FIGAROVOX/OPINION (via Le Forum Catholique) - La fête de la Toussaint tombe cette année un dimanche. Pour Hélène Bodenez, la question de la mort que pose la fête du 2 novembre, le lendemain de la Toussaint, nous interroge.
Hélène Bodenez est professeur agrégée de lettres et enseigne dans un établissement jésuite à Paris. Elle a publié en 2010 À Dieu, le dimanche! aux Éditions Grégoriennes et tient un blog d'opinion: Raison garder.
La Toussaint, le Paradis pour tous ?
«La fin dernière est méprisable»… À chaque Toussaint, la phrase culte d'Albert Camus s'impose en repoussoir dans ma mémoire. Dessinant le profil de l'homme absurde dans le Mythe de Sisyphe, le Prix Nobel de littérature en esquissait les contours comme un Dom juan répétant sans cesse le même discours à sa «quantité» de conquêtes. Homme de la répétition tel Sisyphe, ainsi Don Juan défiant ultimement le Commandeur et obtempérant sans trembler à son «donne-moi la main». Rien ne fait fléchir le grand seigneur méchant homme, surtout pas l'enfer dans lequel il tombe et que Molière met en scène avec force éclairs et roulements de tonnerre dans un deus ex machina impressionnant. L'heure de la justice, fin dernière, est méprisée en effet. Croire au ciel par peur de l'enfer, une indignité, une absurdité.
Changer la mort?
Si cette fuite en avant pouvait au XVIIème siècle passer pour une provocation inouïe, elle paraît bien commune aujourd'hui dans un monde d'autonomie qui a sommé les dieux de s'en aller. Que nombre de civilisations - et pas que la chrétienne - aient mis en place des représentations de l'au-delà sous le mode de la rétribution des actes ne bouleversent plus grand monde. Qui croit encore que «notre agir n'est pas indifférent devant Dieu»? Le Dies irae ne fait plus peur à grand monde, ne reste qu'un splendide moment de culture, de Mozart à Verdi. Si quelque chose de nous subsiste après la mort, c'est évidemment pour le paradis, un paradis ouvert tous azimuts, polnareffien. La grande égalité rêvée sur terre jusqu'à la l'utopie totalitaire se prolongera au Ciel, pense-t-on allègrement. Qu'on se le tienne pour dit: le «Changer la vie» moderne ne peut que coïncider avec un libertaire «Changer la mort». Le ciel a intérêt à se mettre à la page, vite fait!
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