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  • Vatican : Conférence de presse sur la sainteté des deux futurs canonisés

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    Sur la place Saint-Pierre à Rome, dimanche prochain 27 avril, le pape Bergoglio canonisera, dans une cérémonie très médiatique, ses prédécesseurs Jean XXIII et Jean-Paul II. La dernière canonisation d’un pape date du 29 mai  1954 : elle avait été faite par Pie XII qui éleva alors à la gloire des autels le champion de la lutte contre le modernisme, Guiseppe Sarto mieux connu sous son nom de règne : Pie X, pape de 1903 à 1914.  A cette occasion, le Saint-Père Pie XII avait notamment prononcé cette prière : « Saint Pie X, gloire du Sacerdoce et honneur du Peuple chrétien, Toi en qui l'humilité parut fraterniser avec la grandeur, l'austérité avec la mansuétude, la piété simple avec la doctrine profonde, Toi, Pontife de l'Eucharistie et du catéchisme, de la foi intègre et de la fermeté impavide, tourne ton regard vers la Sainte Eglise, que Tu as tant aimée et à laquelle Tu as donné le meilleur des trésors que la divine Bonté, d'une main prodigue, avait déposés dans ton âme obtiens-lui l'intégrité et la constance au milieu des difficultés et des persécutions de notre temps  et soulève cette pauvre humanité, aux douleurs de qui Tu as tellement pris part qu'elles finirent par arrêter les battements de Ton grand cœur…  afin que de la sorte les angoisses qui épuisèrent Ta vie apostolique se transforment grâce à Ton intercession, en une réalité de bonheur, à la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui avec le Père et le Saint-Esprit vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ! »

    Ce temps nous paraît aujourd’hui bien lointain et l’Eglise n’est plus ce qu’elle était voici soixante ans. Au milieu des « fervorini » qui entourent le pape François, des questions sourdent néanmoins ici et là: sur la tendance à béatifier ou canoniser systématiquement les papes contemporains, sur l’absence de miracle attribué à Jean XXIII pour le canoniser, sur la gouvernance ou les affaires qui, rétrospectivement, jettent une ombre sur l'Eglise des années postconciliaires.

    Dans une conférence de presse dont Radio-Vatican se fait ici l’écho,  le porte-parole du Saint-Siège et les deux postulateurs de la cause des nouveaux saints ont répondu à l’une ou l’autre des inquiétudes exprimées « mezzo voce » :

    « (RV) Rome, de nouveau le point de mire de l’attention médiatique : pèlerins, touristes curieux et journalistes convergent vers la Ville Eternelle, qui se prépare dans une certaine fébrilité à l’évènement tant attendu : la double canonisation des Papes Jean XXIII et Jean-Paul II. Lors d’une conférence de presse ce mardi matin, les journalistes, déjà sur place, ont pu écouter le père Giovangiuseppe Califano, et Mgr Slawomir Oder, respectivement postulateurs de la cause de Jean XXIII et de Jean-Paul II, invités à s’exprimer sur la sainteté des deux futurs canonisés, une sainteté conçue tous deux comme vocation à part entière, le but de leur vie : Angelo Roncalli, le « pasteur et le père», le « pacifié et le pacificateur », l’homme de l’obéissance et de la paix ; Karol Wojtyla, saint à l’école de la souffrance, mystique, vivant sa vie de sorte qu’elle soit « expression de la gloire de Dieu ».

    Aucune « implication personnelle » de Jean-Paul II dans l'affaire Maciel

    A l’approche de cette double canonisation, plusieurs accusations, déjà récurrentes, mettent en cause le Pape Jean-Paul II dans l’affaire Marcial Maciel, laissant entendre que le Pape polonais était au courant des agissements scabreux du fondateur des Légionnaires du Christ, et aurait pourtant refusé de sévir contre lui. Un soutien que d’aucuns interprètent comme une volonté de protéger l’Eglise de toute éclaboussure.

    Le postulateur de la cause de Jean-Paul II, Mgr Oder, ainsi que le père Federico Lombardi ont tenu à répondre à ces accusations. Une enquête a été menée, et les documents qui ont été étudiés lors du procès de canonisation du Pape Jean Paul II ont montré qu'il n'y avait « aucune implication personnelle » de sa part dans ce scandale retentissant, a expliqué Mgr Oder.

    Réticences à la canonisation ?

    Mgr Oder a par ailleurs commenté des informations sur les réserves que l'ancien cardinal de Milan, Carlo Maria Martini, aurait émis lors du procès en canonisation. Affirmer que le cardinal italien était opposé à la canonisation de Jean-Paul II n’est « pas juste et pas vrai ». Ce qui est vrai en revanche, a expliqué le père Lombardi, c’est que Mgr Martini avait reconnu la légitimité d'un débat sur l'opportunité de faire saints les Papes en général.

    "Pourquoi sont-ils saints?"

    « Pourquoi sont-ils saints?» : c'est le thème d'une veillée qui réunit ce mardi soir des centaines de jeunes, en la cathédrale de Rome, la basilique St Jean-de-Latran. Après une liturgie de la Parole présidée par Mgr Zuppi, évêque auxiliaire pour le centre de Rome, les deux postulateurs donneront leurs témoignages et inviteront les participants à réfléchir sur la sainteté et la spiritualité des Papes Jean XXIII et Jean-Paul II. »

    Ici : Conférence de presse sur la sainteté des deux futurs canonisés

    JPSC

     

  • Amazonie : des diacres mariés célèbreraient la messe. Avec l'aval du pape?

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    De Sandro Magister en traduction sur le site diakonos.be :

    En Amazonie, les diacres mariés disent déjà la messe. Et le Pape le sait

    Depuis quelques jours, circule sur le web une vidéo dans laquelle un prêtre italien très connu, appartenant à l’entourage proche de Jorge Mario Bergoglio, prétend qu’en Amazonie, la célébration de la messe par les diacres mariés est déjà une réalité dans les faits, avec l’autorisation des évêques locaux. Et le Pape François, informé de la chose, aurait déclaré : « Allez de l’avant ! ».

    L’auteur de cette révélation explosive n’est pas n’importe qui. Il s’agit de Giovanni Nicolini, 79 ans, un prêtre très estimé de l’archidiocèse de Bologne et dont l’archevêque est Mgr Matteo Zuppi que le pape François vient de créer cardinal il y a quelques jours.

    Le P. Nicolini est actuellement assistant ecclésiastique national des Associations Catholiques des Travailleurs Italiens (les ACLI) et a été par le passé directeur de la Caritas de Bologne en plus d’être curé dans le quartier résidentiel qui jouxte la prison. Il est surtout connu comme étant le prêtre des pauvres, des prisonniers et des immigrés.

    Mais bien avant cela, il a été le fils spirituel de Giuseppe Dossetti (1913-1996), un homme politique célèbre dans l’Italie de l’après-guerre qui, devenu ensuite moine et prêtre, a joué un rôle dans le Concile Vatican II aux côtés du cardinal Giacomo Lercaro.

    Dans le sillage de Dossetti, le P. Nicolini a fondé dans les années soixante-dix la Famiglia della Visitazione, une communauté aujourd’hui composée d’une trentaine de moines et de moniales et d’autant de couples mariés qui se partagent entre les campagnes de la région de Bologne et les missions de l’archidiocèse en Tanzanie et à Jérusalem.

    En outre, le P. Nicolini est lié à cet influent think tank catholique progressiste connu sous le nom d’« école de Bologne » fondée par ce même P. Dossetti et qui a aujourd’hui respectivement comme dirigeant et comme gourou l’historien de l’Église Alberto Melloni et Enzo Bianchi, le fondateur du monastère de Bose, tous deux ultra-bergogliens.

    Voici donc le lien vers la vidéo-choc du P. Nicolini :

    > « Sento l’opportunità di ricordare… »

    Et voici la transcription textuelle de ses déclarations, à propos du célibat du clergé et de ces « messes » qui aujourd’hui déjà seraient célébrées par des diacres mariés en Amazonie avec l’autorisation des évêques du lieu et avec l’aval du pape François.

    Cette vidéo fait partie d’une « leçon » plus large du P. Nicolini, elle aussi enregistrée à la session d’été de l’association catholique politico-culturelle La Rosa Bianca, qui s’est déroulée à Terzolas, dans le Trentin, du 21 au 25 août.

    *

    Et le Pape a dit : « Allez de l’avant ! »

    Il me semble opportun de rappeler, avec vous, que l’Église des prêtres vit ses derniers instants. S’agit-il d’une prophétie ? Non, c’est la réalité. Nous devons en compte parce que ça change tout. Nous arrivons aujourd’hui au sommet de la folie, chaque prêtre est en charge de six paroisses, et ça c’est la fin. Quoi qu’on fasse, cette crise du sacerdoce est inéluctable et ne fera que s’accroître tant qu’on n’envisagera pas très sérieusement de réfléchir à l’opportunité d’abolir le célibat des prêtres.

    Tant que ce célibat des prêtres restera en vigueur, on ne pourra pas enrayer la chute, notamment parce que souvent, on ne réfléchit pas au fait que moi, par exemple, je suis un prêtre, mais avant d’être prêtre, je suis surtout un moine. François, qui est ici, est un moine, et nous qui sommes une toute petite communauté monastique de prière, nous avons donné cinq prêtres à l’Église de Bologne, mais si nous avons pu le faire, c’est parce que nous appartenons à une autre espèce. Mais tant que se poursuivra cette situation dans laquelle – vous le savez, non ? – le fait de rester célibataire est une pure disposition d’ordre disciplinaire, juridique, ce n’est un vœu ni d’un don de Dieu, ce n’est pas soutenu par la vie de la communauté… Non, c’est lui qui ne se marie pas, on décrète qu’il ne peut pas se marier. Mais il est clair que quand j’apprends qu’un prêtre de trente ans, qui vient se confesser chez moi, va maintenant être envoyé en pleine campagne tout seul… Celui-là, avant six mois, il aura une maîtresse. Et donc cette chute sera à présent très rapide. Avant-hier, on me disait qu’on estimait qu’en 2030 il y aura 30 prêtres à Bologne, aujourd’hui il y en a 450 et leur nombre a déjà beaucoup baissé. Et donc cette structure d’Église n’existera bientôt plus.

    On va faire ce synode des évêques en Amazonie. Depuis l’Amazonie, nous avons appris qu’un soir, depuis une mission paroissiale perdue en Amazonie, quelqu’un a passé un coup de fil, c’était un diacre âgé, la soixantaine, marié, qui disait à son évêque : « Je dois te dire que demain il n’y aura pas de messe parce qu’il n’y a pas un seul prêtre ». Et l’évêque lui a dit : « vas-y et dit la messe ». Un diacre marié, dont les enfants ont déjà une situation, sont appelés les « anciens » et les évêques locaux leur dont déjà donné l’autorisation de présider la liturgie. On l’a dit au Pape et le Pape a dit : « Pour l’instant nous ne pouvons rien mettre par écrit mais vous, allez de l’avant ! ». Je me suis demandé, quand j’ai appris qu’il convoquait l’assemblée des évêques du monde entier en Amazonie, qui sait si cela pourrait ou voudrait dire quelque chose. Pourtant l’Église, dans sa structure concrète, juridique, existante, arrive à son terme.

    *

    Voilà pour les déclarations du P. Giovanni Nicolini, qui suscitent des questions qui exigent une réponse, bien avant l’ouverture du synode sur l’Amazonie.

    Est-ce vrai ou faux, ce qu’il dit sur ces « messes » aujourd’hui déjà célébrées en Amazonie par des diacres mariés ?

    Est-ce vrai ou faux que le Pape François aurait donné son feu vert ?

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

  • De la Cène à l’Eucharistie du dimanche matin

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    françois capture-d2019e0301cran-2017-10-04-a0300-19.38.37.pngOn a vu, le 1er octobre dernier, le pape François prendre part à un vaste repas organisé dans une église de Bologne pour mieux faire valoir le lien entre ces agapes (au sens étymologique du terme) conviviales et la célébration eucharistique ou, pour reprendre le commentaire de Mgr Zuppi (le nouvel archevêque fraichement nommé par ses soins) « pour aider à mieux comprendre l’Eucharistie, à la sentir encore plus humaine ».

    La réalité historique est tout de même assez différente. Un texte extrait des  « Opera omnia » de Benoît XVI (volume VI/1, pp. 493 et suivantes) nous montre ce qu’il en est du passage de la « Cène » (du mot « cena », repas)  à l’ « Eucharistie » du dimanche matin :


    «  […] Qu’a donc ordonné précisément le Seigneur de répéter?  Certainement pas le repas pascal (au cas où la dernière Cène de Jésus ait été un repas pascal). La Pâque était une fête annuelle dont la célébration récurrente en Israël était clairement régulée par la sainte tradition et liée à une date précise. Même si, ce soir-là, ce n’était pas un vrai repas pascal selon le droit juif, mais d’un ultime banquet  terrestre avant la mort, cela n’est pas dans l’objectif du commandement de répétition.

    Le commandement se réfère donc à ce qui, dans ce que Jésus a accompli ce soir-là, était une nouveauté : le fait de rompre le pain, la prière de bénédiction, et d’action de grâce et avec elle les paroles de la transsubstantiation du pain et du vin. Nous pourrions dire : par ces paroles, notre moment actuel est entraîné dans le moment de Jésus. Ce que Jésus a annoncé en Jean, 12,32 se vérifie : de la Croix, il les attirera tous à lui, en lui […]

    Joseph Andreas Jungmann, le grand connaisseur de la Célébration eucharistique et l’un des artisans de la réforme liturgique résume tout cela en disant : ‘ la forme fondamentale est la prière d’action de grâce sur le pain et le vin. C’est de la prière d’action de grâce, après le banquet du dernier soir, que la liturgie de la messe a commencé, et non du banquet lui-même. Ce dernier était considéré aussi peu essentiel et aussi facilement séparable que déjà dans l’Eglise primitive il était omis. La liturgie et toutes les liturgies, par contre, ont développé la prière d’action de grâce prononcée sur le pain et sur le vin. Ce que l’Eglise célèbre dans la messe n’est pas la dernière Cène, mais ce que le Seigneur, durant la dernière Cène, a institué et confié à l’Eglise : la mémoire de sa mort sacrificielle’ (Messe im Gottesvolk, p.24).

    Dans la même ligne s’inscrit la constatation historique selon laquelle ‘dans toute la tradition du christianisme, après que l’Eucharistie a été détachée d’un vrai repas (où apparaît l’acte de ‘rompre le pain’ et la ’Cène du Seigneur’) un mot signifiant ‘repas’ n’est jamais utilisé, jusqu’à la Réforme du XVIe siècle, pour désigner la célébration de l’Eucharistie (p.23, note 73).

    Dans la formation du culte chrétien, cependant, un autre élément est encore déterminant. Certain d’être exaucé, le Seigneur avait déjà donné à ses disciples, à la dernière Cène, son corps et son sang comme don de la  Résurrection : Croix et Résurrection font partie de l’Eucharistie, qui sans cela n’est pas elle-même. Mais puisque le don de Jésus est essentiellement un don enraciné dans la Résurrection, la célébration du sacrement devait nécessairement être relié à la mémoire de la Résurrection. La première rencontre avec le Ressuscité était advenue le matin du premier jour de la semaine –du troisième jour après la mort de Jésus- donc le dimanche matin. Par là, le matin du premier jour devenait spontanément le moment du culte chrétien, le dimanche devenait le « Jour du Seigneur ».

    Cette détermination chronologique de la liturgie chrétienne, qui en même temps définit sa nature profonde et sa forme, s’est mise très vite en place. Ainsi le rapport d’un témoin oculaire dans les Actes 20, 6-11 nous raconte le voyage de saint Paul et de ses compagnons vers Troas et il dit : ‘Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain…’ (20, 7). Cela signifie que déjà durant la période des Apôtres le fait de ‘rompre le pain’ avait été fixé pour le matin du jour de la Résurrection – l’Eucharistie était célébrée comme rencontre avec le Ressuscité […]

    Un archaïsme qui voudrait retourner avant la Résurrection et à sa dynamique pour imiter seulement la dernière Cène ne correspondrait pas du tout à la nature du don que le Seigneur a laissé à ses disciples. Le jour de la Résurrection est le lieu extérieur et intérieur du culte chrétien, et l’action de grâce, comme anticipation créatrice de la Résurrection de la part de Jésus, est la manière par laquelle, dans son don, il nous bénit et il nous entraîne dans la transformation qui, à partir des dons, doit nous gagner et se répandre sur le monde : ‘jusqu’à ce qu’il vienne’ (1 Co 11,26) ».

    JPSC
      

  • Quelle direction a pris le pontificat de François ?

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    D'Andrea Gagliarducci sur le Monday Vatican :

    Pape François, quel sera son pontificat ?

    13 novembre 2023

    Il y aura plus de théologiens et de canonistes parmi les membres de la deuxième étape du Synode des évêques, qui se tiendra en octobre prochain. C'est ce qu'a déclaré le cardinal Matteo Zuppi lors d'une rencontre à Bologne sur les quarante ans de la promulgation du Code de droit canonique, et c'est un fait intéressant. Après un synode qui a abouti à un texte particulièrement controversé, amendé 1215 fois, nous pensons à un synode où les experts seront appelés à donner forme et substance aux textes, qui seront ensuite publiés à l'issue de la réunion.

    Il fut un temps où la nouvelle d'avoir plus de canonistes et de théologiens aurait été accueillie avec optimisme, car il s'agit en définitive d'une excellente nouvelle. Il est nécessaire d'harmoniser les décisions de l'Église avec le corpus juridique et théologique pour que ces décisions aient un sens. Mais cette même nouvelle suscite aussi une certaine inquiétude. Et c'est dans cette inquiétude que l'on peut comprendre comment le pontificat de François est perçu.

    Au cours de ces dix années, le pape François a été un pape très législateur. Il a promulgué 48 motu proprio, diverses lettres apostoliques, divers appels, faisant et défaisant des lois dans ce qu'il a appelé la "réforme en cours". En même temps, à chaque changement de paradigme, le pape François a trouvé une justification théologique ou historique, extrapolant des phrases ou des décisions de contextes passés pour démontrer une continuité entre ses décisions et celles qui ont existé auparavant, pour signaler que sa théologie n'est pas une rupture avec le passé.

    C'est ce qui s'est passé, par exemple, dans la lettre aux prêtres du diocèse de Rome en août dernier, lorsqu'il a utilisé la pensée du grand théologien français de Lubac, en en reprenant certaines parties et en n'en considérant pas d'autres. Mais il y a d'autres exemples de ce genre, de la simplification du thème de la condamnation de l'esclavage par l'Église à celui de la réforme de la Curie, souvent écarté par une plaisanterie sur l'efficacité de la Curie elle-même.

    Cette simplification se retrouve aujourd'hui dans les réponses aux dubia envoyées par le cardinal Victor Manuel Fernandez, préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi. L'idée est de transmettre les vérités de la foi dans un langage familier. Pourtant, le sentiment d'une certaine ambiguïté demeure, à tel point que le dubia a été envoyé deux fois, les premières réponses n'ayant pas été jugées satisfaisantes.

    La simplification répond à la nécessité de s'adresser directement au peuple. En dix ans de pontificat, le pape François a éliminé les "corps intermédiaires". Il n'y a plus d'élite de fonctionnaires, de managers, d'officiels du Vatican et de cardinaux prêts à aider le pape ou à agir comme un filtre dans les situations les plus difficiles.

    Il y a le pape, et puis il y a le peuple. La Curie est marginalisée, utilisée lorsqu'elle donne une idée de collégialité avec des réunions interdicastérielles et laissée quelque peu à son sort. Le pape a le peuple qu'il écoute, même s'il décide ensuite directement. À ses côtés, il veut un Conseil des cardinaux pour définir la réforme de la Curie et l'aider à gouverner l'Église. Mais au cours de ces dix années, la vie a souvent pris le pas sur les propositions du Conseil.

    Le pape François a donc déconstruit l'institution ecclésiale, en maintenant certaines structures vivantes tout en les affaiblissant. C'est par exemple le cas de la Secrétairerie d'État, qui a perdu des compétences et de l'autonomie financière au fil des ans, se transformant de plus en plus en "Secrétariat pontifical".

    Si le peuple est le premier interlocuteur du Pape, s'il n'y a pas d'élite, le Pape se retrouve seul à prendre toutes les décisions. Le Pape François est un Pape qui se retrouve à faire de la micro-gestion, qui veut toujours être informé, qui veut tout savoir. C'est un Pape qui préfère parler aux gens de la rue plutôt qu'aux cardinaux parce que, des premiers, il apprend la situation de l'Église et veut apporter des corrections.

    La question est toutefois plus large. Si les cardinaux et les fonctionnaires ne sont pas pris en compte, comment feront-ils partie d'un gouvernement et comment pourront-ils l'aider ? Un pontificat qui supprime les corps intermédiaires non seulement oblige le pape à un travail ardu de discernement constant et continu, même sur des questions qu'il ne connaît pas, mais met aussi en péril l'avenir même de l'institution ecclésiale.

    Surtout, un pape qui supprime les corps intermédiaires peut difficilement, en fin de compte, faire des choix qui ne soient pas dictés par des émotions personnelles. Cela fonctionne au niveau des gouvernements, et cela fonctionne au niveau des idées. C'est pourquoi l'annonce d'avoir plus de théologiens et de canonistes au prochain Synode inquiète. Le problème ne réside pas tant dans le profil des personnes qui seront choisies que dans leur approche idéologique.

    On pense immédiatement à ceux qui seront capables de porter les idées du Pape et de vaincre ce que le cardinal Jean-Claude Hollerich, orateur général du Synode, a appelé les "résistances".

    Le risque est de se retrouver non pas face à un débat mais à la recherche d'un cadre interprétatif qui justifie les décisions et les choix du Pape. La nomination de Victor Manuel Fernández comme préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, puis sa création comme cardinal, ont constitué un premier "avertissement" à cet égard. Fernández s'est engagé, ces derniers mois, à donner un cadre théologique aux choix du pape, même les plus controversés, donnant ainsi le feu vert à la révolution culturelle, que le pape François a ensuite concrétisée avec la réforme de l'Académie pontificale de théologie, qui n'a fait que s'inspirer de la constitution pastorale Veritatis Gaudium sur les facultés pontificales.

    L'absence - ou la non-considération - d'une classe dirigeante conduit à des choix qui risquent parfois de suivre la longue vague de l'opinion publique (comme ce fut le cas lorsque le Pape changea d'avis sur la gestion de la question des abus au Chili). L'organisation institutionnelle est en danger car le pape François la réforme non pas de l'intérieur mais selon la méthode des commissions et commissaires inaugurée depuis le début de son pontificat.

    Le prochain synode des évêques devient donc un test essentiel pour comprendre quelle direction a pris le pontificat. Les choix du pape en diront long sur l'Église qu'il veut laisser en héritage à son successeur. Il aura deux choix : continuer à détruire les "corps intermédiaires" ou tout reconstruire.

  • Un ange de la charité face à la cruauté nazie

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    De Vatican News (Benedetta Capelli / Adelaide Patrignani) :

    Don Giovanni Fornasini (à gauche), prêtre de l'archidiocèse de Bologne béatifié ce 26 septembre

    Don Giovanni Fornasini (à gauche), prêtre de l'archidiocèse de Bologne béatifié ce 26 septembre 

    Béatification de don Fornasini, un ange de charité face à la cruauté nazie

    Ce dimanche 26 septembre aura lieu à Bologne la béatification de don Giovanni Fornasini, tué à l'âge de 29 ans par des soldats allemands à proximité de Bologne, lors du massacre du Monte Sole, l’un des épisodes les plus sanglants de la Seconde guerre mondiale sur le sol italien. Don Angelo Baldassarri, responsable du comité de béatification, estime que la charité et le sens fraternel de ce jeune prêtre sont un exemple pour les jeunes d’aujourd’hui.

    «Nous voulons être le levain qui agit de manière cachée dans les masses, pour les masses». Tel est l'objectif de la "République des Rêveurs", née le 5 avril 1942 comme projet de vie de quelques séminaristes. Une alliance au nom de Jésus, «le plus grand rêveur de l'histoire», comme l’écrivent ces jeunes hommes, futurs prêtres, prêts à s’entraider dans une période sombre comme l’est celle qu’ils traversent, la Seconde guerre mondiale. Parmi eux, Giovanni Fornasini a comme ses confrères l'intention de devenir «un saint prêtre». Une prophétie qui se réalise, moins de soixante ans plus tard. La messe de sa béatification aura en effet lieu ce dimanche 26 septembre à Bologne. Elle sera célébrée par le cardinal Marcello Semeraro, préfet de la Congrégation pour les causes des saints.

    Tué en apportant les derniers sacrements

    Le Pape François a reconnu en janvier dernier le martyre du jeune prêtre, mort le 13 octobre 1944 en «haine de la foi», tué par les nazis-fascistes près du cimetière de San Martino di Caprara, l’un des lieux des massacres du Monte Sole (ou «massacres de Marzabotto»), alors qu'il apportait les sacrements aux mourants. Entre l’été et l’automne 1944, plus de 1600 personnes ont été tuées par les nazis et les fascistes dans cette zone de la campagne bolognaise. Les SS, qui voulaient chasser les partisans, s’en prenaient même aux jeunes et aux personnes âgées.

    Don Giovanni, curé d’une localité du Monte Sole, se retrouve dans les derniers jours de sa vie à seulement enterrer les morts. «Il était simplement un bon prêtre, jusqu'à la fin, qui pensait à lui avec son peuple, qui n'avait pas peur parce que son amour pour le Seigneur était plus fort que la peur», a déclaré à son sujet le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne.

    «L’ange de Marzabotto»

    Giovanni Fornasini est né à Pianaccio di Lizzano à Belvedere, dans les Apennins, le 23 février 1915. Dix ans plus tard, la famille déménage à Porretta Terme et c'est là que le jeune homme grandit, jusqu’à vouloir devenir prêtre. En 1931, il entre au séminaire, période marquée par la fatigue des études et une mauvaise santé. Ordonné prêtre en 1942, il est envoyé à Sperticano, une petite communauté d’à peine plus de 300 habitants près de Marzabotto, où il reste jusqu'à sa mort. Certains l'appellent encore «l'ange de Marzabotto», d'autres le «petit prêtre», qui a offert sa vie pour sauver les autres.

    Don Angelo Baldassarri, responsable du Comité pour la béatification de don Giovanni Fornasini, explique: «C’est un prêtre qui, en temps de guerre, a essayé de faire de sa paroisse une communauté accueillante, attentive aux petits, aux jeunes, au service, à la prière. Puis, lorsque la guerre est revenue, il a ressenti le désir et le besoin d'aider tous ceux qui étaient dans le besoin. C'est une charité silencieuse, sans distinctions, qui a fini par le compromettre, l'exposant à être jugé par les autorités comme "quelqu'un qui se mêle de ce qui ne lui appartient pas"». Une charité «qui se salit les mains», comme le dirait le Pape François.

    La charité jusqu’au bout

    La veille de sa mort, don Giovanni se rend à une fête organisée par les soldats allemands, conscient du danger que couraient certaines filles du village. Le soir même, le commandant des SS l'invite à se rendre le lendemain sur les lieux du massacre. Malgré les craintes de son entourage, le prêtre part. Il ne reviendra jamais. Il est tué derrière le cimetière de Caprara et ce n'est qu’après l'analyse de ses restes que l'on a compris qu'il avait été frappé et visé au cou par une baïonnette. La dépouille de don Giovanni, dont la tête était détachée, n'a été retrouvée qu'au printemps 1945 par son frère.

    «Sa charité, souligne don Angelo Baldassari, était dirigée vers tous. Un amour qui ne s'éteint pas même lorsque la violence se déchaîne, ce qui a troublé les soldats qui, en le tuant, pensaient l'anéantir et le faire oublier rapidement. Ça n’a pas été le cas». «Ce qui est frappant dans la figure de don Giovanni, ajoute-t-il, c'est qu'il a pu vivre les derniers moments de sa vie avec courage et aussi avec une grande force physique, lui qui avait été malade, qui avait été pauvre, qui avait échoué plusieurs fois à l'école. Dans la figure de Giovanni, il apparaît que la fragilité et les difficultés de sa vie l'ont fait devenir un levain, car il a su se mettre à la place de ceux qui vivaient les mêmes difficultés».

    Un vélo près de l'autel

    Lors de la béatification du prêtre italien seront visibles des objets liés à sa vie et à son martyre. Son vélo par exemple, qui était pour lui «l'instrument pour le rapprocher encore plus de ses paroissiens». Mais aussi ses lunettes et son goupillon, trouvés à côté de son corps martyrisé. «Les lunettes, précise don Angelo, représentent le fait qu'il allait voir ce qu'il pouvait faire pour les autres et le goupillon était pour bénir les morts. C'était aussi le dernier outil pastoral de sa vie car, dans ses derniers jours, il n'avait fait qu'enterrer les morts du massacre». «Beaucoup de gens se souviennent que le père Giovanni avait l'habitude de se parfumer, probablement pour pouvoir supporter la mauvaise odeur et pour pouvoir faire au moins ce dernier acte de charité», ajoute-t-il. Il y aura aussi son sac à provisions, le sac dans lequel il avait toujours du pain, des bonbons ou ce dont les gens qui le rencontraient avaient besoin.

    Qu’aurait fait Jésus à ma place ?

    Un des secrets de la sainteté de don Fornasini se trouve dans une question. Certains de ses confrères qui l'avaient vu à la fin du mois d'août 1944 l'accusaient d'exagérer avec la charité, surtout en temps de guerre. Don Giovanni avait alors répondu: «Mais Jésus aurait-il dit ce que tu dis ? Aurait-il fait comme vous ?» «Il y a un message qui me semble très fort pour tous les jeunes - conclut don Angelo, lié au fait que Fornasini n'était pas un “super-héros”. Dans sa vie il a eu beaucoup de difficultés et beaucoup de fragilités, mais c'est précisément dans ces difficultés qu'il a appris à donner le meilleur de lui-même. Il n'est pas un héros inaccessible, mais il nous montre le chemin de ceux qui apprennent de leurs épreuves, il nous dit que face à la violence qui voulait diviser, lui, par sa charité, par son accueil, est devenu un point de référence pour unir et marcher ensemble».

    Un extrait de ses écrits

    Don Fornasini avait écrit dans son journal de séminariste :

    «pas la sagesse, pas le succès. Le Christ est ta joie. Tu es à Lui et tu n'y penses pas, tu es à Lui et tu cherches ce qui n'est pas à Lui, et tu t'arrêtes aux créatures et tu t'attaches aux choses. Tu es à Lui et tu ne veux pas du manteau de la dérision, du diadème d'épines, de la condamnation injuste. Tu es à Lui et tu refuses de partager son lit, la croix; tu es à Lui et tu te plains, et tu as peur et tu es triste... Qui veillera avec toi dans la nuit noire, qui te tiendra la main dans la solitude ? Marie, cause de joie ! Avec elle, nous remontons la route obscure pour revenir à la lumière et pour reprendre et chanter à nouveau le Magnificat de la vie sacerdotale.

    Une vie qui exalte la grandeur du Christ Jésus, Prêtre avec son prêtre».

  • Italie : l’insignifiance politique de l’Église et l'urgence de ”repartir de Dieu”

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    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso, traduit en français sur Diakonos.be :

    Après les élections en Italie, même l’Église doit se donner un programme : repartir de Dieu

    Dans cette Italie qui est l’arrière-cour de la maison pontificale, ce dimanche 25 septembre, on a voté lors des élections politique (sur la photo, la victorieuse, Giorgia Meloni). La hiérarchie de l’Église s’est gardée à bonne distance de ces élections et le peu qu’elle a déclaré, comme dans l’appel du 21 septembre des évêques italiens aux électeurs, a été complètement ignoré.

    L’insignifiance politique de l’Église dans l’Italie d’aujourd’hui est une réalité désormais incontestable et qui contraste nettement avec la centralité que la « question catholique » a eue par le passé dans ce pays. Certains se demandent si cette insignifiance est définitive ou bien si elle est réversible et si oui, comment. Le catholique Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio, et le laïc Ernesto Galli della Loggia, professeur d’histoire contemporaine, ont écrit sur le sujet des opinions contradictoires. L’éditorial du prochain numéro de la revue « Il Regno » – la voix la plus autorisée du catholicisme progressiste italien – sera rédigé par Gianfranco Brunelli, pour qui la seule véritable réponse au « changement anthropologique radical en marche » pourrait bien être de « repartir d’une première évangélisation ou alphabétisation de la foi », en d’autres termes, de « repartir de Dieu ».

    On ne s’étonnera pas qu’aucun de ces intellectuels ni de tous ceux qui se sont déjà exprimé dans ce débat, ne considère le pontificat de François comme indiquant le chemin à suivre. D’autant que l’idée de « repartir de Dieu » était plutôt la ligne directrice de son prédécesseur, Benoît XVI, tout comme, pour l’Italie, de ce « projet culturel » imaginé par le cardinal Camillo Ruini, qui a connu ses deux moments forts lors des deux grands colloques, le premier intitulé « Dio oggi. Con lui o senza di lui cambia tutto » et le second « Gesù nostro contemporaneo ».

    Dans ce « projet culturel », une personne en particulier a joué un rôle essentiel. Il s’agit de Sergio Belardinelli, professeur de sociologie des processus culturels à l’Université de Bologne, qui intervient ci-dessous dans le débat.

    Pour lui aussi, « la seule chose qui compte », pour l’Église comme pour le monde qui « en a besoin de façon urgente » en ces temps de changements majeurs de l’humain, c’est « Dieu, la croix de Jésus Christ et son Évangile de salut », et non ce « surplus » que sont les luttes contre la pauvreté ou la défense de la nature.

    À lui la parole.

    *

    Tout miser sur la seule chose qui compte

    de Sergio Belardinelli

    De temps à autre, quelqu’un ressort la soi-disant « question catholique » dans le débat public. C’est le cas d’Andrea Riccardi dans le « Corriere della Sera » du 18 août (« Questione cattolica, una centralità da ritrovare »). C’est également le cas d’Ernesto Galli della Loggia dans le même journal le 29 août (« L’eclissi cattolica in politica ») et bien d’autres encore dans d’autres publications que je n’ai pas en mémoire.

    Le point central débat, faut-il le rappeler, porte l’insignifiance politique de l’Église et des catholiques qui soit ne parviennent plus à donner une représentation politique à une présence sociale encore vivante et réelle, particulièrement quand il s’agit de porter secours aux derniers (plus ou moins la thèse de Riccardi), ou qui auraient désormais réduit leur identité à un « fait éminemment individuel », qui les aurait poussés vers le « précipice » de l’insignifiance publique, selon les mots de Galli della Loggia.

    Je crois que ces deux positions contiennent une bonne part de vérité. Mais je crois aussi que Gianfranco Brunelli a raison quand il souligne dans un éditorial qui sortira bientôt dans « Il Regno » la nécessité de sortir du schéma impact/insignifiance politique pour se concentrer plutôt sur ce qu’il définit comme étant « la troisième question catholique posée par la sécularisation totale de la société » (la première étant au XIXe siècle celle de « l’Église libre dans un État libre » de Cavour et la seconde celle de l’après-guerre jusqu’à la disparition de la Démocratie chrétienne), qui nous obligerait à « dépasser le catholicisme politique ».

    Pour simplifier beaucoup les choses, je crois que c’est là que réside le point essentiel. La « sécularisation totale de la société » a radicalement changé le contexte dans lequel l’Église et les catholiques sont appelés à œuvrer. Si hier, c’était aux non-croyants à devoir se justifier dans un environnement croyant, aujourd’hui le rapport de force s’est inversé et la croyance apparaît comme une simple option au sein d’un univers très diversifié d’incroyance.

    On pourrait même affirmer qu’en reléguant la religion dans la seule sphère de la conscience individuelle, l’individualisation de l’être catholique ne finisse par exiger du croyant une prise de conscience toujours plus grande.

    Mais à son tour, l’Église en tant que peuple de Dieu et son corps vivant devra surtout se préparer à affronter la nouvelle constellation qui est en train de se dessiner. Comme je le dis depuis longtemps, la caractéristique principale de la modernité séculière, celle que nous ne pouvons renier en aucune façon, ce n’est pas d’avoir promu le matérialisme, l’athéisme ou le nihilisme, mais bien d’avoir ouvert un espace dans lequel les personnes peuvent évoluer entre toutes ces options, y compris les options religieuses pour lesquelles il est juste et légitime de se battre, sans être contraint par personne de prendre parti pour l’une d’entre elles.

    À bien y réfléchir, c’est cela le côté positif de l’individualisme moderne, et il pourrait bien être mis en péril par sa propre radicalisation individualiste, matérialiste ou nihiliste. Mais malheureusement, on ne se rend pas toujours bien compte de l’importance de cette latitude et de l’avantage qu’elle pourrait apporter à une Église qui, plutôt que de s’embarquer dans des enquêtes socio-économiques (parfois hâtives) sur les causes de la pauvreté et de l’injustice, déciderait de tout miser sur la seule chose qui compte vraiment et dont, aujourd’hui comme toujours, le monde a un besoin urgent : Dieu, la croix de Jésus Christ et son Évangile de salut.

    Le reste, y compris l’importance fondamentale des devoirs que nous avons envers nos semblables et envers la nature qui nous entoure, nous sera donné en surplus. À plus forte raison si nous pensons aux changements majeurs qui se dessinent dans notre monde sécularisé : le digital, le métavers, le big data et les technologies génétiques.

    Ici, c’est l’humain qui est en train de changer, qui est en train d’aller « outre » (et contre) lui-même. Rien à voir avec la politique et l’insignifiance politique des catholiques. Dans très peu de temps, la politique elle-même ne sera plus celle que nous avons connue, précisément à cause de ces changements.

    J’apprécie donc l’invitation de Brunelli à « dépasser le catholicisme politique » mais je crois que nous sommes déjà « au-delà ». J’en veux pour preuve, par exemple, l’inconsistance absolue des idées (et pas seulement des catholiques !) dans la campagne électorale qui vient de s’achever en Italie, l’instrumentalisation politique toujours plus grossière et opportuniste de certains principes catholiques et le caractère incroyablement vague de l’appel des évêques italien avant les élections.

    Un signal à contre-courant semble en revanche provenir de la prise de conscience des difficultés (« nous n’avons pas encore bien compris ce que serait vraiment l’homme digital »), de la prudence politique et de la « passion pour l’homme » dont fait preuve le cardinal Matteo Zuppi – archevêque de Bologne et président de la Conférence épiscopale italienne – dans le discours du 21 août au Meeting de Rimini organisé par Communion et Libération. Espérons qu’il porte du fruit. En ce moment, il y a un besoin qui dépasse largement le cadre politique.

    Naturellement, je n’ai rien contre un éventuel parti de catholiques. Ceux qui croient que même en ce moment, un parti inspiré des principes catholiques est possible n’a qu’à se mettre au travail, sans trop se préoccuper de la méfiance de ceux qui comme moi le considère velléitaire, ni de l’opinion de tel ou tel évêque. Je reste toutefois persuadé que dans le contexte actuel, il y ait beaucoup à faire surtout sur le plan culturel et, si je puis me le permettre, ecclésial. Peut-être la sécularisation radicale et le peu de poids politique des catholiques ne sont-ils que peu de chose par rapport au risque qu’explose la structure même de la culture occidentale. Sans parler de la guerre en Ukraine.

  • Le Vatican a-t-il vraiment dit que nos corps ne ressusciteront pas ?

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    De Nicholas Senz sur le Catholic World Report :

    Le Vatican a-t-il vraiment dit que nos corps ne ressusciteront pas ?

    Pour comprendre la récente réponse du cardinal Fernandez et l'enseignement de l'Église sur cette question, nous devons comprendre la relation entre notre corps et notre âme, ou plutôt, la relation entre les aspects matériels et spirituels de nous-mêmes.

    15 mars 2024

    Le Dicastère pour la doctrine de la foi (DDF) a publié plusieurs documents à la fin de l'année 2023. Les fidèles ont à peine digéré l'un d'entre eux que le suivant leur est présenté. L'un d'entre eux a suscité une controverse mineure avant d'être englouti par la controverse plus importante d'un document ultérieur. Il peut être utile de revenir en arrière et de réfléchir un instant à une question qui s'est posée : le Vatican a-t-il vraiment dit que nos corps ne ressusciteront pas d'entre les morts ?

    Eh bien, oui et non.

    Tout d'abord, rappelons le contexte de la question. En décembre de l'année dernière, le DDF a publié une réponse à une question posée par le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne en Italie, "concernant deux questions sur la conservation des cendres des personnes décédées après la crémation". Tout d'abord, le cardinal a demandé s'il était possible d'autoriser un dépôt permanent pour conserver les restes incinérés de plusieurs personnes, mélangés, à condition qu'il soit clairement étiqueté avec les "détails de base" de la vie des défunts afin que leur mémoire puisse être préservée, de la même manière que les ossuaires (dépôts communs pour les os) fonctionnent. D'autre part, il a demandé si les familles pouvaient conserver une partie des restes incinérés d'une personne dans un lieu "significatif pour l'histoire du défunt".

    En réponse à ces questions, le cardinal Manuel Fernandez a écrit que si nos corps ressuscitent effectivement dans un état transformé, "le corps de la personne ressuscitée ne sera pas nécessairement constitué des mêmes éléments que ceux qu'il avait avant sa mort". Cette phrase en particulier a attiré l'attention de beaucoup, suscitant des questions : le cardinal veut-il dire que mon corps ne ressuscitera pas d'entre les morts ? Qu'une autre chose sera reconstituée ? Si Dieu peut me reconstruire un nouveau corps à partir de n'importe quoi, s'agit-il vraiment de mon corps ? Et pourquoi se préoccuper autant de garder nos restes aussi intacts que possible (par exemple en n'autorisant pas la dispersion des cendres) si, de toute façon, mon corps ne sera pas reconstitué ?

    Pour comprendre la réponse du cardinal Fernandez et l'enseignement de l'Église sur cette question, nous devons comprendre la relation entre notre corps et notre âme, ou plutôt, la relation entre les aspects matériels et spirituels de nous-mêmes.

    L'être humain est un composé de corps et d'âme. Les êtres humains sont des corps animés, ou des âmes incarnées. Mais il existe une certaine relation entre les deux constituants. L'âme est la forme du corps. Cela ne signifie pas que l'âme est comme un emporte-pièce qui donne sa forme au corps. Cela signifie que l'âme est ce qui constitue, organise et compose certains matériaux comme le corps humain. La raison pour laquelle nous pouvons savoir cela est qu'après la mort, une fois que l'âme s'est séparée du corps, le corps se décompose, c'est-à-dire qu'il se décompose en ses parties constitutives et n'est plus constitué en tant que corps humain.

    Nous traitons les corps morts, ou plutôt les corps des morts, avec respect et dignité dans nos rites funéraires et d'inhumation en raison de leur lien intrinsèque avec la personne qui nous a quittés. C'est dans ce corps que cette personne a vécu, agi, aimé et appris à connaître Dieu. Cependant, nous devons nous rendre compte que la matière qui constitue notre corps cessera, avec le temps, d'être reconnaissable en tant que corps humain. Notre corps se décomposera en éléments qui entreront dans la terre : "Souviens-toi, homme, que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière."

    Nous devons également nous rappeler que les divers éléments de matière qui composent notre corps sont constamment remplacés : les cellules meurent et repoussent fréquemment - certaines une fois par décennie, d'autres tous les jours. D'un point de vue strictement matérialiste, qui dirait que nous ne sommes que nos corps physiques, on se heurte au problème du bateau de Thésée : si un vieux bateau est remplacé une planche à la fois, à quel moment n'est-il plus le même bateau ? Appliqué à la personne humaine : si mon corps est remplacé une cellule à la fois, à quel moment ne suis-je plus la même personne ? Quel est le principe de continuité d'un point à un autre ?

    Saint Thomas d'Aquin a utilisé ce fait comme argument en faveur de la résurrection. Dans la Somme contre les gentils, saint Thomas répond à un certain nombre d'objections à la résurrection, qui tournent toutes autour d'un thème commun : si le corps d'une personne ressuscite d'entre les morts, cela ne signifie-t-il pas que chaque parcelle de matière qui a jamais fait partie de son corps doit également ressusciter ? Le corps ressuscité ne devrait-il pas avoir tous les ongles coupés, tous les cheveux coupés, rattachés ou reformés ? Cela ne ferait-il pas de la personne ressuscitée une monstruosité ?

    Saint Thomas répond tout d'abord au fait que nous avons commencé : l'âme est la forme du corps. L'âme constitue une certaine matière comme un corps humain, un corps qui est le corps de cette personne parce qu'il est informé par l'âme de cette personne. Les parties matérielles de notre corps changent avec le temps. Au fur et à mesure que nous mangeons et excrétons, que nous grandissons et vieillissons, des matériaux deviennent partie intégrante de notre corps, puis cessent de lui appartenir. Ce qui fait que cette matière est mon corps, c'est qu'elle est informée par mon âme.

    Ainsi, lors de la résurrection, Dieu n'a pas besoin de réassembler les anciens morceaux de votre corps comme un vase cassé pour que ce soit votre corps ; le corps ressuscité sera le vôtre précisément parce qu'il est informé par votre âme. L'âme est le principe de continuité à travers la vie, la mort et la résurrection de la personne. C'est ce qui existe tout au long de la vie.

    Pourquoi, alors, l'Église se préoccupe-t-elle tant de conserver les restes d'une personne ? (Pourquoi, par exemple, s'oppose-t-elle à la dispersion des cendres ?)

    Cette opposition n'est pas due à un besoin perçu de garder tous les restes corporels de la personne adjacents les uns aux autres, de peur de rendre trop difficile la résurrection par Dieu. Il s'agit plutôt d'une question de respect de la personne. Même si le cadavre d'une personne finira par retourner à la poussière, même si Dieu lui façonnera un nouveau corps à partir de n'importe quel matériau, le corps qui repose devant nous est en fait le corps qui a été informé par l'âme de cette personne, dans lequel elle a vécu et respiré et aimé et péché et a été rachetée et a appris à connaître et à aimer Dieu dans cette vie afin de pouvoir vivre avec Lui pour toujours dans l'autre vie.

    Traiter les corps des défunts de la même manière que la carapace d'un bernard-l'hermite ou la peau d'un serpent à sonnette revient à nier l'intégrité de la personne humaine. Les êtres humains ont été créés pour être un mélange de corps et d'âme. L'interruption de cette composition par la mort est si douloureuse précisément parce qu'elle n'était pas prévue pour nous. (Saint Thomas dit qu'avant la chute, les êtres humains auraient été immortels parce que le corps aurait participé à l'immortalité naturelle de l'âme).

    Le corps n'est pas une machine à viande temporairement habitée par un fantôme. Il est un élément constitutif de la personne humaine. Traiter les corps des défunts avec dignité et intégrité, c'est respecter notre nature de personnes incarnées.

    Les nouvelles directives du Vatican sur le mélange ou la séparation (limitée) des restes des défunts ne violent pas ce principe puisque, dans chaque cas, des mesures sont prises pour assurer le respect de l'individualité du défunt. En résumé : nous faisons de notre mieux pour préserver l'intégrité des restes des défunts par respect pour eux ; mais cela ne signifie pas que Dieu est incapable de restaurer cette intégrité si elle est endommagée.

  • La conférence de presse du pape dans l’avion le reconduisant de Mongolie en Italie

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    De Vatican News :

    Lors de son dialogue avec les journalistes dans l'avion qui le ramenait de Mongolie, François a parlé du Synode en expliquant que «ce n'est pas une émission de télévision» et que ce n'est pas une assemblée parlementaire. Le Souverain pontife a expliqué le sens de ses récentes paroles aux jeunes Russes, répétant qu'il s'agissait d'une invitation à ne pas oublier leur grand héritage culturel.

    Vous trouverez ci-dessous la transcription intégrale non officielle de la conférence de presse qui s’est déroulée dans l’avion raccompagnant le Pape François en Italie.

    Matteo Bruni, le directeur de la Salle de presse du Saint-Siège a introduit la conférence de presse: «Merci Sainteté pour ces journées intenses de rencontre avec ce petit peuple riche en culture dans un grand pays comme vous l'avez appelé et avec une communauté chrétienne vivante qui témoigne de sa foi avec fraîcheur. Les journalistes ont pu s'intéresser et voir ce lieu et ont encore des questions à vous poser».

    Le Pape François s’est ensuite adressé aux journalistes à ses côtés dans l’avion: «Bonne journée à vous tous et merci pour la compagnie. Merci pour le travail que vous avez accompli, en montrant dans les médias, la culture de ces gens, l'histoire. Merci beaucoup».

    Jargalsaikhan Dambadarjaa (The Defacto Gazete): Merci beaucoup, Sainteté, pour votre visite en Mongolie. Ma question est la suivante: quel était l'objectif principal de cette visite et êtes-vous satisfait du résultat obtenu?

    L'idée de visiter la Mongolie m'est venue en pensant à la petite communauté catholique. Je fais ces voyages pour visiter les communautés catholiques et aussi pour entrer en dialogue avec l'histoire et la culture du peuple, avec la mystique d'un peuple. Il est important que l'évangélisation ne soit pas conçue comme du prosélytisme. Le prosélytisme restreint toujours. Le Pape Benoît a dit que la foi ne grandit pas par le prosélytisme mais par l'attraction. La proclamation de l'Évangile entre en dialogue avec la culture. Il y a une évangélisation de la culture et une inculturation de l'Évangile. Car les chrétiens expriment aussi leurs valeurs chrétiennes dans la culture de leur propre peuple. C'est le contraire d'une colonisation religieuse. Pour moi, le voyage a consisté à connaître ce peuple, à dialoguer avec ce peuple, à recevoir la culture de ce peuple et à accompagner l'Église sur son chemin avec beaucoup de respect pour la culture de ce peuple. Et je suis satisfait du résultat.

    Ulambadrakh Markhaakhuu (ULS Suld Tv): Le conflit de civilisations d'aujourd'hui ne peut être résolu que par le dialogue, comme vous l'avez dit, Sainteté. La ville d'Oulan-Bator peut-elle servir de plateforme pour un dialogue international entre l'Europe et l'Asie?

    Je pense que oui. Mais vous avez une chose très intéressante, qui favorise également ce dialogue, et que j'appellerai la "mystique du troisième voisin", qui vous pousse à poursuivre une politique de troisième voisin. Vous pensez qu'Oulan-Bator est la capitale d'un pays situé le plus loin de la mer, et nous pouvons dire que votre pays se trouve entre deux grandes puissances, la Russie et la Chine. C'est pourquoi votre mystique consiste à essayer de dialoguer même avec vos "troisièmes voisins": non pas par mépris pour ces deux pays, car vous avez de bonnes relations avec eux, mais par désir d'universalité, pour montrer vos valeurs au monde entier, et aussi pour recevoir les valeurs des autres afin de pouvoir dialoguer. Il est curieux que, dans l'histoire, le fait de partir à la recherche d'autres terres ait souvent été confondu avec le colonialisme, ou le fait d'entrer pour dominer, toujours. Au lieu de cela, avec cette mystique du troisième voisin, vous avez cette philosophie de partir à la recherche pour dialoguer. J'ai beaucoup aimé cette expression du troisième voisin. C'est votre richesse.

    Cristina Cabrejas (EFE): Hier, vous avez envoyé un message au peuple chinois et demandé aux catholiques d'être de bons citoyens après que les autorités du pays ont refusé la venue d'évêques en Mongolie. Quelles sont les relations avec la Chine à l'heure actuelle? Des nouvelles du voyage du cardinal Zuppi à Pékin et de la mission en Ukraine?

    La mission du cardinal Zuppi est une mission de paix que je lui ai confiée. Le cardinal Zuppi est un homme de grand dialogue et de vision universelle, il a dans son histoire l'expérience du travail accompli au Mozambique dans la recherche de la paix et c'est pour cela que je l'ai envoyé. Les relations avec la Chine sont très respectueuses, très respectueuses. Personnellement, j'ai une grande admiration pour le peuple chinois, les canaux sont très ouverts. Pour la nomination des évêques, il y a une commission qui travaille depuis un certain temps avec le gouvernement chinois et le Vatican, puis il y a beaucoup ou plutôt il y a quelques prêtres catholiques ou intellectuels catholiques qui sont souvent invités dans les universités chinoises pour donner des cours. Je crois que nous devons progresser sur le plan religieux pour mieux nous comprendre et pour que les citoyens chinois ne pensent pas que l'Église n'accepte pas leur culture et leurs valeurs et qu'elle dépend d'une autre puissance étrangère. La commission présidée par le cardinal Parolin s'acquitte bien de cette tâche amicale: elle fait du bon travail et, du côté chinois également, les relations sont en bonne voie. J'ai beaucoup de respect pour le peuple chinois.

    Gerard O'Connell (America Magazine): Sainteté, les relations entre le Vietnam et le Saint-Siège sont très positives en ce moment, elles ont fait un grand pas en avant récemment. De nombreux catholiques vietnamiens vous demandent de leur rendre visite, comme vous l'avez fait en Mongolie. Est-il possible que vous vous rendiez au Vietnam, le gouvernement vous a-t-il invité à le faire? Et quels autres voyages prévoyez-vous?

    Le Vietnam est l'une des plus belles expériences de dialogue que l'Église ait connues ces derniers temps. Je dirais que c'est comme une sympathie dans le dialogue. Les deux parties ont eu la bonne volonté de se comprendre et de chercher des moyens d'avancer. Il y a eu des problèmes, mais au Vietnam, je crois que tôt ou tard, les problèmes seront surmontés. Il y a peu, nous nous sommes entretenus librement avec le président du Vietnam. Je suis très optimiste quant aux relations avec le Vietnam, un bon travail est en cours depuis des années. Je me souviens qu'il y a quatre ans, un groupe de parlementaires vietnamiens est venu nous rendre visite: nous avons eu un dialogue agréable avec eux, très respectueux. Lorsqu'une culture est ouverte, le dialogue est possible; s'il y a fermeture ou suspicion, le dialogue est très difficile. Avec le Vietnam, le dialogue est ouvert, avec ses avantages et ses inconvénients, mais il est ouvert et nous avançons lentement. Il y a eu quelques problèmes, mais ils ont été résolus. En ce qui concerne le voyage au Vietnam, si je n'y vais pas, Jean XXIV y ira certainement. Il est certain qu'il ira, parce que c'est un pays qui mérite d'y aller, qui a ma sympathie. Pour les autres voyages, il y a Marseille et puis il y a un projet dans un petit pays d'Europe et nous sommes en train de voir si nous pouvons le faire mais, à vrai dire, pour moi maintenant faire un voyage n'est pas aussi facile qu'au début, je suis limité dans la marche et cela me limite, mais nous verrons.

    Fausto Gasparroni (ANSA): Sainteté, vos déclarations aux jeunes catholiques russes concernant la grande Mère Russie, l'héritage de personnages tels que Pierre le Grand et Catherine II, ont récemment suscité un débat. Ce sont des déclarations qui - disons-le - ont fortement irrité les Ukrainiens, elles ont également eu des conséquences dans la sphère diplomatique et ont été quelque peu perçues comme une exaltation de l'impérialisme russe et une sorte d'approbation des politiques de Poutine. Je voulais vous demander pourquoi vous avez ressenti le besoin de faire ces déclarations, si vous avez envisagé de les faire, si vous les répéteriez; et aussi, par souci de clarté, si vous pouvez nous dire ce que vous pensez des impérialismes et en particulier de l'impérialisme russe?

    Rappelons le contexte de ces paroles: un dialogue avec les jeunes Russes. Et à la fin de ce dialogue, je leur ai donné un message, un message que je répète toujours: prendre en charge leur héritage. Premier point: prenez en charge votre héritage. Je répète la même chose partout. C'est aussi avec cette vision que j'essaie de faire dialoguer les grands-parents et les petits-enfants: laissez les petits-enfants prendre en charge l'héritage. C'est ce que je dis partout et c'est le message que j'ai fait passer. Le deuxième point consiste à rendre l'héritage explicite: j'ai parlé en fait de l'idée de la grande Russie, parce que l'héritage russe est très bon, il est très beau. Pensez à la littérature, à la musique, jusqu'à un Dostoïevski qui nous parle aujourd'hui d'humanisme mûr; cet héritage a assumé cet humanisme, qui s'est développé, dans l'art et la littérature. Ce serait un deuxième point, quand je parlais de l'héritage, n'est-ce pas ? Le troisième, peut-être pas très heureux, mais en parlant de la grande Russie dans le sens non pas tant de la géographie que de la culture, je me suis souvenu de ce qu'on nous avait appris à l'école: Pierre Ier, Catherine II. Et il y a eu ce troisième (point, ndlr), qui n'est peut-être pas tout à fait juste. Je ne sais pas. Laissons les historiens nous le dire. Mais c'est un ajout qui m'est venu à l'esprit parce que je l'avais étudié à l'école. Ce que j'ai dit aux jeunes Russes, c'est de prendre en charge leur héritage, de prendre leur héritage, c'est-à-dire de ne pas l'acheter ailleurs. Assumer son propre héritage. Et quel héritage la grande Russie a donné: la culture russe est d'une grande beauté, d'une très grande profondeur; et elle ne devrait pas être effacée à cause de problèmes politiques. Il y a eu des années sombres en Russie, mais l'héritage est toujours resté ainsi, en main. Vous parlez ensuite d'impérialisme. Je ne pensais pas à l'impérialisme en disant cela, je parlais de la culture, et la transmission de la culture n'est jamais impériale, jamais; c'est toujours un dialogue, et je parlais de cela. C'est vrai qu'il y a des impérialismes qui veulent imposer leur idéologie. Je m'arrête là: quand la culture est distillée et transformée en idéologie, c'est le poison. La culture est utilisée, mais distillée en idéologie. Il faut faire la distinction entre la culture d'un peuple et les idéologies qui naissent ensuite chez un philosophe ou un politicien de ce peuple. Et je dis cela pour tout le monde, même pour l'Église. Souvent, des idéologies sont introduites dans l'Église, qui la détachent de la vie qui vient de la racine et qui va vers le haut; elles détachent l'Église de l'influence de l'Esprit Saint. Une idéologie est incapable de s'incarner, elle n'est qu'une idée. Mais l'idéologie prend sa place et devient politique, elle devient généralement dictature, n'est-ce pas, non? Elle devient une incapacité à dialoguer, à s'entendre avec les cultures. Et c'est ce que font les impérialismes. L'impérialisme se consolide toujours sur la base d'une idéologie. Dans l'Église aussi, nous devons faire la distinction entre doctrine et idéologie: la vraie doctrine n'est jamais idéologique, jamais; elle est enracinée dans le peuple saint et fidèle de Dieu; au contraire, l'idéologie est détachée de la réalité, détachée du peuple... Je ne sais pas si j'ai répondu.

    Robert Messner (DPA): Bonjour. J’ai une question concernant votre mise à jour de Laudato si'. Peut-on la comprendre comme une manifestation de solidarité à l'égard des militants écologistes membres de groupes tels que "dernière génération", ceux qui organisent des protestations spectaculaires ? Peut-être y a-t-il aussi un message dans cette mise à jour pour les jeunes activistes qui descendent dans la rue ?

    De manière générale, je ne suis pas favorable à ces extrémistes. Mais les jeunes sont inquiets. Un scientifique italien reconnu - nous avons tenu une réunion à l'Académie - a fait un beau discours qui s’achevait ainsi: «Je ne voudrais pas que ma petite-fille, qui est née hier, vive dans un monde aussi laid dans trente ans». Les jeunes pensent à l'avenir. Et en ce sens, j'apprécie qu'ils se battent bien. Mais quand l'idéologie ou la pression politique s'en mêle, ça ne va pas. Mon exhortation apostolique sera publiée le jour de la Saint-François, le 4 octobre, et fera le point sur ce qui s'est passé depuis la COP de Paris, qui a peut-être été la plus fructueuse des COP à ce jour. Il y a des nouvelles concernant certaines COP et certaines questions qui n'ont pas encore été résolues et il est urgent de les résoudre. Ce n'est pas aussi important que Laudato si', mais il fait avancer Laudato si' vers de nouvelles choses et propose une analyse de la situation.

    Etienne Loraillere (KTO Tv): Vous souhaitez une Église synodale, en Mongolie et dans le monde. L'assemblée d'octobre est déjà le fruit du travail du peuple de Dieu. Comment sera-t-il possible d'impliquer les baptisés du monde entier dans cette étape ? Comment éviter la polarisation idéologique ? Et les participants pourront-ils parler et partager publiquement ce qu'ils vivent, afin que nous puissions marcher avec eux ? Ou bien tout le processus sera-t-il secret ?

    Vous avez parlé d'éviter les pressions idéologiques. Dans le Synode, il n'y a pas de place pour l'idéologie, c'est une autre dynamique. Le Synode est un dialogue, entre les baptisés, entre les membres de l'Église, sur la vie de l'Église, sur le dialogue avec le monde, sur les problèmes qui affectent l'humanité aujourd'hui. Mais quand on pense (à prendre) un chemin idéologique, le Synode s'arrête. Dans le Synode, il n'y a pas de place pour l'idéologie, il y a de la place pour le dialogue. Se confronter, entre frères et sœurs, et confronter la doctrine de l'Église. Aller de l'avant. Je tiens ensuite à souligner que la synodalité n'est pas une invention de ma part. C'est une invention de saint Paul VI. À la fin du Concile Vatican II, il s'est rendu compte qu'en Occident, l'Église avait perdu la dimension synodale, alors que l'Église orientale l'a conservée. C'est pourquoi il a créé le Secrétariat du Synode des évêques, qui, au cours de ces soixante années, a poursuivi la réflexion de manière synodale, en progressant continuellement, en allant de l'avant. Lors du cinquantième anniversaire de cette décision de saint Paul VI, j'ai signé et publié un document sur ce qu'est le Synode, sur ce qu'il est devenu. Et maintenant, il a progressé, il a mûri davantage, et c'est pourquoi j'ai pensé qu'il était très bon d'avoir un Synode sur la synodalité, qui n'est pas une mode, c'est une vieille chose, l'Église orientale l'a toujours eue. Mais comment vivre la synodalité ? Il faut la vivre en tant que chrétien. Et, comme je l'ai déjà dit, sans tomber dans l'idéologie. Comment se déroulera l'assemblée ? Il y a une chose que nous devons préserver, c'est l'atmosphère synodale. Il ne s'agit pas d'une émission de télévision où l'on parle de tout. Non. Il y a un moment religieux, un moment d'échange religieux. Pensez que dans les introductions au synode, il y aura trois à quatre minutes chacun, trois (discours, ndlr) et ensuite il y aura trois à quatre minutes de silence pour la prière. Puis trois autres, et la prière. Sans cet esprit de prière, il n'y a pas de synodalité. Ce serait de la politique, du parlementarisme. Le Synode n'est pas un parlement. En ce qui concerne le secret, il y a un département dirigé par Paolo Ruffini (ndlr: Paolo Ruffini est préfet du dicastère pour la Communication), qui est ici et qui fera les communiqués de presse sur les progrès du Synode. Dans un Synode, il faut veiller à la religiosité et à la liberté des personnes qui s'expriment. C'est pourquoi il y aura une commission, présidée par le Paolo Ruffini, qui fera le rapport sur les progrès du Synode.

    Antonio PELAYO (Vida Nueva): Saint-Père, vous venez de parler du Synode et nous sommes tous d'accord avec vous pour dire que ce Synode suscite beaucoup de curiosité et d'intérêt. Malheureusement, il suscite également beaucoup de critiques provenant des milieux catholiques. Je voudrais faire référence à un livre dont le prologue est signé par le cardinal Burke, qui affirme que le Synode est la boîte de Pandore d'où sortiront toutes les calamités pour l'Église. Que pensez-vous de cette position ? Pensez-vous qu'elle sera dépassée par la réalité ou qu'elle conditionnera le Synode ?

    Je ne sais pas si je l'ai déjà dit une fois. Il y a quelques mois, j'ai appelé une carmélite. Je lui ai demandé «comment vont les nonnes, Mère Supérieure ?» - il s'agit d'un carmel non italien. La prieure m'a répondu, pour finalement me dire: «Votre Sainteté, nous avons peur du Synode». «Mais que se passe-t-il ? - lui dis-je en plaisantant, voulez-vous envoyer une religieuse au synode?». «Non, m’a-t-elle dit, nous avons peur qu'il change notre doctrine». C'est ce que vous dites: il y a cette idée... Mais si vous allez à la racine de ces idées, vous trouverez des idéologies. Toujours, quand dans l'Église on veut se détacher du chemin de la communion, ce qui se détache toujours, c'est l'idéologie. Et on accuse l'Église de ceci ou de cela, mais on ne l'accuse jamais de ce qui est vrai: elle est pécheresse. Jamais ils ne disent péché... Ils défendent une «doctrine», qui est comme l'eau distillée, qui n'a de goût pour rien et qui n'est pas la vraie doctrine catholique qui est dans le Credo. Et cela scandalise si souvent, comme scandalise l'idée que Dieu s'est fait chair, que Dieu s'est fait homme, que la Vierge a conservé sa virginité. Cela scandalise.

    Cindy WOODEN (CNS): Bonjour Votre Sainteté, je voudrais répondre à la question de mon collègue français sur le Synode et l'information. Tant de fidèles laïcs ont consacré tant de temps, de prières, d'implication dans la prise de parole, d'écoute. Ils veulent savoir ce qui se passe pendant le synode, l'assemblée. Vous avez parlé de votre expérience du Synode sur les religions, au cours duquel certains membres du Synode ont dit «ne mettez pas ceci», «vous ne pouvez pas dire ceci...». Nous, journalistes, n'avons même pas accès à l'assemblée et aux sessions générales, comment pouvons-nous être sûrs que ce que l'on nous donne comme information est vrai ? N'y a-t-il pas moyen d'être un peu plus ouvert avec les journalistes ?

    Mais c’est très ouvert, ma chère, très ouvert ! Il y a une commission présidée par Paolo Ruffini qui donnera des nouvelles tous les jours… mais plus ouvert que cela je ne sais pas, non je ne sais pas... et il convient que cette commission soit très respectueuse des interventions de chacun et qu'elle essaie de ne pas faire de bavardage, mais de dire des choses sur le processus synodal qui sont constructives pour l'Église. Si vous voulez -ou si quelqu'un veut- que la nouvelle soit: celui-ci s'en est pris à celui-là pour ceci ou cela, c'est du bavardage politique. La commission a la tâche difficile de dire: aujourd'hui, la réflexion va dans telle ou telle direction, et de transmettre l'esprit ecclésial, et non l'esprit politique. Un parlement est différent d'un synode. N'oubliez pas que le protagoniste du synode est l'Esprit Saint. Et comment le transmettre ? C'est pourquoi la tendance ecclésiale doit être transmise.

    Vincenzo Romeo (RAI TG 2): Bonjour Votre Sainteté. Vous êtes le Pape des périphéries et les périphéries, surtout en Italie, souffrent beaucoup. Nous avons eu des épisodes de violence, de dégradation... par exemple, près de Naples, où un curé, Don Patriciello vous a même invité à vous rendre, ensuite à Palerme... Que peut-on faire ? Vous vous êtes rendu dans les villas miserias à Buenos Aires, vous avez donc de l'expérience en la matière. Notre Premier ministre a également visité l'une de ces banlieues. Que peut-on faire, que peuvent faire l'Église et les institutions de l'État pour surmonter cette dégradation et faire en sorte que les périphéries fassent véritablement partie d'un pays ?

    Tu parles là des périphéries comme des bidonvilles. Il faut y aller, s'y rendre et y travailler, comme cela a été fait à Buenos Aires avec les prêtres qui y travaillaient: une équipe de prÃ

  • Etats-Unis, Chine... vous avez dit ”synodalité” ?

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    De Sandro Magister, en traduction sur diakonos.be :

    La synodalité part en fumée. Exercices de monarchie pontificale sur les États-Unis et sur la Chine

    Nous sommes très loin d’une Église synodale. Après avoir fait l’éloge de la « synodalité » qui aurait été le principal fruit du synode des évêques d’octobre dernier et après avoir promisdepuis 2013 plus d’autonomie et de pouvoir aux conférences épiscopales, y compris une « certaine autorité doctrinale authentique », le Pape François vient de décapiter l’ordre du jour de l’assemblée plénière de l’une des plus grandes conférences épiscopales du monde, celle des États-Unis, qui est réunie à Baltimore depuis le lundi 12 novembre.

    Dans la même foulée, en Chine, il vient d’abandonner à leur sort les évêques qui n’entrent pas dans l’accord secret signé fin septembre entre le Saint-Siège et les autorités de Pékin, c’est-à-dire la trentaine d’évêques dits « souterrains » ou clandestins qui résistent courageusement à l’oppression de l’Église par le régime.  Au Vatican, on nie que ce soit l’intention du Pape.  Mais n’en reste pas moins que les évêques chinois clandestins se sentent abandonnés par le Pape, comme en témoigne le cardinal Zen Ze-Kiun dans une lettre-appel à cœur ouvert qu’il a remise personnellement entre les mains de François un matin au début de ce mois de novembre.

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

    *

    En effet, le Pape François a agi en monarque absolu envers les évêques des États-Unis. Samedi 10 novembre il a reçu en audience à Rome le Préfet de la Congrégation pour les évêques, le cardinal Marc Ouellet, ainsi que le nonce aux États-Unis, Christophe Pierre, et il a chargé le premier de transmettre au cardinal Daniel N. DiNardo, le président des évêques américains, l’interdiction de voter sur deux points cruciaux de l’ordre du jour de l’assemblée concernant le scandale des abus sexuels : un « code de conduite » extrêmement sévère pour les évêques et la création d’un organisme composé de laïcs pour enquêter sur les évêques incriminés.

    En annonçant, la double interdiction du Pape, le cardinal DiNardo, assez mal à l’aise, a expliqué que François exigeait que les évêques américains n’aillent pas au-delà de ce que le droit canon prévoit déjà en la matière et surtout qu’ils n’anticipent pas les décisions qui seront prises à Rome lors de la réunion des présidents des conférences épiscopales du monde entier convoquée par le Pape du 21 au 24 février prochain.

    Le « diktat » de François a suscité des réactions très négatives aux États-Unis, y compris chez ceux qui ont cherché d’en comprendre les raisons.

    Dans le cas des évêques chinois, ce qui est le plus frappant en revanche, c’est l’impressionnant silence qui accompagne leur chemin de croix, de la part des plus hauts responsables de l’Eglise. Un silence non seulement public, comme la prudence pourrait l’expliquer, mais surtout dépourvu de tout geste de proximité ou de soutien qui pourrait s’exprimer de manière réservée.  Tout cela dans le silence non moins assourdissant de nombreux médias catholiques, en particulier de ceux qui sont les plus proches du Pape François.

    C’est ce que dénonce le P. Bernardo Cervellera, de l’Institut Pontifical des Missions Étrangères qui dirige l’agence « Asia News », dans l’éditorial que nous reproduisons ci-dessous qui s’offusque de l’énième arrestation ces derniers jours de l’un des évêques qui a été le plus héroïque dans son refus de se soumettre au régime communiste chinois.

    *

    La honte envers Mgr Shao Zhumin, évêque séquestré par la police

    par Bernardo Cervellera

    Il fallait s’y attendre. L’information de l’énième arrestation – la cinquième en deux ans – de Mgr Pietro Shao Zhumin, l’évêque de Wenzhou, a été passée sous silence.  Mis à part pour certains médias espagnols et anglais et quelques rare sites italiens autres qu’Asia News, il semblerait que le fait de faire subir des dizaines de journées d’endoctrinement, comme à l’époque de la Révolution culturelle, à un évêque dont la droiture et le courage sont très connus en Chine ne constitue pas une information digne d’intérêt mais plutôt quelque chose de gênant qu’il vaut mieux taire.

    Je me demande ce qui se serait passé si un brave évêque italien, disons par exemple le sympathique Mgr Matteo Zuppi de Bologne, était enlevé par un groupe de fondamentalistes musulmans pour l’endoctriner et le convertir à l’Islam, entendons-nous bien sans lever la main sur lui, comme c’est le cas pour Mgr Shao. J’imagine que tous les journaux du monde en feraient leurs gros titres.  Dans le cas de l’évêque de Wenzhou, il ne s’agit pas de fondamentalistes musulmans mais bien de fondamentalistes « de l’indépendance » : ils veulent convaincre cet évêque qu’appartenir à l’Association patriotique, qui a pour but de construire une Église « indépendante » du Saint-Siège, serait une bonne chose pour lui, pour l’Église et pour le monde.

    Du point de vue dogmatique, les déclarations de Benoît XVI dans sa Lettre aux catholiques chinois restent en vigueur, c’est-à-dire que l’appartenance à l’Association patriotique est « inconciliable avec la doctrine catholique ». Et à plusieurs reprise par le passé, le pape François a dit que cette Lettre de Benoît XVI « est encore valide ».

    D’autant que l’appartenance à l’AP est très contraignante pour la vie d’un évêque : contrôles 24h/24, vérifications et demandes de permis pour les visites pastorales et pour recevoir des invités, réquisitions pendant des semaines et des mois pour participer à des conférences d’endoctrinement sur la générosité de la politique religieuse de Pékin.

    Je crois que le silence des médias – et en particulier des médias catholiques – est surtout causé par la honte. Il y a quelques mois, le 22 septembre, ils ont tous fait l’éloge de l’accord entre la Chine et le Saint-Siège à un point tel qu’ils ont laissé croire que tout allait à présent aller pour le mieux.  En revanche, admettre que l’Église est encore victime de nombreux problèmes de persécutions en Chine constitue un désaveu qu’il est difficile d’admettre, on peut aisément le comprendre.

    Si l’on ajoute ensuite à l’arrestation de cet évêque les églises fermées et placées sous scellés, les croix détruites, les dômes rasés au sol, les sanctuaires démolis, l’interdiction imposée par la police au moins de 18 ans de se rendre à l’église ou d’assister au catéchisme, on se rend bien compte à quel point l’accord sur la nomination des évêques – comme nous l’avons dit par le passé – est bon dans la mesure où il évite l’apparition d’évêques schismatiques mais combien il laisse inchangée une situation dans laquelle l’AP et le Front Uni se considèrent comme étant les véritables chefs de l’Église en Chine (et non le pape). Cela est à nouveau confirmé par la leçon que ces deux organes sont en train de faire à des prêtres et à des évêques dans de nombreuses régions de Chine en leur répétant que « malgré l’accord entre la Chine et le Vatican », l’Église doit continuer à être « indépendante » du pape et du Saint-Siège.

    Malheureusement, le fait que cet accord « provisoire », demeure secret et n’ait jamais été publié permet à la Chine d’en donner sa propre interprétation. Le Front Uni et l’AP contraignent des prêtres et des évêques à s’inscrire à l’Église « indépendante » en prétendant que « le pape est d’accord avec nous , au point que plusieurs catholiques souterrains soupçonnent avec amertume que le Vatican les ait abandonnés dans la tourmente.

    Quelques soi-disant « experts » de la Chine tentent de minimiser les persécutions en prétendant qu’elles ne concerneraient que « quelques endroits ». En réalité, on signale des persécutions dans de nombreuses régions : Hebei, Henan, Zehejiang, Shanxi, Guizhou, la Mongolie intérieure, Xinjiang, Hubei…  Sans compter les autres endroits qui n’ont pas été en mesure de relayer l’information.

    Une autre information réductrice consiste à faire croire que ces choses se passeraient en périphérie mais qu’au centre, à Pékin, on voudrait vraiment que l’accord fonctionne. Il n’en reste pas moins qu’en octobre dernier, depuis le congrès du parti communiste, le Front Uni et l’AP se trouvent sous le contrôle direct du parti : il est pratiquement impossible que le centre – à commencer par Xi Jinping, le secrétaire général du parti – ne soit pas au courant de ce qui se passe en périphérie, avec des affaires aussi scandaleuses qu’elles secouent la communauté internationale.

    Mais en plus de la honte, je crois qu’il y a deux autres explications à ce silence.

    Le premier est une espèce de « complexe patriotique » : étant donné que le pape François soutient l’accord avec la Chine et qu’il est un fervent partisan du dialogue avec la culture chinoise, il semblerait que mettre en avant les persécutions constitue une offense au pape. Mis à part le fait que le pape François a toujours lui-même souligné qu’il préférait la franchise à l’adulation, il a toujours dit que le dialogue se déroule entre deux identités, sans dissimuler sa propre identité.  Et si celle-ci est faite de martyrs, on ne peut pas le cacher.  […]

    La seconde raison pourrait surtout concerner les médias soi-disant laïcs, à cause d’un « complexe mercatolâtre » de divinisation du marché chinois. On passe sous silence les persécutions et les arrestations parce qu’elles sont bien peu de choses par rapport à la guerre des droits de douane entre la Chine et les États-Unis et par rapport au futur de la superpuissance de l’Empire du Milieu.  Les médias et les librairies sont remplies d’articles et de livres qui encensent Pékin, ou qui le descendent en flamme, selon qu’ils prennent parti pour la Chine ou pour les États-Unis.  Dans ce cas, on ne se rend pas compte combien la liberté religieuse d’un pays un est indicateur de sa « bonté ».  C’est justement le pape François qui rappelait le 5 novembre dernier dans un allocution au World Congress of Montain Jews que « la liberté religieuse est un bien précieux à conserver, un droit humain fondamental, un bastion contre les revendications totalitaires ».  C’est pourquoi, ceux qui veulent une véritable liberté de commerce avec la Chine devraient avant tout défendre la liberté religieuse.  Les différents grands entrepreneurs chinois en savent quelque chose, eux qui doivent se plier aux restrictions du gouvernement central s’ils veulent faire du commerce et investir à l’étranger.  Mgr Shao Zhumin n’est donc pas « bien peu de choses » mais un symptôme du chemin que la Chine est en train de prendre.

    Cela vaut la peine de rappeler une dernière chose : Mgr Shao Zhumin est évêque d’une Église désormais unifiée où il n’y a plus de division entre catholiques officiels et souterrains, justement celle qu’appelait de ses vœux le pape François dans son Message aux Catholiques chinois et à l’Église universelle qui a été publié quelques jours après l’accord.  Et pourtant, l’Association patriotique, non contente d’avoir séquestré cet évêque, vient ces derniers jours d’interdire aux prêtres « officiels » d’aller se recueillir sur les tombes des prêtres et des évêques « souterrains ».  Voilà la preuve que la division de l’Église chinoise n’est pas voulue par les catholiques mais bien par le parti communiste.  Cette politique, qui dure depuis 60 ans, ne nous semble pas être en faveur de l’évangélisation de la Chine mais – comme l’Association patriotique l’a déclarée à de nombreuses reprises par le passé – constitue un pas vers la suppression de tous les chrétiens.

  • La mort du cardinal Caffarra

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    6a00d83451619c69e201b7c91d68b2970b-800wi.jpgLe cardinal Carlo Caffarra, RIP (source : Le Salon Beige)

    L'archevêque émérite de Bologne, âgé de 79 ans, est décédé ce matin, des suites d'une longue maladie. Il avait dirigé l'archidiocèse de l'Émilie-Romagne pendant 12 ans, de 2003 à 2015.

    Ordonné prêtre en 1961, il obtient un doctorat en droit canonique à l’université pontificale Grégorienne et un diplôme de spécialisation en théologie morale auprès de l’Académie pontificale alphonsienne. Il part enseigner la théologie morale dans les séminaires de Parme et de Fidenza, puis à la faculté théologique de l'Italie septentrionale à Milan. En 1974, il est nommé par le Pape Paul VI membre de la Commission théologique internationale.

    Dans les années 1970, le cardinal Caffarra approfondit les thèmes du mariage, de la famille et de la procréation et enseigne l’éthique médicale à la Faculté de médecine et de chirurgie de l'université catholique du Sacré-Cœur à Rome. En 1980, le Pape Jean-Paul II le nomme expert au Synode des évêques sur le Mariage et la Famille puis le charge l’année suivante de fonder et de présider l’Institut pontifical Jean Paul II sur le mariage et la famille.

    Le cardinal Carlo Caffarra fait partie des quatre signataires des « Dubia » adressés au pape à propos de l'exhortation Amoris laetitia. Après le décès du cardinal Meisner il y a quelques mois, il ne reste plus que le cardinal Burke et le cardinal Brandmüller.

    Nommé cardinal par le pape Benoît XVI en 2006, le cardinal Caffarra était un très proche de Saint Jean-Paul II.

    Le cardinal Caffarra ne sera pas mort sans avoir eu le temps de confirmer, de vive voix, la teneur de la lettre que lui avait envoyée sœur Lucie de Fatima sur la dernière bataille de Satan qui serait livrée autour de la famille et du mariage.

    En juin 2015, le cardinal Carlo Caffarra déclarait au journal italien Il Tempo à la veille de la marche pour la famille à Rome :

    "L’Europe est en train de mourir. Et peut-être même n’a-t-elle aucune envie de vivre, car il n’y a pas de civilisation qui ait survécu à la glorification de l’homosexualité. Je ne dis pas : à l’exercice de l’homosexualité. Je parle de la glorification de l’homosexualité. Et je fais une incise : on pourrait observer qu’aucune civilisation n’est allée jusqu’à  proclamer le mariage entre personnes de même sexe. En revanche, il faut rappeler que la glorification est quelque chose de plus que le mariage. Dans divers peuples l’homosexualité était un acte sacré. De fait, l’adjectif utilisé dans le Lévitique pour juger la glorification de l’homosexualité à travers le rite sacré est celui d’« abominable ». Elle avait un caractère sacré dans les temples et dans les rites païens.

    C’est si vrai que les deux seules réalités civiles, appelons-les ainsi, les deux seuls peuples qui ont résisté pendant de nombreux millénaires – en ce moment je pense surtout au peuple juif – ont été ces deux peuples qui ont été les deux seuls à contester l’homosexualité : le peuple juif et le christianisme. Où sont les Assyriens ? Où sont les Babyloniens ? Et le peuple juif était une tribu, il paraissait n’être rien par rapport aux autres réalités politico-religieuses. Mais la réglementation de l’exercice de la sexualité que nous rencontrons, par exemple, dans le livre du Lévitique, est devenu un facteur de civilisation extrêmement important. Voilà ma première pensée : c’est la fin.

    Ma deuxième réflexion est purement de foi. Devant de tels faits je me demande toujours : mais comment est-il possible que dans l’esprit de l’homme puissent s’obscurcir des évidences aussi originelles, comment est-ce possible ? Et je suis arrivé à cette réponse : tout cela est une œuvre diabolique. Littéralement. C’est le dernier défi que le diable lance au Dieu créateur, en lui disant : « Je vais te montrer comment je construis une création alternative à la tienne et tu verras que les hommes diront : on est mieux ainsi. Toi, tu leur promets la liberté, je leur propose d’être arbitres. Toi, tu leur donnes l’amour, moi je leur offre des émotions. Tu veux la justice, et moi, l’égalité parfaite qui annule toute différence.

    J’ouvre une parenthèse. Pour quoi dis-je : « création alternative » ? Parce que si nous retournons, comme Jésus nous le demande, au Principe, au dessein originel, à la manière dont Dieu a pensé la création, nous voyons que ce grand édifice qu’est la création est érigée sur deux colonnes : la relation homme-femme (le couple) et le travail humain. Nous parlons maintenant de la première colonne, mais la deuxième aussi est en train de se détruire… Nous sommes, par conséquent, face à l’intention diabolique de construire une création alternative, qui défie Dieu dans l’intention de voir l’homme finir par penser qu’on se trouve mieux dans cette création alternative ? [...]" 

    L’archevêque de Bologne Matteo Zuppi présidera les obsèques du cardinal Caffarra le samedi 9 septembre en la cathédrale de Bologne, où il sera enterré dans la crypte.

    ...et, sur son blog, Sandro Magister publie cette note (traduite sur diakonos.be) :

    Carlo Caffarra, prophète ignoré. Sa dernière lettre au Pape François

    Ce 6 septembre au matin, le cardinal Carlo Caffarra, archevêque émérite de Bologne et théologien moral de premier plan, particulièrement sur les questions de famille et de vie, nous a quittés à l’improviste.

     

    Après la disparition, brutale elle aussi, du cardinal Joachim Meisner le 5 juillet dernier, les quatre cardinaux signataires des « dubia » soumis au pape François il y a un an sur des points controversés d’Amoris laetitia ont été réduits de moitié. Les deux à être encore en vie sont l’allemand Walter Brandmüller et l’américain Raymond L. Burke.

    C’est le cardinal Caffarra qui était le moteur du groupe. C’est sa signature qui figurait au bas de la lettre de demande d’audience pour lui et les trois autres envoyée au pape François au printemps dernier.  Cette fois encore, comme ce fut déjà le cas pour les dubia, cette demande était restée lettre morte.

    Peu avant l’envoi de cette lettre, le cardinal Caffarra avait eu la chance de croiser le pape François lors d’un de ses déplacement, à Carpi, près de Bologne, le 2 avril dernier. Pendant le repas, il était assis à côté de lui mais le pape avait préféré converser avec un vieux prêtre et avec les séminaristes assis à la même table.

    Voici le texte intégral de la lettre en question, la dernière que le cardinal Caffarra ait adressée au Pape et qui avait déjà été publiée en exclusivité le 20 juin dernier par Settimo Cielo, avec l’autorisation de l’auteur.

    *

    « NOTRE CONSCIENCE NOUS POUSSE… »

    Très Saint Père,

    C’est avec une certaine appréhension que je m’adresse à Votre Sainteté durant ces jours du temps pascal. Je le fais au nom de leurs éminences les cardinaux Walter Brandmüller, Raymond L. Burke, Joachim Meisner ainsi qu’en mon nom personnel.

    Nous souhaitons avant tout réaffirmer notre dévouement et notre amour inconditionnel à la Chaire de Pierre et pour Votre auguste personne, en laquelle nous reconnaissons le Successeur de Pierre et le Vicaire de Jésus : le « doux Christ de la terre » comme aimait à le dire Sainte Catherine de Sienne. Nous ne partageons en rien la position de ceux qui considèrent que le Siège de Pierre est vacant ni celle de ceux qui voudraient également attribuer à d’autres l’indivisible responsabilité du « munus » pétrinien. Nous ne sommes animés que par la conscience de la grave responsabilité issue du « munus » cardinalice : être des conseillers du Successeur de Pierre dans son ministère souverain. Ainsi que par le Sacrement de l’Episcopat qui « nous a établis comme évêques pour être les pasteurs de l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise par son propre sang. » (Actes 20, 28).

    Le 19 septembre 2016, nous avons remis à Votre Sainteté et à la Congrégation pour la doctrine de la foi cinq « dubia » en Lui demandant de trancher des incertitudes et de faire la clarté sur certains points de l’exhortation apostolique post-synodale « Amoris laetitia ».

    N’ayant reçu aucune réponse de Votre Sainteté, nous avons pris la décision de demander respectueusement et humblement audience à Votre Sainteté, ensemble, s’il plaît à Votre Sainteté. Nous joignons, comme c’est l’usage, une feuille d’audience dans laquelle nous exposons les deux points desquels nous souhaiterions nous entretenir avec Votre Sainteté.

    Très Saint Père,

    Une année s’est déjà écoulée depuis la publication d’ « Amoris laetitia ». Pendant cette période, plusieurs interprétations de certains passages objectivement ambigus de l’exhortation post-synodale ont été données publiquement, non pas divergentes mais contraires au Magistère de l’Eglise. Malgré que le Préfet de la Doctrine de la foi ait à plusieurs reprises déclaré que la doctrine de l’Eglise n’a pas changé, plusieurs déclarations d’évêques individuels, de cardinaux et même de conférences épiscopales ont eu lieu et elles approuvent ce que le magistère de l’Eglise n’a jamais approuvé. Non seulement l’accès à la Sainte Eucharistie de ceux qui vivent objectivement et publiquement dans une situation de péché grave et entendent y demeurer mais également une conception de la conscience morale contraire à la Tradition de l’Eglise. Et c’est ainsi – oh comme il est douloureux de le constater ! – que ce qui est péché en Pologne est bon en Allemagne, ce qui est interdit dans l’Archidiocèse de Philadelphie est licite à Malte. Et ainsi de suite. L’amère constat de Blaise Pascal nous vient à l’esprit : « Justice au-deçà des Pyrénées, injustice au-delà ; justice sur la rive gauche du fleuve, injustice sur la rive droite ».

    De nombreux laïcs compétents, aimant profondément l’Eglise et fermement loyaux envers le Siège Apostolique se sont adressés à leurs Pasteurs et à Votre Sainteté afin d’être confirmés dans la Sainte Doctrine concernant les trois sacrements du Mariage, de la Réconciliation et de l’Eucharistie. Et justement ces derniers jours à Rome, six laïcs provenant de chaque continent ont organisé un Colloque d’études qui a été très fréquenté, intitulé significativement: « Faire la clarté ».

    Face à cette situation grave dans laquelle de nombreuses communautés chrétiennes sont en train de se diviser, nous sentons le poids de notre responsabilité et notre conscience nous pousse à demander humblement et respectueusement audience.

    Que Votre Sainteté daigne se souvenir de nous dans Ses prières, comme nous l’assurons que nous le ferons dans les nôtres. Et nous demandons à Votre Sainteté le don de sa bénédiction apostolique.

    Carlo Card. Caffarra

    Rome, le 25 avril 2017
Fête de Saint Marc évangéliste

  • Plaidoyer pour une liberté catholique… dans l’Église catholique

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    De l'Abbé Claude Barthe sur Res Novae :

    Pour une liberté catholique… dans l’Église catholique

    1/4/2022

    Le présent pontificat, avec ses boursoufflures, pourrait bien constituer, sinon la phase terminale de l’après-Vatican II, en tout cas l’approche de son terme. À condition, bien entendu, qu’il se trouve des hommes d’Église qui aient la détermination nécessaire pour tourner la page.

    Incontestablement, on se trouve aujourd’hui dans une atmosphère de pré-conclave[1]. Ce qui ne veut pas dire que les cardinaux électeurs auront à se réunir dès demain dans la Chapelle Sixtine. Mais lorsque viendra le jour où se réuniront les Congrégations générales préparatoires, on peut rêver qu’il y soit fait un bilan sincère ouvrant la voie à un courageux examen de conscience. À défaut, peut-on espérer l’adoption d’une sorte de réalisme d’étape, en vertu duquel on laisserait vivre et se développer les forces catholiques qui existent encore.

    Le contexte pessimiste

    Nous avons déjà eu l’occasion de remarquer, que chez les plus hauts prélats, non seulement ceux de l’aile conservatrice, mais aussi pour une part de ceux des diverses mouvances progressistes, il y a désormais une conscience très vive et très pessimiste de la sécularisation, vue comme fatale. La situation de l’Église, en Occident surtout, avec une telle réduction du nombre des fidèles et des prêtres qui fait qu’elle est en passe de devenir presque invisible en certains pays. Ce qui leur fait apparaître que toutes les solutions expérimentées depuis le Concile ont échoué l’une après l’autre : réformes à tout va sous le pape Montini, tentative de « restauration » sous Jean-Paul II et Benoît XVI, réactivation d’un conciliarisme débridé sous François. De là à faire un bilan… Car il est certes aisé de constater que l’œcuménisme et le dialogue interreligieux de Vatican II ont contribué à dévaloriser la mission. Personne n’ose cependant dire ouvertement que les orientations de ce concile hors normes – a-normatif – ont une large part dans la catastrophe aujourd’hui constatée. Il est vrai que, seuls les plus idéologues des bergogliens, comme les jésuites qui s’activent actuellement à la préparation du Synode des synodes, considèrent qu’il faut aller plus avant encore et que d’ailleurs la sécularisation est une « chance ».

    Nombreux hauts prélats sont aujourd’hui déstabilisés par les mots d’ordre de lutte contre le « cléricalisme », mots d’ordre dévastateurs pour les vocations qui restent et qui sont suivis de visites canoniques, puis sanctions contre les communautés, les séminaires, les diocèses « cléricaux », qui peuvent avoir des faiblesses, mais qui bénéficient encore d’un certain recrutement. Ils sont aussi très perturbés par les propositions délirantes du Chemin synodal allemand, avec lequel l’assemblée du Synode romain sur la synodalité va vraisemblablement enclencher un mécanisme éprouvé de négociation-capitulation, en faisant des propositions en-deçà des propositions allemandes mais qui auront de facto valeur de blanc-seing, de non-condamnation.

    Il n’est donc pas difficile de prévoir que lorsque les Congrégations générales se réuniront, la critique ouverte ou tamisée contre l’actuel chaos sera dominante, y compris chez des prélats progressistes : gouvernement suprêmement autoritaire et aussi peu « synodal » que possible, décisions en zigzags, réforme illisible de la Curie, échec cuisant de la diplomatie avec la Chine, et aussi situation financière particulièrement inquiétante (voir les précisions bien informées du memorandum cité en note 1). Quant à la critique doctrinale des conservateurs, elle se fera entendre, non seulement à propos des hiatus entre l’enseignement bergoglien et l’enseignement antérieur (pas celui d’avant le Concile, mais celui des papes postconciliaires précédents) : Amoris lætitia qui contredit Familiaris consortioTraditionis custodes qui réécrit Summorum Pontificum, mais également à propos de la théologie sommaire des exhortations et encycliques du pontificat.

    Les forces en présence ?

    Tout le monde note que, le collège cardinalice a été largement renouvelé sous ce pontificat par un nombre record de créations et que ses membres se sont vu empêchés de se rencontrer, discuter et donner librement leurs avis lors des consistoires. Les prévisions quant aux poids des tendances dans le Sacré Collège sont donc plus aléatoires que jamais, même si on suppute que la majorité est nettement progressiste. Il est d’ailleurs probable que les nominations, lors du prochain consistoire, vont chercher à faire pencher plus encore la balance en ce sens.

    Mais qui émergera de ce côté ? Pour qui les cardinaux Parolin, Marx, Becciu, feront-ils en définitive voter leurs clientèles ? Le cardinal Tagle, 66 ans, préfet de la Propagande, qui a bénéficié de l’appui sans faille des jésuites, semble trop proche de François et ne manifeste pas une grande épaisseur théologique. La faiblesse du cardinal Jean-Claude Hollerich, archevêque du Luxembourg, outre le fait qu’il est fort jeune (63 ans), est d’être jésuite. Sandro Magister, qui redouble actuellement d’activité, lui donne la qualification, assassine dans le contexte actuel, de « François-bis »[2]. En fait, ses chances, s’il en a, tiennent à la sorte de modération un peu naïve avec laquelle il tempère son hétérodoxie : il est pour les prêtres mariés, mais « sur le long terme » ; il n’est pas pour les femmes prêtres, mais leur confierait volontiers des postes d’autorité et l’homélie dans les célébrations ; il estime que « les positions de l’Église sur le caractère peccamineux des relations homosexuelles sont erronées », tout en refusant les bénédictions de « mariages » homosexuels ; il ne voit pas d’inconvénient à ce que les protestants viennent communier à la messe, mais il a été horrifié, en assistant à une cène protestante, de voir qu’on jetait ensuite les restes du pain et du vin à la poubelle parce qu’il croit à la présence réelle (chez les protestants ?).

    Du côté conservateur, il paraît assez improbable, en tout cas à ce jour, qu’un candidat (Robert Sarah, ou avec une assise plus large Peter Erdö, 69 ans, archevêque de Budapest, puisse recueillir les 2/3 des voix. Mais l’apport conservateur sera nécessaire à l’élection d’un candidat de transaction, de gauche libérale, qui devra nécessairement entendre leurs désirs. On peut citer, mais simplement pour donner une sorte de portrait-robot d’un candidat réaliste et rassurant, Jean-Pierre Ricard, ancien archevêque de Bordeaux, 77 ans, d’un progressisme libéral tout en rondeur. En l’état actuel,c’est Matteo Zuppi, 66 ans, archevêque de Bologne, porté par le très puissant groupe de pression de Sant’Egidio, qui remplirait les conditions. Peut-il en apparaître d’autres ?

    Pour une liberté catholique… dans l’Église catholique

    Au XIXe siècle, dans le système politique français, s’était dessinée la situation paradoxale suivante : les partisans les plus fermes de la Restauration monarchique, ennemis dans le principe des libertés modernes apportées par la Révolution, ont cependant prôné en permanence la liberté. Ils ont en somme réclamé, non sans risques, qu’on leur laisse un espace de vie et d’expression : liberté de la presse, liberté de l’enseignement (mais ils n’ont cependant pas su profiter des occasions que cet espace leur donnait pour retourner l’ordre des choses).

    Toutes choses égales, dans le système ecclésial de XXIe siècle… D’un point de vue catholique, la perspective à poursuivre est, à terme, celle d’une « restauration » plus profonde que celle qu’a voulue Joseph Ratzinger/Benoît XVI : un retour, pour réamorcer une mission active, à un magistère de pleine autorité, départageant au nom du Christ le vrai du faux sur toutes les questions controversées de morale familiale, d’œcuménisme, etc. Départageant, non seulement ce qui est catholique de ce qui ne l’est pas, mais ceux qui sont catholiques de ceux qui se disent catholiques et ne le sont pas : car il est dévastateur pour la visibilité de l’Église qu’on ne sache plus où est le dehors et où est le dedans d’une Église minée par un schisme latent, ou plutôt submergée par une sorte de néo-catholicisme sans dogme.

    Mais, de manière plus immédiate, il semble qu’on ne puisse obtenir qu’un desserrement du despotisme idéologique – pas seulement de celui, genre baroud d’honneur conciliaire, du présent pontificat –, mais de celui plus profond qui pèse sur l’Église depuis que lui a été imposée une manière molle de croire et de prier. Despotisme qui fait qu’au nom de la « communion », il faut se soumettre peu ou prou à un Concile et à une réforme liturgique posés comme nouvelles Tables de la Loi.

    Le moyen serait qu’un pontificat de transition donnât une pleine liberté à toutes les forces vives de l’Église. Si l’on s’en tient au paysage français, mais qui peut par analogie servir de grille d’analyse dans toute l’Église, le catholicisme qui aujourd’hui « fonctionne », c’est-à-dire qui remplit les églises de fidèles, notamment de jeunes, de familles nombreuses, qui produit des vocations sacerdotales et religieuses, qui provoque des conversions, se résume à deux grande aires. D’une part, celle qu’on pourrait qualifier de nouveau conservatisme, avec la communauté de l’Emmanuel, la Communauté Saint-Martin (100 séminaristes actuellement, soit plus que tous les séminaires diocésains français réunis), la Communauté de Saint-Jean, des monastères de religieux et religieuses contemplatifs florissants. Ailleurs dans le monde, ce seront des communautés religieuses, des diocèses vigoureux, certains séminaires. Et d’autre part, le monde traditionaliste, avec ses deux composantes l’une « officielle », l’autre lefebvrienne, ses lieux de culte (450 environ en France), ses écoles, ses séminaires (en 2020, 15% des prêtres français  ordonnés appartenaient aux communautés traditionnelles). On objectera qu’un « laisser faire, laisser passer », fût-ce en faveur de ce qui produit des fruits de la mission, est lui aussi plein de risques de dérives. Aussi bien n’est-il à souhaiter qu’aussi longtemps qu’on restera dans des zones magistérielles grises et incertaines.

    Tout le monde a cependant conscience, soit pour le désirer, soit pour le craindre (cf. les motivations de Traditionis custodes), que c’est au monde traditionnel, en raison de son poids symbolique, que cette pleine liberté de vivre et de grandir peut donner le plus de possibilités pour aider les prélats qui s’y décideront à « renverser la table ».


    [1] Voir le memorandum publié sur le blog de Sandro Magister, Settimo Cielo, sous la signature de Demos : https://www.diakonos.be/settimo-cielo/un-memorandum-sur-le-prochain-conclave-circule-parmi-les-cardinaux-le-voici/
    [2] Si le conclave souhaite un François bis, voici son nom et son programme | Diakonos.be.

  • François sans plus aucun voile : une analyse de ses dernières nominations

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    Un article de Sandro Magister sur Settimo Cielo :

    François sans plus aucun voile. Une analyse de ses dernières nominations

    La mort de son prédécesseur, Benoît XVI, à la fin de l'année 2022, a été pour le pape François comme la disparition du "katéchon", de la barrière qui l'empêchait de se révéler pleinement.

    En témoignent les actes de gouvernance qu'il a accumulés ces derniers mois, à un rythme effréné.

    Dernier en date, l'annonce de la nomination de 21 nouveaux cardinaux, dont 18 en âge de participer au conclave. Ni l'archevêque de Paris, ni l'archevêque de Milan, en poste depuis six ans, ne figurent sur la liste. Mais surtout, il n'y a pas l'archevêque majeur de l'Église gréco-catholique d'Ukraine, Sviatoslav Shevchuk, coupable lui aussi d'avoir dit ouvertement tout ce qu'il considère comme mauvais dans l'action de François concernant la guerre actuelle.

    Deux jésuites figurent sur la liste, l'évêque de Hong Kong Stephen Chow Sau-Yan - tout juste sorti d'un voyage officiel à Pékin qui, pour le pape, vaut plus que l'humiliation subie de la part du régime avec les récentes installations de deux évêques sans le consentement préalable de Rome - et l'archevêque de Córdoba, en Argentine, Ángel Sixto Rossi, un fidèle de Jorge Mario Bergoglio depuis les années où le futur pape était provincial de la Compagnie de Jésus, en contraste criant avec la majorité de ses confrères.

    Il y a aussi l'archevêque de Juba au Soudan du Sud, Stephen Ameyu Martin Mulla, dédommagé avec la bourse de l'attaque qu'il a subie lors de son installation dans le diocèse en 2019, par des opposants de différentes tribus, qui l'ont aussi accusé d'actes immoraux.

    Et encore deux nominations délibérément contraires aux orientations conservatrices des épiscopats nationaux respectifs : en Afrique du Sud l'archevêque du Cap Stephen Brislin, blanc de peau et aux idées similaires à celles de la " voie synodale " allemande ; et en Pologne Grzegorz Rys, archevêque de Lodz, le même diocèse d'où est originaire l'aumônier du pape, le cardinal Konrad Krajewski, son ami intime. Rys est l'une des rares voix progressistes de l'épiscopat polonais, alors que Cracovie, gouvernée par un successeur de Karol Wojtyla d'orientation opposée, reste dépourvue de la pourpre.

    *

    La nomination la plus marquante n'est cependant pas celle, évidente, de l'Argentin Victor Manuel Fernández en tant que cardinal, mais celle qui lui a été confiée auparavant, à savoir le poste de préfet du dicastère pour la doctrine de la foi.

    En fait, François a accompli ici ce qu'il n'avait jamais osé faire avec Joseph Ratzinger de son vivant. Il s'agit de la nomination, dans le rôle clé qui était celui du grand théologien et futur pape allemand, d'une personne qui est son total opposé.

    Il suffit de dire que son avant-dernier prédécesseur au même poste, le cardinal Gerhard L. Müller, a accusé Fernández, il y a des années, ni plus ni moins que d'"hérésie", pour les thèses décousues qu'il soutenait. Mais le pape François n'a pas bronché. Il avait nommé Müller puis Luis Francisco Ladaria Ferrer au poste de préfet pour la doctrine de la foi, l'un et l'autre d'une orthodoxie irréprochable, mais ce n'était pour lui qu'un hommage à Benoît XVI toujours vivant. Il se souciait peu de ce qu'ils disaient et faisaient, allant même parfois jusqu'à contredire ouvertement leurs décisions, comme le veto de Ladaria à la bénédiction des couples homosexuels.  C'est toujours Fernández qui a rédigé les documents clés du pontificat, "Evangelii gaudium" ou "Amoris laetitia", copiant même des passages entiers de ses essais précédents.

    Et maintenant, c'est à lui, Fernández, de faire "quelque chose de très différent" de ses prédécesseurs, selon la lettre inhabituelle avec laquelle le pape a accompagné sa nomination : mettre fin à "l'époque où, au lieu de promouvoir la connaissance théologique, on poursuivait d'éventuelles erreurs doctrinales", laisser l'Esprit Saint faire de lui "l'harmonie" des lignes de pensée les plus diverses, "plus efficacement que n'importe quel mécanisme de contrôle". Bref, le triomphe de ce relativisme qui fut l'ennemi numéro un de Ratzinger, théologien et pape.

    *

    Autres nominations significatives : celles des participants au prochain synode sur la synodalité. Parmi les évêques élus par les conférences épiscopales figurent en bonne place les cinq évêques des Etats-Unis, tous conservateurs, mais François a compensé en ajoutant, de son propre choix, les cardinaux les plus proches de lui : Blase Cupich, Wilton Gregory, Robert McElroy, Joseph Tobin et Sean O'Malley, ainsi que l'archevêque Paul Etienne et le très actif jésuite James Martin, ce dernier étant le porte-étendard de cette nouvelle morale homosexuelle qui figure également parmi les objectifs déclarés du véritable directeur du synode avec le pape, le cardinal Jean-Claude Hollerich, rapporteur général de l'assemblée.

    Parmi les "témoins" sans droit de vote, François a également inclus Luca Casarini, l'activiste non-mondialiste qu'il a loué à plusieurs reprises en tant que héros du sauvetage des migrants en Méditerranée, plus récemment lors de l'Angélus du dimanche 9 juillet.

    Mais outre les élus, ceux que François a exclus de la participation au synode font également parler d'eux, notamment les titulaires de tous les bureaux du Vatican qui s'occupent de droit.

    Le premier exclu est le cardinal Dominique Mamberti, préfet du tribunal suprême de la signature apostolique et jusqu'à récemment, par statut, également président de la cour de cassation de l'État de la Cité du Vatican, ainsi que deux autres cardinaux membres du tribunal suprême, tous juristes et canonistes à la compétence avérée.

    Mais au printemps de cette année, François a promulgué une nouvelle loi fondamentale de l'État de la Cité du Vatican et a complètement modifié les critères de nomination des membres de la Cour de cassation, se réservant le choix de chacun d'entre eux.

    Et qui sont les quatre cardinaux qu'il a nommés ? L'Américain Kevin J. Farrell comme président du nouveau tribunal et les Italiens Matteo Zuppi, Augusto Lojodice et Mauro Gambetti comme membres. Aucun d'entre eux n'a la moindre compétence juridique. Gambetti, par exemple, a récemment brillé plutôt par le fiasco retentissant d'un spectacle prétentieux avec des chanteurs et des prix Nobel venus du monde entier au nom de la fraternité, sur une place Saint-Pierre désolée et vide.

    Parmi les spécialistes du droit canonique, la nouvelle Loi fondamentale promulguée par le pape a été immédiatement accueillie par de sévères critiques. Mais il est bien connu que François n'a aucun respect pour l'État de droit, étant donné la façon dont il a jusqu'à présent altéré, par exemple, le procès en cours au Vatican pour les malversations du palais de Londres. Ou comment il a cloué au pilori le cardinal Giovanni Angelo Becciu, bien avant qu'il ne soit dûment jugé et sans même dire pourquoi.

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    Pour en revenir à la nomination de Fernández, il convient d'ajouter qu'il a immédiatement déclaré qu'il n'était pas compétent pour traiter les cas d'abus sexuels, qui figurent parmi les principales tâches du dicastère qui lui a été confié, et qu'il en avait averti le pape à l'époque, mais qu'il l'aurait dispensé de traiter de tels cas à l'avenir, laissant cette tâche aux spécialistes du même dicastère.

    En outre, Mgr Fernández a également admis avoir mal agi, toujours par manque de préparation, dans la gestion d'un cas d'abus en tant qu'évêque de l'archidiocèse de La Plata.

    Mais les abus sexuels n'ont-ils pas été déclarés à plusieurs reprises par le pape François comme une question capitale pour l'Église ? Alors pourquoi en confier la responsabilité à un incompétent ?

    Il est un fait que dans le cas le plus épineux et toujours non résolu, celui du jésuite Marko Ivan Rupnik, c'est François lui-même qui a étendu une couverture protectrice, d'abord en révoquant l'excommunication que la Congrégation pour la doctrine de la foi avait imposée au jésuite en l'espace de quelques heures, puis en faisant en sorte que la même Congrégation rejette un procès ultérieur pour cause de prescription.

    C'est alors au tour de la Compagnie de Jésus d'ouvrir une nouvelle enquête contre Rupnik, étayée par de nombreuses nouvelles plaintes, toutes jugées crédibles à l'issue d'un premier examen. Mais le jésuite s'est toujours soustrait à cette enquête, jusqu'à ce qu'il soit exclu de la Compagnie et se retrouve encore plus libre qu'avant, attendant d'être incardiné dans le diocèse d'un évêque ami, et toujours sous le bouclier du pape.

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    Pêchons encore parmi les petites décisions prises par François ces derniers mois, il y en a d'aussi révélatrices.

    Par exemple, la création d'une Commission des nouveaux martyrs et témoins de la foi, catholiques et d'autres confessions chrétiennes, pratiquement confiée par le pape à la déjà omniprésente - au Vatican - Communauté de Sant'Egidio, avec le fondateur Andrea Riccardi comme vice-président, le secrétaire Marco Gnavi, curé de la basilique Santa Maria in Trastevere, et parmi les membres Angelo Romano, recteur de la basilique de San Bartolomeo all'Isola, épicentre de la nouvelle commission, et le professeur Gianni La Bella, tous appartenant à la Communauté.

    Ou encore la nomination inattendue comme recteur du grand séminaire pontifical romain et évêque auxiliaire de Rome de Michele Di Tolve, jusqu'à hier curé de Rho et avant cela, de 2014 à 2020, recteur du grand séminaire archiépiscopal de Milan.

    Curieusement, les références de Di Tolve en tant que recteur de séminaire sont loin d'être brillantes. Durant son rectorat dans l'archidiocèse ambrosien, le nombre de séminaristes a chuté et ses méthodes de gestion ont été très critiquées. Une savante enquête statistique sur l'avenir du clergé milanais a donné des prévisions désastreuses.

    Pourtant, François l'a voulu à Rome comme recteur et évêque. Il l'a expliqué le 25 mars lors d'une audience au Vatican devant les fidèles des paroisses de Rho. Voici ce qu'il a dit textuellement :

    "Votre curé Michele Di Tolve, que je connais depuis de nombreuses années, je l'ai rencontré dès qu'il a été nommé cardinal. J'étais allé rendre visite à une cousine et elle m'a parlé d'un vice-curé exceptionnel : "Regarde, ce prêtre travaille" - "Ah oui ? Laisse-moi le rencontrer, mais ne lui dis pas que je suis cardinal" - "Non, je ne le dirai pas". J'ai enlevé ma bague, nous sommes arrivés à l'oratoire et il allait d'un côté à l'autre, se déplaçant comme un danseur avec tout le monde. C'est comme ça que je l'ai rencontré. Et c'est comme ça qu'il est resté toute sa vie : quelqu'un qui sait bouger, qui n'attend pas que les brebis viennent le chercher. Et en tant que recteur du séminaire, il a fait tant de bien aux garçons qui se préparent au sacerdoce, tant de bien, et pour cela je voudrais témoigner devant vous tous et vous remercier pour ce que vous faites : merci, merci !".

    Personne à Milan n'a pleuré l'appel de Di Tolve à Rome. Mais tant de nominations de François sont ainsi.