Du site "Esprit de la liturgie" (archive janvier 2022) :
Bref réquisitoire contre le bavardage liturgique
Scène coutumière d’une paroisse catholique classique : la cloche sonne, les fidèles se lèvent, la Messe commence. Le chant d’entrée étant achevé, le prêtre dit le signe de croix, avant de saluer l’assemblée… et de partir dans un interminable « mot d’accueil » où il adressera peut-être un « Bonjour » superflu à ses paroissiens, leur souhaitera la bienvenue, expliquera en détail le « thème » du jour, et terminera enfin en invitant ses ouailles à l’acte pénitentiel, là encore, par des péroraisons sans fin du style : « Alors, humblement, reconnaissons que nous avons besoin d’être purifié par Dieu de tout ce qui nous sépare de lui », ou « Au début de cette Eucharistie, nous reconnaissons nos faiblesses » (on évitera bien sûr le mot « péché »), ou encore : « Au début de cette Messe, nous implorons humblement l’amour de Jésus » au lieu de s’en tenir à la formule du missel.
De telles monitions ont lieu pendant toute la Messe. Après le Kyrie, le prêtre dira volontiers : « Et maintenant, chantons la gloire de Dieu » pour introduire le Gloria. De même, avant de commencer le Credo, il dira : « Et maintenant, nous proclamons notre foi ». Il ira jusqu’à donner quelques indications avant la quête et l’offertoire, voire avant la préface. Une scène semblable aura lieu pour introduire le Notre-Père (« Unis dans l’Esprit, enfants d’un même Père, ensemble, nous disons la prière que Jésus nous a laissée »), voire, soyons fou, pour l’Ecce Agnus Dei. Sans parler des annonces, véritable festival où le prêtre, « l’animateur » et les multiples fidèles invités à parler de la famine en Ardèche et de la guerre au Morbihan rivaliseront d’ardeur pour faire les interventions les plus longues possibles (et si le prêtre n’est pas bavard, que l’on se rassure, d’autres le seront pour lui). Et après, on se plaint que la Messe dure trop longtemps !
Certes, il y en a qui aiment ces multiples interventions, les trouvant chaleureuses et bien intentionnées. Ceux-là nous reprocheront sans doute d’exagérer la situation. Soyons justes à leur égard, le portrait que nous avons brossé est volontairement un peu excessif et ne se retrouve, Dieu merci, pas partout. Mais eux-mêmes devront de leur côté reconnaître que pour exagéré qu’il soit, ce tableau n’en touche pas moins à une réalité problématique : le clergé bavarde pendant la Messe.
En quoi est-ce problématique nous direz-vous ? Après tout, cela peut procéder d’un effort d’adaptation, d’un souci de faciliter l’intelligibilité des rites pour ceux qui n’en seraient pas familiers. Ou bien d’un désir de rendre plus chaleureux et convivial un office vu comme excessivement formel.
Ces désirs et ces efforts sont très nobles et nous n’en contestons pas le bien-fondé ; en revanche, nous contestons leurs résultats concrets. Si l’on compare une Messe célébrée selon la forme ordinaire d’une part et une autre célébrée selon la forme extraordinaire d’autre part, l’on constate que la première sera habituellement plus bavarde que la seconde, sans que les effectifs des fidèles en soient toujours grossis. Un observateur espiègle avancera même que ces interventions sont plus goûtées d’une partie vieillissante des catholiques, que de la majorité des fidèles ou des incroyants…
On a donc affaire à un problème : faut-il favoriser ou limiter le bavardage liturgique ?
Avant toutes choses, on se souviendra que la multiplication des monitions n’est nullement obligatoire. Le missel la rend au contraire entièrement facultative et en limite le nombre et la longueur, en indiquant par exemple que « le prêtre, le diacre ou un autre ministre peut, par quelques mots très brefs, introduire les fidèles à la Messe du jour » (« Sacerdos, vel diaconus vel alius minister, potest brevissimis verbis introducere fideles in Missam diei », c’est nous qui soulignons) ; que la monition avant l’acte pénitentiel ou celles qui introduisent le Notre Père (dans la traduction qui entrera en vigueur cette année) ne sont désormais plus modifiables ; que la prière eucharistique doit être tirée du missel (et non inventée ou, horrosco referrens, improvisée), etc. L’Eglise laisse une grande liberté dans le culte qu’elle rend à Dieu, mais non sans y mettre quelques limites.
Ensuite, ajoutons que ces monitions ne sont pas toujours nécessaires. Si l’on peut admettre que telle fête de l’année liturgique ait besoin de quelque explication au tout début de la Messe, l’on comprend sans peine que ce n’est pas le cas durant toute l’année. Est-il vraiment et absolument nécessaire, pour une Messe dominicale, de déblatérer pendant de longues minutes pour introduire l’acte pénitentiel ?
Enfin et surtout, n’oublions pas que la liturgie en tant que telle se passe fort bien de nos explications. Mieux : que celles-ci peuvent constituer autant d’accès à tous les fruits du culte divin lorsqu’elles sont inopportunes. Cela ne signifie nullement qu’une formation liturgique soit superflue, loin s’en faut ; mais celle-ci a toute sa place en-dehors de l’action sacrée et non en son sein, à l’exception de l’homélie.
En un mot : prêtres, tenez-vous-en au missel. Comme on dit en anglais « Dites ce qui est en noir, faites ce qui est en rouge ». Surtout, cessez de bavarder au détriment de la Messe et ne tolérez pas qu’on le fasse.
Commentaires
Merci d'avoir rappelé que les bavardages et explications que font nombre de célébrants en croyant rendre les messes plus " claires" ne sont pas prévus par le missel restauré à la suite de Vatican II et sont même totalement anti-liturgiques. L'incontournable "mot d'accueil" préparé par les "équipes liturgiques" est même une grosse erreur : le célébrant n'accueille pas les fidèles ; ce sont les fidèles - prêtre et laïcs - qui "accueillent" le Seigneur par la liturgie de l'Eglise. De même, le rite romain ne prévoit pas de "chant final" : tout se termine avec l' "ite missa est", Tout ce qui est ajouté ne fait qu'encombrer la liturgie et lui fait peu à ,peu perdre son sens.
"Tout ce qui est ajouté ne fait qu'encombrer la liturgie " Et le chant à Marie , tous en choeur ? Et les nouvelles de la paroisse ? Et ceux qui, pendant la messe, ayant un coeur d'enfant , sont spontanés ? Et les partages d' Evangile ?
... de plus, je me pose la question : pourquoi sur l'autel, lors de la
Ste Messe, prêtre face aux fidèles, le crucifix est-il tourné vers les fidèles ... et non face au Prêtre ?
Perso, j'y attache de l'importance ...le Prêtre est face au Christ dans le St Sacrement de l'Eucharistie.
lex orandi, lex credendi
On ne touche pas à la liturgie, pas parce qu'elle serait statique, mais parce qu'elle est sainte, oui divine même comme disent nos frères orthodoxes. On accueille les textes liturgiques sans y bricoler et sans bavardage inutile ou - pire encore - des applaudissements. Pendant la Messe le prêtre agit « in persona Christi capitis». Par conséquence il est tout sauf 'animateur' d'une assemblée qui risque de s'ennuyer fortement si jamais sur le podium le silence se fait.
Je pense bien que c'est à cause de cette perte du sacré ou 'horizontalisation' du sacrifice non sanglant dans l'Eucharistie, que nos ados préfèrent la forme extraordinaire du rite romain; ce trésor sous-estimé en nos jours qui leur permet de plonger dans une communication profonde avec le Christ vivant. Tout simplement.