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Homélie pour le Mercredi des Cendres

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Du Père Joseph-Marie Verlinde sur homélies.fr (Archive 2004) :

« Revenez à moi » : le Seigneur nous invite lui-même à cet acte d’audace inouïe qui consiste à revenir à lui, alors que dans notre folie, nous nous étions éloignés de la Source de tout bien. Et comme pour nous rassurer et vaincre nos ultimes résistances, il proteste de ses bonnes intentions : « Le Seigneur votre Dieu est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (1ère lect.) ; bien plus : « Il désire vous combler de ses bienfaits ».

En ce jour où nous commençons par un saint jeûne le temps de pénitence du Carême, il est bon de nous imprégner de ces paroles pleines d’espérance, qui doivent orienter tout notre cheminement vers Pâques.

Mais si Dieu nourrit envers nous de tels sentiments de bienveillance, pourquoi prescrit-il un jeûne auquel tous doivent se soumettre, du plus grand au plus petit ? Uniquement pour nous arracher à la préoccupation excessive, idolâtrique, des biens de ce monde, qui exercent sur nous une emprise aliénante.

« L’idole commence, méditait le cardinal H. Urs Von Balthasar, là où Dieu ne suffit plus ». Cette parole nous atteint de plein fouet : qu’il est difficile de résister aux mille désirs qui nous dispersent loin de l’Unique Nécessaire ; de garder notre cœur unifié en Dieu ; de tout recevoir de lui dans l’action de grâce.

Chacun de nous est invité à se laisser conduire par l’Esprit jusqu’à ce lieu de non liberté, où le Seigneur n’est plus le premier choisi, où il ne règne plus en Maître. C’est précisément là que la Croix du Christ doit être plantée durant ce Carême. Car là où Dieu n’est plus Roi, le Prince de ce monde a tôt fait de prendre sa place. Nous connaissons bien ses sophismes mensongers : peur de manquer, besoin de se défouler, de vivre avec son temps, de rejeter les tabous, de s’ouvrir à d’autres horizons... Autant de suggestions et bien d’autres qui nous conduisent à relativiser la Parole de Dieu, « à en prendre et à en laisser ». Mais si la Parole n’est plus la norme ultime, qui juge toutes les propositions humaines, nous sommes déjà déchus de notre dignité filiale, de notre participation à la Seigneurie du Christ.
L’appel « revenez à moi » suppose que nous nous détournions des idoles qui nous ont fascinés et que nous nous arrachions à notre tiédeur, à nos demi-mesures, à nos compromissions avec l’esprit du monde. Mais comment pourrions-nous revenir à Dieu s’il ne prend l’initiative de venir lui-même à nos devants ? C’est précisément ce qu’a accompli pour nous le Verbe lorsqu’il a pris chair de notre chair. Dieu est déjà venu jusqu’à nous en son Fils, pour que nous puissions « revenir à lui » dans l’Esprit.

C’est sur l’horizon du salut accompli « une fois pour toutes » par le Christ Jésus, que l’invitation pressante de saint Paul : « laissez-vous réconcilier avec Dieu », prend tout son sens. Notre effort de Carême consiste à accueillir la grâce de conversion que le Seigneur nous offre lui-même en ce temps béni. « Ne laissons pas sans effet la grâce reçue de Dieu » (2ème lect.). Laissons-nous justifier devant Dieu notre Père par celui qui s’est identifié à notre péché, afin de nous couvrir de sa justice.

Certes, ce don nous a déjà été fait au baptême : nous avons reçu la grâce de filiation divine. Mais qui peut prétendre être resté fidèle à cette Alliance primordiale ? Ne nous sommes-nous pas tous hâtés de nous éloigner du chemin de l’Evangile pour retourner à nos « oignons d’Egypte », c’est-à-dire aux idoles de ce monde ? Voilà pourquoi chaque année l’Eglise nous propose à nouveau ce temps de conversion, au cours duquel elle nous invite à revenir à la source vivifiante de notre baptême, pour en vivre de manière concrète.

« Si vous voulez vivre comme des justes » – ce qui devrait être la ferme volonté de tous ceux qui se reconnaissent « justifiés » dans le Sang du Christ – « évitez d’agir devant les hommes pour vous faire remarquer ». Ne soyez pas tournés vers l’extériorité de ce monde qui passe, pour y convoiter l’avoir, la gloire et le pouvoir. Mais recueille-toi plutôt « dans le secret : ton Père voit ce que tu fais en secret : il te le revaudra ». C’est dans le face à face avec le Père, par notre communion à son Fils Jésus Christ, que nous laissons Dieu nous « combler de ses bienfaits », afin que nous puissions à notre tour « offrir un sacrifice au Seigneur notre Dieu ». Et quelle est donc cette offrande qui sanctifiera notre vie, sinon la louange et l’action de grâce qui jailliront de nos cœurs purifiés (Ps 50 [51]) par l’accueil renouvelé du salut que le Père nous offre « au nom du Christ ».

Une dernière précision s’impose. Si la conversion est nécessairement un choix personnel, notre démarche n’est pas pour autant individualiste : la première lecture souligne sa dimension communautaire essentielle. C’est au peuple tout entier que le Seigneur adresse son appel et sa promesse : « Sonnez de la trompette dans Jérusalem : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une solennité, réunissez le peuple, tenez une assemblée Sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! » Bref : tout le monde sans exception est convoqué à une assemblée liturgique pour confesser son péché et accueillir le pardon de Dieu.

Nous savons combien le Ramadan est pour nos frères musulmans non seulement un temps de pénitence personnelle, mais aussi l’occasion de redécouvrir leur identité religieuse et leur unité communautaire. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi également pour nous, chrétiens ? Une de nos résolutions de carême ne serait-elle pas, selon le souhait du Saint Père adressé à nos Evêques en visite ad limina, d’approfondir le sens de l’Eglise comme communauté du salut, c'est-à-dire de ceux qui ont accueilli le pardon de Dieu offert en son Fils bien-aimé Jésus-Christ, et qui proclament à tous les peuples sa louange ?

« Crée en nous un cœur pur, ô notre Dieu, renouvelle et raffermis au fond de nous notre esprit. Rends-nous la joie d’être sauvé ; que l’Esprit généreux nous soutienne. Seigneur ouvre nos lèvres, et notre bouche annoncera ta louange » (Ps 50 [51]).

Soyons en bien convaincu : l’action de grâce pour la merveille accomplie par le Seigneur en notre faveur, sera d’autant plus féconde pour le salut des âmes, qu’elle s’élèvera d’une communauté plus fervente, rassemblée dans la conscience vive de sa responsabilité au cœur du monde. « Ne laissons pas sans effet la grâce reçue de Dieu. Car il dit dans l’Ecriture : “Au moment favorable, je t’ai exaucé, au jour du salut je suis venu à ton secours. Or c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut » (2nd lect.).

Père Joseph-Marie

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