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D'après le cardinal Kasper, le personnage de Luther n'a aucun rapport avec l'oecuménisme

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De Francesco Agnoli sur la Nuova Bussola Quotidiana :

D'après le cardinal Kasper, Luther n'était pas «œcuménique»

Un livre du cardinal allemand Walter Kasper consacré à Martin Luther a été publié récemment : "Martin Luther. Une perspective œcuménique" (Queriniana). C'est un court essai, mais dense, qui même à partir d'une certaine sympathie pour le moine allemand défini comme exerçant un "réel attrait magnétique", admet honnêtement, en divers points, la vérité historique. Qui est celle-ci: vous pourrez romancer ou modifier l'histoire, mais Martin Luther, le vrai, le personnage historique et le réformateur religieux, n'a aucun rapport avec l'oecuménisme.

Kasper écrit à la page 11: «Luther n'était pas un personnage œcuménique. Vers la fin de sa vie, il ne pensait plus possible la réunification avec Rome ». Il ajoute qu'il ne pouvait certainement pas "s'imaginer notre dialogue avec les juifs, dont il parlait avec mépris, d'une façon embarrassante pour nous." Il n'aurait pas compris non plus "notre dialogue avec les anabaptistes," lui qui se moquait et attaquait avec la plus grande dureté un grand nombre de mouvements protestants nés de sa propre protestation.

À la page 23, Kasper parle de la "violence de langage qui lui était propre" et ajoute "qu'il pouvait être impoli et irrespectueux au point de se rendre odieux, mais aussi, à d'autres moments, dévoué, doux et sincère...." À la page 45 sont évoquées sa «dureté difficilement surpassable» et ses «formulations parfois excessives et à peine acceptables, comme celle selon laquelle l'homme est comme un animal de selle qui est monté par Dieu ou le diable.»

Aux pages 32 et 33, Kasper note que "Luther était imprégné par une conscience apocalyptique et se voyait engagé dans la lutte eschatologique finale entre le Christ et l'Antéchrist." Il commente : «C'est une position dangereuse. Elle exclut le dialogue et n'autorise aucune médiation. Avec l'Antéchrist aucun dialogue n'est possible.» Si donc, pouvons-nous ajouter, les antéchrists étaient, en plus du pape de l'époque («excrément du diable, chef des assassins»), les papes, n'importe lesquels ( «que la papauté soit maudite, damnée, exterminée»), les catholiques, quels qu'ils soient, les Italiens toujours «méchants»; les Juifs, invariablement "Antichrist"; les anabaptistes et les paysans ( «têtus, opiniâtres, et aveugles...»); Desiré Erasme, Thomas More, Nicolas Copernic et les théologiens de Louvain («ânes grossiers, truies maudites, sacs de malédictions... maudite engeance de l'enfer») et ainsi de suite, on peut en arriver à se demander: avec qui le malheureux Martin aurait-il jamais pu dialoguer ?

On peut dialoguer avec chacun dans la vérité. Ici aussi, tout en adoucissant beaucoup les aspérités du caractère et de la prédication luthérienne, tout en relevant à juste titre la responsabilité de ces ecclésiastiques qui ont trahi leur mission et leur foi, Kasper rejoint dans tout cela ce que tous les historiens savent: Luther ne dialoguait qu'avec le pouvoir en vue d'en obtenir l'appui et le soutien. Il l'a utilisé pour vaincre l'Eglise, mais aussi pour faire disparaître sans pitié les anabaptistes et les paysans.

Kasper rappelle, à la page 37, les «raisons politiques» de la Réforme, et comment Luther «posa la réforme entre les mains de la noblesse chrétienne et des magistrats des villes impériales», s'en remettant ainsi à des nobles et à des princes et générant au fil du temps un «particularisme ecclésial et politique» ainsi qu'«un nationalisme à coloration confessionnelle qui réservera à l'Europe tant d'épisodes dramatiques». Particularisme et nationalisme: il est difficile d'imaginer des concepts moins "catholiques", selon l'étymologie qui signifie «universels».

En outre, "du point de vue ecclésial, on en arrive, même du vivant de Luther et plus encore après sa mort, à une dissolution de l'unité au sein même du mouvement de la réforme ainsi qu'à une pluralité mortelle au sein du christianisme occidental et ensuite dans «toute la chrétienté». En donnant vie à des Eglises nationales d'Etat, Luther a fait de la religion l'esclave du souverain, et, loin de défendre la «conscience individuelle», comme on le dit souvent, il l'a soumise à «l'autorité séculière »(p. 44).

Il est vrai que dans le petit livre de Kasper il y a aussi des pas qui vont dans le sens contaire de ceux que l'on a mentionnés, mais il ne s'agit pas tant de conclusions historiques objectives que de souhaits et d'aspirations pieuses. Ou de déclarations vagues et gratuites qui contredisent ce qui a été dit dans d'autres endroits du livre lui-même. Bien sûr, tous les chrétiens aspirent à l'unité, et souvent catholiques et protestants se sont retrouvés ensemble à certaines occasions.

Mais ce que Luther a créé et défendu de son vivant (les églises nationales d'État et les sectarismes, l'idée du serf arbitre, la condamnation radicale de la raison («la putain du diable») et de l'homme totalement incapable du bien; la condamnation de la messe catholique et de 5 sacrements) doit être oublié le plus tôt possible au nom de l'unité que l'on appelle de ses voeux.

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