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Mgr di Falco n'est pas propriétaire de la vérité

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 Sur son metablog, l’abbé Guillaume de Tanoüarn écrit :

Mgr di Falco, l'abbé de La Morandais, Mons. Herouard, recteur du Séminaire français de Rome, viennent de cosigner un appel de Jacques Attali dans l'Express dans lequel on peut lire : "Nulle doctrine, nulle religion, nulle idéologie, nulle science, nulle culture ne peut revendiquer pour elle seule la propriété de la vérité. Nul peuple, nulle religion, nulle doctrine, nulle science, nulle culture ne peut survivre sans respecter, écouter, partager, échanger, apprendre des autres". Cet appel, relayé par Riposte catholique qui s'en indigne, est sans doute destiné à s'opposer aux intégristes musulmans, enleveurs de filles et tueurs de chrétiens. J'avoue que je ne vois pas très bien le rapport et je ne crois pas que les allumés de Boko Haram (les livres interdits) cherchent la vérité d'une quelconque façon, sinon sans doute au bout de leur kalachnikov. Cet appel, qui exprime la pensée commune, est signé par ailleurs par Christophe Barbier, qui joue à domicile, par Emmanuelle Mignon l'ex-conseilleuse de Nicolas Sarkozy en matière religieuse, par Malek Chebel, musulman ouvert. D'autres encore.

Ce texte est intéressant. Je le crois vrai par ce qu'il dit et faux par ce qu'il veut dire.

Ce qu'il dit ? Que nul homme n'est propriétaire de la vérité. La vérité pour nous autres hommes est objet de désir, un désir qui, même lorsqu'il parvient au stade de la possession, ne s'éteint pas mais se renforce au contraire, car, simples créatures, nous ne nous identifierons jamais à la vérité. 

Qu'est-ce que la vérité ?

C'est la question de Pilate, jugeant Jésus, la question qu'opposent tous les lâches aux entrepreneurs de vie, aux vrais chercheurs de sens, aux aventuriers de la métaphysique, à tous ceux qui savent d'instinct que, comme dit Simone Weil dans Attente de Dieu, le désir de vérité est le seul désir qui porte en lui-même son accomplissement. Pourquoi ? Parce qu'il est lui-même vrai. Parce que ce désir (Socrate l'a assez montré) est notre vérité à nous autres hommes - ce désir est la réalisation supérieur de l'humanité dans l'homme - et que le mensonge, le premier mensonge est de ne pas l'éprouver. Notre premier mensonge est de vouloir ne pas éprouver ce désir naturel aux hommes. Voilà sans doute ce que pensent les éminences catholiques signataires de l'appel d'Attali. Voilà en tout cas ce qu'elles pourraient penser en fonction de la formation qu'elles ont reçue. Mais est-ce ce que pense Christophe Barbier ? L'histoire ne le dit pas. Jacques Attali ? On ne le saura jamais.

Ce que la Correctness ambiante pense pour nous, en revanche, on le sait très bien : il n'y a pas de vérité. La question de la vérité est superfétatoire de naissance puisque seul le néant est vrai et que la vérité du néant rend vraie (c'est-à-dire fausse) toute proposition affirmative. Aujourd'hui c'est l'Evangile du néant qui rend tout vrai et en même temps tout faux. Personne ne peut s'identifier à cette bonne nouvelle-là, qui tient tout et tous à distance. C'est au nom de l'Evangile du néant que la plupart des gens signeraient l'appel d'Attali aujourd'hui. Pourquoi les hommes d'Eglise prêtent-ils la main à la sinistre ambiguïté où se confondent la vérité comme désir (la nôtre) et la vérité comme alibi interchangeable avec le mensonge (celle que nous enseigne le nihilisme ambiant). Pourquoi les hommes d'Eglise ont-ils besoin de donner leur signature à des déclarations qui, parce que non-précises, volontairement non-précises, seront forcément comprise dans le sens de la pensée dominante ?

D'autant plus qu'un chrétien qui s'exprime doit le faire non seulement d'une manière conforme à la philosophie chrétienne, comme nous venons de l'indiquer. Mais il doit le faire aussi d'une manière conforme à l'Evangile de Jésus-Christ et à la théologie essentielle qu'il comporte, je dirais : à la perspective dans laquelle il nous situe. Qu'est-ce que l'Evangile, sinon la Parole de Dieu. Nous sommes dans un ordre de vérité que la philosophie (même la philosophie chrétienne) ne considère pas. Dieu, en Jésus-Christ son Fils, nous donne sa Parole : "Celui qui croit dans le Fils de Dieu possède en lui le témoignage de Dieu" dit l'apôtre Jean dans sa Première épître (5, 16). Ce témoignage de Dieu est véridique. Mais pour que nous puissions le recevoir, il faut que nous soyons "de la vérité". "Celui qui est de la vérité entend ma voix" dit Jésus à Pilate (Jean 18). Dans cette perspective nous ne sommes évidemment pas propriétaires de la vérité, mais c'est la vérité qui nous possède. Elle nous a tous possédés au commencement, puisque nous venons d'elle. "Elle est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant dans le monde" (Jean 1), lisons-nous dans le Prologue. 

La distance entre nous et la vérité ne vient pas de la vérité qui se serait retirée, inaccessible, comme l'imaginent tous les agnostiques de la terre. Elle vient de nous et du fait que nous n'agissons pas vers elle. Humblement. "Quiconque fait la vérité vient à la lumière" (Jean 3, 21).

Ref. Mgr di Falco n'est pas propriétaire de la vérité

 Sur ce même sujet, le cardinal Bergoglio, futur pape François, a décrit la manière dont il pense que la Vérité se découvre :

« Notre relation avec la vérité n'est pas statique, puisque la Vérité suprême est infinie et peut toujours être mieux connue; il est toujours possible de s'immerger davantage dans ses profondeurs »

Puis, il développe ainsi sa pensée :

 «  Cela signifie que la vérité sur laquelle nous fondons l'existence doit s'ouvrir au dialogue, aux difficultés que d'autres nous montrent ou que des circonstances nous désignent. La vérité est toujours ‘raisonnable’, même au cas où je ne le suis pas, et le défi est de rester ouvert au point de vue de l'autre, sans faire de nos convictions un tout immobile. 

Dialogue ne signifie pas relativisme, mais «logos» que l'on partage, raison qui s'offre dans l'amour, pour construire ensemble une réalité toujours plus libératrice. Dans ce cercle vertueux, le dialogue révèle la vérité, et la vérité se nourrit du dialogue. L'écoute attentive, le silence respectueux, l'empathie sincère, se mettre authentiquement à la disposition des étrangers et de l'autre, sont des vertus essentielles à cultiver et à transmettre dans le monde d'aujourd'hui. Dieu lui-même nous invite au dialogue, il nous appelle et nous invite à travers sa Parole, cette Parole qui a abandonné tout nid, tout abri, pour se faire homme (…).

La vérité ne se rencontre jamais seule. Avec elle, il y a la bonté et la beauté. Ou plutôt la Vérité est bonne et belle. ‘Une vérité qui n'est pas entièrement bonne cache toujours une bonté qui n'est pas vraie’, a dit un penseur argentin. J'insiste: les trois choses vont ensemble et il n'est pas possible de chercher ni de trouver l'une sans l'autre. Une réalité très différente de la simple ‘possession de la vérité’ revendiquée par les fondamentalismes: ceux-ci prennent toujours pour valides les formules en elles-mêmes et pour elles-mêmes, dépourvues de bonté et de beauté, et cherchent à s'imposer d'autres avec agressivité et violence, faisant le mal et conspirant contre la vie elle-même. »  Réf. Site web Benoît et moi, 07.05.2014

Posséder la Vérité ou se laisser habiter par Elle : le discernement est parfois bien difficile à faire. Il y a en effet beaucoup de fondamentalistes qui s’ignorent, y compris parmi ceux qui se déclarent perpétuellement en recherche…

JPSC

Commentaires

  • Il est vrai qu'aucun catholique ne possède la Vérité, il ne peut que la montrer aux autres, en la personne de Jésus. Le silence de Jésus, face à Pilate et à sa question, revenait peut-être à lui répondre : « Je t'en supplie, découvre la Vérité qui est devant toi ».
    .
    La Vérité sur Dieu et notre monde, sur le Créateur et sa Création, c'est Dieu Lui-même. L'homme qui prétendrait la posséder, comme simple créature, ne saurait pas ce qu'il dit. Comme catholiques, nous pouvons seulement professer que Jésus est Dieu incarné, et qu'il est Lui seul le Chemin, la Vérité et la Vie.

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