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La mort de Simon Leys

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Nous apprenons la mort de Simon Leys (Pierre Ryckmans) dont, il y a deux ans, Frédéric Beibeder faisait l'éloge suivant à l'occasion de la publication du "Studio de l'inutilité" :

Simon Leys, le Belge bondissant

Les meilleurs écrivains français sont-ils tous belges? Georges Simenon, Henri Michaux, Félicien Marceau, Weyergans, Pirotte, Toussaint, Nothomb-ça-dépend-des-années... Dans son dernier livre, le Belge Pierre Ryckmans, dit Simon Leys, nous donne le secret de la supériorité de la «belgitude»: «S'il est une chose dont le Belge est pénétré, c'est de son insignifiance. Cela, en revanche, lui donne une incomparable liberté - un salubre irrespect, une tranquille impertinence.» Si les Belges sont meilleurs que nous, c'est parce qu'ils auraient développé un complexe d'infériorité par rapport à la langue française, vivant «à côté» de notre idiome. D'où leur souci d'écrire le plus clairement possible, avec l'autodérision élégante qui caractérise les habitants d'un pays en voie de disparition. (Ici, merci d'imaginer un sourire chinois.) Depuis Les Habits neufs du président Mao en 1971, Leys s'amuse à dire la vérité blessante avec une ironie belge et barbue. A 76 ans, il est devenu une sorte d'oracle émigré en Australie (comme son sosie, le Sud-Africain J. M. Coetzee), un prof de littérature idéal, un amateur d'art rigolo et érudit, gardant toujours à l'esprit l'adage de Chesterton: «Amusant n'est pas le contraire de sérieux, amusant est seulement le contraire de pas amusant.» Il existe un dragon de l'inutilité dans le Yi-King. Ne serait-ce pas la littérature, joie de l'intelligence et orgueil du temps volé aux importuns? Simon Leys bondit de Michaux à Orwell et de Conrad au prince de Ligne (dont il admire la définition de la noblesse comme «l'obligation de ne rien faire d'ignoble»), se moque du voyage en Chine de Roland Barthes (totalement aveugle sous la Révolution culturelle), et rappelle comment Camus soutint Czeslaw Milosz lors de son exil en France, contrairement à Sartre et Beauvoir. Comme dans son recueil précédent, Le Bonheur des petits poissons (Lattès, 2008), il cite, résume, compare, fourmille d'anecdotes et de citations originales: ce type est une mine d'or (de Shandong), un sinologue sinueux qui réunit la gourmandise de Bernard Frank, la précision de George Steiner et la curiosité de Jorge Luis Borges. Contrairement à ce que laisse entendre son titre, Le Studio de l'inutilité est un des livres les plus indispensables de l'année, au sens «emersonien»: «Les livres n'ont qu'une seule fonction: inspirer.» Ses textes stimulent, inspirent et émerveillent.

Le Studio de l'inutilité, de Simon Leys, Flammarion, 291 p., 20 €.

Frédéric Beigbeder

Lire également : http://www.lexpress.fr/culture/livre/simon-leys-l-intellectuel-francais-ne-sait-pas-comment-on-ouvre-un-parapluie_1101597.html

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