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Mariage gay : le cardinal Ruini tacle la Cour Suprême des Etats-unis

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Le cardinal Camillo Ruini a été interviewé par Il Foglio (via Chiesa espresso (S. Magister). Le cardinal a été secrétaire puis président de la conférence des évêques d’Italie et pendant dix-sept ans vicaire du diocèse de Rome, d’abord sous le pontificat de Jean-Paul II puis sous celui de Benoît XVI. : 

MARIEZ-VOUS COMME LE VEUT LA NATURE

“L’égalité comprise comme étant la négation de toute différence est quelque chose qui va contre la réalité”, a affirmé au "Foglio" le cardinal Camillo Ruini, commentant la décision par laquelle la cour suprême des États-Unis a déclaré inconstitutionnelle une partie du "Defense of Marriage Act", la loi qui définissait le mariage comme étant exclusivement l’union d’un homme et d’une femme sous la juridiction fédérale.

“Nous nous faisons des illusions si nous croyons pouvoir annuler la nature par une décision individuelle ou collective”, ajoute encore celui qui fut vicaire de Rome et président de la conférence des évêques d’Italie.

Q. – La décision prise par la cour suprême semble confirmer que nous sommes confrontés à une avalanche impossible à arrêter qui va surmonter toute exception à propos de l’égalité entre mariage hétérosexuel et mariage homosexuel. Est-ce là le terrain sur lequel s’organisera le débat relatif au développement de la civilisation au XXIe siècle ?

R. – Je pense vraiment que oui. Bien évidemment, la question des mariages homosexuels s’insère dans le problème plus vaste de la conception que nous avons de l’homme, c’est-à-dire de ce qu’est la personne humaine et de la manière dont elle doit être traitée.

Un aspect très significatif de notre être est que nous sommes structurés selon la différence sexuelle, en hommes et en femmes. Comme chacun sait, cette différence ne se limite pas aux organes sexuels, mais elle concerne toute notre nature. Il s’agit d’une différence primordiale et évidente, qui précède nos décisions personnelles, notre culture et l’éducation que nous avons reçue, même si tous ces éléments ont à leur tour beaucoup d’influence sur nos comportements. Voilà pourquoi, depuis les origines, l’espèce humaine a conçu le mariage comme un lien qui n’est possible qu’entre un homme et une femme.

Au cours des dernières décennies on a vu apparaître une manière de voir différente, selon laquelle la sexualité serait le résultat de choix que nous ferions librement. Comme le disait Simone de Beauvoir, "On ne naît pas femme, on le devient". Pour cette raison, le mariage devrait être également ouvert à des personnes de même sexe. C’est la théorie du "gender", désormais répandue au niveau international, dans la culture, dans les lois et dans les institutions.

Toutefois il s’agit là d’une illusion, même si elle est partagée par un grand nombre de gens : en effet notre liberté est enracinée dans la réalité de notre être et, lorsqu’elle s’oppose à celle-ci, elle devient destructrice, surtout de nous-mêmes. Pensons, concrètement, à ce que peut être une famille dans laquelle il n’y a plus un père, une mère et des enfants ayant un père et une mère : les structures de base de notre existence seraient bouleversées, avec des effets destructeurs que nous pouvons imaginer mais pas prévoir dans leur totalité.

Q. – Nous sommes confrontés à un activisme à caractère juridique et social. Désormais le concept de mariage traditionnel paraît destiné à devenir quelque chose d’obsolète. Peut-être a-t-on l’illusion qu’en étendant l’institution du mariage à tous les types d’union on résout le problème de telle sorte que l’on peut dire que l’égalité est définitivement atteinte ?

R. – C’est précisément cela, l’illusion : annuler la nature par une décision individuelle ou collective. Voilà pourquoi il est vain d’espérer trouver un compromis qui soit satisfaisant pour tout le monde, par exemple en introduisant, à côté du mariage qui resterait réservé à des personnes de sexe différent, des unions civiles reconnues légalement, auxquelles pourraient accéder également les homosexuels.

D’une part ces unions ne donneraient pas satisfaction à cette demande de liberté et de parité absolues qui se trouve à la base de la revendication du mariage homosexuel et d’autre part elles constitueraient un double du mariage, inutile et nuisible.

Inutile parce que tous les droits que l’on prétend vouloir protéger peuvent très bien être protégés – et ils le sont déjà en grande partie – si on les reconnaît comme des droits des personnes et pas comme des droits des couples.

Nuisible parce qu’un simili-mariage, comportant moins d’engagements et d’obligations, mettrait encore plus en difficulté le mariage authentique, sans lequel une société ne peut pas tenir debout.

Q. – Quel jugement portez-vous sur le fait qu’une décision qui divise, comme celle qui a été adoptée par la cour suprême américaine, ait été prise par un tribunal et non pas par un parlement ?

R. – Un jugement négatif : la cour suprême a en effet une légitimité démocratique qui est très indirecte et dérivée, comme la cour constitutionnelle italienne par exemple,. À mon avis, il est bien préférable de confier des décisions ayant cette portée aux organismes qui ont une légitimité démocratique directe, comme les parlements.

Q. – Ne croyez-vous pas qu’il y ait, à l’origine du démantèlement progressif de ce qui a toujours été considéré comme “traditionnel”, le fait que l’égalité devient de plus en plus un dogme ? N’y a-t-il pas un risque que la tradition soit destinée à subir une reformulation complète ?

R. – Je voudrais établir une distinction à propos du concept d’égalité. Comprise comme étant l’égale dignité de tous les êtres humains, l’égalité est un principe sacré. En revanche, comprise comme étant la négation de toute différence et donc comme la prétention de traiter de la même manière des situations différentes, l’égalité est simplement quelque chose qui va contre la réalité.

Q. – Que peut faire l’Église face à tout cela ? Par moments on a l’impression qu’elle avance péniblement et qu’elle est incapable de faire entendre sa voix. D’autre part, au cours des dernières décennies, elle a pris position face à ces changements en allant au-delà du dualisme historique progrès/tradition. Pourtant elle en vient à penser que, une fois ce schéma dualiste dépassé, des problèmes bien plus graves se posent, face auxquels les réponses peuvent être perçues comme ambigües ou pas claires. Quelles sont les perspectives ?

R. – L’Église ne peut pas ne pas se battre pour l’homme, comme l’a écrit Jean-Paul II dans sa première encyclique – "Sur cette route qui conduit du Christ à l’homme, l’Église ne peut être arrêtée par personne" – et comme Benoît XVI l’a répété dans son discours de vœux à la curie romaine, à Noël 2012 : l’Église doit défendre avec la plus grande clarté les valeurs fondamentales constitutives de la vie humaine.

D’autre part je n’ai pas l’impression que l’Église avance péniblement aujourd’hui. Dans le cas de la France, les évêques et les catholiques, ainsi qu’un très grand nombre d’autres citoyens, ont été vaincus sur le plan législatif, au moins pour le moment, mais ils ont montré une vitalité et une vigueur culturelle et sociale plus grandes que leurs adversaires.

Il ne s’agit qu’en apparence du dualisme progrès/tradition : en réalité le véritable défi confronte deux conceptions de l’homme et je reste convaincu que l’avenir appartient à ceux qui savent reconnaître et accueillir l’être humain dans sa réalité authentique. Au contraire les illusions se dégonflent tôt ou tard, bien souvent après avoir provoqué beaucoup de dégâts.

Q. – Il y a aussi la question du rapport qu’ont les catholiques avec les grands thèmes qui relèvent de la sphère de l’éthique et de la morale. En ce qui concerne le cas particulier du mariage, ne croyez-vous pas que, au cours de ces dernières années, leur contribution active à la défense de ce qui a toujours été un symbole millénaire se soit atténuée et délayée ?

R. – Les catholiques doivent avoir davantage conscience de la signification culturelle et sociale de leur foi. Lorsque cette conscience s’atténue, la foi devient insipide et elle a peu d’effet non seulement sur la sphère publique, mais également sur la capacité d’attirer les gens et de les conduire au Christ. De ce point de vue, une certaine manière de comprendre la laïcité de la culture et de la politique risque de priver la foi de ce qu’elle a de significatif.

Q. – La bataille pour l’égalité se nourrit de raisons sentimentales. Il y a une idée de l’amour qui va au-delà des différences de genre, de la distinction entre l’homme et la femme. C’est l’amour qui se fait institution et droit parfaitement égal. Est-ce une pente irréversible ?

R. – L’amour, c’est un très beau mot, mais qui peut avoir beaucoup de significations. Les états ne peuvent évidemment pas commander ou interdire à une personne d’en aimer une autre et, en ce sens, les lois ne peuvent pas s’occuper directement de l’amour.

En revanche elles peuvent et doivent chercher à régir de la manière la plus utile et la plus conforme à la réalité les comportements qui naissent de l’amour mais qui ont un impact public.

Commentaires

  • Merci pour ce témoignage du cardinal RUINI. Comment peut on douter de son affirmation "Un aspect très significatif de notre être est que nous sommes structurés selon la différence sexuelle, en hommes et en femmes."?
    Il ya 25 ans dans un grand bureau, pendant la pause de midi, le personnel admirait les nouveaux outils informatiques. A un certain moment je me suis rendu compte que toutes les femmes s'étaient rassemblées spontanément autour d'un ordinateur où elles pouvaient tester un jeu d'adresse, et tous les hommes autour d'un autre où ils observaient un jeu d'échec!
    L'accession des homosexuels à la parenté adoptive va très probablement causer des nouveaux drames auxquels nos sociétés ne sont pas du tout préparées, et que dire de la vision du monde qu'auront ces enfants? Certainement pas une de celles qui avertissent que l'abandon total aux pulsions sexuelles mène au chaos. Ne fût-ce que parce qu'il limite sérieusement notre liberté et nos capacités intellectuelles de synthèse.

  • Merci pour ce témoignage du cardinal RUINI. Comment peut on douter de son affirmation "Un aspect très significatif de notre être est que nous sommes structurés selon la différence sexuelle, en hommes et en femmes."?
    Il ya 25 ans, dans un grand bureau pendant la pause de midi, le personnel admirait les nouveaux outils informatiques. A un certain moment je me suis rendu compte que toutes les femmes s'étaient rassemblées spontanément autour d'un ordinateur où elles pouvaient tester un jeu d'adresse, et tous les hommes autour d'un autre où ils observaient un jeu d'échec!
    L'accession des homosexuels à la parenté adoptive va très probablement causer des nouveaux drames auxquels nos sociétés ne sont pas du tout préparées, et que dire de la vision du monde qu'auront ces enfants? Certainement pas une de celles qui avertissent que l'abandon total aux pulsions sexuelles mène au chaos. Ne fût-ce que parce qu'il limite sérieusement notre liberté et nos capacités intellectuelles de synthèse.

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