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Une salve de la revue « Catholica » salue déjà les 50 ans de Vatican II

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 A lire ici :Nu­mé­ro 114 : Ou­ver­ture d’un cin­quan­te­naire . Voici quelques extraits en guise de synthèse (les intertitres sont de Belgicatho) :

 Surmonter un paradoxe

 (…) Placée dans une si­tua­tion de rejet de la part de ce que les papes du XIXe siècle ap­pe­laient « la  ci­vi­li­sa­tion mo­derne » (Pie IX) ou « le droit nou­veau » (Léon XIII), l’Eglise a long­temps réagi en op­po­sant la pé­ren­ni­té de son en­sei­gne­ment aux prin­cipes do­mi­nants de l’époque, cher­chant d’autre part par des voies di­verses, par­fois pa­ra­doxales, les moyens de main­te­nir sa pré­sence dans la so­cié­té.(…).

Va­ti­can II, pre­nant acte de l’in­ef­fi­ca­ci­té du­rable de ces voies, au­rait pu, et dû, être l’oc­ca­sion d’une ex­cep­tion­nelle ré­vi­sion des ana­lyses et des mé­thodes, et fa­vo­ri­ser l’émer­gence d’un ef­fort col­lec­tif pour re­pen­ser à neuf le rap­port de l’Eglise avec les formes so­ciales et cultu­relles contem­po­raines.

Une occasion manquée

Pour­quoi cela n’a-​t-​il pas eu lieu ? Il est im­pos­sible de sug­gé­rer une ré­ponse sans tenir compte de la pé­riode an­té­cé­dente, celle de l’entre deux-​guerres et des len­de­mains de la Deuxième Guerre mon­diale  D’une part, une cer­taine sclé­rose af­fecte les lieux ins­ti­tu­tion­nels d’éla­bo­ra­tion et de trans­mis­sion du sa­voir – uni­ver­si­tés pon­ti­fi­cales et autres centres de for­ma­tion su­pé­rieure ca­tho­lique –, no­tam­ment en rai­son des contre­coups des « ral­lie­ments » suc­ces­sifs.(…) .D’autre part on mène un jeu dan­ge­reux dans le cadre d’or­ga­nismes tels que l’Ac­tion ca­tho­lique, la presse et l’édi­tion re­li­gieuse, et bien sûr aussi les par­tis po­li­tiques et les syn­di­cats, pla­cés au contact im­mé­diat de la culture do­mi­nante, mar­xiste ou li­bé­rale.(…) . Cet état de ca­rence, non ab­so­lue mais ma­jo­ri­taire dans le ca­tho­li­cisme du XXe siècle, a per­mis aux plus ac­tifs des élé­ments « mo­der­ni­sa­teurs » d’ob­te­nir un bas­cu­le­ment dans leur sens, ve­nant sanc­tion­ner l’ac­cep­ta­tion des thèses dé­fi­nies dans la se­conde moi­tié du XIXe siècle au sein du cou­rant li­bé­ral-​ca­tho­lique. Ce fut donc le grand « tour­nant an­thro­po­lo­gique » (K. Rah­ner), avec toutes ses ap­pli­ca­tions, no­tam­ment en ma­tière de rap­ports entre spi­ri­tuel et tem­po­rel. (… ) .Dans la « Consti­tu­tion pas­to­rale sur l’Eglise dans le monde de ce temps », Gau­dium et Spes, le Concile prê­tait à l’Eglise le désir de se faire re­con­naître comme guide uni­ver­sel dans un monde en pleine trans­for­ma­tion (…). Si, il y a un de­mi-​siècle, cette au­da­cieuse pro­po­si­tion pou­vait en­core s’at­ti­rer des louanges bien am­bi­guës, dé­sor­mais son rejet est franc et bru­tal, à l’oc­ca­sion même in­sul­tant.

Constat d’échec

On ne sau­rait donc bien long­temps main­te­nir un dis­cours aussi cruel­le­ment dé­men­ti par les faits. A cin­quante ans de dis­tance, on constate que ni l’offre de ser­vice ni l’ac­quies­ce­ment aux va­leurs du temps n’ont reçu une ré­ponse pro­por­tion­née. Non seule­ment le chan­ge­ment de pa­ra­digme s’est avéré aussi in­opé­rant, sinon plus, que le pré­cé­dent, puisque la contre­par­tie de sym­pa­thie nou­velle que l’on en at­ten­dait ne s’est pas vé­ri­fiée, mais en outre il a pro­vo­qué de nom­breux pro­blèmes nou­veaux, ex­ternes et in­ternes ; on di­sait que l’Eglise s’était re­ti­rée hors du monde par ses condam­na­tions, mais au­jourd’hui, mal­gré tous les dia­logues et toutes les ou­ver­tures, elle en est plus ex­clue que ja­mais tan­dis qu’elle a subi une « mon­da­ni­sa­tion » in­té­rieure pro­fonde et sans pré­cé­dent, comme l’a consta­té Be­noît XVI dans son dis­cours au Bun­des­tag, le 22 sep­tembre 2011.Il se­rait donc bien­ve­nu et lé­gi­time de s’in­ter­ro­ger cette si­tua­tion.(…)

Diversion et atermoiement

Mis à part la né­ga­tion pure et simple de l’échec, de na­ture pro­pre­ment idéo­lo­gique, il existe pour le mo­ment deux ma­nières de dif­fé­rer l’ana­lyse.

La pre­mière consiste à en cher­cher la cause prin­ci­pale dans l’ag­gra­va­tion de l’état de la so­cié­té, concrè­te­ment dans mai 1968 et ses suites (…).Mais pour pres­sant que tout cela ait pu être, il ne s’est agi, après tout, que d’un en­semble de condi­tions nou­velles aux­quelles il était pos­sible de ré­pondre selon le degré de convic­tion et de force in­té­rieure dis­po­nibles dans le peuple chré­tien, et sin­gu­liè­re­ment dans le cler­gé. C’est sur ce point qu’il est im­pos­sible d’im­pu­ter la res­pon­sa­bi­li­té prin­ci­pale de l’ef­fon­dre­ment au monde ex­té­rieur. Et cela pour une rai­son de prin­cipe – l’épreuve for­ti­fie les forts, elle ba­laie les faibles – et une autre de fait, puisque dans une me­sure nette, ce sont les forces mêmes de la mo­der­ni­sa­tion in­terne de l’Eglise qui ont nour­ri les avant-​gardes pro­vo­quant les mu­ta­tions in­ter­ve­nues à par­tir de 1968. C’est éga­le­ment le cler­gé qui est entré en dé­com­po­si­tion, tout comme les ordres re­li­gieux, pen­dant le cours même du Concile et non pas seule­ment dans les an­nées 1970.(…). D’autre part, l’op­ti­misme qui était de mise au Concile re­po­sa soit sur une éton­nante igno­rance du cours réel du monde et de ses chan­ge­ments, soit sur un refus dé­li­bé­ré de les prendre en consi­dé­ra­tion par suite de choix pré­éta­blis. Un cas fla­grant fut celui de l’omis­sion du com­mu­nisme – mal­gré le scan­da­leux si­lence sur son épou­van­table mé­ca­nique de des­truc­tion hu­maine – mais peut-​être plus en­core celui du si­lence sur le sys­tème d’en­semble dont le com­mu­nisme n’est qu’un ra­meau (…) ».

Une autre ma­nière de re­tar­der l’ana­lyse d’en­semble des causes de l’échec de la ten­ta­tive conci­liaire de ré­con­ci­lia­tion avec le monde non chré­tien ou an­ti­chré­tien consiste à ima­gi­ner une sorte de « plan B », une in­ter­pré­ta­tion qui, sans re­mettre en cause les grandes orien­ta­tions de l’époque, ten­te­rait de né­go­cier, sur leur base ré­in­ter­pré­tée, un rap­port ac­cep­table avec les puis­sances ac­tuel­le­ment do­mi­nantes.(…) Le dis­cours pro­non­cé par Be­noît XVI le 22 dé­cembre 2005 a of­fi­cia­li­sé l’exis­tence du pro­blème et en même temps pré­ci­sé les mo­da­li­tés d’un ré­exa­men tem­pé­ré qui per­met­trait d’évi­ter les deux pôles op­po­sés de la ré­vi­sion dé­chi­rante et de la fuite en avant. La ten­ta­tive, par­fai­te­ment com­pré­hen­sible, est fra­gile car (…) pour l’heure, il y a peu d’exemples de ce que pour­rait être une « laïcité po­si­tive », puis­qu’il s’agit de cela, sauf peut-​être dans quelques pays afri­cains (…). En re­vanche, le seul fait de dé­cla­rer le Concile in­ter­pré­table consti­tue une pre­mière étape vers une ré­vi­sion d’en­semble, en met­tant en cause la ver­sion conci­liaire la plus conforme à l’es­prit de l’époque, la plus « pro­gres­siste », mais aussi en ve­nant heur­ter les ha­bi­tudes ac­quises ou même la peur de tout chan­ge­ment, de type « conser­va­teur » cette fois.

Intimidations

Il est in­dis­pen­sable que le bilan de ce de­mi-​siècle très par­ti­cu­lier puisse enfin s’ou­vrir dans des condi­tions nor­males, c’est-​à-​dire li­bre­ment, avec pru­dence, dans un cli­mat in­tel­lec­tuel­le­ment fa­vo­rable. Cela n’est  pas en­core le cas en rai­son de ces op­po­si­tions conju­guées et des ha­bi­tudes ac­quises.

Les mé­thodes idéo­lo­giques ont lar­ge­ment été adop­tées à l’in­té­rieur du corps ec­clé­sial, cha­cun en connaît la liste : in­ti­mi­da­tion, usage de termes éli­mi­na­toires, cam­pagnes de dé­non­cia­tions, étouf­fe­ment dans le si­lence.(…) L’in­ter­dic­tion de ques­tion­ner s’opère par jonc­tion entre ac­ti­visme de base (ces fa­meux co­mi­tés au­to-​ins­ti­tués sé­vis­sant dans beau­coup de dio­cèses et d’ordres re­li­gieux, exer­çant de fait un pou­voir ar­bi­traire) et in­ter­ven­tion du « bras sé­cu­lier » consti­tué par l’ap­pa­reil idéo­lo­gique fonc­tion­nant dans la so­cié­té, mé­dias, as­so­cia­tions, po­lices pri­vées et le cas échéant, ins­tances gou­ver­ne­men­tales ou in­ter­na­tio­nales. Il est in­utile de dé­tailler, il suf­fit de se rap­pe­ler la ma­nière dont cer­taines af­faires ré­centes se sont dé­rou­lées et ont été ré­per­cu­tées dans le monde en­tier :le dis­cours de Ra­tis­bonne, l’af­faire William­son, celle de l’ar­che­vêque d’Olin­da et Re­cife, etc..(…)

Un deuxième fac­teur, d’ordre ins­ti­tu­tion­nel, in­ter­vient pour ren­for­cer l’effet de ces me­sures ac­tives : la dis­so­lu­tion des struc­tures hié­rar­chiques ré­sul­tant de la col­lec­ti­vi­sa­tion de l’au­to­ri­té, au nom de la col­lé­gia­li­té. Peu im­porte que celle-​ci ait dé­pas­sé en pra­tique les normes conci­liaires, elle est un état de fait qui s’est gé­né­ra­li­sé, ren­dant psy­cho­lo­gi­que­ment obli­ga­toire la so­li­da­ri­té dans le res­pect de la norme qui s’est im­po­sée (…).

Enfin rien de tout cela n’au­rait d’im­pact dé­ter­mi­nant sans la su­per­dog­ma­ti­sa­tion du Concile, qui re­lève d’une dé­marche tou­jours plus ir­ra­tion­nelle au fur et à me­sure que le temps passe, qui mal­gré tout se main­tient en dépit de ce qu’en avait clai­re­ment dit en son temps (San­tia­go, 1988) le car­di­nal Rat­zin­ger, pour la ré­cu­ser (…) Ce­pen­dant cette su­per­struc­ture est main­te­nant en train de se lé­zar­der, ce dont on ne peut que se ré­jouir.

Evaluation inéluctable

(…) Le mythe conci­liaire a be­soin d’un sup­port hu­main actif. Ce fut long­temps le fait d’un nombre consé­quent de théo­lo­giens de va­leur, for­més dans la pre­mière par­tie du siècle passé. Or l’ac­tion sub­ver­sive qu’ils ont menée avec ap­pli­ca­tion a eu comme consé­quences, entre autres ef­fets, d’af­fai­blir la va­leur de l’en­sei­gne­ment théo­lo­gique, de sorte que leur pos­té­ri­té est loin d’at­teindre leur ni­veau de ca­pa­ci­té in­ven­tive.(…). Au­jourd’hui la re­lec­ture d’un texte comme Gau­dium et Spes, em­preint d’une cer­taine fas­ci­na­tion de­vant la conquête de l’es­pace, les autres pro­diges de la tech­nique et l’avè­ne­ment de l’abon­dance, té­moigne de ce dé­pé­ris­se­ment, dans la forme et dans le fond. L’en­thou­siasme a cédé le pas au désen­chan­te­ment.

Enfin, des dis­cus­sions ont été en­ta­mées entre la Fra­ter­ni­té sa­cer­do­tale Saint Pie X, fon­dée par Mgr Le­febvre, et le Va­ti­can, en vue de dé­ter­mi­ner un sta­tut ju­ri­dique par­ti­cu­lier. Or à ces trac­ta­tions ont été as­so­ciés des échanges por­tant sur l’in­ter­pré­ta­tion du Concile, et sur la pos­si­bi­li­té d’en dis­cu­ter tel ou tel texte. Quoi qu’il en soit de la réus­site ou de l’échec de ces échanges, le seul fait qu’ils aient pu avoir lieu a ren­for­cé l’idée qu’il est dé­sor­mais admis de dis­cu­ter du Concile. Et en marge des mi­lieux di­rec­te­ment concer­nés, d’autres échanges sur le même thème se sont mul­ti­pliés, ins­tau­rant de fait un débat, don­nant lieu, dans la dé­fense sou­vent mal­adroite de l’or­tho­doxie conci­liaire par ses avo­cats les plus conser­va­teurs, à des contre-​exemples ve­nant à leur tour nour­rir le « dis­cours à faire » sur l’en­semble de la ques­tion – selon le voeu, et le titre d’un des ou­vrages ty­piques de cette pé­riode nou­velle (B. Ghe­rar­di­ni, Va­ti­ca­no II. Un dis­cor­so da fare, 2009).

Ainsi la chape de plomb si long­temps im­po­sée est-​elle ap­pe­lée à s’al­lé­ger, avant, peut-​être, de dis­pa­raître to­ta­le­ment. Les an­nées qui viennent de­vraient être l’oc­ca­sion de voir s’élar­gir et se pré­ci­ser un cli­mat pro­gres­sif de li­ber­té en vue d’une ré­vi­sion mé­tho­dique des don­nées en cause. ».

Un diagnostic anti-moderne radical (qui a, lui aussi, sa mythologie),  une pièce à verser au dossier. Ce n’est sans doute pas la seule.

 

Commentaires

  • Je ne discerne pas très bien le fil conducteur de cette analyse, qui est plutôt une sorte de constat journalistique. Quoi qu'il en soit, je suis effrayé qu'on traite ces questions d'Église comme s'il s'agissait de n'importe quel gouvernement national, parti politique, organisation syndicale, ONG ou multinationale privée quelconque.

    Bref, j'ai un peu l'impression que Dieu, le principal 'actionnaire' de l'association Église catholique, celui qui lui donne sa raison sociale et son fil directeur, en est absent, qu'il est mis sur la touche. Or, c'est précisément ce qu'on peut reprocher aussi aux dérives de Vatican II, notamment liturgiques, c'est d'avoir donné congé à Dieu, comme si son Esprit Saint n'était plus nécessaire pour nous éclairer.

    Si l'Église, sous certains aspects organisationnels, peut apparaître vue de l'extérieur comme une association seulement humaine, il ne peut en être de même de l'intérieur. Et l'Église a eu raison de lutter contre toutes les idéologies matérialistes athées, nées au 19è ou au 20è siècle : le capitalisme, le communisme, l'anarchisme, le fascisme, le nazisme. Et cette lutte est encore plus nécessaire aujourd'hui. Prétendre que c'est une lutte devenue inutile ou dépassée est un leurre.

    Il ne faut pas avoir peur de se revendiquer 'conservateur', quand il s'agit de 'conserver' des valeurs importantes, pour lesquelles ont déjà lutté tous nos ancêtres, et pour lesquelles ils ont souvent donné leur vie en témoins du Christ. Être 'conservateur', c'est donc conserver précieusement leur mémoire et leur héritage, comme un legs à faire fructifier en hommage à leur propre vie.

    Un prétendu progrès qui consiste à couper les racines d'un arbre portant beaucoup de fruits, n'est certainement pas un progrès. Un peuple ou une société qui ne conserve plus ce que lui a légué son passé se condamne à n'avoir pas d'avenir. Il est comme cet arbre qui n'est plus irrigué et qui se dessèche sur pied.

    Tant que ces idéologies matérialistes athées se battront pour réfuter violemment le message transmis par le Christ, il sera juste que l'Église ne capitule pas devant elles, comme si elle avait perdu la foi en Dieu et en sa mission, et avait fait allégeance à César.

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