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Rechercher : Ringlet transgresse l'interdit de tuer

  • L'abbé Ringlet cautionne la transgression de l'interdit de tuer

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    Ce qu'on peut lire sur lavenir.net :

    "L'euthanasie n'est pas banalisée"

    Dans «Vivre sa mort», Manu Bonmariage suit aussi Manu de Coster. Ce chirurgien a fait le choix de l’euthanasie. Gabriel Ringlet l’a accompagné.

    «Si on m’avait dit il y a quelques années que je me retrouverais sur ce chemin-là, je ne l’aurais jamais cru», entame d’emblée Gabriel Ringlet.

    Prêtre, écrivain et libre penseur, il a un jour été contacté par le docteur Corinne Van Oost. Catholique, elle est directrice du service des soins palliatifs à l’hôpital Saint-Pierre d’Ottignies. «Elle m’a expliqué qu’ils étaient régulièrement confrontés à des situations extrêmement difficiles, face à des personnes demandant l’euthanasie. Elle souhaitait que j’intervienne, pour le côté spirituel, pour ne pas les laisser seuls.»

    Face à cette demande peu banale, Gabriel Ringlet a dû se positionner. «J’ai été appelé là où je ne m’attendais pas à être appelé. J’y ai réfléchi. Théologiquement, je me suis dit que cela avait du sens. Je suis sûr que Jésus aurait fait la même chose.»

    Depuis, Gabriel Ringlet a accompagné quatre personnes, catholiques et laïques, dans un cheminement intérieur. Dans le film de Manu Bonmariage, il accompagne Manu de Coster, un chirurgien atteint d’un cancer, jusqu’à son dernier souffle. «J’ai rencontré Manu à de nombreuses reprises. Le dialogue est déterminant. Il est aussi important de mettre les cinq sens en éveil».

    «C’était tout sauf du cinéma»

    Gabriel Ringlet a beaucoup réfléchi avant d’accepter de faire le film. «C’était quelque chose de très dur pour moi, j’ai beaucoup hésité. Manu Bonmariage est venu me parler pendant des heures. Il a fini par me convaincre qu’il voulait faire un film respectueux. J’ai choisi de lui faire confiance. Il y a quelques réalisateurs comme ça avec qui je me dis que je ne serai pas trahi.»

    Il insiste: «Au départ, tout est parti de Manu de Coster. Il a dit tout de suite qu’il vouait une énorme admiration à Manu Bonmariage et qu’il était d’accord d’être suivi dans ses derniers moments. C’était très délicat. Je voulais être convaincu qu’à l’intérieur du patient, c’était un oui très franc.»

    Dans le film, l’euthanasie de Manu de Coster est vécue en direct. «Manu Bonmariage est resté à l’écart. Nous n’avons pas vu la caméra. Nous étions centrés sur les dernières minutes que nous vivions avec Manu. C’était tout sauf du cinéma.»

    Gabriel Ringlet insiste sur la gravité de cet acte. «L’euthanasie, c’est un acte technique terrible, bouleversant, un acte de dernier recours. Ce n’est pas un geste qui est fait à la légère, il reste rare. Il n’est pas banalisé.» Gabriel Ringlet ajoute: «L’équipe médicale à Ottignies est exceptionnelle, remarquable de délicatesse. Ce qui permet de repousser beaucoup de demandes d’euthanasie. Cet acte reste une transgression fondamentale. Il est interdit de tuer. Mais parfois dans la vie, on se retrouve devant une situation face à laquelle ne pas agir serait pire.»

    Gabriel Ringlet découvrira le film lors de l’avant-première à Bruxelles. «Manu Bonmariage m’a proposé de voir le film avant chez lui. Mais cela va à l’encontre de ce que j’enseigne à mes étudiants, je n’enseigne pas la censure. Maintenant, je me demande, quand on vit quelque chose de si intense à l’intérieur, si mes paroles seront rendues avec toutes leurs nuances. J’irai voir le film avec un peu de stress.»

     
  • Euthanasie: Mgr Léonard débattra avec Gabriel Ringlet

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    La réponse ne s’est pas fait attendre : l’épiscopat envoie son « joker » au créneau. Avec Mgr Léonard on peut s’attendre à un débat médiatique de haute tenue, en toute clarté et sans ces faux-fuyants qui sont souvent la plaie des milieux ecclésiastiques. De Christian Laporte dans « La Libre » d’aujourd’hui :

    « A l’occasion de la sortie de son ouvrage "Vous me coucherez nu sur la terre nue" (paru chez Albin Michel) consacré aux questions de fin de vie, aux soins palliatifs et à l’euthanasie, l’abbé Gabriel Ringlet interrogé par "La Libre" - nos éditions de jeudi - invitait clairement les évêques de Belgique "à entrer dans un vrai débat avec lui" à propos de ces questions.

    Entendez : un dialogue sans a priori ni préjugés consistant à "tenter d’écouter jusqu’au bout l’argument de l’autre en acceptant a priori d’y entrer".

    Contacté par nos soins, le sommet de l’Eglise catholique de Belgique n’y est pas opposé. Et il entend même associer la presse à ce dialogue exceptionnel comme nous l’a expliqué le porte-parole de la Conférence épiscopale, le P. Tommy Scholtes, sj.

    En présence des journalistes

    "Comme par le passé où il s’est intéressé à ses divers écrits, a expliqué ce dernier, Mgr André-Joseph Léonard a été très heureux de recevoir le dernier ouvrage de Gabriel Ringlet. Il s’en réjouit donc mais a exprimé le vœu de le lire et d’en parler ensuite avec ses collègues de l’épiscopat belge. Puis dans les prochaines semaines, il rencontrera volontiers l’abbé Ringlet pour entrer en dialogue avec lui à ce sujet et ce en présence de journalistes." Et le porte-parole d’ajouter qu’il est "fondamental aux yeux de l’archevêque et des catholiques en général que l’Eglise accompagne spirituellement les personnes en fin de vie."

    La transgression d’un interdit majeur

    Autre point commun épinglé par Mgr Léonard : "Sans avoir lu le livre, il constate qu’à l’instar des responsables ecclésiaux et des chrétiens en général, Gabriel Ringlet parle lui-même de transgression de l’interdit majeur de tuer lorsqu’il s’agit de passer à l’euthanasie."

    Par ailleurs, dans l’interview à "La Libre", Gabriel Ringlet avait aussi expliqué qu’il était "absurde d’être un militant de l’euthanasie : on ne peut pas souhaiter cela, on ne peut qu’y être acculé".

    Selon le porte-parole des évêques "il faut rappeler qu’il y a une différence importante entre la sédation réversible et la sédation irréversible et le fait de procéder à une euthanasie". Un constat partagé sans réserves par l’ensemble des évêques de Belgique .

    On le voit : les responsables de l’Eglise catholique entendent profiter de l’opportunité de la sortie de ce nouveau livre de l’ancien vice-recteur de l’Université catholique de Louvain pour aller plus loin dans leur réflexion commune.

    On peut penser que certains points comme l’idée d’une ritualisation ne passeront pas la rampe mais cela ne devrait pas empêcher une discussion certes franche mais aussi sereine. »

    Ref. Euthanasie: Mgr Léonard débattra avec Gabriel Ringlet

    JPSC

  • Mort de Vincent Lambert : « une ligne rouge, celle de l’interdit de tuer, a été franchie »

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    De Samuel Pruvot sur le site de l'hebdomadaire Famille Chrétienne (11 juillet) :

    Mort de Vincent Lambert : pour Tugdual Derville, « une ligne rouge, celle de l’interdit de tuer, a été franchie »

    Tugdual Derville, délégué général d'Alliance Vita et porte-parole de "Soulager mais pas tuer".

    Tugdual Derville, délégué général d'Alliance Vita, réagit à la mort de Vincent Lambert survenue ce jeudi 11 juillet. Elle est pour lui un grave déni de l’humanité de toute personne, même physiquement diminuée et handicapée.

    De quoi la mort de Vincent Lambert est-elle le symbole ?

    C’est une personne qui décède après un temps de grande dépendance. Il s’agit d’abord d’un deuil pour ses proches, tous ceux qui l’ont aimé et soigné. Je pense à ses parents et à son épouse et tous les membres de cette famille. Ce deuil appelle au recueillement, à la pudeur et à la dignité. Le drame qui s’est noué dans cet hôpital (ndlr : le CHU de Reims) est très intime et douloureux. Cette fin de vie est plus qu’ambiguë à mes yeux. Une personne, gravement handicapée et dépendante, a été mise en fin de vie par un protocole qui avait pour objectif d’aboutir à sa mort. C’est très lourd, cela génère un grand malaise et fragilise le regard que nous portons sur les personnes les plus dépendantes. Notre société, grâce à la technique, réussit à sauver des milliers d’accidentés. Certains reviennent sur pied, d’autres avec des séquelles. C’est tout l’honneur d’une société technicisée de prendre soin des personnes qui survivent à des accidents majeurs avec de lourdes dépendances. À partir du moment où il y a une entorse à ce principe fondamental, un effroi nous saisit. Que va-t-il arriver pour les 1700 autres personnes qui sont dans des états comparables à celui de Vincent Lambert ? Leurs proches s’inquiètent légitimement. Cette entorse publique transforme une situation, très intime et personnelle, en symbole. Celui de l’ambiguïté de certaines pratiques médicales.

    En quoi la mort de Vincent Lambert est-elle une transgression aux règles d’humanité les plus simples ?

    Je pense que tous les glissements commencent par des cas limites. Ce qui se joue ici, c’est en réalité la question du projet de vie. Il y avait un choix avec Vincent Lambert : d’abord celui d’une obstination à provoquer la mort de cet homme parce que sa vie était considérée comme indigne d’être vécue. On peut bien sûr comprendre ce choix, du fait de son immense dépendance, la douleur, la déréliction que provoque pour les proches une telle situation. Mais l’autre choix, que proposaient des médecins de réadaptation très nombreux, comme notamment le docteur Catherine Kiefer, c’est de proposer à ces personnes des lieux de vie adaptés, avec de la kiné, des sorties, des projets, même infimes. Un trésor d’inventivité et de générosité se déploie dans ces unités pour patients dits EVC-EPR (état végétatif chronique - état pauci-relationnel). Or, ce choix de s’obstiner dans un projet de mort plutôt que dans un projet de vie peut se transposer à toute autre situation. Dans l’état de Vincent Lambert, qui était particulièrement ultime, on peut comprendre qu’on éprouve le désir que ça s’arrête. La tentation était grande. Mais une ligne rouge – celle de l’interdit de tuer – a été franchie.

    ▶︎ À LIRE AUSSI. Patients en état végétatif – Au-delà du silence

    Du point de vue anthropologique, qu’est-ce que la mort de Vincent Lambert dit de notre société sur sa vision du grand handicap, de la fin de vie et de la mort ?

    Le jugement sur le mystère de cette vie qui aboutit à une forme de condamnation à mort, c’est par extension tout le mystère de la personne qui est nié. Je l’ai déjà observé au cours des débats que j’ai pu avoir avec certains médecins. Leur conception matérialiste de la vie humaine leur fait oublier qu’il est possible qu’il se passe des choses extrêmement précieuses dans ces vies tellement blessés et dans les établissements qui en prennent soin. La place que nous faisons aux personnes qui vivent un handicap, au-delà même de ce que nous percevons de leur vie, manifeste notre degré d’humanité. Faire preuve d’humanité, c’est justement prendre soin des plus fragiles, y compris lorsque nous avons l’impression que ça n’a pas ou plus de sens. C’est quand l’être humain semble ne plus avoir de figure humaine que l’on est appelé à faire preuve d’une plus grande humanité, au-delà des apparences, des émotions et des sentiments.

    Samuel Pruvot

  • Publicité gratuite dans « La Libre » : « Gabriel Ringlet, prêtre, accompagne les patients jusqu’à l’euthanasie »

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    Les thèses de l'abbé Ringlet sur l'euthanasie sont déjà bien connues. Nous en avons parlé à maintes reprises, par exemple ici: L'abbé Ringlet cautionne la transgression de l'interdit de tuer ou là: Quand Gabriel Ringlet et Corinne Van Oost, invités par le cdH, justifient le recours à l'euthanasie. 

    Sur le même sujet un nouveau livre du « prieur » de Malèves-Sainte-Marie sort de presse aujourd’hui  chez Albin Michel. Cela s’appelle « Vous me coucherez nu sur la terre nue » et La Libre Belgique  y consacre pas moins de quatre pages illustrées, sous une manchette soigneusement choisie : « Gabriel Ringlet, prêtre, accompagne les patients jusqu’à l’euthanasie ». On croirait lire une offre de services dans une annonce publicitaire.

    A ce stade, et sous réserve d’y revenir, on peut se demander si le battage rédactionnel de « La Libre » relève encore de l’information ou de la propagande étudiée pour une thèse militante. S’agissant du conflit de devoirs entre le soulagement de la souffrance et le respect de la vie d’un moribond, passons sur les phrases provocatrices du genre « la sédation finale est aussi grave que l’euthanasie ». De toute façon, les « accompagnements » euthanasiques auxquels se livre l’abbé Ringlet s’adressent aussi à des personnes  qui , comme Christian De Duve, ne se trouvent nullement devant l’échéance finale.  

    Le plus  gênant  dans ces interviews est que Gabriel Ringlet se présente comme prêtre catholique : à cet égard, il nous semble que les évêques de Belgique, sans céder à la provocation, devraient faire une mise au point sereine mais dépourvue de toute équivoque.  Et, ajouterions-nous, sans esquive consistant à dépêcher le pompier de service pour publier dans le journal une « opinion » en guise de « contrefeu ».  

    Sauf erreur, Gabriel Ringlet est un prêtre relevant de l’autorité diocésaine. A notre connaissance, il n’a jamais fait l’objet, jusqu’ici, de la moindre censure ecclésiastique.

     Ref.   Gabriel Ringlet, prêtre, accompagne les patients jusqu’à l’euthanasie

    http://paulhuyb.canalblog.com/archives/2015/09/03/32575162.html

     JPSC

  • Abbé Gabriel Ringlet : les confessions du prieur de Malèves Sainte-Marie

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    Dans la veine moderniste des deux derniers siècles illustrée par de grands ancêtres comme Lamennais, Renan et autres Loisy, j’avais pensé qu’on inscrirait peut-être un jour, dans une  note érudite, le nom d’un lointain épigone belge, dont « le Soir » a encore recueilli dévotement les oracles, ce 18 juillet.  Ses propos sont aujourd’hui (71 ans) dédiés à la mémoire et au souvenir.  A leur lecture, je me ravise : il ne suffit pas d’avoir le goût de la transgression,  de forcer le trait et de jouer les provocateurs pour atteindre le niveau de ces maîtres d’hier qui inspirèrent la figure de l’abbé Donissan à Bernanos ou celle de l’abbé Bourret à Joseph Malègue.  Nous sommes finalement ici dans un registre léger, dont la postérité me semble bien moins assurée, comme le suggère d'ailleurs malicieusement le titre ambigu de l’article du « Soir »: "je n'ai jamais tenu la femme à distance". Quelques extraits de cette entrevue, commentés par nos soins, le montrent mieux qu'une longue plaidoirie:

    Malèves Sainte-Marie ce n’est pas la Colline inspirée , ni la Roche de Solutré  mais, tout de même, l’abbé y tient sa petite cour.  « Le soleil matinal est délicieux et le cadre idyllique », note le journaliste : «  Gabriel Ringlet nous reçoit chez lui, dans la bâtisse de style fermette dont il a fait son havre de paix, à quelques enjambées du prieuré de Malèves-Saintes-Marie, véritable Q.G. de la communauté qu’il anime depuis trente ans. Un lieu qui lui a redonné le lien à la terre, vital pour ce prêtre, théologien, écrivain, ancien directeur de l’école de journalisme de Louvain-la-Neuve et vice-recteur émérite de la même université. » .

    Voilà pour le décor et voici pour les références : « Opposé dès son entrée au séminaire au célibat des prêtres, fervent défenseur de l’euthanasie, de la procréation médicalement assistée, très critique sur la façon dont les instances catholiques belges ont géré la crise de la pédophilie, Gabriel Ringlet n’a jamais cessé de dire ses quatre vérités à une Eglise qu’il n’a pourtant jamais songé à quitter. Et c’est sans doute ce qui donne à sa critique de l’institution une telle légitimité ». 

    Où commence son histoire ? « Tout commence à Pair-clavier, dans le Condroz. Mon papa, François, est maçon, il a une toute petite entreprise de maçonnerie avec son frère. A l’époque, on fait encore le métier à pied : on part à 4 heures du matin pour être sur le chantier. Quand je traverse le Condroz aujourd’hui, je peux encore dire quelles sont les maisons construites par mon papa. Mon père est donc maçon, puis clerc de notaire, puis chantre grégorien, dans les petites églises où il m’emmenait petit garçon. Cela ne paraît plus possible aujourd’hui ! Mon père a uniquement fait l’école primaire, mais il écrivait admirablement, sans une faute d’orthographe, et s’exprimait comme un intellectuel. Ma mère, Germaine, était mathématicienne : elle avait fait ses études à l’université à Liège. Si je refuse tellement le clivage entre le monde intellectuel et le monde manuel, c’est que je ne l’ai jamais vécu à la maison. J’ai toujours trouvé un dialogue extraordinaire entre mes parents venant de deux horizons différents ».

    Et il précise : "Ma liberté intérieure vient de là, du fait que je n’ai jamais dû « être contre ». Je n’ai pas à me venger contre la religion, contre l’Eglise, car j’en ai eu dès l’enfance un visage très joyeux et très ouvert. Je suis donc libre de dire que ce qui ne va pas. Je ne règle pas de comptes. » Il est vrai que ni les siens ni l’Eglise ne l’ont guère contredit, ce qui lui a permis d’être contrariant sans subir de contrariétés. 

    Son rapport à Dieu dans tout cela ?

    Passons sur l’histoire  des gamins qui célèbrent la messe  par jeu avec la panoplie complète des accessoires du culte,  pour retenir la grave maladie pulmonaire  qui le cloue au lit pendant six mois : une épreuve que le jeune garçon traverse en découvrant surtout l’imaginaire des grands reportages  radiophoniques  et la littérature : « Ma maman a toujours hésité entre les maths et la littérature. Tous les grands poètes, les grands récits, elle me les apporte ». Adolescent, il se retrouvera au collège des Pères Croisiers à Hannut : « ce qui sera tout à fait déterminant pour moi » explique-t-il : « Je crois que j’étais très animateur au collège. En tout cas, je prenais beaucoup d’initiatives, dont la plus spectaculaire est de réunir les élèves de l’athénée, des sœurs et du collège. J’ai 17 ans et je me dis ‘qu’est-ce que c’est que ce clivage entre enseignement officiel et catholique, filles et garçon ?’ A cette époque, j’ai vécu quelque chose de très fort, qui a peut-être boosté ma vocation: le dimanche, à la messe, le doyen de Hannut prêche contre moi en disant: ‘ce qui est organisé au collège maintenant, je vous signale que les parents n’en ont aucune garantie, ni avant, ni pendant, ni après’. Je n’ai jamais oublié cette phrase » 

    « Et la vocation naît à cette époque ? » interroge le journaliste. Voici la réponse que n’a peut être jamais entendue le directeur de séminaire qui a du l’interroger sur sa vocation religieuse: 

    «Jusqu’au bout, vous avez des tas de doutes. J’étais un passionné de littérature, un passionné de journalisme, et j’adorais vulgariser l’évangile. Car au patro, ce n’est pas le vicaire qui parlait religion aux enfants, c’était le président du patro, c’est-à-dire moi. J’ai donc cherché quel était le métier qui me permettrait de faire les trois: suivre l’actualité, entretenir ma passion de la littérature, et commenter l’évangile. J’ai finalement choisi le clergé séculier, pour tous les points de chute qui resteraient possibles. Contrairement peut-être à aujourd’hui, ce chemin-là, le chemin du sacerdoce, était plutôt valorisé intellectuellement. On n’entrait pas au séminaire honteux, en rasant les murs. Aujourd’hui, il faut un fameux courage pour un jeune d’entrer au séminaire. Pour un jeune qui serait un jeune d’ouverture en tout cas (…) » . 

    A propos de ses « doutes », il précise : « Pour moi, l’hésitation venait plutôt du fait que j’étais aussi très attiré par la vie contemplative, notamment parce que j’avais cette tante carmélite que j’adorais ». Cette "vocation" manquée était de la même eau: « Déjà quand j’avais quatre ans, j’allais la voir au Carmel à Liège. Sœur Marie-Joseph de l’enfant Jésus, ou tante Antonie. Nous sommes dans le carmel des années 50: aux fenêtres, il y a des rideaux, des volets, des barreaux et des picots en fer forgé! Et il y a une tourière, c’est-à-dire une surveillante. Quand vous venez au parloir pour rencontrer la religieuse de votre famille, cette surveillante écoute la conversation et va tout rapporter à la mère supérieure. Bref, l’horreur absolue! Mais ma tante et ma maman ont inventé un espéranto entre elles, pour larguer complètement la tourière! Elles m’ont appris à me moquer du système, à le défier. » 

    Et comme si cela ne suffisait pas à édifier un supérieur sur son aptitude au sacerdoce, le « prieur » de Malèves-Sainte-Marie ajoute un peu plus loin : 

    «On m’apprend la transgression depuis petit, et à plusieurs reprises. Une autre anecdote: mon papa a construit une partie de l’abbaye de Rochefort, car nous avions un cousin trappiste qui avait donc fait en sorte de confier le chantier à la petite entreprise de mon père. Les hommes partaient travailler et ne revenaient à la maison qu’après un mois. Le week-end, nous allions avec ma maman voir mon père et passer le dimanche là-bas. Moi on me traitait comme un roi dans toute l’abbaye, mais les femmes ne pouvaient pas franchir la clôture, sous peine d’excommunication! Ma maman, elle, franchissait la clôture. Quand un moine lui criait: «Germaine! Germaine!» (il mime en levant les bras en l’air), elle répondait: «Je voulais sentir ce qu’était la décharge de l’excommunication (...) »!

    Last but not least,comme dans toute bonne enquête romanesque, cherchons la femme. Le journaliste en vient au fait : « Vous entrez au séminaire… Cela signifie que le séducteur qui sommeillait en vous a fait une croix sur les femmes? »  Réponse du vice-recteur honoraire : « Ah ça, c’était mon tout grand problème et, en réalité, ma seule véritable angoisse. J’étais convaincu que professionnellement – j’ose employer ce mot – c’était quelque chose qui allait m’épanouir. Mais pourquoi le célibat? Cela m’était insupportable! ». Mais alors pourquoi persiste-t-il dans son choix ? Voici  : «  (…) le premier directeur de conscience que j’ai eu, je lui ai dit: ‘j’ai choisi ce chemin car il m’intéresse, mais je trouve insupportable que vous exigiez le célibat. Et, d’ailleurs, je suis encore très lié aux filles que j’ai connues en rhéto, et en particulier je continue à sortir avec l’une d’entre elles’. Quand je lui dis cela, j’entre au séminaire! Mais lui me répond: «tu dois continuer, tu as le temps, tu verras bien de quel côté va pencher la balance».

    Reste qu’il fallait en fin de compte choisir, ce qu’il fit, à sa manière : « Quand on fait un choix, explique-t-il au journaliste du Soir, on tente de l’assumer au mieux. Même si c’est de la corde raide. Dès le séminaire, j’ai d’ailleurs écrit l’un ou l’autre article pour protester contre l’obligation du célibat des prêtres ».  Il a donc suivi une  voie critique et ambiguë que ses supérieurs auraient sans doute du le dissuader de suivre, s’il a eu la franchise de leur avouer son état d’esprit aussi clairement qu’au reporter, aujourd’hui :  « Puisque la vocation pèse tellement, je vais le faire. Mais non seulement jamais je ne tiendrai la femme à distance, elle aura une place toute naturelle dans ma vie et accepter le célibat, ce n’est pas renoncer à la vie affective, ce n’est pas renoncer à des amitiés qui vous portent très loin.»

    Laissons notre "prieur" tirer lui-même la morale de ses Confessions journalistiques, qui ne sont pas tout à fait  celles de saint Augustin :  « Je crois que je ne peux pas être plus clair que ce que j’ai écrit dans 'Ceci est ton corps'. Les lecteurs, de tous les milieux d’ailleurs, ont très bien compris ce que je disais. Pour ce livre, j’ai quand même répondu à des courriers de lecteurs pendant six mois, cinq heures par jour! Il y a des évêques qui ont osé me dire en privé, ce qu’ils ne diraient jamais en public. J’ai aussi reçu beaucoup de témoignages du monde contemplatif. Des tas de prêtres qui m’ont dit «merci, tu oses poser des questions que personne n’ose aborder». A savoir: comment un prêtre peut-il accompagner une femme d’aussi près. Je n’ai jamais voulu renier le fait que je trouve la présence féminine très bénéfique dans une vie. J’ai respecté un engagement, mais sans jamais devenir «curé» au sens péjoratif du terme. Car j’ai en détestation l’image du clergé habituel. »

    JPSC

  • La Libre Belgique : « Mgr Léonard face à Gabriel Ringlet : deux visions d’Eglise face à l’euthanasie »

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    Lors de la sortie, juste après les vacances, de son ouvrage sur “l’accompagnement spirituel jusqu’à l’euthanasie”, Gabriel Ringlet avait  invité les évêques de Belgique “à un vrai débat avec lui” sur ces questions. Contacté par “La Libre”, Mgr Léonard a accepté de le faire en présence de la rédaction du journal. Une rencontre dont on trouvera ci-dessous de très larges extraits. A la lecture de ceux-ci, nous nous contenterons de faire une seule observation :

    Toute l’ambiguïté du débat est résumée dans le titre évidemment choisi à dessein par son animateur, l’inévitable Christian Laporte : « Deux visions d’Eglise face à l’euthanasie ». A ce compte, quels que soient les arguments échangés, Gabriel Ringlet sort vainqueur de la confrontation, présentée comme l'exposé d'une alternative possible entre deux points de vue ecclésiaux ; et c’est - peut-être (je n’y étais pas) - la même ambiguïté qui pèse sur la conférence  « de haut niveau » organisée récemment sur le même sujet à l’évêché de Liège avec l'abbé Ringlet, en présence de deux évêques.  

    Monseigneur Léonard n’est d’ailleurs pas dupe du porte-à-faux, comme le montre ce passage de l’échange entre les deux interlocuteurs : 

    […] Mgr Léonard : « Je me réjouis aussi toujours de débattre avec des gens qui ne sont pas chrétiens. Cela m’ennuie un peu d’en parler avec des chrétiens. Normalement, Gabriel est un prêtre catholique, je suis un prêtre catholique; nous devrions être d’accord sur un message moral de l’Eglise catholique. Je le trouve un peu regrettable. Mais en tous cas je pense pouvoir dire que j’ai consacré ma petite culture philosophique à montrer le bien-fondé du magistère de l’Eglise catholique. C’est une tâche que je vis avec conviction. Je trouve regrettable que nous ne soyions pas d’accord mais j’aime toujours le débat. »

    Réponse de Gabriel Ringlet : «  Ce n’est pas regrettable mais plutôt bon signe. C’est même un signe de santé... Tant que cette Eglise sera capable d’avoir en son propre sein des réponses différentes sur des questions aussi graves et de les exposer au public, nous la grandissons tous les deux » […].

    On peut certes finasser librement, entre personnes bien élevées, sur les mérites comparés de la sédation palliative et de l’injection létale ou sur la question  de la  nature anthropologique ou pseudo-sacramentelle des onctions pratiquées par l’abbé Ringlet dans le contexte d’une euthanasie. Ce qui ne va pas c’est le signal ambigu envoyé, au terme de ces échanges, en direction des lecteurs qui risquent me semble-t-il, de garder l’impression qu' entre catholiques eux-mêmes tout cela se discute : « c’est une affaire d'opinion, de choix personnel, l’Eglise enseignante est désormais plurielle sur ce point (comme sur bien d’autres) ». Me trompé-je ? JPSC

    « […] L’euthanasie en soi, vous êtes d’accord là-dessus, est une trangression...mais dans certaines circonstances , elle pourrait s’imposer. Comment l’Eglise s’y inscrirait-elle?

    André-Joseph Léonard: il y a beaucoup de transgressions mais ici, pas question de transiger! C’est la transgression d’un interdit fondamental, celui de tuer, de faire mourir délibérément une personne innocente. Il y a aussi des transgressions dans d’autres domaines comme l’adultère où l’on partage son intimité physique et affective avec quelqu’un qui n’est pas son conjoint. La transgression dont il est question ici est reconnue par toutes les sociétés. J’ai été sensibilisé à cela par un collègue professeur de droit à Louvain, Jacques Verhaegen, qui a beaucoup travaillé sur la question de la torture et qui s’est battu pour que les milieux législatifs n’acceptent jamais son recours sous quelque forme que ce soit pour obtenir des renseignements. Il prônait le recours au détecteur de mensonges ou au sérum de vérité.

    Gabriel Ringlet: je suis d’accord avec la première réaction de Mgr Léonard. Pour moi aussi l’euthanasie est une transgression fondamentale. Je suis d’ailleurs très heureux que la loi de 2002 dise en toutes lettres que c’est un crime. Le “Tu ne tueras pas” n’est pas qu’un impératif biblique; il concerne la société toute entière. On ne peut poser la question de l’euthanasie si on ne part pas de là. Avec mon collègue Michel Dupuis (UCL), je me demande s’il ne peut pas y avoir des conditions éthiques de la transgression. N’y-a-t’il pas un moment où, je veux bien mettre des guillemets, il paraît légitime de transgresser. Je partage le point de vue officiel des Eglises de Belgique et de France et ceux très clairs des représentants d’autres cultes. Si je résume les arguments entendus, il faut un renforcement des solidarités familiales et sociales. Comment ne pas être d’accord! Je suis convaincu que là où il y a de la solidarité, la demande d’euthanasie diminue. Ensuite, il y a le non-acharnement thérapeutique. Il est dramatique de voir combien nombre de personnes demandent l’euthanasie par précaution pour s’assurer qu’on ne va pas les manipuler et qu’elles auront une fin respectable. Troisième argument - comment ne pas s’en réjouir puisque j’y suis régulièrement engagé... - un développement des soins palliatifs. Nous avons dans notre pays des soins palliatifs de très grande qualité. Il faut continuer dans ce sens-là mais il arrive qu’on se trouve devant une souffrance fondamentale, une souffrance rebelle face à laquelle nous sommes sans voix et où la médecine la plus sophistiquée n’a pas de réponse. Que faire alors? Mettre fin volontairement à la vie de quelqu’un est un mal mais le laisser souffrir atrocement est aussi un mal. On est là entre deux maux essentiels. Et deux violences . Est-ce qu’une maladie qui fait souffrir le malade à un tel point ne le met pas en état de légitime défense? La légitime défense c’est le bijoutier qui étant agressé tire le premier et se retrouve devant le tribunal où il va devoir rendre compte de l’acte très grave qu’il a posé mais où il pourra faire valoir qu’il était en état de légitime défense. C’était l’agresseur ou lui... et il a tiré le premier. 

    D’emblée se pose la question de la sédation qui vous divise...

    GR: Il y a des souffrances physiques et morales sont impossibles à supporter. L’Eglise l’a très bien compris aussi et répond ici par la sédation. Sur le plan éthique, la solution de la sédation est une décision aussi grave que celle de l’euthanasie. 

    Est-ce qu’il y a des conditions légitimes de transgresser une loi aussi fondamentale?

    AJL: En matière de doctrine morale, la loi du moindre mal ne vaut que quand il n’y a pas une troisième voie. Cela vaut aussi pour la sédation qu’il faut nuancer. C’est une troisième voie possible qui permet d’échapper à une transgression fondamentale et pour un malade qui souffre terriblement d’hémorragies ou de problèmes d’étouffement d’échapper à des douleurs insupportables.

    Gabriel Ringlet note que la sédation peut aller de pair avec l’abandon de l’accompagnement spirituel. C’est d’autant plus grave qu’on ne se rend plus compte de l’évolution du patient qui s’éteint quelque peu laissé à lui-même.

    AJL: On doit distinguer des formes de sédation. Il y a d’abord la sédation transitoire ou intermittente. Quand des crises d’étouffement ou d’anxiété psychologique se manifestent, on peut pratiquer une sédation provisoire, bien dosée qui permet de passer un moment de crise et puis de revenir à une conscience éveillée. Il y a ensuite la sédation durable qui n’a de sens que lorsqu’on est dans les derniers jours de la vie. Mais même celle-là reste réversible. Pour moi, on ne cesse pas l’accompagnement et puis les chrétiens peuvent avoir avant une sédation intermittente un rituel tel le sacrement des malades. Parfois le malade réagit encore à cet accompagnement. Mais il faut une sédation proportionnée et pas à forte dose qui ressemble à une euthanasie à retardement qui dure quelques heures ou quelques jours. 

    Vous semblez perplexe, Gabriel Ringlet...

    GR: Il y a deux choses... Je voudrais revenir sur la troisième voie et l’accompagnement spirituel. Ce sont deux choses différentes même si elles sont proches. Je partage vraiment ce qu’a dit Mgr Léonard sur les différentes formes de sédation. Le grand brûlé qu’on met dans un coma artificiel parce qu’il souffre atrocement reviendra à la conscience lorsqu’il sera capable de supporter ses souffrances. Ici nous parlons bien de la sédation palliative et de la sédation finale qui est extrêmement claire dans la nouvelle loi française Leonetti-Claeys. Cette dernière met volontairement fin à la conscience de la personne pour toujours, sans retour possible. Cela me pose une vraie question éthique. J’aime bien qu’on dise que c’est une euthanasie qui ne dit pas son nom. Comme le dit le Pr Dominique Jacquemin (UCL), nous construisons la mort de l’autre, que je mette fin à la vie lentement par la sédation définitive ou palliative finale. Dans aucun des deux cas, il n’y a de mort naturelle. J’aimerais qu’on me démontre que sous sédation définitive il y ait mort naturelle.

    AJL: Lorsque quelqu’un après des sédations intermittentes et réversibles entre dans une agonie terrible avec des souffrances insupportables, alors oui on peut passer à une sédation appropriée avec la dose qui faut. On ne reviendra pas en arrière mais phénoménologiquement, cela reste différent de l’euthanasie.

    GR: je voudrais rejoindre cette position mais reste convaincu qu’au moment il faut calmer des douleurs absolumement insupportables en augmentant la dose, la personne finira par mourir artificiellement.

    AJL: il y a quand même beaucoup d’études qui montrent que la sédation ne raccourcit pas la vie, si elle est bien proportionnée à la nécessité.

    La loi française influera-t-elle sur la Belgique?

    GR: Je la cite parce qu’elle va devenir une fameuse référence; c’est le compromis des grandes tendances qui traversent la France aujourd’hui: lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire à tout traitement - c’est bien la loi belge de 2002 - exprime la volonté d’éviter toute souffrance on peut lui accorder cette sédation. Ce qui nous inquiète c’est que finalement cette sédation va devenir une sorte de prescription assez banale. 

    Une euthanasie accompagnée pourrait-elle parfois se justifier?

    GR: allons jusqu’au bout de la réflexion à l’aune de mon expérience... Je ne prétends pas qu’il n’y a pas parfois des dérives du côté de l’euthanasie mais là où elle est vraiment accompagnée; là où on la pratique au sein des soins palliatifs, je puis vous assurer que le geste sera posé avec respect et avec un très long accompagnement. Celui-ci consiste en quoi? Dans toutes les situations auxquelles j’ai été confronté et le P.Marc De Smet, sj qui dirige l’hôpital de Hasselt dit exactement la même chose, c’est un acte qui est toujours en relation avec le patient qui en a fait la demande, ses proches qui sont parfois très bousculés par cette demande et puis il y a l’équipe soignante elle-même souvent bousculée. Cela prend parfois des semaines mais nous essayons d’avoir un dialogue constant entre ces trois parties afin que ce soit vraiment à partir de ce dialogue que la décision soit prise. Trop souvent des décisions de sédation sont prises dans l’urgence face à l’évolution de la souffrance et ça me pose question y compris sur le plan spirituel. C’est pourquoi je voudrais qu’on accompagne mieux spirituellement la sédation, qu’il y ait le même travail et de dialogue et de réflexion.

    AJL: Récemment j’ai été dans une maison de repos visiter un pauvre monsieur qui a eu beaucoup de malheurs dans la vie et que depuis des années j’aidais un peu financièrement. Voilà qu’il m’écrit qu’il a demandé de se faire euthanasier parce qu’il en avait assez de vivre et que son médecin lui avait donné son accord. J’ai sauté dans ma voiture et suis allé le voir. J’ai eu une longue conversation avec lui. Je lui ai dit: ne fais pas cela car si tous ceux qui en ont marre de la vie demandaient l’euthanasie on va la banaliser. Si on commence à se dire qu’on a peur de peser sur son entourage et qu’on a assez vécu c’est une terrible pression sur la société. J’ai longuement parlé avec lui et nous nous sommes quittés. Deux jours après, il m’a écrit pour me dire que je lui avais fait un énorme plaisir en lui rendant visite. Il n’avait jamais espéré une chose pareille, je l’avais réconforté mais ajoutait que son médecin allait accéder à sa demande. Et il précisait qu’il serait mort quand je recevrais sa lettre. Il me précisa que j’étais la seule personne à lui dire que ce n’était pas bien d’aller jusque là mais tant d’autres lui ont dit qu’il faisait bien.

    GR: Je dénonce moi-même l’euthanasie du découragement. Là où la famille, les proches peuvent rencontrer le découragement, la demande d’euthanasie diminue voire s’estompe. Dans le livre je raconte l’histoire de ce monsieur qui a une maladie très grave alors que sa femme souffre d’Alzheimer à l’autre bout du pays et qu’ils ont un fils qui sort de psychiatrie. Le père nous appelle au secours parce qu’il ne peut pas porter ces deux parents aussi gravement atteints. Nous n’avons pas cédé à sa demande d’euthanasie mais la question était de savoir comment faire en sorte que la vie ait encore un sens pour eux. Quels lieux peuvent accompagner des personnes qui vivent cette situation? A côté de cela, il y a des souffrances rebelles où la personne n’en peut plus et où elle persiste et signe. Que faire alors comme accompagnateur? Qui suis-je pour lui dire qu’il peut supporter cela et qu’il ne peut pas faire autrement car ce serait mal? Je ne peux le dire ni sur le plan éthique ni sur le plan évangélique.

    Pour Gabriel Ringlet, il n’y a parfois pas d’alternatives...

    AJL: L’alternative est moins grave que la transgression. Si on ritualise l’euthanasie, on contribue à renforcer l’opinion qu’au fond cela arrange tout le monde. On signe un papier, on ne va pas peser sur les gens concernés ni sur l’entourage. C’est une pression très sournoise, très subtile. Que vont dire tous les gens qui ne sont pas des Prix Nobel face à une telle solution de facilité...?

    GR: Je ne suis pas d’accord évidemment...

    AJL: Il y a des campagnes publiques pour lutter contre le suicide mais si en même temps on ritualise l’euthanasie...

    GR: Revenons aux situations vécues avant de me pencher sur la question du rite qui est fondamentale à mes yeux. Des médecins du centre de notre pays qui ont refusé de pratiquer l’euthanasie se sont retrouvées devant des personnes âgées de leur patientèle qui à force d’enchaîner des refus se sont suicidées. Ces médecins en ont fait une dépression extrêmement profonde car cela les a complètement bouleversés. Cela me pose une terrible question de voir des gens aller au suicide alors qu’ils auraient pu être accompagnés de manière plus humaine, voire plus chrétienne curieusement dans un cadre d’euthanasie. Rien n’est pire que de s’en aller en se suicidant. Je pourrais raconter beaucoup d’exemples de ce genre. Les deux sont liés...

     

    Venons-en alors à la question des rituels...

    GR: Pour moi célébrer est essentiel dans mon existence qu’on soit croyant ou non. Je souhaite que les laïques au sens philosophique célèbrent et qu’ils célèbrent le mieux possible. Célébrer comme le dit Rainer Maria Rilke c’est donner plus d’humanité à l’humanité. C’est avec de l’ici faire de l’au-delà. Cela nous fait grandir; c’est faire en sorte que notre vie quotidienne avec ce qu’elle a de joyeux et de dramatique puisse aller plus loin, plus haut. Alors la question rebondit: est-ce qu’avec l’ici, en l’espèce l’euthanasie, on peut faire de l’au-delà. La question ne s’est pas posée à partir des patients mais à partir des équipes médicales. Pratiquer l’euthanasie est un geste terrible, bouleversant, tragique. Pas mal de médecins croyants ou non nous disent qu’ils mettent des heures à s’en remettre; ils ont conscience d’avoir posé un acte extrêmement grave. Alors pourquoi réduire cet acte à sa technologie? N’est-il pas profondément humain et je dirais, chrétien qu’une fois la décision prise, dans le respect de la loi, en conscience et après avoir été jusqu’au bout des soins palliatifs et après avoir été acculé à poser ce geste, c’est une bonne chose de contextualiser, de faire en sorte que quelque chose d’humain se passe encore à ce moment-là? Ce n’est bénir l’euthanasie;

  • La bioéthique et la transgression compulsive

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     Henri Hude | Mercredi, 15 Mai 2013


    Ces dernières années, un peu partout, on légifère à tour de bras sur la bioéthique.

    Mais beaucoup se demandent : n’avons-nous rien de mieux à faire ? Pourquoi cet acharnement, alors qu’il y a des défis bien plus urgents en ces temps de crise ? Pourquoi libéraliser l’euthanasie alors qu’on n’a jamais mieux contrôlé la douleur ? Pourquoi légaliser à tout prix le mariage homosexuel quand pratiquement personne ne le demande ? Pourquoi étendre sans arrêt les possibilités de la contraception et de l’avortement alors que nos populations décroissent à vue d’œil ?

    Le philosophe français Henri Hude analyse les racines profondes de cette sorte de « rage bioéthique ». Il y voit une sorte de compulsivité, à savoir un besoin presque irrésistible d’agir dans le sens de la transgression.

    Laissons-lui la parole dans une interview accordée au site Gènéthique, un texte dont l’excellent site didoc.be nous a légèrement adapté la présentation pour ses lecteurs , ici : La bioéthique et la transgression compulsive

  • Amélie Nothomb, Gabriel Ringlet : même combat ?

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    Lu sur Sud Presse de ce 4 septembre (p. 17) :

    Gabriel Ringlet et Amélie Nothomb seront réunis pour une… messe

    Gabriel Ringlet a adoré le dernier livre « Soif » d’Amélie Nothomb qui incarne Jésus à cette occasion. « C’est sans doute son meilleur livre », juge le théologien, n’en déplaise aux intégristes. Il l’aime à un tel point qu’il la conviera à donner la messe du Vendredi Saint chez lui, à Malèves-Sainte-Marie. … Ce n’est pas la première fois que le prêtre catholique invite des personnalités connues pour relire le texte de la Passion du Christ. … Des moments qui attirent un monde fou, soit près de 250 personnes. « Car on ne peut pas en accueillir plus, sinon on serait près de 400. Beaucoup de gens sont touchés car on parle de la souffrance de manière différente ». De la souffrance, il y en a beaucoup dans le dernier livre d’Amélie Nothomb. « Elle parle de la souffrance d’un homme qui n’aurait jamais dû s’embarquer dans cette histoire de la croix. Cela fait 40 ans que je dis cela. On a fabriqué une génération pleine de douleurs avec cette ambiguïté face à la souffrance. Ce livre va faire énormément de bien. » … Amélie Nothomb se plaint d’être insultée par des intégristes. « Je le suis aussi en disant que je la soutiens. Il y a des gens qui ont fait leur fonds de commerce sur une conception nauséabonde que rien ne bouge. Ils font partie du passé ».

     

    Rien ne fâche plus la société d’aujourd’hui que la conception chrétienne de la souffrance et de la mort qui affligent notre monde transitoire issu de la faute originelle. Compatir et soulager la peine font, éminemment, partie du message de l’Evangile mais, comme le dit si bien l’auteur de l’ « Imitation de Jésus-Christ » (XVe siècle), « disposez de tout selon vos vues, réglez tout selon vos désirs, et toujours vous trouverez qu’il vous faut souffrir quelque chose, que vous le vouliez ou non : et ainsi vous trouverez toujours la Croix ». Au cœur du mystère de l’homme, la Croix de Jésus nous montre que l’Amour en lui-même est une Passion. Comme l’a remarqué un jour Benoît XVI, « en disant que la souffrance est une face intérieure de l’amour, nous comprenons pourquoi il est si important d’apprendre à souffrir et, inversément, pourquoi éviter à tout prix la souffrance rend l’homme inapte à la vie : celui qui a intérieurement accepté la souffrance mûrit et devient compréhensif envers les autres et plus humain. Celui qui a toujours évité la souffrance ne comprend pas les autres : il devient dur et égoïste ». Et, en ce sens aussi, nous pouvons répéter cette parole de saint Josémaria, si mal comprise : « bénie soit la douleur, sanctifiée soit la douleur » (Chemin, n° 208) qui accomplit l’Homme nouveau. Car depuis le matin de Pâques nous le savons : sa croix et ses plaies sont devenues glorieuses : « Christus resurgens ex mortuis, jam non moritur : mors illi ultra non dominabitur » (Rom., 6,9). Dans un monde qui a cessé d’être chrétien un tel discours est devenu incompréhensible: les Gabriel Ringlet et autres Amélie Nothomb ne sont évidemment pas les seuls à en faire partie.

    JPSC

  • Quand l'interdit moral qui protégeait les églises vole en éclats

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    Une interview de Marc Eynaud par Eugénie Boilait, auteur de "Qui en veut aux catholiques", parue sur le site du Figaro Vox :

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    « L'interdit moral qui protégeait les lieux de culte a visiblement volé en éclats »

    16 juillet 2022

    Ce 6 juillet, le Sénat français a publié un rapport sur le patrimoine religieux français : près de 5000 édifices religieux seraient menacés de disparition. À cette occasion, Marc Eynaud, auteur de Qui en veut aux catholiques ? (éditions Artège), s’interroge sur la place du christianisme en France. Le Figaro s’est entretenu avec lui.

    FIGAROVOX. — Dans votre ouvrage Qui en veut aux catholiques ?, vous précisez que votre travail n’est, non pas universitaire ou théorique, mais est celui d’un journaliste. Quelle est la nature de cet ouvrage et pourquoi avoir décidé de l’écrire ?

    Marc EYNAUD. — Je pense que la multitude de ces attaques, dégradations, profanations et autres incendies sont la raison même de ce livre au-delà des clefs de compréhension intellectuelle. Je ne suis effectivement ni universitaire ni un théoricien, je me suis attaché avant tout à écrire et expliquer ce que je vois et ce que j’observe quotidiennement. Sans cela, ce livre n’aurait aucun sens. C’est la réalité de ces attaques qui ont mené à l’écriture de ce livre. Avant de réfléchir sur les causes, il faut voir, rapporter et porter à la connaissance de l’opinion la réalité des faits. C’est pourquoi j’ai voulu apporter ces précisions : je n’ai pas la prétention d’expliquer deux mille ans d’Histoire ni faire un tableau de l’Histoire des Idées. Avant de se demander comment nous en sommes arrivés là, il faut donner le « là ».

    C’est sur le terrain intellectuel que les coups les plus violents sont portés selon vous. En quoi la foi a-t-elle été amputée de sa transcendance avec l’émergence de l’approche rationaliste au XIXe siècle ?

    L’approche rationaliste, qui s’est traduite par une véritable guerre entre l’Église de France et la République dans les manuels scolaires au début du XXe siècle a été un rude coup porté au catholicisme sur plusieurs points. Cette approche a détruit une grande part du sacré et a voulu confronter foi et raison comme si ces deux entités étaient opposables par nature. Ce n’est pas un hasard si le XIXe siècle a été aussi celui des grands mystiques comme le Curé d’Ars ou Sainte Catherine Labouré. Paradoxalement et pendant que les différents régimes occidentaux se lançaient dans la construction de leurs empires coloniaux, des centaines de missionnaires ont trouvé la mort en évangélisant les recoins les plus reculés du globe.

    Les quelques chiffres que lâchent du bout des lèvres les services du ministère de l’Intérieur le prouvent : 1052 faits recensés, qui se décomposent en 996 actions et 56 menaces. La religion chrétienne est de loin la plus attaquée. Je demande au lecteur de faire l’expérience de taper les mots-clefs « Profanation église » ou « effraction église » dans un moteur de recherche pour s’en rendre compte. Objectivement c’est assez effrayant. Bien entendu, on peut expliquer ce sinistre record en partie par le fait que les églises et calvaires sont les édifices religieux les plus nombreux sur le territoire, certains d’entre eux abritent des trésors qui excitent l’attrait des voleurs, ferrailleurs et trafiquants d’art. En revanche, les actes purement malveillants sans objectif de vol se multiplient en parallèle. En outre, il ne faut pas l’oublier, mais les chrétiens sont les cibles privilégiées des attentats islamistes. L’assassinat du Père Hamel est le plus symbolique, mais on peut rajouter les attentats manqués de Villejuif et de Notre-Dame de Paris. Celui, réussi hélas, de la basilique de Nîmes et je révèle dans ce livre qu’un attentat au couteau a été déjoué in extremis à Montmartre.

    Cette approche rationaliste, cette tentative républicaine de rabaisser le christianisme au même niveau que toutes les autres religions, aura été à la fois un grand tort pour la chrétienté en France, mais a aussi provoqué une réaction forte qui n’a pas enrayé le déclin, mais qui l’a fortement ralenti. Il faut de toute façon être réaliste : l’Église ne s’est jamais remise du coup porté par la Révolution qui a provoqué une saignée irrémédiable et surtout déchristianisé (déprêtrisé pour reprendre la terminologie révolutionnaire) des territoires entiers. Le XIXe a été le siècle de la Mission, mais aussi celui d’une tentative de reconquête spirituelle.

    Vous revenez minutieusement sur les très nombreuses attaques et dégradations d’églises méconnues, pour leur immense majorité, du grand public. Au-delà des dégâts matériels, ces attaques touchent « à l’intime ». Pourquoi ?

    Elles touchent à l’intime parce qu’elles dégradent ce qu’il y a de plus précieux chez un individu : sa Foi et sa conscience. Mgr Aupetit l’avait particulièrement bien décrit lors de l’incendie de Notre-Dame de Paris : aussi terrible soit cette perte pour le patrimoine et la culture du monde, cet édifice n’est rien de moins qu’un écrin protégeant ce qu’il y a de plus précieux pour les catholiques : la Présence Réelle. Je pense qu’une grande partie de l’incompréhension vient de là : lors d’une profanation, la justice va estimer le préjudice en se basant sur la valeur marchande d’un ciboire ou d’un ostensoir. Elle ne saurait prendre en compte une hostie que sous sa valeur marchande à savoir quelques centimes d’euros. Pour le profane c’est anecdotique, pour le catholique c’est l’entièreté de sa Foi qui y était contenue et qui a été volé, profané ou détruit.

    Vous citez la formule du père Christian Vénard qui a publié une tribune dans Le Point : « Non, notre unité ne peut se reconstruire que dans une réconciliation nationale, qui passe par une réconciliation de tous les Français avec leur histoire ». Les Français sont-ils en guerre avec leurs racines ? Qui mène cette guerre ?

    Je pense qu’heureusement, une majorité de Français n’est pas en guerre avec son Histoire. Il suffit de voir l’appétence de nos compatriotes pour leur patrimoine historique et le succès des fêtes Johanniques à Orléans ou du rayonnement du Puy du Fou. Hélas, tout est toujours l’affaire d’une minorité. Une minorité dont le principal moteur est la repentance, une minorité qui s’engraisse sur la lutte antiraciste et sur les supposés crimes dont vous, moi, l’agriculteur de la Creuse, le pompier de Paris et le comptable de Suresnes serions coupables de toute éternité et pour toujours. En revanche, l’arme principale et dévastatrice de ces individus reste l’ignorance.

    Si l’interdit moral qui protégeait les lieux de culte a visiblement volé en éclats, c’est parce que nous voyons émerger des générations totalement acculturées et ignorantes littéralement de pans entiers de son Histoire dont fait partie le catholicisme. [Une grande partie des générations qui « émergent » ne sont tout simplement plus françaises de culture, ni même européennes.] Au fond, la seule convergence de luttes que vous verrez chez ces militants c’est tout simplement d’enlever l’Église du centre du village. Mais tout cela au nom du bien, évidemment ! D’ailleurs, la sémantique est intéressante : on ne brise pas des statues, on les « déboulonne », on ne détruit pas un peuple, on le « déconstruit ». C’est Attila conseillé par un service marketing.

    Vous pointez l’une des grandes contradictions de la laïcité républicaine poussée à l’extrême : si la République ne reconnaît certes aucun culte, elle s’appuie sur deux mille ans d’histoire et de tradition catholique. Peut-on, en France, dissocier religion catholique et histoire ?

    On ne peut pas à moins d’amputer gravement la seconde. Comment évoquer l’avènement de Clovis, 1500 ans de monarchie et même la République laïque sans prendre en compte le christianisme ? Comment parler du rayonnement de la France sans le corréler à l’essor du catholicisme ? Comment comprendre l’Histoire de France en omettant celle de l’Église Catholique ? C’est tout bonnement impossible. Si un courant au sein de l’Éducation nationale tend à faire croire que l’Histoire de notre pays a commencé en 1789 et qu’avant nos ancêtres étaient analphabètes et subissaient famine continuelle et injustice latente, tout démontre qu’au contraire nous sommes le fruit d’une Histoire longue et riche.

    Vous écrivez qu’à « l’ère de la postmodernité et de l’individu roi, le message catholique est chaque jour un peu plus marginalisé ». Le catholicisme, dont la pensée s’inscrit dans la durée, peut-il être en paix avec le monde moderne ?

    Le philosophe Nicolas Gomez Davila disait : « Le monde moderne tourne le dos aux catholiques qui eux ne le lui tournent pas ». Le problème étant que le monde moderne ne le leur pardonne pas. Le « problème » du catholicisme est d’être une sorte de modèle contre-révolutionnaire universel. Contre le mondialisme, le wokisme, l’islamisme… Ces dernières années, chaque « avancée » sociétale a été un coup porté à l’anthropologie chrétienne, la question n’est en fait pas de savoir si un catholique peut être en paix, la question étant a-t-il conscience qu’il ne vit plus dans une civilisation chrétienne et admet-il que les choix sociétaux posés sont en inadéquation avec la vision de la religion dont il se réclame ? On pourrait couper court à ce débat en constitutionnalisant les racines chrétiennes de la France, mais cela reviendrait à faire opérer à la société un virage à 180 degrés. Ce qui serait aujourd’hui presque utopique.

    Vous écrivez comme première phrase de conclusion « Tuer le père ». Cette sentence résume-t-elle le malaise profond engendré par la haine du catholicisme ?

    Il faudrait tuer le père symboliquement pour s’émanciper et devenir adulte. Cette vieille théorie psychanalytique prend tout son sens tant on assiste aux balbutiements d’une société adolescente en proie à une véritable frénésie. Au fond, la France a tué son roi, et essaye de tuer son Dieu. Mais pour arriver à ce dernier point, il faudrait en finir avec le catholicisme dans ce qu’il a de spirituel et d’intellectuel, mais aussi et surtout parce qu’il est lié à une Histoire devenue impossible à assumer, un joug perçu comme trop lourd, un frein, un ancrage, etc. Autant de concepts que la société moderne voudrait détruire, car à l’ère du liquide, il faut absolument abattre tout ce qui enracine. La Foi n’est pas qu’une croyance à une vie éternelle comme un bouddhiste croirait en la réincarnation. Elle est une identité qui résiste aux modes du temps, une liberté intérieure, un modèle social basé sur la famille… En bref tout ce que hait la modernité.

    En quoi l’universalisme des droits de l’Homme, qui a remplacé l’universalisme chrétien, puise-t-il paradoxalement ses valeurs dans le christianisme ?

    Lorsque la Révolution décapite le Roi, lieutenant du Christ sur Terre, donc de Dieu, il faut trouver un nouveau centre sur laquelle fonder une morale et l’Homme y revêt une importance toute particulière. Aujourd’hui, l’universalisme des Droits de l’Homme a pris une dimension presque « religieuse ». Beaucoup connaissent cette citation de Chesterton : « Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles », mais peu savent que cette citation a été amputée de sa partie la plus importante : « Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules ». C’est le drame du monde moderne qui, en s’amputant de la transcendance, en voulant sortir de la chrétienté en tant que civilisation, s’est vaguement raccroché aux « Droits de l’Homme ». Or, et c’est tout le paradoxe, en évacuant de ce concept la dimension chrétienne, cet universalisme des Droits de l’Homme est réduit à une vision purement occidentale et idéologique, mais surtout boiteuse. Ainsi, la Ligue des Droits de l’Homme milite pour le droit à l’avortement et à l’euthanasie alors même que ces actes contreviennent au premier des droits qui est de vivre. Nous ne sommes plus sur une protection de l’homme de sa conception à sa mort naturelle, mais sur la promotion des droits individuels au détriment de l’Homme. En se séparant du christianisme, et au nom de vertus devenues folles on oppose l’individu au droit humain le plus élémentaire : celui de vivre.

  • Le père Xavier Dijon répond à Gabriel Ringlet : ”Pourquoi, diable, tenir au respect inconditionnel de la vie ?”

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    Dans un esprit de dialogue, le Père Xavier Dijon s.J. nous autorise à publier ici un texte qu'il a rédigé suite à la publication des propos de Gabriel Ringlet parus dans La Libre au sujet de l'euthanasie; nous lui en sommes très reconnaissants.

    Pourquoi, diable, tenir au respect inconditionnel de la vie ?

    Le plaidoyer proposé par l’abbé Gabriel Ringlet en faveur d’un accompagnement spirituel du geste euthanasique (LLB 03/09/2015) a tout pour séduire. Voici une personne gravement malade qui éprouve une souffrance insupportable et qui a trouvé chez un médecin assez de compassion pour en être délivré par une dernière piqûre. Or comme cet acte qui met fin à une vie humaine ne peut rester enfermé dans les limites d’une technique médicale, un prêtre, compatissant lui aussi, se présente pour inscrire ce don de la mort dans un courant spirituel humblement symbolisé par la musique, la poésie, le parfum…D’où le soulagement, à la fois, de la personne mourante elle-même, qui se voit déculpabilisée du geste qu’elle a osé demander, et du personnel médical et paramédical qui pose ce geste ou qui y participe. N’est-il pas séduisant d’entendre : « Le rituel (…) sert simplement à donner le plus d’humanité possible à quelque chose de très fort que nous vivons (…) J’appelle cela : grandir dans la transgression ».

    Il est vrai que, depuis les origines, l’être humain a su habiller des plus beaux atours la transgression des limites inhérentes à sa propre condition, tandis qu’il persécutait les sages et les prophètes qui les lui rappelaient. Mais, si l’on veut bien voir, recouverte par les artifices, la nudité de l’être confronté à son destin dramatique, ne convient-il tout de même pas de rappeler à la fois le caractère indépassable de la vie et le salut dont témoigne le prêtre ?

    Mais comment faire comprendre que la vie humaine n’est pas à la disposition du vivant lui-même ? Peut-être pas autrement qu’en la rapportant à son origine : ‘je ne me suis pas fait moi-même’. Ce fait premier de la vie, qui m’est le plus intime, m’échappe pourtant entièrement. Cette étrange condition fonde en même temps le lien social. Toute vie humaine, du seul fait qu’elle est là, -y compris celle qui tremble sur une barque en péril au milieu de la Méditerranée-, mérite le respect. Nulle personne, pas même le sujet lui-même, ne peut y porter atteinte. Sinon, nous entrons nécessairement dans la violence.

    Même entourée par l’esthétique déculpabilisante, la transgression euthanasique reste objectivement une transgression car, répétons-le, l’être humain n’a jamais le droit de mettre fin à la vie d’un autre. Dès lors, si le rituel qui accompagne le geste euthanasique est perçu, avec d’ailleurs les meilleures intentions du monde (que nous n’avons pas à juger ici), comme une manière de ‘grandir dans la transgression’, il est plutôt à craindre que, en réalité, il ne fasse grandir la transgression elle-même.

    La demande de rituel, y compris de la part d’esprits laïques, honore assurément l’homme. L’être humain, créature spirituelle, ne peut pas et ne veut pas mourir comme un animal. Mais précisément, n’est-ce pas sur cette demande de rituel qu’il convenait de s’appuyer pour récuser l’euthanasie elle-même ? Plutôt que de dire : une décision est prise et je la bénis par un rite humanisant, ne fallait-il pas renverser la proposition ? Puisqu’il y a demande d’un rite spirituel qui manifeste la condition éminemment humaine du malade, ne fallait-il pas considérer comme contradictoire la décision euthanasique qui, dans l’objectivité des gestes, nie cette condition ?

    Mais que faire alors, devant la grande souffrance ? Rien d’autre que s’employer, chacun, à fournir toute l’aide qui permettra au malade de la porter : le médecin, par ses soins consciencieux et attentifs ; la famille et les amis, par leurs marques d’affection. Et le prêtre ? Par le rappel de Celui qui nous a introduits dans la vie spirituelle en acceptant de mourir sur la croix. La Bible possède cette force étonnante de relever le défi de la mort en nous révélant la profondeur proprement divine de la vie qui nous tient ensemble. Et les sacrements (réconciliation, onction des malades, eucharistie…) sont la richesse spirituelle que l’Eglise offre aux croyants par la médiation de ses prêtres.

                                                                                       Xavier Dijon, S.J.

  • Quand Gabriel Ringlet et Corinne Van Oost, invités par le cdH, justifient le recours à l'euthanasie

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    Ce 9 mars, le cdH liégeois recevait Corinne VAN OOST et Gabriel RINGLET pour traiter des soins palliatifs et de l’euthanasie. En présence d’une centaine de personnes, et comme il fallait s’y attendre en l’absence d’un intervenant ayant un autre point de vue, les conférenciers, malgré une certaine prudence dans les propos, défendirent finalement l’euthanasie comme une bonne solution de fin de vie dans un certain nombre de cas. Madame VAN OOST exprima même l’idée que certains enfants devaient être respectés jusque dans cette extrémité : la loi belge d’extension de l’euthanasie aux mineurs est donc une bonne chose. Pour les personnes démentes, la question est un peu plus complexe et il faut encore approfondir la question. Monsieur l’abbé RINGLET est assez d’accord avec tout cela. Qui l’eut cru ?

    L’abbé RINGLET commença par exposer la position des évêques de France (qui serait quasi identique à celle des évêques belges) qui tient en quatre points : renforcer les solidarités, développer les soins palliatifs, éviter l’acharnement thérapeutique et refuser de donner la mort. L’abbé est d’accord avec tout cela « à 95´% ». L’ennui, c’est que dans les 5% qui font la différence, il y a l’essentiel : lui accepte que la mort soit donnée. Sur le ton de la confidence, il dira qu’en privé certains évêques admettent que l’on puisse se trouver « devant un mur » qui justifie l’euthanasie. Tout se laisse dire et comme il n’y avait pas d’évêque dans l’assemblée…

    Ne doutant de rien, l’abbé ira jusqu’à dire qu’en face d’impasses absolues, « en concordance avec l’Evangile (d’un libre penseur ?) et surtout avec les béatitudes », il doit accepter l’euthanasie.  Rien de moins !

    C’est l’abbé qui, avec son onctuosité coutumière, réserva pour l’assemblée le meilleur de lui-même. Il la gratifia d’un aphorisme sorti tout droit de sa morale romantique : « Une transgression fondamentale peut-être commise et ne pas la commettre serait une transgression plus grave encore ». Il accorda beaucoup d’attention aux rites de fin de vie : mettre une goutte de vin sur les lèvres du mourant, le caresser avec un parfum, lui murmurer une poésie à l’oreille. Mais d’une prière, de la dernière confession ou de la réception du saint viatique, pas un mot, bien entendu. Enfin, pour terminer en beauté, il exposa qu’il n’était pas possible de comprendre l’euthanasie si on n’avait pas compris la signification des dernières paroles du Christ à Gethsémani (sic) : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » On pouvait s’attendre à ce que ce cri soit celui de la personne euthanasiée, mais il n’en est rien. Par un renversement de la perspective, ces paroles sont celles de «  l’euthanasieur » se sentant abandonné de Dieu quand il commet ce crime ! Cela, c’est vrai…

  • Pourquoi l’abbé Ringlet reste-t-il dans l’Eglise catholique ?

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    Suite à l’article paru ici un ami nous communique la réflexion suivante : 

    « Dans la veine moderniste des deux derniers siècles illustrée par de grands ancêtres comme Lamennais, Renan et autres Loisy, j’avais pensé qu’on inscrirait peut-être un jour, dans une  note érudite, le nom d’un lointain épigone belge, dont « le Soir » a encore recueilli dévotement les oracles, ce 18 juillet.  Ses propos sont aujourd’hui (71 ans) dédiés à la mémoire et au souvenir.  A leur lecture, je me ravise : il ne suffit pas d’avoir le goût de la transgression,  de forcer le trait et de jouer les provocateurs pour atteindre le niveau de ces maîtres d’hier qui inspirèrent la figure de l’abbé Donissan à Bernanos ou celle de l’abbé Bourret à Joseph Malègue.  Nous sommes finalement ici dans un registre léger, dont la postérité me semble bien moins assurée, comme le suggère d'ailleurs malicieusement le titre ambigu de l’article du « Soir »: « je n'ai jamais tenu la femme à distance. 

    C’est en ces termes que le site Belgicatho introduisait de longues citations de l’interview données par l’abbé Ringlet au « Soir ». 

    Lecture faite, deux questions viennent à l’esprit : comment et pourquoi le comportement et les positions de l’abbé Ringlet ont-ils été tolérés (du séminaire à aujourd’hui) dans l’Eglise de Belgique ?  Pourquoi reste-t-il dans l’Eglise catholique alors que tant de chapelles l’accueilleraient sans difficulté extra-muros? 

    Nous pouvons trouver un élément de réponse à la seconde question dans un ouvrage de Karl Rahner où l’auteur s’exprime comme suit : « Pourquoi des chrétiens qui sont conscients de l’opposition de leurs conceptions avec la doctrine de l’Eglise officielle, veulent-ils pourtant rester dans l’Eglise ? Une raison en a déjà été indiquée : ils se mettraient eux-mêmes par là aussi en contradiction avec une proposition de foi déjà reconnue par eux-mêmes, celle qui concerne la véritable Eglise et son magistère. Mais il s’y ajoute certainement d’autres raisons encore. Par opposition aux temps d’un individualisme et d’un libéralisme conscient de soi, l’homme d’aujourd’hui n’a plus autant de confiance en sa propre opinion, il n’est plus si bien convaincu que l’on puisse facilement soi-même fonder une nouvelle communauté religieuse, sans se perdre dans l’esprit de secte et dans des rêveries sans issue. Lorsqu’on  éprouve ce sentiment sans pourtant réaliser la foi inconditionnée en l’Eglise, on en vient – depuis l’époque du modernisme – aux essais de bâtir sa propre petite chapelle au sein de la grande Eglise, et de former une secte ésotérique au sein de la grande communauté » (Dangers dans le catholicisme d’aujourd’hui, DDB, 1959, p.121). »

    JPSC