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L'école victime du pédagogisme

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Nous partageons l'opinion de Frank Andriat (lalibre.be)

L’école ne remplit plus sa mission essentielle, celle d’apprendre au plus grand nombre à lire, écrire et calculer. Les pédagogues ont pris le pouvoir et ont volé le boulot des professeurs. Dans notre société de profit et de satisfaction immédiate, les mots "effort, rigueur, études, travail, savoir, exigence, excellence" font partie d’un vocabulaire tabou.
Frank Andriat, professeur de français à l’Athénée Fernand Blum (Schaerbeek). Auteur d’une trentaine de livres dont "Les profs au feu et l’école au milieu" (Renaissance du Livre)
Le métier de professeur est devenu un "merdier" et "l’école est détruite" : vous n’y allez pas de main morte dans votre dernier livre…
Vous ne choisissez pas les expressions les plus nuancées de mon livre, mais, c’est vrai, j’ai, au fil des années, le sentiment qu’on détruit "le plus beau métier du monde". Je suis plutôt un tendre et j’ai porté ce texte pendant des années. En 2000, j’ai publié "Vocation Prof" où je dis mon bonheur d’enseigner. Treize ans plus tard, je suis toujours aussi heureux de travailler avec mes élèves. Mais, comme tant de mes collègues, comme tant de parents, je dois constater que l’école perd le sens de l’humanisme et qu’elle peut de moins en moins travailler avec rigueur. J’ai écrit ce livre parce que beaucoup de personnes m’ont dit que je serais crédible. Je ne suis pas un râleur, mais, là, le vase déborde. Les professeurs plus anciens se sentent perdus devant l’avalanche de réformettes et devant l’obligation de transformer leur cours en recettes de cuisine. Plus d’un tiers des plus jeunes quittent le métier après quelques années et on se voit obligé d’engager des personnes qui n’ont pas le diplôme requis. D’où l’expression "merdier". Si le métier de prof était, comme le déclarent tant de personnes, un métier de planqués, pourquoi plus personne ne veut-il devenir prof ?

Vous mettez en cause principalement les pédagogues. Pourquoi ? 

Durant les vingt-cinq dernières années, les pédagogues ont pris le pouvoir et nous ont volé notre boulot. L’art d’enseigner s’est transformé en une pseudoscience et l’école en laboratoire. Les pédagogues sont utiles, car ils permettent de réfléchir sur l’école qui n’est pas un musée et qui doit tenir compte des transformations de la société, mais ils deviennent néfastes lorsqu’ils imposent leur vision des choses plutôt que de la proposer. Combien d’emplois de professeurs ont-ils été perdus et combien d’emplois de pédagogues et de conseillers pédagogiques ont-ils été créés depuis le "Décret Missions" en 1997 ? Plus les années passent, plus on nous dit comment travailler. La pédagogie par compétences est une bonne idée si elle se fonde sur des savoirs. Apprendre à apprendre, c’est bien, mais il faut encore apprendre quelque chose ! J’ai des élèves qui ne connaissent plus l’indicatif présent du verbe être en 1ère secondaire et, pourtant, ils ont fait tout leur parcours scolaire en Belgique. Il faut aller à l’essentiel : apprendre à lire, écrire et calculer dans un premier temps, apprendre le sens de l’effort et du travail bien fait, apprendre l’esprit critique, les nuances, l’argumentation ensuite… On mélange tout et, ce qui m’énerve le plus, c’est que ce sont les plus défavorisés qui paient la note.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous pointez "le mensonge de la réussite pour tous" ?

Il existe plusieurs types d’intelligence et tout le monde ne peut pas devenir avocat ou médecin. Il n’y a pas de sot métier. Je ne suis pas un nostalgique de l’école de papa, mais l’école d’aujourd’hui n’est plus l’ascenseur social qu’elle a été. Sous prétexte de gommer toutes les différences (ne sommes-nous pas dans une société où tout doit être lisse pour être sympa ?), on refuse de les voir et on ne prend plus en charge les élèves en difficulté. Le décret "Inscriptions" a saupoudré les élèves les plus faibles un peu partout sans que, pour cela, les écoles qui les accueillent puissent réellement s’occuper d’eux. Le mensonge est là : quand j’ai un élève en difficulté, je m’occupe de lui et je ne l’envoie dans la classe d’un collègue sous prétexte qu’il sera boosté par des meilleurs. Le problème, c’est qu’on part d’idées généreuses sans que les moyens soient donnés pour les concrétiser avec succès. La réussite pour tous, c’est de s’occuper de chacun en partant d’où il est pour l’amener plus loin en respectant les diversités, pas d’ériger un plan de réussite où tout le monde il est beau et il est gentil. Ce n’est pas vrai dans la société et cela n’est pas vrai à l’école non plus ! 

Propos recueillis par Thierry Boutte

"Durant les vingt-cinq dernières années, les pédagogues ont pris le pouvoir et nous ont volé notre boulot. L’art d’enseigner s’est transformé en une pseudoscience et l’école en laboratoire."http://www.lalibre.be/debats/opinions/recto-52255a693570c7737d1a8f1b

Commentaires

  • Je suis bien placé pour parler de désaffection: agrégé de l'enseignement secondaire supérieur (sciences), je n'ai jamais enseigné, et ce, pour plusieurs raisons:
    - le "pédagogisme" décrit dans cet article
    - le manque de moyens alloués aux écoles (pas uniquement le salaire des professeurs, mais également le manque de moyens pour acheter par exemple du matériel de labo décent)
    - la "pédagogie de la réussite", qui a comme seule conséquence la présence de racaille dans toutes les écoles

    En plus de mon travail, je donne quelques cours à l'université, mais les étudiants y sont motivés et personne ne vient m'expliquer en détail ce que je dois donner, ni surtout comment le donner!

    Je n'enseignerais dans le secondaire que si je n'avais rien d'autre à faire...

  • Il n'est donc pas étonnant que beaucoup d'élèves (et de parents) appréhendent avec inquiétude la rentrée, ne sachant quelle sorte de "condisciples" ils vont devoir cotoyer. L'ivraie y contamine le bon grain. Racketteurs et dealers attendent les enfants. Ceux qui ne sauront pas s'endurcir et se défendre sombreront dans la déprime et pourraient finir par se suicider au grand désespoir de leurs parents. Voilà les conséquences de ce maudit "décret" défendu par le CdH! Nos politiciens ne voient qu'une chose : Comment endoctriner les élèves avec leur idéologie mortifère. La sécurité de nos enfants, il n'en n'ont rien à faire. Pour ceux qui en ont les moyens, il ne reste plus qu'à inscrire leurs enfants dans une école privée internationale...

  • Quels sont les politiques qui osent déclarer, avant le 25 mai 2014, qu'il faut abroger le décret d'inscription ?

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