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International

  • Pourquoi le prochain conclave sera une étape décisive pour l'Europe

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    De Solène Tadié sur le NCR :

    Pourquoi le prochain conclave sera une étape décisive pour l'Europe

    ANALYSE : Alors que le Vieux Continent déchristianisé semble devenir sans importance au vu du déplacement en cours du leadership de l’Église vers l’hémisphère sud, ses cardinaux conserveront néanmoins un rôle clé dans les délibérations à venir.

    Lorsqu'ils entreront dans la chapelle Sixtine pour élire le successeur de Pierre, les cardinaux européens porteront sur leurs épaules une lourde responsabilité quant au sort de leur continent, confronté à des défis sans précédent depuis l'Église des premiers siècles. Alors que certains émettent l'hypothèse que l'Europe pourrait bientôt perdre toute pertinence en raison de l'importance croissante des pays du Sud – où l'Église connaît la croissance la plus rapide –, elle demeure, en tant que centre de gravité institutionnel et théologique, un acteur clé de l'issue du conclave.  

    Alors que 53 des 135 cardinaux votants viennent actuellement d’Europe — dont un tiers sont italiens — leurs priorités et préoccupations collectives influenceront non seulement le choix du prochain pape, mais aussi l’orientation de l’Église dans un monde en mutation rapide. 

    Il apparaît cependant clairement que le bloc européen n'est plus uni. Les divisions autour de l'héritage des réformes du pape François et de la réponse de l'Église aux diverses manifestations de laïcité reflètent des clivages culturels et théologiques plus profonds. Les cardinaux européens devront trouver un équilibre délicat : préserver les enseignements et l'identité traditionnels de l'Église tout en s'adaptant aux nouvelles réalités sociales. 

    Lutter contre la laïcité, les abus sexuels et les divisions au sein de l'Église 

    L'une de leurs préoccupations les plus pressantes sera la laïcité généralisée et la perte drastique d'influence religieuse en Europe. Autrefois cœur de la chrétienté, l'Europe compte aujourd'hui des pays où ceux qui se déclarent « sans religion » sont majoritaires. La fréquentation des messes a globalement chuté fortement depuis les années 1970, et l'influence morale de l'Église sur la vie publique a été presque totalement anéantie, notamment dans des pays comme la France et l'Allemagne. La nécessité de relever les défis croissants auxquels sont confrontées les institutions religieuses et la liberté religieuse dans ces sociétés laïques, où les mouvements pro-vie opèrent légalement mais subissent une pression sociale et politique croissante qui menace leur participation au débat public, pourrait être une priorité essentielle pour nombre d'entre eux. 

    Ces tendances alarmantes s'accompagnent d'un nouveau phénomène significatif : la hausse spectaculaire du nombre de baptêmes de jeunes adultes lors des célébrations de Pâques dans certains pays du Vieux Continent, au premier rang desquels la France, l'Angleterre et la Belgique. La nécessité d'accompagner ce phénomène de manière appropriée afin qu'il porte ses fruits sur le long terme ne devrait pas non plus échapper à l'attention des cardinaux électeurs, d'autant plus que les évêques de France viennent d'annoncer la tenue d'un concile provincial pour répondre aux défis des nouveaux catéchumènes à partir de la Pentecôte 2026. 

    Les cardinaux chercheront un pontife capable d'inspirer le respect des dirigeants européens et de s'adresser aux jeunes générations en quête de repères moraux et identitaires, d'une manière adaptée au langage et aux codes d'aujourd'hui.  

    Par ailleurs, la crise des abus sexuels demeure une plaie majeure pour l'Église européenne. Les scandales en Allemagne, en France, en Espagne, en Belgique et en Italie ont gravement ébranlé la confiance du public. Si le pape François a introduit certaines réformes , de nombreux cardinaux européens estiment qu'une action plus décisive est nécessaire. Certains plaideront pour une plus grande transparence et une plus grande responsabilité, tandis que d'autres pourraient se montrer plus prudents à l'égard de réformes structurelles plus profondes, craignant qu'elles n'engendrent un climat de suspicion excessive et, à terme, ne compromettent le sacerdoce et l'autorité de l'Église, voire ne compromettent le secret de la confession.  

    La question de l'unité durable de l'Église catholique a également été posée par la récente Voie synodale allemande (2019-2023) et son projet de transformation en concile synodal permanent . Ce dernier a remis en question certains enseignements doctrinaux fondamentaux de l'Église concernant la sexualité, l'ordination des femmes et la prédication laïque, provoquant des tensions avec le Vatican. Le Synode sur la synodalité, initié par le pape François entre 2021 et 2024, a révélé les divisions croissantes entre les évêques européens quant au degré d'autorité que les Églises nationales devraient avoir dans l'élaboration de la pratique catholique, ce qui constituera un autre sujet de préoccupation incontournable.  

    Parallèlement, la redéfinition des mouvements politiques en cours en Europe, marquée notamment par l'émergence de partis populistes de droite, ne manquera pas d'avoir un impact sur la vie des Églises nationales. Alors que nombre de ces nouveaux dirigeants affirment ouvertement leur foi chrétienne et leur sympathie pour l'Église catholique, de nombreux cardinaux pourraient être enclins à élire un pape capable d'engager habilement le dialogue avec eux et ainsi de maintenir l'influence du Saint-Siège sans compromettre son indépendance et son universalité.  

    Enfin, ils devront nécessairement tenir compte de la future mise en œuvre du motu proprio Traditionis Custodes qui a imposé de sévères restrictions à la célébration de la messe traditionnelle latine. Cela a donné lieu à de grandes tensions entre la hiérarchie de l’Église et les communautés locales, souvent constituées en grande partie de jeunes : l’avenir du christianisme.  

    3 blocs de base   

    Ces dynamiques contrastées ont favorisé l’émergence de trois blocs principaux qui façonneront l’approche des cardinaux votants au conclave. 

    Le bloc réformiste, ou « pro-François », aspire à la continuité avec l'approche pastorale du pape argentin, largement axée sur la miséricorde, la justice sociale et le dialogue interreligieux. Ce groupe est ouvert à des réformes sur des questions telles que l'inclusion des couples de même sexe, l'accès à la communion pour les couples divorcés remariés et une plus grande implication des laïcs. Il est également favorable à une plus grande promotion de l'œcuménisme et du dialogue avec l'islam. Des cardinaux tels que l'Italien Matteo Zuppi, le Portugais José Tolentino de Mendonça (également préfet du Dicastère pour la Culture et l'Éducation), le Français Jean-Marc Aveline et le Polonais Grzegorz Ryś en font partie. Ils sont susceptibles de plaider en faveur d'un engagement accru de l'Église dans la société moderne. 

    Le bloc conservateur, quant à lui, privilégie la clarté doctrinale et la cohérence morale à la flexibilité pastorale. Ce groupe considère la décentralisation et l'évolution doctrinale avec prudence, considérant ces changements comme une menace pour l'unité et l'autorité historique de l'Église. Il préconisera probablement une clarification et un nettoyage des différents motu proprios du pape François , perçus comme confus par une partie de l'Église institutionnelle et des fidèles, comme l'a récemment souligné le vaticaniste italien Andrea Gagliarducci . Des cardinaux comme Gerhard Müller d'Allemagne, Péter Erdő de Hongrie ou Wim Eijk des Pays-Bas représentent des figures éminentes de ce groupe.  

    Un dernier bloc, que l'on pourrait définir comme celui des stabilisateurs institutionnels, se concentre sur la gouvernance et la stabilité interne du Vatican. Ce groupe cherche à équilibrer tradition et flexibilité pastorale sans introduire de changements structurels majeurs. Des cardinaux tels que l'Italien Pietro Parolin, actuel secrétaire d'État du Saint-Siège ; le Suisse Kurt Koch, préfet du Dicastère pour la promotion de l'unité des chrétiens ; et l'Italien Claudio Gugerotti, préfet du Dicastère pour les Églises orientales, se positionnent au sein de cette faction. Qu'ils soient progressistes ou conservateurs, ces profils sont perçus comme essentiellement pragmatiques et susceptibles de soutenir un pontife capable d'unifier les différentes factions au sein de l'Église et de restaurer la crédibilité du Vatican sans introduire de réformes perturbatrices. 

    Préserver le poids institutionnel de l'Europe 

    Les cardinaux européens votants, dont 17 sont italiens, s'efforceront probablement de maintenir leur influence au sein de la gouvernance du Vatican, car un nouveau pape issu du Sud pourrait consolider le changement culturel initié par le pape François. Leur défi sera donc de trouver un pape capable de préserver le poids institutionnel de l'Europe sans compromettre la dynamique croissante du Sud. 

    Même si le prochain pape ne sera peut-être pas européen, le vote des cardinaux européens aura un poids considérable. Ils souhaiteront, comme successeur de saint Pierre, un homme capable de renforcer la clarté doctrinale et de restaurer la crédibilité de l'Église, tout en répondant aux nouvelles réalités sociales et politiques sans aliéner les factions clés. Aucun candidat ne satisfera probablement à tous ces critères, mais les priorités des cardinaux européens pèseront fortement sur l'agenda du prochain pape. Les enjeux sont d'autant plus importants qu'une perte d'influence européenne consolidée au fil du temps pourrait transformer définitivement le visage de l'Église universelle. 

  • Le conclave, une équation à plusieurs inconnu(e)s

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    De FSSPX News :

    Le conclave, cette équation à plusieurs inconnu(e)s

     
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    Les cardinaux répartis par continents

    Nombreux sont ceux qui se livrent à des pronostics pour tenter de deviner le nom du 267e successeur de Pierre. Mais à l’heure qu’il est, bien malin qui pourrait prédire infailliblement qui sera le prochain pontife romain. Néanmoins, il existe quelques données chiffrées et factuelles qui vont entrer en compte dans l’élection du prochain pape. En voici quelques unes.

    D’abord, le nombre d'électeurs qui ont confirmé leur présence le 7 mai 2025 s'élève à 133 membres – 2 électeurs ayant annulé leur venue pour raison de santé – et le futur élu devra rallier les deux tiers des voix, soit 89 électeurs. La minorité de blocage s’élève à 45, un chiffre jamais atteint jusqu’ici et qui pourrait causer des surprises. Dans l’histoire des conclaves, ce sont souvent ces minorités de blocage qui ont permis l’élection de cardinaux inattendus. Pour le pire ou le meilleur selon les cas, d’ailleurs.

    Une deuxième variable est celle du pontificat de création des cardinaux-électeurs : 108 ont été créés par François et 27 par Benoît XVI. Les premiers représentent donc environ 80% des électeurs, ce qui reflète une influence significative du pontificat qui vient de s’achever sur la composition du conclave. Il serait néanmoins erroné de croire que ces 108 électeurs sont des “clones” de François.

    Certains ne sont pas opposés à un recentrage, comme l’a déclaré aux médias français le cardinal François-Xavier Bustillo. Mais ces cardinaux choisis par François sont, plus ou moins, le fruit d’une stratégie visant à façonner un collège cardinalice aligné sur les priorités du pontife défunt, résumées en synodalité et justice sociale, que les cardinaux n’entendent pas forcément de façon uniforme.

    L’origine des électeurs jouera un rôle. L’Afrique en compte 18. Le pape François a nommé des cardinaux de pays émergents, (République démocratique du Congo, Centrafrique, Rwanda). Ces choix illustrent l’importance croissante du continent africain qui devrait devenir le poumon de l’Eglise d’ici la fin du XXIe siècle.

    L’Asie compte 23 électeurs : autant de nominations qui manifestent la priorité donnée à l’Asie, région de 150 millions de catholiques en relative expansion. L’Amérique latine en compte 21 : François, premier pape latino-américain, a renforcé une région qui regroupe 50% des catholiques du monde, et qui constitue, pour quelques décennies encore, le centre de gravité de l’Eglise.

    L’Europe compte 53 électeurs, ce qui fait d’elle un continent sous-représenté par rapport à son influence historique passée, mais sur-représenté en raison de sa sécularisation croissante. L’Amérique du Nord rassemble 16 électeurs : des nominations marquées par une approche sélective, où les archevêques conservateurs des grands diocèses américains ont été écartés.

    L’Océanie compte 4 électeurs : des figures mineures comme les cardinaux John Dew et Soane Patita Paini Mafi illustrent l’attention portée par le défunt pape aux “petites” nations. Car le pontife argentin nommé des cardinaux de diocèses « périphériques », réduisant ainsi l’influence des centres de pouvoir traditionnels. Cette diversité pourrait compliquer la formation de blocs homogènes.

    Autre variable : le positionnement « doctrinal » des électeurs. Les cardinaux nommés par François partagent généralement sa vision d’une Eglise synodale, mais leur pensée varie de progressiste modéré à conservateur modéré. Les tendances de ces 108 cardinaux “franciscains” incluent :

    – un bloc progressiste modéré majoritaire, qui se veut « pastoral ». La plupart des ces électeurs soutiennent les priorités de François, notamment autour de la synodalité, de la justice sociale et de l’écologie : des figures comme les cardinaux Peter Turkson et Matteo Zuppi incarnent cette approche.

    – un bloc conservateur modéré minoritaire (environ un tiers des électeurs nommés par le défunt pape) : certains cardinaux, souvent d’Afrique ou d’Asie, adoptent des positions conservatrices sur les questions morales (mariage, homosexualité) tout en soutenant les réformes pastorales.

    Ainsi, les 108 électeurs forment un spectre majoritairement progressiste “pastoral”, mais avec une diversité interne qui favorise le compromis. Ils sont moins idéologiques que pragmatiques, privilégiant un visage moderne de l’Eglise qui s’inscrit toutefois dans une certaine continuité excluant les excès progressistes observés ces dernières années.

    Les 27 cardinaux électeurs nommés par Benoît XVI se caractérisent par leur conservatisme théologique, leur forte représentation européenne (55-60%), et leur ancrage curial et doctrinal. Majoritairement critiques des réformes progressistes de François, ils privilégient la rigueur doctrinale, une liturgie plus ou moins « traditionnelle », et une autorité romaine forte.

    Cependant, une minorité plus progressiste existe en leur sein, plus ouverte au compromis. Toutefois, au conclave, ces cardinaux nommés par Benoît XVI pourraient bloquer un candidat trop progressiste. Leur influence dépendra néanmoins de leur capacité à s’organiser, mais déjà, les cardinaux Robert Sarah, Gerhard Müller et Raymond Burke semblent s’être mis au travail.

    Les cardinaux issus de la Curie entendent aussi jouer un rôle dans l’élection, pour éviter un candidat qui lui serait opposé. Le pape défunt s’est en effet affronté de façon ouverte à la Curie durant son pontificat : celle-ci est donc bien peu disposée à renouveler ce qui demeurera comme une douloureuse expérience.

    Au-delà de ces variables, une constante demeure : le Saint-Esprit qui, quoi qu’il arrive, guidera le choix des électeurs dans l’exécution de la Providence divine pour le plus grand bien de l’Eglise. Mais ce bien peut être plus ou moins proche ou éloigné… Face à la fresque du Jugement Dernier de Michel-Ange, les cardinaux peuvent méditer sur leur haute responsabilité. Prions pour eux.

  • Le Nigéria est en train de devenir une immense morgue nationale (Évêque Kukah)

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    Lu sur The Sun (Nigeria) :

    Le Nigéria est en train de devenir une immense morgue nationale – Évêque Kukah

    L'évêque catholique du diocèse de Sokoto, Mgr Matthew Kukah

    L'évêque catholique du diocèse de Sokoto, Mgr Matthew Kukah

    De Shafa'atu Suleiman, Sokoto

    Dans son message de Pâques pour 2025, l'évêque Matthew Hassan Kukah du diocèse catholique de Sokoto a lancé un avertissement terrible sur l'état du Nigeria, décrivant le pays comme devenant progressivement une « immense morgue nationale » en raison de l'insécurité et de la violence qui y règnent.

    Selon l’évêque Kukah, la nation « atteint un point de rupture » alors que des citoyens innocents sont kidnappés et détenus dans des conditions inhumaines, et qu’un « sombre voile de mort » plane sur le pays.

    Il a exhorté le président Bola Tinubu à « nous faire descendre de cette croix du mal » et à redonner espoir à la nation.

    L'évêque reconnaît que, même si l'administration actuelle n'est pas à l'origine de cette crise, elle a la responsabilité d'y remédier. Il ajoute que la culture omniprésente de cynisme et de désespoir parmi les citoyens témoigne du besoin urgent d'un regain d'espoir et d'une gouvernance efficace.

    « Il est temps maintenant de raviver et de renouveler cet espoir », a-t-il déclaré, soulignant l’importance de la foi pour surmonter l’adversité.

    « Nous sommes aujourd’hui confrontés à un dilemme, et la question est simple : la persistance de l’insécurité est-elle le signe d’un manque de capacités de nos hommes et femmes en uniforme, ou est-ce la preuve que ceux qui sont au sommet récoltent les fruits du financement de leur propre machine de guerre ? »

    Permettre à cette insécurité de perdurer compromettra toute forme de bonne volonté défendue par ce gouvernement ou tout autre gouvernement nigérian. Nous avons tous les ingrédients pour créer un mélange toxique de violence susceptible de devenir incontrôlable.

    Il a déploré la façon dont la frustration a pénétré tous les pans de la société, d’autant plus que le gouvernement et ses agences de sécurité semblent être devenus en grande partie spectateurs de la danse de la mort qui s’est emparée du pays.

    L'évêque a rappelé aux fidèles chrétiens que la résurrection de Jésus permet aux chrétiens d'affronter les défis de la vie avec confiance.

    À Pâques, rappelons-nous que la loi du Seigneur est inscrite dans nos cœurs (Romains 2:15). Les difformités structurelles, les iniquités et la corruption de notre pays ne doivent pas nous inciter à baisser la garde.

    « Voyez, nous sommes la lumière du monde, une ville perchée sur une colline. Nous sommes dotés de la lumière du Christ pour chasser les ténèbres qui menacent d'engloutir notre pays. Renouvelons collectivement notre engagement et notre espoir de bâtir une société selon l'esprit de notre Créateur. »

    Lire aussi : Nigeria : 200 chrétiens tués pendant la Semaine sainte

  • Une évaluation des décisions les plus controversées du pape François

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    D'Elise Ann Allen sur The Catholic Herald :

    Évaluation des décisions les plus controversées du pape François

    23 avril 2025

    Le pape François fut une figure mondialement appréciée et respectée durant ses douze années à la tête de l'Église catholique. Mais il a également suscité de nombreuses controverses durant son pontificat, dont une grande partie…grâce aux réseaux sociaux, jouée visiblement en temps réel.

    Après une première « phase de lune de miel » après l'élection de François, dont il avait lui-même prédit qu'elle ne durerait pas longtemps, les critiques ont commencé à affluer – atteignant parfois une cascade – lorsqu'il a commencé à prendre des décisions sérieuses, et il est devenu clair que son pontificat marquerait un changement par rapport au ton plus conservateur de ses deux prédécesseurs immédiats.

    Alors que l’Église et le monde réfléchissent à l’héritage et à l’impact de son pontificat, voici un aperçu de ce qui est sans doute les décisions les plus controversées qu’il a prises.

    Plaidoyer politique

    La décision claire de François de s’impliquer dans ce qui est traditionnellement considéré comme des débats politiques, de l’économie à la politique migratoire – et, bien sûr, le camp qu’il a choisi – a été une source de débat presque dès le début.

    Au début, ce débat s'est concentré sur son plaidoyer en faveur des pauvres et sa critique systématique du système capitaliste et de l'économie de ruissellement, ce qui lui a valu une réputation de marxiste auprès de certains. Sa critique de l'économie de marché a également suscité des réactions négatives, notamment de la part des catholiques américains de droite ; en 2013, une personnalité conservatrice de la radio américaine a notamment accusé François d'adopter un « marxisme pur ».

    Ces allégations ont été encore renforcées lorsque François a reçu un crucifix en forme de marteau et de faucille, le symbole communiste traditionnel, du président bolivien Evo Morales lors d'une visite en Amérique du Sud en 2015 ; quelques mois plus tard, il a rencontré Fidel Castro lors d'une brève escale à Cuba en septembre de la même année.

    Pourtant, François a constamment nié ces accusations, affirmant qu’il ne faisait que promouvoir les valeurs de l’Évangile et la doctrine sociale de l’Église catholique.

    Ses opinions sur l’immigration, le changement climatique et l’environnement ont été parmi les plus controversées de son pontificat.

    Lorsque le pape a publié son encyclique sur l'environnement  Laudato Si  en 2015, elle a immédiatement été accueillie par une vague de réactions négatives de la part des critiques qui soutenaient que le changement climatique était un mythe et n'était pas quelque chose causé par l'humanité, comme le pape l'avait soutenu, alors qu'il s'agissait d'un problème sur lequel l'Église n'avait de toute façon pas le droit de s'engager.

    Les critiques du pape ont riposté à la science du document, le qualifiant de faux, et ont de nouveau contesté sa critique du système de marché mondial.

    Les appels répétés du pape François en faveur d'une politique de porte ouverte pour les migrants et les réfugiés en Europe et au-delà ont également rencontré une résistance, non seulement de la part des citoyens qui considéraient l'afflux important de migrants comme un problème, mais aussi de la part des politiciens populistes de droite qui ont un point de vue très différent sur la question.

    Au fil des ans, le pape François s'est heurté à plusieurs hommes politiques sur cette question, notamment l'homme politique italien Matteo Salvini, ancien ministre italien de l'Intérieur, le Premier ministre hongrois Viktor Orban et, plus récemment, le président américain Donald Trump au sujet de ses projets d'expulsion massive.

    Amoris Laetitia

    Le contrecoup est encore plus grand après son exhortation post-synodale de 2016,  Amoris Laetitia , ou la « Joie de l’amour », qui s’appuyait sur les conclusions du Synode des évêques de 2014-2015 sur la famille.

    Le tollé ne concernait pas tant le document lui-même, mais plutôt la note de bas de page 351 du chapitre huit, dans laquelle le pape ouvrait une porte prudente pour que les couples divorcés et remariés puissent recevoir la communion au cas par cas.

    La note de bas de page se trouve au paragraphe 305 du document, dans une section sur les familles blessées et les familles vivant dans des situations irrégulières, qui dit qu'« un pasteur ne peut pas penser qu'il suffit simplement d'appliquer des lois morales à ceux qui vivent dans des situations « irrégulières », comme s'il s'agissait de pierres à jeter sur la vie des gens ».

    En raison de facteurs atténuants, le pape a déclaré qu'il est possible que des personnes vivant dans « un état objectif de péché » puissent néanmoins vivre dans la grâce de Dieu et grandir dans cette grâce avec l'aide de l'Église.

    À ce stade, le pape a inclus la désormais tristement célèbre note de bas de page 351, dans laquelle il a déclaré, en termes d’aide de l’Église : « Dans certains cas, cela peut inclure l’aide des sacrements. »

    François a ensuite rappelé dans la note de bas de page aux prêtres que « le confessionnal ne doit pas être une chambre de torture, mais plutôt une rencontre avec la miséricorde du Seigneur… Je voudrais également souligner que l'Eucharistie n'est pas une récompense pour les parfaits, mais un puissant médicament et une nourriture pour les faibles. »

    L’accès à la communion pour les couples divorcés et remariés a été l’une des questions les plus controversées lors des synodes des évêques sur la famille, beaucoup affirmant que l’autoriser violerait l’enseignement officiel de l’Église et impliquerait un changement dans la vision catholique du mariage.

    La position du pape François était cependant que tous les couples ne sont pas identiques et qu'aucune situation n'est noire ou blanche, donc l'enseignement de l'Église devrait permettre aux pasteurs d'être proches de ces couples et de procéder à un discernement approprié avec eux pour savoir si et quand l'accès à la communion pourrait être accordé.

    Dans le sillage d'  Amoris Laetitia , de nombreuses conférences épiscopales nationales ont publié des directives pour son application, qui incluaient l'octroi de la communion aux divorcés remariés au cas par cas, ce qui a provoqué une réaction encore plus forte contre le pape François pour avoir ouvert la porte.

    Le débat fut si intense que quatre cardinaux conservateurs de premier plan, dont le cardinal américain Raymond Burke, ont adressé cinq  dubia , ou doutes, au pape François sur la validité de la note de bas de page 351 au vu de l'enseignement de l'Église ; cependant, sans recevoir de réponse, ils ont publié les  dubia  dans les médias catholiques conservateurs, provoquant un nouveau tollé et devenant un point de référence dans le débat pendant plusieurs années.

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  • “Ne me tournez pas contre Cyrille” : le Pape François dans les souvenirs de Poutine et du patriarche de Moscou

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo (en français sur diakonos.be) :

    “Ne me tournez pas contre Cyrille”. Le Pape François dans les souvenirs de Poutine et du patriarche de Moscou

    Un commentaire très particulier se distingue de la masse de ceux qui suivi la mort du Pape François. Il est parvenu de Moscou d’où il émane des deux plus hautes autorités de la Russie politique et religieuse : le président Vladimir Poutine et le patriarche orthodoxe Cyrille.

    L’après-midi du mardi 22 avril, Poutine et Cyrille ont eu une entrevue au Kremlin avec le patriarche de Serbie, Porphyre (voir photo). Et aussi bien la vidéo que la retranscription de ce colloque ont fait leur apparition sur le site web officiel du président russe.

    Voici quelques extraits de déclarations qu’ils se sont échangées, tout d’abord sur la proximité entre la Serbie et la Russie en tant que partis du « Russkij mir » commun opposé à l’Occident « démoniaque » et ensuite avec des références directes au Pape François.

    Ni Poutine ni Cyrille ne seront à Rome aux funérailles du Pape François samedi 26 avril. C’est le métropolite Antoine de Volokolamsk, président du département pour les relations ecclésiastiques extérieures, très proche de la Communauté de Sant’Egidio et du cardinal Matteo Zuppi, qui sera présent.

    *

    Extrait de la retranscription de la rencontre au Kremlin entre Poutine, Cyrille et Porphyre

    Moscou, le 22 avril 2025

    Patriarche Porphyre : J’étais à Jérusalem il y a deux semaines où j’ai discuté avec le patriarche [orthodoxe] de Jérusalem. […] Et quand nous avons parlé de l’orthodoxie au niveau mondial, il m’a dit : nous, les orthodoxes, avons une carte maîtresse. J’ai demandé : laquelle ? Vladimir Poutine, m’a‑t-il répondu. […] Mon souhait et celui de la majorité de notre Église est qu’à l’avenir, s’il y avait une nouvelle division géopolitique, nous restions proches dans ce monde russe commun. […]

    V. Poutine : Votre Sainteté, vous avez parlé d’identité. C’est ce qu’est en train de faire l’Église orthodoxe russe sous la direction de Sa Sainteté le patriarche de Moscou et de toute les Russies. Sa Sainteté le Patriarche [Cyrille] fait de grands efforts pour renforcer nos valeurs traditionnelles, nos principes spirituels.

    Patriarche Cyrille : Cher Vladimir Vladimirovitch ! Je suis très heureux que cette rencontre ait eu lieu. De toutes les Églises orthodoxes, l’Église serbe est celle qui est la plus proche de l’Église russe, tant par la culture, la langue que par l’histoire. […] Mais il y a une autre chose que je voudrais dire : les Serbes sont, bien sûr, situés plus à l’ouest que nous, le Seigneur en a décidé ainsi. C’est une Église qui entre en contact direct avec le monde occidental, dont on peut recevoir, et dont on a probablement reçu, bien des choses utiles aussi bien dans le domaine scientifique que culturel. Mais avec ce qui est en train d’arriver à la moralité humaine, à l’éthique en Occident, oui, je le dis-le tout haut, de quoi peut-on avoir honte ? Toute cette histoire est démoniaque.

    Patriarche Porphyre : c’est vrai.

    Patriarche Cyrille : Et pourquoi démoniaque ? Parce que le rôle du démon, c’est de faire perdre à l’homme la différence entre le bien et le mal. Il existe des comportements au sujets desquels l’Église dit : tu ne peux pas le faire. Et la parole de Dieu dit : tu ne peux pas le faire. Mais la culture laïque moderne dit : pourquoi pas ? Une personne n’est-elle pas libre d’agir comme elle l’entend ? Est-ce que cela ne relève pas de la liberté de chacun ?

    Cette approche détruit les fondements moraux de l’existence humaine et pourraient entraîner de terribles catastrophes civilisationnelles. Parce que si l’intégrité de la personne humaine est détruite, tout ce qui en découle s’effondre. L’Église orthodoxe russe, comme on sait, soutient ces positions et les défend sur la scène internationale. Mais naturellement, nous avons besoin de bons alliés.

    V. Poutine : Votre Sainteté, vous avez parlé de ce qui est en train de se passer dans la partie occidentale de notre monde. Nous tous ici le savons bien, nous l’avons tous vu, nous avons été témoins de votre rencontre avec le pape, qui nous a quitté en ces jours de Pâques. Cela, me semble-t-il, démontre que même en Occident, il y a encore des personnes, il y a des forces, et des forces spirituelles, qui s’engagent à rétablir les relations et à faire revivre les principes spirituels.

    Patriarche Cyrille : C’est à juste titre que vous avez évoqué le pape défunt. C’était un homme aux idées et aux convictions assez fortes, en dépit des fortes pressions auxquelles il était soumis, notamment en ce qui concerne le refroidissement des relations avec l’Église russe.

    À présent qu’il est dans l’autre monde, je peux le citer avec confiance, sans lui demander la permission. Quand on lui a vraiment mis la pression, si vous me pardonnez cette expression vulgaire, il a seulement prononcé cette petite phrase : « Ne me tournez pas contre Cyrille ». Puis il a fait demi-tour et il est parti. Et ceux qui le pressaient étaient ses proches collaborateurs : [ils lui disaient] qu’il fallait changer de cap, qu’il était impossible, pour ainsi dire, de rester liés à la politique russe.

    Cette petite phrase – « Ne me tournez pas contre Cyrille » — est restée dans ma mémoire et dans ma conscience pendant tout le temps qu’il était en vie. Nos relations étaient bonnes. À présent le Seigneur l’a rappelé dans un autre monde, mais les plus beaux souvenirs que je garde de lui concernent son attitude aussi bien envers la Russie qu’avec l’Église russe.

    V. Poutine : C’est pareil pour moi. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises. Il était de manière naturelle – je peux le dire – bien disposé envers la Russie. Vu ses origines latino-américaines et l’état d’esprit de l’écrasante majorité des citoyens des pays latino-américains, il partageait probablement lui aussi ces sentiments et il a tissé des relations avec la Russie de la manière la plus bienveillante.

    ———

    Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire L’Espresso.
    Tous les articles de son blog Settimo Cielo sont disponibles sur diakonos.be en langue française.
    Ainsi que l’index complet de tous les articles français de www.chiesa, son blog précédent.

  • "Chaque vie est précieuse ! Celle de l’enfant dans le ventre de sa mère, comme celle de la personne âgée ou malade" (message pascal du Pape)

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    MESSAGE URBI ET ORBI DU PAPE FRANÇOIS

    PÂQUES 2025

    Place Saint-Pierre
    Dimanche, 20 avril 2025

    Le Christ est ressuscité, alléluia !

    Frères et sœurs, joyeuses Pâques !

    Aujourd’hui, l’Alléluia résonne enfin dans l’Église, se répercutant de bouche en bouche, de cœur à cœur, et son chant fait couler des larmes de joie dans le peuple de Dieu du monde entier.

    Du tombeau vide de Jérusalem nous parvient l’annonce sans précédent : Jésus, le Crucifié, « n’est pas ici, il est ressuscité » (Lc 24, 6). Il n’est pas dans le tombeau, il est vivant !

    L’amour a vaincu la haine. La lumière a vaincu les ténèbres. La vérité a vaincu le mensonge. Le pardon a vaincu la vengeance. Le mal n’a pas disparu de notre histoire, il restera jusqu’à la fin, mais il n’a plus le dessus, il n’a plus de pouvoir sur ceux qui accueillent la grâce de ce jour.

    Sœurs et frères, surtout vous qui êtes dans la souffrance et l’angoisse, votre cri silencieux a été entendu, vos larmes ont été recueillies, pas même une seule n’a été perdue ! Dans la passion et la mort de Jésus, Dieu a pris sur lui tout le mal du monde et, dans son infinie miséricorde, il l’a vaincu : il a déraciné l’orgueil diabolique qui empoisonne le cœur de l’homme et sème partout la violence et la corruption. L’Agneau de Dieu a vaincu ! C’est pourquoi aujourd’hui nous proclamons : « Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! » (Séquence pascale).

    Oui, la résurrection de Jésus est le fondement de l’espérance : à partir de cet événement, espérer n’est plus une illusion. Non. Grâce au Christ crucifié et ressuscité, l’espérance ne déçoit pas ! Spes non confundit ! (cf. Rm 5, 5). Et ce n’est pas une espérance évasive, mais engageante ; elle n’est pas aliénante, mais responsabilisante.

    Ceux qui espèrent en Dieu mettent leurs mains fragiles dans sa main grande et forte, se laissent relever et se mettent en route : avec Jésus ressuscité, ils deviennent des pèlerins d’espérance, des témoins de la victoire de l’Amour, de la puissance désarmée de la Vie.

    Le Christ est ressuscité ! Cette annonce renferme tout le sens de notre existence, qui n’est pas faite pour la mort mais pour la vie. Pâques est la fête de la vie ! Dieu nous a créés pour la vie et veut que l’humanité ressuscite ! À ses yeux, chaque vie est précieuse ! Celle de l’enfant dans le ventre de sa mère, comme celle de la personne âgée ou malade, considérées dans un nombre croissant de pays comme des personnes à rejeter.

    Que de volonté de mort nous voyons chaque jour dans les nombreux conflits qui touchent différentes parties du monde ! Que de violence nous voyons souvent aussi dans les familles, à l’égard des femmes ou des enfants ! Que de mépris se nourrit parfois envers les plus faibles, les marginalisés, les migrants !

    En ce jour, je voudrais que nous recommencions à espérer et à avoir confiance dans les autres, même dans ceux qui ne sont pas proches de nous ou qui viennent de pays lointains avec des usages, des modes de vie, des idées et des coutumes différents de ceux qui nous sont les plus familiers, car nous sommes tous enfants de Dieu !

    Je voudrais que nous recommencions à espérer que la paix est possible ! Depuis le Saint-Sépulcre, l’église de la Résurrection, où cette année Pâques est célébrée le même jour par les catholiques et les orthodoxes, que la lumière de la paix rayonne sur toute la Terre Sainte et sur le monde entier. Je suis proche des souffrances des chrétiens de Palestine et d’Israël, ainsi que de tout le peuple israélien et de tout le peuple palestinien. Le climat d’antisémitisme croissant qui se répand dans le monde entier est préoccupant. En même temps, mes pensées vont à la population et en particulier à la communauté chrétienne de Gaza, où le terrible conflit continue de semer la mort et la destruction et de provoquer une situation humanitaire dramatique et ignoble. J’appelle les belligérants : cessez le feu, que les otages soient libérés et que l’aide précieuse soit apportée à la population affamée qui aspire à un avenir de paix !

    Prions pour les communautés chrétiennes du Liban et de Syrie qui aspirent à la stabilité et à participer au destin de chaque nation, alors que ce dernier pays traverse une période délicate de son histoire. J’exhorte l’Église tout entière à accompagner les chrétiens du Moyen-Orient bien-aimé par l’attention et la prière.

    J’adresse également une pensée particulière au peuple du Yémen, qui connaît l’une des pires crises humanitaires “prolongées” au monde, en raison de la guerre, et j’appelle tout le monde à trouver des solutions par le biais d’un dialogue constructif.

    Que le Christ Ressuscité répande le don pascal de la paix sur l’Ukraine meurtrie et encourage tous les acteurs à poursuivre les efforts pour parvenir à une paix juste et durable.

    En ce jour de fête, pensons au Caucase du Sud et prions pour que soit rapidement signé et mis en œuvre un Accord de paix définitif entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, conduisant à la réconciliation tant désirée dans la région.

    Que la lumière de Pâques inspire des propositions de concorde dans les Balkans occidentaux et aide les acteurs politiques à œuvrer pour éviter la montée des tensions et des crises, ainsi que les acteurs de la région à rejeter les comportements dangereux et déstabilisants.

    Que le Christ Ressuscité, notre espérance, accorde la paix et le réconfort aux populations africaines victimes de violences et de conflits, en particulier en République Démocratique du Congo, au Soudan et au Soudan du Sud, et qu’il soutienne ceux qui souffrent des tensions au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et dans la région des Grands Lacs, sans oublier les chrétiens qui, en de nombreux endroits, ne peuvent pas professer librement leur foi.

    Aucune paix n’est possible là où il n’y a pas de liberté religieuse ni de liberté de pensée et d’expression, ni de respect des opinions d’autrui.

    Aucune paix n’est possible sans véritable désarmement ! Le besoin de chaque peuple de pourvoir à sa propre défense ne peut se transformer en une course générale au réarmement. Que la lumière de la Pâques nous pousse à abattre les barrières qui créent des divisions et qui sont lourdes de conséquences politiques et économiques. Qu’elle nous pousse à prendre soin les uns des autres, à accroître notre solidarité mutuelle, à œuvrer pour favoriser le développement intégral de toute personne humaine.

    Ces jours, aidons le peuple birman, tourmenté depuis des années par un conflit armé, et qui affronte avec courage et patience les conséquences du tremblement de terre dévastateur à Sagaing ayant causé la mort de milliers de personnes et provoqué la souffrance de nombreux survivants, parmi lesquels des orphelins et des personnes âgées. Nous prions pour les victimes et leurs proches et remercions de tout cœur tous les généreux bénévoles qui participent aux opérations de secours. L’annonce d’un cessez-le-feu par divers acteurs du pays est un signe d’espérance pour tout le Myanmar.

    J’appelle tous ceux qui, dans le monde, ont des responsabilités politiques, à ne pas céder à la logique de la peur qui enferme, mais à utiliser les ressources disponibles pour aider les personnes dans le besoin, lutter contre la faim et favoriser des initiatives qui promeuvent le développement. Ce sont là les “armes” de la paix : celles qui construisent l’avenir, au lieu de semer la mort !

    Que le principe d’humanité ne soit jamais abandonné, car il est la clé de voûte de notre action quotidienne. Face à la cruauté des conflits qui impliquent des civils sans défense, qui s’en prennent aux écoles et aux hôpitaux ainsi qu’aux agents humanitaires, nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier que ce ne sont pas des cibles qui sont touchées, mais des personnes avec une âme et une dignité.

    Et en cette année jubilaire, que Pâques soit aussi l’occasion de libérer les prisonniers de guerre et les prisonniers politiques !

    Chers frères et sœurs,

    dans la Pâques du Seigneur, la mort et la vie se sont affrontées dans un duel prodigieux, mais le Seigneur vit désormais pour toujours (cf. Séquence pascale) et nous donne la certitude que nous sommes nous aussi appelés à participer à la vie qui ne connaît pas de déclin, dans laquelle on n’entendra plus le fracas des armes ni les échos de la mort. Confions-nous à Lui qui seul peut faire toutes choses nouvelles (cf. Ap 21, 5) !

    Joyeuses Pâques à tous !

  • Il y a cinquante ans, le cauchemar des Khmers rouges commençait au Cambodge

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    De Stefano Magni sur la NBQ :

    Il y a cinquante ans, le cauchemar des Khmers rouges commençait au Cambodge

    Le 17 avril 1975, Phnom Penh, la capitale du Cambodge, tombe aux mains des Khmers rouges. Les communistes maoïstes intransigeants ont soumis la population à une gigantesque expérience sociale qui a entraîné deux millions de morts en trois ans.

    17_04_2025

    Victimes des Khmers rouges à Tuol Sleng (La Presse)

    Le 17 avril, il y a 50 ans, Phnom Penh tombait. La capitale du Cambodge est tombée aux mains des Khmers rouges, le mouvement communiste maoïste le plus meurtrier de l'histoire. Au cours des trois années suivantes, le régime, dirigé d’une main de fer par Pol Pot, éliminera un tiers de sa propre population. Son objectif déclaré était de réaliser l’utopie communiste d’ici 1990, peu importe les méthodes utilisées ou le nombre de morts.

    L'arrivée au pouvoir des Khmers rouges intervient après huit années de guerre civile . C'est surtout la guerre du Vietnam qui a détruit l'équilibre déjà précaire de cette région d'Asie du Sud-Est, indépendante de la France en 1953. Le prince Sihanouk, qui avait succédé pacifiquement à la France, était tiraillé entre le communisme (qui se répandait dans toute la région) et une alliance avec les États-Unis, protecteurs du Sud-Vietnam. Lorsque le Nord-Vietnam communiste a commencé à envahir le Sud-Vietnam (nationaliste) en 1959, en infiltrant son armée et ses guérilleros, Sihanouk n'a pas pu ou n'a pas voulu s'y opposer. En 1965, première année de l’intervention américaine au Vietnam, le Cambodge était déjà devenu le principal lieu de transit des Nord-Vietnamiens. Étant un pays neutre, ils ne pouvaient pas être touchés par les Américains et les Sud-Vietnamiens. Sihanouk a violemment réprimé le communisme dans son pays. Dans la seule révolte paysanne du district de Samlaut (qui a éclaté à la suite d'expropriations arbitraires), de 1967 à 1970, il a tué 12 000 personnes. Les militaires coupèrent les têtes des agriculteurs et les envoyèrent à Phnom Penh comme preuve du travail accompli. C'est durant cette période, en opposition au régime, que se développe le mouvement armé des Khmers rouges, inspiré par le maoïsme le plus intransigeant. Mais en politique étrangère, Sihanouk lui-même s'est rapproché de la Chine de Mao et de l'URSS de Brejnev et a rompu avec les Américains.

    En 1970, alors que Sihanouk était à Moscou en visite d’État, l’armée prit le pouvoir. Lon Nol, l’un des pires bourreaux de la répression de Samlaut, devient président, dictateur de facto, de la nouvelle « République khmère ». Il a promis de lutter contre la corruption et d’expulser les Vietnamiens et a immédiatement demandé aux États-Unis d’intervenir pour l’aider. En un mois, Nixon autorisa une intervention terrestre secrète sur le territoire cambodgien. Sur le plan militaire, ce fut un succès : les Nord-Vietnamiens furent chassés des zones frontalières. Politiquement, ce fut un désastre : les communistes de Ho Chi Minh se dispersèrent à travers le pays et enseignèrent aux Khmers rouges comment se battre contre une armée régulière. Lon Nol s’est encore davantage aliéné la population, tout d’abord parce qu’il s’est montré encore plus corrompu que son prédécesseur. Puis, parce qu’il était encore plus violent, il persécuta tous les Vietnamiens du pays, les catholiques et les autres minorités religieuses et réprima dans le sang toute manifestation de dissidence. Les monarchistes et les communistes s'allièrent contre lui : Sihanouk et les Khmers rouges formèrent un Front d'unité nationale. En 1973, ils contrôlaient déjà la moitié du pays et Lon Nol demanda à nouveau l'aide américaine. Nixon autorisa une campagne de bombardements (également secrète) au cours de laquelle des dizaines de milliers de civils, en plus des guérilleros, périrent. Ce fut un succès éphémère : l'avancée des communistes ne fut que temporairement enrayée, mais en réaction aux bombardements les populations paysannes s'engagèrent en masse dans les rangs des Khmers rouges, même s'il était désormais clair, dans les zones qu'ils avaient occupées, que leur régime était bien plus meurtrier que le régime nationaliste de Lon Nol.

    En avril 1975, alors que le Sud-Vietnam était sur le point d’être submergé par le Nord et que les Américains étaient partis depuis longtemps, les Khmers rouges remportèrent la guerre civile. Sihanouk est resté officiellement chef de l’État pendant une année supplémentaire, puis a été placé en résidence surveillée. Le Kampuchea démocratique est né, Khieu Samphan en est le président, mais le véritable homme aux commandes est le Premier ministre, chef du mouvement communiste armé, Saloth Sar, connu sous le nom de Pol Pot. Formé à Paris (il eut Jean Paul Sartre comme mentor), il voulut créer l'utopie communiste dès le premier jour de son règne. Toutes les villes, à commencer par Phnom Penh, ont été évacuées d’urgence. Même les malades et les blessés admis dans les hôpitaux étaient jetés dans la rue. Les nouvelles autorités ont indiqué aux évacués qu'il s'agissait d'une mesure temporaire et qu'il s'agissait d'apporter le strict minimum. En réalité, ils étaient destinés à participer à une expérience sociale gigantesque : transformer des citoyens en paysans. Les évacuations, menées selon des méthodes de déportation, ont coûté des dizaines de milliers de victimes. Et ce n’était que le début de la souffrance.

    L’ensemble de la population cambodgienne a été réorganisée en communautés paysannes. Il n’y avait aucune liberté de mouvement possible : ils étaient en fait des prisonniers dans des camps de travail. Les quarts de travail variaient de 12 à 14 heures par jour, sans aucune pause, sauf pour subir un lavage de cerveau idéologique lors de séances de rééducation. Tous les membres de l’ancien régime et leurs familles ont été exterminés. Toutes les personnes religieuses, quelle que soit leur religion, ont été tuées. Pour le reste, chaque commandant et fonctionnaire local avait droit de vie et de mort sur ses paysans. Les plus sadiques et les plus méfiants tuaient même ceux qui portaient simplement des lunettes, symbole de la dégénérescence bourgeoise. Quiconque était considéré comme « paresseux » dans le travail des champs, qui n’avait pas suffisamment de callosités sur les mains, qui ne répondait pas de manière appropriée aux séances de rééducation, qui connaissait des langues étrangères ou qui exerçait des professions libérales avant l’an zéro de la nouvelle ère pouvait également être tué.

    Parler à la première personne du singulier n'était pas autorisé : le je était banni. L'affection personnelle n'était pas autorisée : les mots doux et les gestes affectueux étaient interdits et punis. Seule la fête devait être aimée. À partir du début de 1977, les mariages étaient arrangés uniquement par des cadres du parti, entre des hommes et des femmes qui ne se connaissaient pas. Les enfants ont été séparés de leurs parents et éduqués par le parti. Tout était partagé, les récoltes étaient enregistrées, la nourriture était rationnée et consommée dans des cantines collectives. La mort par inanition devint la règle et les paysans qui tentaient de voler de la nourriture ou de la consommer pendant qu'ils la cultivaient étaient condamnés à mort.

    Même les cadres et les dirigeants khmers n’étaient pas à l’abri de la peur. Il y a eu de nombreuses tentatives de coup d’État, au moins neuf en trois ans. Pol Pot a réagi en procédant à des purges périodiques. Les principales victimes furent les communistes de retour de l’étranger, encouragés par la propagande de Phnom Penh. Presque tous ont fini sous la hache de la répression. La prison de Tuol Sleng, destinée aux purgés, est devenue le symbole de l'extermination cambodgienne, le seul endroit où l'identité des victimes et la date de leur exécution étaient documentées en détail. Presque tous les détenus de Tuol Sleng ont été tués, soit par des pelotons d’exécution, soit dans des chambres de torture.

    Le régime khmer était également profondément raciste. Malgré l'alliance avec Pékin, il extermina presque tous les Chinois vivant au Cambodge (environ 200 000 périrent dans ce génocide dans le génocide), la minorité musulmane Cham et des dizaines de milliers de Vietnamiens. Et c’est précisément pour sauver ce dernier de l’anéantissement que, fin 1978, le Vietnam envahit le Cambodge. En un peu plus d’un mois, il a balayé le régime infernal. Mais la liberté n'est pas revenue dans le pays, un autre régime communiste a été établi, dirigé par Samrin (un ancien Khmer rouge qui a fui au Vietnam) et seulement moins répressif et meurtrier que le précédent. C’est pourquoi il est si difficile, encore aujourd’hui, de faire la lumière sur l’immense crime des Khmers rouges et de punir les responsables. Faire table rase du passé n’efface cependant pas les deux millions de morts, assassinés en seulement trois ans, avec une intensité sans précédent. Tués au nom d’une utopie, d’un paradis sur terre qui garantissait l’enfer à tout un peuple.

  • L’office des ténèbres du Samedi saint : voyage au bout de la nuit

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    Publié le 06 Avr 2023 Sur le site web du bimensuel « L’Homme Nouveau » :

    « Si les trois cérémonies majeures du Triduum sacré – Messe vespérale du Jeudi Saint, Office de la Croix le Vendredi Saint et Vigile Pascale – sont familières à nombre de fidèles, les offices des Ténèbres sont plus méconnus. Est-ce dû à l’horaire auquel ils sont chantés, peu familial, ou à l’absence d’action liturgique qui les rend peu perméables au néophyte ?  Coup de projecteur sur un office éminemment singulier.

    Communauté Saint-Martin, Office des Ténèbres du Samedi-Saint

    Héritage très ancien des temps où les Matines étaient chantées au cœur de la nuit, ce qui se pratique encore en certains monastères, les Ténèbres rassemblent les deux offices de Matines et Laudes pour chacun des trois jours saints. Cet office nous plonge dans la contemplation de l’abaissement inouï du Fils de Dieu, « qui se fit pour nous obéissant jusqu’à la mort » (Ph 2, 8).

    Alors que d’ordinaire l’office des Laudes s’achève au lever du soleil, symbole triomphant de la gloire de Dieu chantée par l’Église, le principe même des Ténèbres consiste à terminer l’office dans une obscurité profonde. Les rideaux d’un vaste drame en trois actes s’ouvrent sous les yeux de notre âme : les funérailles du Fils de Dieu.

    « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » : laisser la liturgie nous plonger dans l’obscurité

    Afin de baigner les cœurs dans la compassion aux souffrances du Sauveur, la liturgie se dépouille entièrement de ce qui pouvait rappeler la joie du Ciel ou même la Gloire de Dieu. Les traditionnelles formules telles que « Domine, labia mea aperies / Seigneur ouvrez mes lèvres », « Deus in adjutorium meum intende / Dieu venez à mon aide », « Tu autem Domine, miserere nobis / Vous aussi Seigneur ayez pitié de nous », et même le Gloria Patri ont disparu. Les hymnes de même.

    Ne restent que les psaumes encadrés de sobres antiennes, les leçons des nocturnes et les répons qui donnent à eux seuls l’atmosphère spirituelle de ces Offices. Ils ne conservent plus que ce qui leur est essentiel dans la forme, et ils ont perdu toutes ces aspirations vives que les siècles y avaient ajoutées.

    Au maître autel, les six cierges sont de cire jaune, comme les quinze cierges du chandelier mystérieux qui trône dans le chœur. C’est l’extinction progressive de ce chandelier qui marque la seule action liturgique de ces offices. Ces flammes soufflées au rythme des psaumes qui s’achèvent nous représentent ce mystère de la Gloire de Dieu qui peu à peu abandonne Notre-Seigneur…

    Un seul, celui qui est placé à l’extrémité supérieure du chandelier à quinze branches, reste allumé. Pendant le Cantique du Benedictus, en conclusion de l’office de Laudes, les six cierges qui brûlaient sur l’autel sont pareillement éteints. Alors le cierge restant, solitaire, est posé quelques instants sur l’autel, luttant seul contre les ombres qui remplissent l’église : le Christ, abandonné de tous, est cloué à la Croix, mourant pour les hommes, alors que les ténèbres s’amoncellent dans le ciel. Puis le cierge est caché, figure de la sépulture du Christ.

    Alors les clercs présents au chœur, ainsi que les fidèles à genoux dans les travées de la nef, sont invités « taper sur leur banc ». Ce bruit, volontairement confus, se fait entendre tandis que le dernier flambeau a plongé dans l’obscurité. Ce tumulte joint aux ténèbres, explique dom Guéranger, exprime les convulsions de la nature, au moment de la mort du Rédempteur. Mais tout à coup le cierge reparaît ; le bruit cesse. Pourquoi donc ? Car le Rédempteur a triomphé de la mort.

    Les trois jours, ce sont exactement les mêmes cérémonies qui se répètent ; le seul changement est à l’autel : mercredi soir, les nappes sont encore présentes : Jésus n’est pas encore aux mains de ses bourreaux, nous assistons à son agonie au Mont des Oliviers (comme le chante le premier répons) ; jeudi soir, l’autel a été dépouillé : Jésus est entré pleinement dans sa passion, et nous assistons aux profondeurs de ses souffrances ; vendredi soir, la croix est dévoilée, montrant à tous le corps sans vie du Rédempteur : les Ténèbres sont alors le chant de deuil de l’Église qui pleure son Epoux.

    Jérémie, prophète de la déréliction

    La structure des Ténèbres est parfaitement symétrique sur les trois jours. Aux premiers nocturnes, les lamentations du prophète Jérémie, témoin impuissant du malheur et de la ruine de Jérusalem infidèle, font retentir chaque soir leurs accents déchirants sur une mélodie que l’on ne retrouve en aucune autre circonstance, culminant avec la déchirante Oraison de Jérémie du Samedi Saint ; à chaque fois, revient ce lancinant appel à la conversion, seule moyen de sauver la Cité Sainte, qui s’adresse à chacun de nos cœurs : « Jérusalem, Jérusalem, convertis-toi au Seigneur ton Dieu. »

    Les répons, reconstitution de la Passion

    Les répons séparant les leçons sont les seules pièces grégoriennes véritablement développées de ces offices. Ils fondent, par les textes qui les composent, la progression des trois jours en reconstituant les trois étapes du drame de la Passion : trahison, crucifixion, sépulture. Les âmes n’ont qu’à se laisser porter par les différents sentiments que provoquent en elles ces mélodies tour à tour plaintives, graves, tristes ou violentes.

    Le Jeudi Saint met en scène la trahison : nous assistons d’abord à l’agonie du Christ, nous invitant à regretter nos fautes qui font de lui l’Homme de douleur prophétisé par Isaïe. Puis advient la trahison de Judas : nous sommes alors confrontés à nos propres trahisons.

    Les trois derniers répons représentent les douloureux reproches de Jésus : d’abord à tous ceux qui fomentent des complots contre Lui, figures des âmes tièdes qui ne se détournent pas assez du péché ; ensuite aux apôtres (et à nous à travers eux) qui n’ont pas pu veiller une heure avec Lui, malgré l’infinie abondance des grâces reçues ; enfin aux anciens du Peuple, tous ces hommes à l’âme flétrie, qui se sont détournés, de cet esprit d’enfance sans lequel nul n’entrera au Royaume des cieux…

    Le Vendredi Saint nous fait assister à la Crucifixion : commençant par nous dévoiler les sentiments d’abandon et de trahison qui remplissent l’âme de Jésus, ils nous montrent le voile du Temple qui se déchire en même temps que Jésus promet le Paradis au bon larron.

    Au deuxième nocturne, c’est le cœur de la détresse du Christ qui est illustré, avec les ténèbres qui couvrent la terre lorsqu’Il s’écrie vers son Père : « Pourquoi m’avez-Vous abandonné ? », rejoignant ainsi toutes les âmes qui font l’expérience de la nuit spirituelle, cet état où l’on se sent abandonné de Dieu. Le dernier nocturne n’est qu’une longue suite de plaintes exprimant toute la douleur de l’Homme-Dieu : douleur physique bien sûr, mais surtout douleur de nous voir si infidèles à l’amour qu’Il nous porte…

    Le Samedi Saint est en quelque sorte une veillée funèbre autour du Tombeau du Christ. Les répons du premier nocturne se contentent de rappeler les évènements de la veille, suscitant dans les âmes le deuil et l’angoisse bien sûr, mais également une grande tendresse envers Jésus : c’est toute la fécondité surnaturelle de la componction, par laquelle le pécheur revient au Père, sauvé par les mérites que lui a acquis la mort du Fils. Les répons des deux derniers nocturnes invitent l’âme à contempler les effets de la Passion. On entre plus profondément dans le mystère de la Rédemption, source de grande paix.

    Obéissant jusqu’à la mort…

    À la fin de l’Office, du chœur plongé dans l’obscurité la plus complète monte une dernière mélodie qui chaque jour se prolonge un peu : « Le Christ s’est fait pour nous obéissant jusqu’à la mort / la mort de la Croix / et c’est pourquoi Dieu l’a exalté en lui donnant un Nom au-dessus de tout nom. » Très grave Jeudi et Vendredi, le verset du Samedi, dernier chant de ces Offices, revêt une grande légèreté, comme une clarté céleste : à l’image d’une Église voulant sécher les larmes de ses enfants en leur donnant enfin l’explications de toutes ces souffrances endurées par son Époux.

    En définitive, c’est en se laissant porter par les impressions conjuguées de l’obscurité grandissante et de la profondeur des chants que nous pourrons réellement entrer dans l’esprit de ces Ténèbres. Ils nous porteront par une longue méditation de la Passion aux portes du Sépulcre, où nous pourrons attendre avec toute l’Eglise la lumière de la Résurrection. »

    Chanoine Baudouin Chaptal +

  • Comment les catholiques du Soudan survivent à la guerre

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    De Luke Coppen sur le Pillar :

    Comment les catholiques du Soudan survivent à la guerre

    Lorsque la guerre civile a éclaté il y a deux ans, il y avait plus de 1,2 million de catholiques dans le pays.

    Lorsque la guerre civile a éclaté au Soudan il y a deux ans aujourd’hui, il y avait plus de 1,2 million de catholiques dans le pays.

    Cathédrale Saint-Matthieu de Khartoum, Soudan. David Stanley via Wikipédia (CC BY 2.0).

    Bien que 90 % des quelque 50 millions d'habitants du pays soient musulmans, le Soudan compte une importante présence catholique depuis près de 200 ans. Le troisième plus grand pays d'Afrique est lié à des saintes comme Joséphine Bakhita et Daniel Comboni , ainsi qu'à d'autres figures saintes comme Zeinab Alif , une esclave devenue abbesse.

    Avant que les combats ne bouleversent la vie quotidienne, les catholiques se rendaient à leur culte dans des bâtiments importants tels que la cathédrale Saint-Matthieu dans la capitale, Khartoum, et la cathédrale Notre-Dame-Reine d'Afrique à El-Obeid.

    En 2023, année où la guerre a éclaté, l’archidiocèse de Khartoum, qui couvre la moitié nord-est du pays, comptait 79 prêtres, 123 religieux et 4 diacres permanents, au service d’une communauté catholique en constante croissance dans 17 paroisses.

    Qu'est-il arrivé aux catholiques soudanais ces deux dernières années ? Il est difficile d'en dresser un tableau complet en raison du brouillard de la guerre. Les rapports sont inégaux, mais ils nous donnent un aperçu de l'impact du conflit sur la minorité catholique du pays.

    Voici ce que nous savons.

    Une carte montrant les parties du Soudan contrôlées par les forces armées soudanaises (rose) et les forces de soutien rapide (sarcelle), au 13 avril 2025. ElijahPepe via Wikimedia (CC BY-SA 4.0).

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  • Les Philippines consacrées à la Divine Miséricorde

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    Une dépêche de l'Agence Fides :

    ASIE/PHILIPPINES - La nation se consacre à la Divine Miséricorde : une « réponse collective de foi et d'espérance »

    mardi 15 avril 2025 
     

    Archidiocese of Manila

    Manille (Agence Fides) – En cette période de polarisation, alors que la société philippine apparaît de plus en plus divisée sur le plan social et politique, la nation se consacre et se confie à la Divine Miséricorde pour retrouver son unité. C'est l'initiative des évêques des Philippines qui ont promu pour le 27 avril, le dimanche après Pâques, appelé « Dimanche de la Divine Miséricorde », un acte solennel de consécration qui sera prononcé pendant les messes dans toutes les églises du pays. Comme l'a écrit le cardinal Pablo Virgilio David, président de la Conférence épiscopale catholique des Philippines, dans la lettre annonçant l'initiative, la consécration représente « une réponse collective de foi et d'espoir » face aux « graves défis » auxquels le pays et la communauté mondiale sont confrontés : la corruption généralisée ; l'érosion de la vérité et l'opposition croissante aux enseignements de l'Église sur la vie et la famille ; les divisions et les hostilités généralisées dans la société ; la menace de conflits locaux comme d'une guerre à l'échelle mondiale. « La consécration nationale sera une expression profonde de notre confiance en la Divine Miséricorde, une confiance qui reste notre refuge ultime en ces temps d'incertitude et d'épreuve », a expliqué le cardinal. « Nous confions nous-mêmes, notre Église et notre nation à la miséricorde infinie de Dieu, confiants que dans Sa miséricorde nous trouverons la guérison, le renouveau et l'espoir dont nous avons si profondément besoin », a-t-il écrit.

    Il récite la prière de consécration : « Jésus, avec une foi et une confiance totales en ton océan infini d'amour, nous nous plaçons sous la protection de ta miséricorde. Nous nous unissons à ton offrande parfaite, avec le Saint-Esprit, au Père, afin que nous puissions être complètement transformés dans ta miséricorde. » Et il poursuit : « Aie pitié de nous pour les guerres entre les nations et les terreurs avec lesquelles nous nous tourmentons les uns les autres. Aie pitié de nous pour le péché répandu contre la vérité et les péchés horribles contre la justice et la fraternité humaine. Aie pitié de nous pour le blasphème auquel est soumise Ta Divine Miséricorde et la tromperie abominable des faibles et des pauvres. Aie pitié de nous pour les abus contre la dignité humaine, le péché contre la vie, l'amour et la famille ».

    L'acte fait écho aux conclusions du Ve Congrès apostolique mondial sur la miséricorde, qui s'est tenu à Cebu, aux Philippines, à l'automne 2024, au cours duquel les fidèles philippins se sont reconnus et se sont engagés à « être des véhicules de la compassion et de la miséricorde du Seigneur envers les autres », afin « exprimer la miséricorde du Seigneur dans toutes les communautés » et être « de véritables messagers de miséricorde ». La nation , a-t-on dit à la fin du Congrès, a besoin « d'œuvres qui traduisent en actes concrets l'esprit de miséricorde : les baptisés sont appelés à être la miséricorde vivante pour les autres ».

    Le dimanche de la Divine Miséricorde a été institué par le pape Jean-Paul II en 2000 à l'occasion de la canonisation de sainte Faustine Kowalska, religieuse et mystique polonaise dont les visions ont inspiré cette dévotion, et est célébré chaque année le deuxième dimanche de Pâques.
    (PA) (Agence Fides 15/4/2025)

  • Inde : la police de Delhi interdit la procession annuelle du Chemin de Croix

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    De Luke Coppen sur The Pillar :

    La police de Delhi interdit le chemin de croix

    Les catholiques de l'archidiocèse de Delhi ont exprimé leur « profond choc » après que la police leur a refusé l'autorisation d'organiser une procession annuelle du Chemin de Croix.

    Les catholiques de l'archidiocèse de Delhi ont exprimé dimanche leur « profond choc » après que la police leur a refusé l'autorisation de participer à une procession annuelle du Chemin de Croix dans les rues de la capitale indienne.

    L'Association catholique de l'archidiocèse de Delhi a déclaré le 13 avril que l'événement, organisé depuis plus d'une décennie le dimanche des Rameaux, ne pouvait pas avoir lieu après que la police de Delhi a invoqué « des problèmes d'ordre public et de circulation ».

    Les organisateurs auraient demandé l'autorisation de la police pour l'événement le 12 mars, mais ont été informés le 12 avril, à la veille du défilé, qu'il ne pouvait pas avoir lieu.

    Une autre procession du dimanche des Rameaux, menée par la Ligue de la jeunesse chrétienne et inaugurée par l'évêque anglican de Delhi, a eu lieu comme d'habitude dans la ville.

    L'association catholique, un organisme enregistré représentant les catholiques latins locaux, a déclaré que ses membres étaient « profondément blessés et déçus » par la décision de bloquer la procession, qui commence à l'église Sainte-Marie, l'une des plus anciennes églises de la ville, et se termine à la cathédrale du Sacré-Cœur de rite latin.

    Chaque année, environ 2 000 catholiques méditent sur les 14 stations du chemin de croix le long du parcours d'environ trois milles.

    L'association a déclaré que les raisons invoquées par la police pour refuser l'autorisation étaient « difficiles à accepter », car d'autres communautés et groupes politiques étaient fréquemment autorisés à organiser des cortèges et des rassemblements dans la ville, même aux heures de pointe.

    « Depuis plus de dix ans, le Chemin de Croix annuel se déroule dans la plus grande discipline, dans le calme et en totale coopération avec les autorités. Aucun incident de circulation ni problème d'ordre public n'a été signalé en lien avec notre événement », a-t-il déclaré.

    « Le refus d’autorisation cette année semble partial et injuste, jetant une ombre sur les principes d’égalité de traitement et de liberté religieuse. »

    Les organisateurs auraient tenu la procession du Chemin de Croix dans l'enceinte de la cathédrale, respectant ainsi la décision de la police.

    L'annulation de la procession de rue a créé des remous dans le monde politique indien.

    KC Venugopal, un haut dirigeant du Congrès national indien, le principal parti d'opposition, a critiqué la décision dans une lettre du 13 avril adressée au ministre indien de l'Intérieur, Amit Shah, membre du parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party.

    Bien que Shah soit responsable de la police de Delhi, on ignore s'il a été impliqué dans la décision de refuser l'autorisation de défilé. Les médias indiens ont indiqué que la police de Delhi n'avait pas répondu aux demandes de commentaires.

    Le BJP, un parti nationaliste hindou, a remporté les élections à l'Assemblée législative de Delhi en février, revenant au pouvoir sur le territoire après une absence de 27 ans.

    Dans sa lettre au Shah, Venugopal écrit que « refuser une autorisation sans raisons concrètes soulève des questions sur l’engagement du gouvernement à défendre le droit fondamental de pratiquer et de professer librement sa religion ».

    Il a ajouté : « Il ne s'agit pas d'un simple oubli, mais d'un acte délibéré de répression. Le refus du gouvernement d'apporter la moindre justification crédible à cette interdiction révèle ses motivations : une discrimination déguisée en politique. »

    Pinarayi Vijayan, le ministre en chef du Kerala, l'État indien qui compte la plus grande population chrétienne, a également déploré cette décision.

    « De telles actions, qui portent atteinte aux croyances religieuses des minorités, ne sont pas conformes à une société pluraliste », a déclaré Vijayan, membre du bureau politique du Parti communiste indien (marxiste).

    Les catholiques indiens entretiennent une relation complexe avec le BJP, qui affirme que l'hindouisme, ou « hindouisme », est le fondement de la culture du pays. Si la minorité catholique se méfie généralement du BJP, les évêques ont récemment soutenu un projet de loi gouvernemental réformant la réglementation des fondations caritatives islamiques.

    Les évêques ont déclaré qu'ils voulaient obtenir justice pour les familles chrétiennes sur des terres revendiquées comme un don islamique dans l'État du Kerala, dans le sud de l'Inde, mais les critiques ont fait valoir que le soutien des évêques pourrait nuire aux relations entre catholiques et musulmans.

    Peu de temps après l'intervention des évêques et l'adoption réussie du projet de loi par le Parlement, le magazine nationaliste hindou Organiser a publié un article en ligne exhortant le gouvernement à se concentrer ensuite sur les terres appartenant à l'Église catholique.

    Le Telegraph a déclaré que l’article « semblait établir l’ordre du jour d’une action similaire visant l’Église catholique ».

    L'organisateur a retiré l'article suite à une réaction négative.

    Il y a environ 77 000 catholiques dans l'archidiocèse de Delhi, sur une population totale de près de 30 millions d'habitants.

    La cathédrale du Sacré-Cœur occupe un emplacement privilégié à New Delhi, siège du gouvernement indien. Le Premier ministre indien Narendra Modi, membre du BJP, s'y est rendu à Pâques 2023. Il a également assisté à une célébration de Noël 2024 au siège de la Conférence des évêques catholiques d'Inde, également à New Delhi.

    Le groupe de défense Open Doors a classé l'Inde comme le 11e pire pays au monde où être chrétien dans sa World Watch List 2025 des nations où les chrétiens sont confrontés à des niveaux élevés de persécution.

  • Un rapport révèle une escalade de la violence contre les chrétiens en Terre Sainte

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    De Victoria Cardiel sur CNA :

    Un rapport révèle une escalade de la violence contre les chrétiens en Terre Saintebouton de partage sharethis

    Chrétiens en procession à Jérusalem

    Chrétiens défilant dans la Vieille Ville de Jérusalem. | Crédit : Adi Marer/Rossing Center

    14 avril 2025

    Le rapport annuel du Rossing Center , une organisation basée à Jérusalem dédiée à la coexistence interreligieuse, a documenté 111 cas de harcèlement et de violence contre la communauté chrétienne en Israël et à Jérusalem-Est en 2024.

    Le rapport révèle un climat d’hostilité qui, selon l’une des auteurs de l’étude, Federica Sasso, ne représente que « la pointe de l’iceberg d’un phénomène beaucoup plus vaste ».

    « Il y a beaucoup plus d'attaques, mais elles sont très difficiles à surveiller », a-t-elle déclaré à ACI Prensa, le partenaire d'information en langue espagnole de CNA.

    Elle a également noté que la Terre Sainte « est actuellement dépourvue de pèlerins chrétiens » en raison de la guerre déclenchée après les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, ce qui atténue quelque peu la situation.

    « Si nous étions dans une période normale de flux de pèlerins, le nombre d’attaques serait probablement beaucoup plus élevé », a-t-elle expliqué.

    Ces dernières années, la Vieille Ville de Jérusalem a connu une grave pénurie de pèlerins chrétiens. Crédit : Adi Marer/Rossing Center

    Ces dernières années, la Vieille Ville de Jérusalem a connu une grave pénurie de pèlerins chrétiens. Crédit : Adi Marer/Rossing Center

    Sasso, qui a attribué la situation en partie à la « polarisation et à la radicalisation croissantes au sein de la société israélienne », a souligné que, bien qu’il existe un certain scepticisme généralisé quant à l’efficacité d’un signalement, le centre observe une tendance positive puisque les religieux « sont de plus en plus disposés à signaler les incidents ».

    En partie en raison d'un « historique avéré de licenciements ou de libérations de suspects sans conséquences appropriées », ils ont préféré ne pas le rendre public, a-t-elle déclaré.

    47 agressions physiques, principalement des crachats

    Sur les 111 cas d'agression signalés, 47 étaient des agressions physiques, principalement par crachats, un comportement qui a évolué d'actes subtils à des démonstrations d'agressivité ouverte. Dans plusieurs quartiers, notamment dans la Vieille Ville de Jérusalem, prêtres, religieuses, frères et moines, « facilement identifiables, sont quotidiennement exposés à ces agressions », a expliqué Sasso. 

    Lire la suite