionnels : « Aujourd’hui, nous voyons le pape François être contesté par une aile plus conservatrice de l’Église et par certains noms importants, même de cardinaux, qui, d’une certaine manière, sont prêts à placer le traditionalisme au-dessus de la tradition[8]. »

    En revanche, José Tolentino Mendonça est ouvert à « l’accueil pour tous ». Dans un entretien donné à Renascença, évoqué plus haut, il célèbre Amoris lætitia : « Nous vivons au milieu de la ville, dans cet espace plein de frontières et plein de murs invisibles et de blocages existentiels […] Que les chrétiens soient remariés, blessés par des expériences conjugales naufragées, ou par la réalité de nouvelles familles, ou des homosexuels, ils doivent trouver dans l’Église un espace d’écoute, d’accueil et de miséricorde. » Il a donné une préface à La théologie féministe dans l’histoire[9], livre de son amie la Sœur Teresa Forcades, féministe et bénédictine de Montserrat. Il est sur la même longueur d’onde que celle-ci qui parcourt le globe et travaille « pour une inclusion pleine de l’homosexualité dans l’Église ».

    Le Dicastère pour la Culture et l’Éducation est à l’évidence conçu comme un tremplin. Sans parler de la capacité d’influence de la Communauté de Sant’Egidio, si l’hypothèse Zuppi ne prenait pas. Pour Sant’Egidio, qui l’a fait participer à la 35ème Rencontre internationale pour la Paix en 2021, Tolentino Mendonça assure volontiers des prédications. En fait, José Tolentino Mendonça, à l’image des personnes qui l’entourent, par exemple le très influent jésuite Spadaro, ancien directeur de la Civiltà Cattolica, se projette dans un post-catholicisme, où l’achèvement de la sécularisation devient une opportunité : la sécularisation d’aujourd’hui, à la différence de celle issue des Lumières, hostile au catholicisme, se conjugue au contraire avec celui-ci, ou plutôt l’inverse, dans la mesure où il se reconfigure en ouverture « spirituelle » de la postmodernité.

    Abbé Claude Barthe