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Quel sera le sort de la Syrie ?

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Europeinfos (COMECE et JESC) publie ce témoignage d'un prêtre syrien :

Qu’adviendra-t-il de la Syrie ?

Il n'est pas facile d'expliquer la situation politique, sociale et économique actuelle en Syrie. Faute de pouvoir circuler librement à travers le pays, et faute de trouver une presse – nationale ou Internationale - qui puisse refléter la réalité et le quotidien des syriens d'une manière objective et impartiale; comprendre la réalité et en donner des informations claires et précises devient quasi impossible aujourd'hui.

Les événements en Syrie ont commencé au printemps de 2011. Après la période des manifestations au début, le pays a graduellement glissé dans la violence acharnée. Cette crise est un problème global : politique, à cause du pouvoir absolu d’un parti unique, mais aussi social et économique (un gouffre infernal séparait de plus en plus la minorité riche de la majorité pauvre). Malgré toutes les apparences d’une stabilité illusoire et d’une prospérité de surface, la Syrie manquait des structures indispensables pour la modernisation de l’Etat et pour sa durabilité. Et nous voilà en pleine crise. Aujourd’hui, la crise syrienne a tout changé. La peur, l’inquiétude, l'insécurité et la souffrance sont le lot commun de tous. Personne n’a imaginé ni souhaité que la Syrie en arrive là et que nous vivions une situation aussi tragique.

Nous ne pouvons plus parler aujourd’hui en Syrie d’un endroit tranquille non touché par la violence et les atrocités. Cela n’existe plus.

On parle aujourd’hui en Syrie (il n’y a pas de statistiques officielles) de plus de 100.000 morts, dont presque 15.000 enfants. Le chiffre me semble malheureusement raisonnable. Et le total risque, à mon avis, si la machine de sauvagerie continue selon le même rythme, de doubler, voire de tripler d’ici la fin de l’année. Cela sans compter bien évidemment tous les disparus (détenus, kidnappés, etc.).

On parle également de 3,5 millions de personnes déplacées obligées de quitter leur domicile, pour la plus part sans rien emporter sinon les habits qu’ils portaient sur eux, afin d’échapper à la violence arbitraire. Ces gens ont besoin de tout, absolument tout. Il y en a parmi eux qui ont subi le déplacement à plusieurs reprises (venir à un endroit qui était tranquille et puis à cause d’une nouvelle vague de violence dans l’endroit de refuge, quitter pour aller à un autre endroit et ainsi de suite). Viennent s’ajouter aux déplacés toutes les personnes qui, sans être déplacées, ont subi les conséquences des événements et notamment le chômage et vivent du coup en dessous du seuil de pauvreté. On parle aussi de 2,5 millions de personnes qui ont aussi besoin d’une aide d’urgence.

Presque 1,5 million de personnes ont définitivement quitté le pays et sont réfugiés dans les pays voisins (Liban, Jordanie, Nord Irak et Turquie). Sans parler des pays plus lointains comme l’Egypte et l’Algérie qui accueillent aussi des syriens.

La criminalité devient insupportable (kidnapping pour demander des rançons, vols, cambriolages, etc.) ce qui limite considérablement le déplacement de personnes mêmes dans les endroits dits tranquilles.

La montée du radicalisme et du fondamentalisme religieux

Il est clair qu’aujourd’hui des groupes radicaux d’inspiration de Al Qaïda existent en Syrie et essaient d’imposer leur point de vue et leur agenda au sein même de l’opposition. D’après certaines personnes de l’armée libre, les groupes fondamentalistes ont plus de ressources financières que les autres groupes et ils peuvent donc recruter des combattants plus facilement que les autres. La question que tous les syriens se posent aujourd’hui et qui intrigue même les observateurs et experts internationaux, est celle-ci : qui représente vraiment la rue en Syrie aujourd’hui ? C’est une question ouverte…car les rues sont gouvernées par les chefs de guerre et chaque groupe a son propre chef. Mais si les fondamentalistes gagnent plus de terrain au sein même de l’opposition, qu’adviendra-t-il de la Syrie alors ?

Dernier point obscur, et là je m’affiche en tant que chrétien : l’incertitude et l’angoisse de la communauté chrétienne. Il est vrai que tous les syriens sont inquiets et que personne n'a le monopole de la souffrance. Mais à cause de la montée de l’islamisme radical et à cause d’une mémoire récente marquée et blessée par la violence et l’intolérance des mouvements radicaux (à savoir, ce qui est arrivé aux chrétiens de l’Irak) les chrétiens syriens sont encore plus inquiets que leurs compatriotes musulmans. A vrai dire, ils ne sont pas visés directement. Et s’il y a eu un chrétien ou des chrétiens visés (comme ce qui s’était passé dans la petite ville de Al-Qusayr proche de Homs) c’est à cause de la prise de position et non pas à cause de leur appartenance religieuse. Ceci dit, il ne faut pas négliger l’inquiétude et l’angoisse des chrétiens syriens. Il faut les écouter, surtout dans l’état actuel marqué par l’absence de leadership et par une position d’Eglise fondée sur les principes de l’Evangile de dignité de la personne humaine et de la justice. Les chrétiens d’Orient en général et ceux de Syrie en particulier sont le maillon faible dans la société, de ce fait ils risquent de subir toutes les conséquences négatives d’une manière plus forte que les autres.

Malgré cette situation difficile dans le pays, nous pouvons constater aujourd'hui le rôle important de l'Église et des chrétiens en Syrie; ils jouent un rôle crucial malgré les événements brutaux, et ce à plusieurs niveaux: dans le travail social et humanitaire au cours de cette crise, ils se montrent un pont entre les différentes communautés. Leur présence devient de plus en plus importante afin de rapprocher les uns et des autres ; à ce titre, ils ne peuvent qu'être le levain de la pâte dans la société syrienne d’aujourd'hui.

Un prêtre syrien

Commentaires

  • Quoiqu'il en soit, la France et les Etats-Unis s'apprêtent à commettre une terrible erreur en intervenant militairement en Syrie, qui risque bien de devenir un autre bastion salafiste au Moyen-Orient ou un autre Irak livré aux guerres interconfessionnelles. Le "remède" sera encore pire que le mal!

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