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Comment le dynamisme missionnaire s'est affaissé dans l'après-Concile

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Sandro Magister se fait l'écho des propos du Père Gheddo, un spécialiste reconnu des missions :

Lors du synode du mois dernier consacré à la nouvelle évangélisation, le cardinal indien Telesphore Placidus Toppo a produit une forte impression quand il a critiqué ceux des ordres religieux qui agissent "comme des multinationales pour répondre aux besoins matériels de l’humanité mais oublient que le principal objectif pour lequel ils ont été créés est de porter le 'kérygme', l’Évangile, à un monde perdu".

Cette critique n’est pas nouvelle. Et les derniers papes l’ont adressée, à plusieurs reprises, à l’ensemble de l’Église catholique, qu’ils ont incitée à raviver son esprit missionnaire refroidi.

Le renversement de tendance a eu lieu au moment du concile Vatican II.

"Jusqu’au concile, l’Église a vécu une période de ferveur missionnaire qui est inimaginable aujourd’hui", rappelle le père Piero Gheddo, de l’Institut Pontifical des Missions Étrangères, qui fut l’un des experts appelés au concile par Jean XXIII pour travailler à la rédaction du document relatif aux missions.

Mais, ensuite, il y a eu un écroulement soudain. C’est tellement vrai que, en 1990, vingt-cinq ans après l'approbation du décret conciliaire "Ad gentes" ["Vers les peuples"], Jean-Paul II a ressenti la nécessité de consacrer aux missions une encyclique, "Redemptoris missio", précisément pour secouer l’Église et la faire sortir de sa torpeur.

Le père Gheddo fut également appelé à travailler à la rédaction de cette encyclique. Il affirme :

"Avec 'Redemptoris missio', Jean-Paul II voulait certainement confirmer le décret conciliaire 'Ad gentes', mais il voulait également combler une lacune de ce texte, très beau mais rédigé hâtivement et incomplet. C’est-à-dire qu’il voulait traiter des thèmes qui, lors du concile Vatican II, avaient été examinés de manière hâtive ou même carrément laissés de côté. Et je peux bien dire cela puisque j’ai rencontré le pape à plusieurs reprises pendant que je préparais les trois moutures du document, entre les mois d’octobre 1989 et de juillet 1990".

(...) (s'ensuit un développement concernant l'élaboration du décret "Ad gentes")

Toutefois, dès le tout début de l’époque postconciliaire, le rêve d’une nouvelle Pentecôte missionnaire a cédé le pas à une tendance opposée. Le père Gheddo se souvient :

"On réduisait l'obligation religieuse d’évangéliser à un engagement social : l'important est d’aimer son prochain, de faire du bien, de donner un témoignage de service aux autres, comme si l’Église était une agence d’aide et d’intervention rapide pour porter remède aux injustices et aux maux de la société. On exaltait l'analyse 'scientifique' du marxisme et le tiers-mondisme. On proclamait comme des vérités des thèses complètement fausses, par exemple celle selon laquelle il n’est pas important que les peuples se convertissent au Christ, du moment qu’ils accueillent le message d’amour et de paix de l’Évangile". 

(...) Ce qui amène Jean-Paul II à  publer l'encyclique "Redemptoris missio" en 1990, mais il "se heurta lui aussi à un mur d’incompréhension."

(...) Et le père Gheddo de poursuivre :

"Aujourd’hui, lorsque l’on observe les revues et les livres, les congrès, les campagnes organisées par des organismes missionnaires, on en vient à se demander si 'Redemptoris missio' est connue et vécue. Disons la vérité. La très grave diminution des vocations missionnaires tient également à la manière de présenter la figure du missionnaire et la mission vers les peuples. 

"Il y a un demi-siècle, on organisait des veillées et des marches missionnaires à l’occasion desquelles on faisait parler les missionnaires de terrain ; on demandait à Dieu davantage de vocations pour la mission vers les peuples et on encourageait les jeunes à offrir leur vie pour les missions. Aujourd’hui, ce qui prédomine, c’est la mobilisation sur des thèmes tels que les ventes d’armes, la collecte de signatures contre la dette extérieure des pays africains, l’eau comme bien commun, la déforestation, etc. Lorsque des thèmes comme ceux-là sont ceux qui ont le plus de poids dans l'animation missionnaire, il est inévitable que le missionnaire soit réduit au rôle d’opérateur social e politique.

"Je pose la question : peut-on imaginer qu’un jeune homme ou une jeune femme se sentiront incités à devenir missionnaires, si leur éducation leur apprend à critiquer et à protester, à recueillir des signatures contre les armes ou contre la dette extérieure ? Pour qu’il y ait davantage de vocations missionnaires il faut fasciner les jeunes en leur faisant connaître l’Évangile et la vie de mission, faire en sorte qu’ils se mettent à aimer Jésus-Christ, la seule richesse que nous ayons. Tout le reste en découle".

UNE NOTE DE CONFIANCE

Avec Benoît XVI, la lutte contre le relativisme, contre l'idée que toutes les religions sont équivalentes et constituent des voies de salut, est passée au premier plan. Parmi les nombreux textes de ce pontificat qui portent sur ce sujet, il y a la note doctrinale de la congrégation pour la doctrine de la foi relative à certains aspects de l’évangélisation.

Commentaire du père Gheddo :

"Cette note a été voulue et approuvée par le pape ; elle a été publiée le 3 décembre 2007, fête du missionnaire par excellence qu’est saint François Xavier ; et pourtant elle a été presque passée sous silence par la presse catholique et missionnaire, alors que c’est un texte que les instituts missionnaires diocésains, la presse, les groupes et les associations missionnaires devraient connaître et discuter pour avoir un point de référence précis dans le climat de sécularisation et de relativisme qui risque de nous faire perdre le sens de la voie juste".

Mais, malgré tout cela, le père Gheddo continue à avoir confiance et pour justifier cette confiance il cite quelques chiffres :

"Aujourd’hui, il y a trop de pessimisme quant à l’efficacité des missions auprès des non-chrétiens. La réalité est différente. Au cours de l’histoire bimillénaire de l’Église, il n’y a aucun continent qui se soit converti au Christ aussi rapidement que l’Afrique. En 1960, il y avait en Afrique quelque 35 millions de catholiques et 25 évêques locaux ; aujourd’hui, il y en a 172 millions et environ 400 évêques africains. D’après le Pew Research Center de Washington, les chrétiens comptent comme les musulmans un peu moins de 500 millions de fidèles dans l’ensemble de l’Afrique en 2010, mais dans la seule Afrique noire sub-saharienne il y a 470 millions de chrétiens et 234 millions de musulmans.

"En 1960, il y avait en Asie 68 évêques asiatiques et dans aucun pays on n’enregistrait une croissance soutenue du nombre de baptisés. Il n’y a qu’en Inde que l’on trouvait un bon taux de conversions et aujourd’hui, dans ce pays, il y a au moins 30 millions de catholiques, soit deux fois plus que le chiffre déclaré. Il en est de même pour l’Indonésie, le Sri Lanka, la Birmanie, et aussi pour le Vietnam, un pays où les catholiques représentent déjà 10 % des 85 millions d’habitants et où les conversions et les vocations sont nombreuses. La Chine comptait, lorsque Mao est arrivé au pouvoir en 1949, 3,7 millions de catholiques ; aujourd’hui, en dépit de la persécution, on estime qu’il y en a de 12 à 15 millions et que les chrétiens dans leur ensemble sont de 45 à 50 millions. En Corée du Sud, pays où la religion est libre et les statistiques crédibles, les catholiques sont plus de 5 millions, soit 10,3 % de la population sud-coréenne, et les chrétiens dans leur ensemble 30 %. 

"L’effet positif du concile (?) et des papes est évident dans la promotion des jeunes Églises, qui sont aujourd’hui missionnaires en dehors de leur propres pays et vers l’Occident. Les stéréotypes selon lesquels la mission vers les peuples serait terminée et n’aurait plus d’efficacité doivent être abandonnés parce qu’ils ne correspondent pas à la réalité des faits.

"Jean-Paul II a écrit dans 'Redemptoris missio' : 'La mission vers les peuples en est à peine à ses débuts'. Nous ne connaissons pas les plans de Dieu, mais l’actuelle période de stagnation de la mission vers les peuples a probablement, elle aussi, sa signification positive. Peut-être le comprendrons-nous dans un demi-siècle".

Toute la note est ICI

Commentaires

  • La vulgate occidentale du concile Vatican II, c'est qu'on se sauve par toutes les religions et même sans elles. Alors à quoi bon évangéliser et tracasser les peuples en cherchant à y inculturer le christianisme ?

    Je ne suis pas sûr que cette mentalité soit partagée par les populations d'Afrique, où la religion chrétienne est ressentie comme un vrai progrès pour l'être humain dans toutes ses dimensions, ni même en Asie, où le christianisme interpelle des cultures religieuses locales désespérantes pour l'humanité.

    Non, toutes les religions ne se valent pas pour construire la relation de l'homme à lui-même aux autres et à Dieu.

  • Avant le Concile quand j'étais gamine j'avais beaucoup d'admiration pour un cousin Père Blanc au Congo. Je me souviens de son enthousiasme et de son espoir d'annoncer l'Evangile et conduire au baptême.

    Après le Concile, un missionnaire m'a dit qu'il ne partait "évidemment" pas au Vietnam pour convertir mais pour aider les pauvres, victimes des guerres menées par l'Occident. On voit le renversement de perspective. Toutes ces idées viennent des théologiens du pluralisme dont les théories choquent tellement les chrétiens récents africains ou asiatiques qui vivent chez nous.

    Les évangéliques, surtout pentecôtistes, eux ne s'embarrassent pas de tels scrupules pour annoncer sans complexes "un seul salut en Christ" et on s'étonne alors qu'ils ont "le vent en poupe" dans certains pays. Les gens sentent qu'il émane d'eux une forte conviction et cela attire plus que des missionnaires relativistes fort peu différents finalement des bénévoles dans une ONG humanitaire.

  • Sans oublier que le Concile Vatican II n'a jamais énoncé que toutes les religions se valaient. Il a seulement considéré que toutes les recherches sincères de la vérité étaient respectables.

    Tous les vrais missionnaires le savaient, bien avant ce Concile "pastoral" : il ne leur suffisait de paraître, avec une barbe au menton, au fond de la brousse américaine ou africaine, pour convertir tous les villages, un par un.

    On doit donc craindre que l'origine de notre "réformite aiguë" soit ailleurs.

    On a - effectivement - laissé entendre que toutes les religions se valaient, non pas sur des critères religieux (relation entre Dieu et l'homme), mais au départ de considérations idéologiques.
    Le dit Concile ne précise-t-il pas que - par amour de la vérité et par amour de nos frères, pour tenter de leur épargner l'épreuve du désespoir - il faut proposer notre FOI.

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