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Haut-Karabakh : les Arméniens abandonnés de tous ou presque...

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De Philippe Oswald sur La Sélection du Jour :

Les Arméniens du Haut-Karabakh abandonnés de tous ou presque...

L'Artsakh ou Haut-Karabakh, région arménienne et chrétienne depuis deux millénaires, vient d'être reconquise par l'Azerbaïdjan, musulman et turcophone (le « turc azéri » ou « azerbaïdjanais » étant très proche du turc). L'objectif du président azéri Aliev était clair : chasser « comme des chiens » de leur terre ancestrale les 120 000 Arméniens de l'Artsakh. C'est en train de se réaliser. Contraints le 20 septembre par la disproportion militaire à se plier au cessez-le-feu imposé par l'Azerbaïdjan avec la caution des forces d'interposition russes, les Arméniens du Haut-Karabakh ont été désarmés, et leur capitale, Stepanakert, investie par les Azéris. Pour les habitants, c'est désormais « la valise ou le cercueil » ou du moins la servitude. Ensuite, la menace se reportera sur la République arménienne qui, très affaiblie militairement, tente à présent de protéger ses frontières. Aliev , comme la plupart des dictateurs, annonce ce qu'il va faire : il proclame qu'après avoir réglé le problème du Haut-Karabakh, l'Azerbaïdjan entend faire valoir « ses droits » sur l'Arménie...

C'est la fin de l'indépendance du Haut-Karabakh, acquise de haute lutte. Brutalement rattachée par Staline dès 1921 à la république soviétique d'Azerbaïdjan, cette enclave très majoritairement arménienne avait autoproclamé son indépendance en 1991, après la fin de l'URSS. S'ensuivirent plusieurs conflits entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Celui-ci avait été défait par l'Arménie au terme de la guerre de 1991-1994 (qui a fait plus de 30 000 morts) mais l'Azerbaïdjan a pris sa revanche en 2020 : l'Arménie qui soutenait les séparatistes a subi une cuisante défaite en 44 jours de combats. Les Azéris ont alors récupéré les trois quarts des territoires de cette enclave reliée à l'Arménie par une étroite bande, le corridor de Latchine (cf. LSDJ n° 1086). Décidés à en finir avec le résidu indépendant autour de Stepanakert, la « capitale » et ville principale du Haut-Karabakh, les Azéris sont repassés à l'offensive le 19 septembre, remportant une victoire éclair.

Comment comprendre la passivité des Européens devant la perspective, sinon d'un nouveau génocide des Arméniens, du moins d'une épuration ethnique de grande ampleur ? D'abord, le droit international joue en leur défaveur : aucun pays n'a reconnu l'indépendance du Haut-Karabakh en 1991, avalisant ainsi la « punition » infligée par Staline aux Arméniens lorsqu'il a rattaché le Haut-Karabakh, leur berceau national et religieux (comparable au Kosovo pour les Serbes), à l'Azerbaïdjan musulman. C'est d'ailleurs au nom de ce droit international que les médias ukrainiens, qu'on pourrait croire a priori favorables aux Arméniens, soulignent la légitimité de l'Azerbaïdjan à reconquérir ce territoire...Ils font la comparaison avec leur droit de récupérer les régions que leur a confisquées la Russie, relève Courrier International. Ensuite, l'UE, privée du gaz russe, a conclu via la Commission européenne présidée par Ursula von der Layen, un accord gazier avec l'Azerbaïdjan. Que pèse l'existence de quelque 120 000 Arméniens face au gaz dont l'Allemagne, en particulier, a un impérieux besoin ? Enfin, les Arméniens sont victimes du « complexe jeu d'alliances » qui se déroule actuellement dans cette région, analyse Patrick Saint-Paul dans Le Figaro. Les alliances qui se sont nouées, sur fond de ressources gazières et pétrolières, bousculent en effet « les clivages religieux, ethniques et géopolitiques », explique-t-il.

D'un côté, les alliés des Arméniens : traditionnellement, la France, les États-Unis et la Russie. Mais s'agissant de leur apporter un soutien militaire, il n'y a plus que...l'Iran ! Le soutien français, bridé par la diplomatie mercantile de l'Union Européenne, s'arrête aux discours compassionnels d'Emmanuel Macron, tandis que les Américains regardent ailleurs. Quant aux Russes, empêtrés dans leur guerre en Ukraine, ils sont d'autant moins disposés à intervenir contre l'Azerbaïdjan qu'ils estiment avoir été trahis par l'Arménie quand celle-ci s'est tournée vers l'Occident, allant même jusqu'à mener des exercices militaires avec les États-Unis. Poutine n'est pas le genre d'homme à passer l'éponge sur un tel affront ! Mais le plus intrigant, c'est que l'Iran chiite vienne en aide à l'Arménie chrétienne contre l'Azerbaïdjan, pays pourtant lui aussi majoritairement chiite… Pourquoi ? Parce que le torchon brûle entre Téhéran et Bakou (la capitale de l'Azerbaïdjan) depuis qu'Aliev a conclu un partenariat stratégique avec deux ennemis de l'Iran : la Turquie et Israël… « Depuis 2016, l'Azerbaïdjan reçoit 70 % de ses importations d'armes d'Israël, qui achète à Bakou 40 % de son pétrole. L'Azerbaïdjan a ouvert une ambassade à Tel-Aviv, devenant ainsi le premier pays à majorité chiite à envoyer un ambassadeur en Israël » rappelle Le Point (en lien ci-dessous). « L'Orient compliqué » (De Gaulle) commence dès le sud du Caucase !

Pour aller plus loin :

Haut-Karabakh : les clés pour comprendre le conflit

>>> Lire l'article du Point

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