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Sainte Bernadette Soubirous (18.2); "Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde mais dans l'autre."

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Sainte Bernadette Soubirous[1]
Décret de la S. Congrégation des Rites[2] sur l'héroïcité de ses vertus

source : missel.free

Le 18 novembre 1923 eut lieu dans la salle ducale au Palais du Vatican la cérémonie de lecture solennelle du Décret sur l'héroïcité des verus de la Vénérable Bernadette Soubirous. Cette Cause « intéresse l'univers catholique tout entier » à cause des rapports qui la rattachent au grand fait de Lourdes, et dans une lettre à ses diocésains Mgr. Chatelus, évêque de Nevers, déclare qu'elle est « particulièrement chère au Pape [ancien pélerin de Lourdes], qui en possède tous les détails et en désire le succès ».

Sur cette question : « Est-il bien établi, dans le cas et pour l'effet dont il s'agit, que les vertus théologales de Foi, d'Espérance et de Charité envers Dieu et le prochain, ainsi que les vertus cardinales de Prudence, de Justice, de Force et de Tempérance et leurs annexes, ont été pratiquées à un degré héroïque ? »

Quand on parcourt la vie de la Vénérable Servante de Dieu Sœur Marie-Bernard Soubirous - vie qui s'acheva dans le court espace de trente-cinq ans, - il est impossible, si on examine avec soin et jusque dans le détail la manière de vivre et d'agir de la Vénérable, de n'y pas rencontrer quelques imperfections ou défauts, mêlés aux actes des vertus chrétiennes. C'est pourquoi, afin d'être à même de porter sur la question posée un jugement exact, deux points, semble-t-il, sont à élucider et à résoudre. Premièrement : La preuve de l'héroïcité des vertus pratiquées par Soeur Marie-Bernard ressort-elle suffisamment et légitimement des faits ? Deuxièmement : Cette preuve ne souffre-t-elle aucun préjudice de la présence desdites imperfections ?

Enfance de Bernadette.

Pour reprendre les choses d'un peu plus haut dans l'histoire de notre Vénérable, nous la voyons d'abord naître dans un humble village de montagne, de parents pieux, et de modeste condition, bientôt contraints de subir tous les inconvénients de la pauvreté. L'enfant n'en fut naturellement pas exempte : de là cette santé débile dont elle eut à souffrir dès ses premières années. Néanmoins, à peine son âge le lui permet-elle, qu'elle n'hésite pas à entrer en service et à garder les troupeaux pour subvenir selon son pouvoir aux besoins de sa famille et venir en aide à ses parents.

On comprend qu'au milieu des occupations de la vie des champs la jeune fille n'eut guère le moyen de corriger ce que pouvait avoir d'un peu rude sa nature d'enfant de la montagne. Cependant, sans avoir reçu aucune éducation humaine, elle faisait de surprenants progrès dans la pratique de toutes les vertus domestiques et surpassait les jeunes filles de son âge et de sa condition par son ardeur pour la piété et son zèle à apprendre la doctrine chrétienne, l'Oraison dominicale, la Salutation angélique, le Symbole et les autres prières. C'était un bonheur et un charme de la voir et de lui parler ; son visage, sa conversation, toute sa démarche respiraient cette candeur d'âme naïve, fruit de la simplicité et de l'innocence, et toute entière fondée sur l'humilité. C'est pourquoi Dieu, « qui choisit ce qui est faible en ce monde pour confondre ce qui est fort » (I Cor, I 27), a élu cette jeune enfant pauvre, cachée et inconnue du monde, pour être l'instrument de sa toute-puissance dans l'incomparable prodige qui s'accomplit à Lourdes, près la grotte de Massabielle, et jeta un si vif éclat sur le milieu du XIX° siècle.

La Voyante de Massabielle.

Cette jeune enfant, dont il a été question jusqu'ici, et dont nous venons d'esquisser le portrait physique et moral, se reconnaît aisément, et le nom si populaire de Bernadette se présente de lui-même à l'esprit. C'est Bernadette, en effet, qui, par un privilège de la divine bonté, fut favorisée, en l'an 1858, des apparitions réitérées de la Bienheureuse Vierge Marie : apparitions par lesquelles fut confirmé le dogme catholique de l'Immaculée-Conception de cette même Bienheureuse Vierge, défini et promulgué, quatre ans auparavant, par le pape Pie IX, de sainte mémoire[3]. Du 11 février 1858, en effet, jusqu'au 16 juillet de cette même année, plusieurs apparitions eurent lieu, durant lesquelles la Bienheureuse Vierge Marie se montra à Bernadette, l'entretint souvent et, avec la plus grande bienveillance, l'exhorta à prier pour les pécheurs, à baiser la terre, à faire pénitence, et lui ordonna de faire savoir aux prêtres qu'elle voulait qu'on lui élevât en cet endroit un sanctuaire, où l'on viendrait lui adresser des supplications solennelles. Elle lui enjoignit en outre de boire de l'eau d'une fontaine encore cachée sous terre, mais prête à jaillir, et de s'y laver. Il y eut d'autres faits, que nous omettons. Celui-ci toutefois ne saurait être passé sous silence : comme Bernadette insistait pour savoir le nom de celle qu'elle avait été jugée digne de contempler si souvent, la Bienheureuse Vierge Marie, joignant les mains à la hauteur de la poitrine, et élevant les yeux au ciel, répondit : « Je suis l'Immaculée Conception. » Or, ceci se passait le 25 mars, jour de la fête de l'Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie, dans lequel l'Eglise honore également le mystère de l'Incarnation. Cette coïncidence souligne ainsi avec autant d'opportunité que d'éloquence le lien étroit qui existe entre la Maternité divine et l'Immaculée Conception.

L'épreuve

Il serait trop long de rapporter ici tout ce que Bernadette eut à souffrir pour défendre la réalité de ces apparitions surnaturelles. Cette réalité fut reconnue d'abord par l'évêque de Tarbes[4], après une enquête juridique, puis confirmée d'une manière éclatante par les célèbres miracles qui suivirent bientôt. Il arriva ce qu'on pouvait prévoir ; le nom et l'histoire du sanctuaire de Lourdes devinrent irrévocablement associés au nom et au souvenir de Bernadette. On comprend aisément que la voyante allait se trouver alors exposée à une forte tentation, et ses vertus subir une redoutable épreuve, surtout son esprit de pauvreté et son humilité. Mais rassurons-nous. Admirons plutôt ce souci constant qu'elle a de se dérober à la curiosité des pélerins, qui rivalisaient d'adresse pour la voir, la visiter, la combler de cadeaux, et de fuir les louanges et les applaudissements des hommes.

La Soeur Marie-Bernard

C'est encore dans cette louable intention que Bernadette se retira dans l'hospice que les si dévouées Sœurs de la Charité et de l'Instruction chrétienne de Nevers[5]dirigeaient à Lourdes, et que, après quelques années passées dans cet établissement, instruite et formée par les Sœurs, elle sollicita et obtint d'être admise dans leur Congrégation. Elle se rendit donc à la maison-mère de la Congrégation, à Nevers, et, après son temps de probation, y prononça ses voeux ; son nom de Bernadette fut changé en celui de Sœur Marie-Bernard. C'est en s'acquittant avec une sainte ardeur de toutes les charges et obligations propres à son nouvel état que Sœur Marie-Bernard devint le modèle des soeurs de Nevers, ses compagnes, dans l'intimité desquelles elle passa les treize dernières années de sa vie.

Conclusion : l'héroïcité des vertus de Bernadette.

Nous avons là, comme en un germe fécond, tous les éléments d'une réponse motivée à la double question posée. Le zèle ardent et inlassable, en effet, avec lequel Sœur Marie-Bernard n'a cessé de tendre à la perfection dans tous ses actes ; la victoire éclatante qu'avec le secours de la grâce divine elle a remportée sur elle-même, tant par le soin vigilant qu'elle mit à se préserver de la vaine gloire, à laquelle l'exposait la grande notoriété de son nom, que par le courage joyeux et ardent avec lequel elle s'efforça de réprimer et d'adoucir sa rudesse native ; son entrée dans l'état religieux, où elle progressa chaque jour en perfection : tout cela nous fournit manifestement la démonstration nécessaire et désirée de l'héroïcité des vertus de Sœur Marie-Bernard.

Les légères imperfections ne nuisent pas à cette héroïcité.

Et la valeur de cette démonstration n'est en aucune façon infirmée par ce fait qu'elle n'est pas parvenue à ce résultat du premier coup, que dans le chemin de la perfection, où elle s'était résolument engagée, elle a pu laisser parfois paraître quelques imperfections ou défauts ; car, selon la sentence bien connue de saint Grégoire le Grand, et qui trouve ici son application, « lorsque nous nous détournons de l'amour de cette vie corruptible, c'est " comme pas à pas " que notre coeur s'achemine vers les réalités invisibles. Partis des régions inférieures, nous n'atteignons jamais le sommet " du premier coup " ; car, dans sa poursuite de la perfection, notre âme, en perpétuelle ascension, ne parvient au but que lentement et " par degrés ».

La Cause de Bernadette intéresse tout l'univers catholique.

Aussi le jugement de cette Cause de choix fut-il des plus faciles à porter, même en appliquant les règles les plus rigoureuses. Son heureuse issue réjouira à juste titre à la fois le diocèse de Nevers, qui vit les dernières années de Sœur Marie-Bernard et garde ses restes sacrés, et le diocèse de Tarbes et Lourdes, qui la vit naître, et où elle passa son enfance et sa jeunesse, jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Mais cette Cause ne saurait rester renfermée dans ces étroites limites. Elle intéresse l'univers catholique tout entier. Partout où règne et fleurit le culte de la Vierge Immaculée de Lourdes, les fidèles accueilleront avec la plus grande joie la nouvelle de la promulgation du présent Décret apostolique, qui termine l'enquête commencée il y a deux ans sur l'héroïcité des vertus de Sœur Marie-Bernard.

Ses étapes.

Les deux Congrégations antepréparatoire et préparatoire, furent en effet suivies de la Congrégation générale, qui se réunit le 7 août dernier, en présence de Notre Très Saint Père le Pape Pie XI. Dans cette Congrégation, S. Em. le cardinal Antoine Vico, préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, en lieu et place du Révérendissime rapporteur[6]le cardinal Nicolas Marini, d'illustre mémoire, décédé quelques jours auparavant, soumit à la discussion le Doute suivant : « Est-il bien établi, dans le cas et pour l'effet dont il s'agit, que la Vénérable Servante de Dieu Soeur Marie-Bernard a pratiqué à un degré héroïque les vertus théologales de Foi, d'Espérance et de Charité envers Dieu et le prochain, ainsi que les vertus cardinales de Prudence, de Justice, de Force et de Tempérance, et leurs annexes ? » Leurs Eminences les Cardinaux et les pères consulteurs donnèrent chacun à leur tour leur avis.

Notre Très Saint Père le Pape, après avoir entendu avec joie et pesé avec attention ces avis, se réserva le soin de prononcer lui-même le jugement suprême. Puis il exhorta tous les assistants à implorer, en attendant, avec lui, la lumière divine par de ferventes prières. Lorsqu'il eut décidé de manifester son intention, il désigna ce jour du XXVI° dimache après la Pentecôte. C'est pourquoi, après avoir célébré avec une grande dévotion les Saints Mystères, il manda au Vatican S. Em. le cardinal Vico, évêque de Porto et de Sainte-Rufine, préfet de la Sacrée Congrégation des Rites et rapporteur de la Cause, le R. P. Ange Mariani, promoteur général de la Foi, et moi-même, secrétaire soussigné ; puis en leur présence il fit solennellement cette déclaration : « Il est bien établi, dans le cas et pour l'effet dont il s'agit, que la Vénérable Servante de Dieu Sœur Marie-Bernard a pratiqué, à un degré héroïque, les vertus théologales de Foi, d'Espérance et de Charité envers Dieu et le prochain, ainsi que les vertus cardinales de Prudence, de Justice, de Force et de Tempérance, et leurs annexes. »

Il ordonna en conséquence que ce Décret fût proclamé et enregisté dans les Actes de la Sacrée Congrégation des Rites, le quatorzième jour des Calendes de décembre de l'année MDCCCCXXIII[7]

+ A. card. VICO,év. de Porto et Ste-Rufine,
préf. de la S. C. des Rites.

ALEXANDRE VERDRE,Secrétaire.

 


[1]En vertu de l'ancien Droit, elle a été proclamée Vénérable quand fut signé par Pie X le Décret sur l'introduction de la cause de béatification (13 août 1913).

[2]Décret concernant les diocèses de Nevers ou celui de Tarbes et Lourdes, pour la Cause de Béatification et de Canonisation de la Vénérable Servante de Dieu Sœur Marie-Bernard Soubirous, de la Congrégation des Sœurs de la Charité et de l'Instruction chrétienne de Nevers (Acta Apostolicae Sedis, I. 12-23, pp. 592-596).

[3]« Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine, qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu'ainsi elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles. C'est pourquoi, s'il en était, ce qu'à Dieu ne plaise, qui eussent la présomption d'avoir des sentiments contraires à ce que nous venons de définir, qu'ils sachent très clairement qu'ils se condamnent eux-mêmes par leur propre jugement, qu'ils ont fait naufrage dans la foi et se sont séparés de l'unité de l'Eglise, et que, de plus, par le même fait, ils encourent les peines portées par le droit s'ils osent manifester par parole, par écrit ou par quelque signe extérieur, ce qu'ils pensent intérieurement » (Pie IX : Bulle «  Ineffabilis Deus », 8 décembre 1854).

[4]Mgr. Bertrand-Sévère Laurence. Né le 7 septembre 1790, à Oroix (Hautes-Pyrénées), commença ses études avec le curé de Juncalas où il était apprenti-barbier, et les termina au séminaire d’Aire-sur-l’Adour où il sera professeur. Ordonné prêtre le 29 avril 1821, par l’évêque de Bayonne, il fonde et dirige le séminaire de Saint-Pé-de-Bigorre (9 août 1822). Vicaire général de l’évêque de Tarbes (1833), il est aussi supérieur du grand séminaire. Nommé évêque de Tarbes le 31 décembre 1844), il meurt à Rome le 30 janvier 1870.

[5]Congrégation religieuse fondée en 1680 à Saint-Saulge, en Nivernais, par le bénédictin Jean-Baptiste de Laveyne et l’oratorien Charles Bolacre, pourservir et médicamenter les pauvres, enseigner et catéchiser les petites filles, orner les églises. Les premières religieuses, réunies par Marie-Scholastique de Marchangy (morte en 1729), furent formées à l’hôpital de Nevers et émirent leur profession en 1683. La maison mère fut transférée à Nevers (1685) et la première règle fut approuvée, en 1700, par Mgr. Vallot. Réorganisé après la Révolution, l’Institut se développa au XIX° siècle où il reçut son décret définitif d’approbation (20 août 1870).

[6]Il s'agit du cardinal ponent, c’est-à-dire du juge dont la fonction est d’être, azuprès de ses collègues, le rapporteur de la cause à juger et le rédacteur de la sentence finale.

[7]Le XXVI° dim. après la Pentecôte est le 18 (et non 11) nov. , le 14° (et non 19°) jour des Calendes de décembre (et non de novembre).

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