De Jacques Galloy et Jean Lannoy sur 1RCF Belgique :
Nomination surprise : deux religieux belges de l’étranger deviennent évêques de Namur et de Tournai
Edition spécialeNomination des nouveaux évêques de Namur et Tournai : édition spéciale RCF
Le pape Léon XIV crée la surprise en nommant ce lundi 6 octobre deux évêques belges venus de l’étranger. Le père Fabien Lejeusne, Augustin de l’Assomption, prend la tête du diocèse de Namur-Luxembourg, tandis que le spiritain Frédéric Rossignol devient évêque de Tournai. Une double nomination inattendue, très attendue par les fidèles, qui marque un tournant dans la stratégie du Vatican pour l’Église de Belgique. Analyse et portrait.

Ce qu'il faut retenir :
- Le Vatican nomme deux évêques en Belgique (décision attendue depuis 2023)
- Le père Frédéric Rossignol, de la Congrégation du Saint-Esprit, pour le diocèse de Tournai (52 ans)
- Le père Fabien Lejeusne, Augustin de l’Assomption, pour le diocèse de Namur (51 ans)
Qui sont les nouveaux évêques de Namur et de Tournai ?
La décision était attendue depuis 2023. Fabien Lejeusne (51 ans) devient évêque du diocèse de Namur-Luxembourg. Frédéric Rossignol (52 ans) devient évêque de Tournai.
Ces deux profils peuvent surprendre. De nombreux catholiques belges imaginaient découvrir un nom bien connu dans leur diocèse. En analysant ces deux profils, on peut décoder des éléments intéressants et mieux comprendre la logique de nomination des évêques de l’Eglise universelle.
Découvrez nos portraits :
- Le père Frédéric Rossignol, de la Congrégation du Saint-Esprit, devient évêque dans le diocèse de Tournai à 52 ans
- Le père Fabien Lejeusne, Augustin de l’Assomption, est le nouvel évêque du diocèse de Namur à 51 ans
Des religieux belges de l’étranger : pourquoi ?
Dans l’Église catholique, il est très courant qu’un évêque ne soit pas originaire du diocèse qui lui est confié. Cette pratique découle d’une longue tradition ecclésiale : l’évêque est nommé par le pape, non pour représenter une région d’origine, mais pour servir l’Église universelle dans une portion particulière du peuple de Dieu. Ainsi, le critère principal n’est pas la naissance ou l’appartenance locale, mais les qualités pastorales, spirituelles et administratives du candidat, ainsi que les besoins spécifiques du diocèse. Cette mobilité reflète l’universalité de l’Église : chaque évêque, même s’il vient d’ailleurs, est signe de communion entre les différentes Églises locales et l’ensemble du Corps du Christ.
En Belgique, au cours des dernières décennies, les nouveaux évêques belges francophones ont généralement été issus du clergé diocésain. Or, dans le dernier rapport annuel de l’Eglise catholique 2024, la Belgique compte 1 764 prêtres diocésains et 1 677 prêtres religieux. En effet, il y a environ 7 500 religieux et religieuses en Belgique, répartis dans 357 ordres et congrégations. Il en va de même pour les papes, il y a un équilibre voire une forme d’alternance entre des diocésains (Jean-Paul II, Benoit XVI) et des religieux (François jésuite, Léon XIV augustinien). En somme, tous deux sont prêtres, mais le prêtre diocésain sert une Église locale, tandis que le prêtre religieux vit une vocation communautaire et missionnaire, selon le charisme de son ordre.
Les évêques sont nommés par le pape, sur base d’une « terna », une liste de trois candidats potentiels, préparée par le nonce apostolique résidant dans le pays et après consultation discrète de nombreux acteurs de l’Église (prêtres, laïcs, évêques…). Les évêques exercent leur charge jusqu’à 75 ans, âge auquel ils doivent présenter leur démission au pape (canon 401 §1).
Depuis une vingtaine d’années, on observe une plus grande mobilité, avec davantage de transferts d’évêques entre diocèses ou entre pays francophones, et une plus grande diversité de profils : anciens missionnaires, religieux, prêtres issus de mouvements, etc. Ainsi, la durée moyenne d’un épiscopat local en France est de 10 à 15 ans, mais certains évêques peuvent changer de diocèse en cours de route, notamment pour des raisons pastorales ou de santé.
Au Grand-Duché de Luxembourg par exemple, le prêtre jésuite Jean-Claude Hollerich était missionnaire au Japon depuis 25 ans lorsqu’il a été rappelé à Luxembourg pour devenir archevêque, puis élevé cardinal et proche collaborateur du pape François, compagnon jésuite. Son expérience missionnaire l’a probablement aidé à surmonter la fin du financement public des cultes décidé par le nouveau gouvernement luxembourgeois de l’époque.
En tous cas, les deux nouveaux évêques sont nés en Belgique, Frédéric Rossignol à Bruxelles et Fabien Lejeusne à Tournai.
De jeunes évêques pour une mission de long terme
Rome fait un choix de jeunesse avec deux évêques au début de la cinquantaine. Ils sont même 5 à 6 ans plus jeunes que Mgr Luc Terlinden, 56 ans, archevêque de Malines-Bruxelles. Toutefois, relevons que l’étude réalisée en 2009 par Jean Lavergnat sur les nominations épiscopales entre 1959 et 2008 démontre que l’âge moyen de nomination est légèrement supérieur à 52 ans.
Rome veut probablement éviter de revivre la situation actuelle du renouvellement de l’épiscopat belge où 3 évêques avaient atteint la limite d’âge quasi la même année 2023. Le nonce Franco Coppola prépare d’ailleurs déjà son dossier pour la succession de Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège, qui atteindra 75 ans le 29 avril 2026.
Ces choix de deux nouveaux évêques quinquagénaires signifient des missions épiscopales de plus de 20 années. Ceci ouvre l’opportunité potentielle d’un changement de diocèse à mi-parcours, ce qui serait nouveau en Belgique mais cohérent au niveau de l’Eglise universelle. Peut-être que le Vatican souhaite orienter la trajectoire de l’Eglise catholique de Belgique dans une dynamique structurelle avec une vision à long terme ?
Points communs avec le pape Léon XIV
Lorsque les cardinaux ont porté leur choix sur Robert Prevost pour devenir pape en mai 2025, ils ont choisi un natif de Chicago, religieux augustinien et missionnaire dans le nord du Pérou, réputé pauvre. Il avait aussi une expérience de gouvernement comme supérieur majeur de sa congrégation au niveau mondial puis de préfet du dicastère pour les évêques.
Est-il dès lors surprenant que les deux nouveaux évêques soient des missionnaires dont les congrégations sont orientées vers les pauvres et l’annonce de la Bonne Nouvelle ? Le père Fabien Lejeusne partage avec le pape l’affiliation à la spiritualité de saint Augustin,
Celle-ci est marquée par la recherche de Dieu à l'intérieur de soi. Elle se fonde sur l'idée que la rencontre avec le divin se fait par l'intériorité profonde et la confiance en la grâce de Dieu pour surmonter les faiblesses humaines, tout en vivant dans une fraternité engagée, centrée sur l’amour de Dieu.
A l’instar du nouveau pape, le père Frédéric Rossignol, de la congrégation du Saint-Esprit, a quitté sa terre belge natale, pour partir en mission dans un pays plus pauvre, le Vietnam. Lors d’une année sabbatique en 2019 en Amérique Latine, il a même baroudé sac à dos durant trois semaines dans le nord du Pérou, là où vivait l’évêque Robert Prevost, devenu pape.
Une conférence épiscopale de Belgique en plein renouvellement
La Conférence épiscopale de Belgique entre dans une nouvelle phase de son histoire avec ces deux nominations décidées par le pape Léon XIV. Composée de l’ensemble des évêques du pays, elle veille à la cohérence pastorale et à la collégialité au sein de l’Église catholique belge, conformément au droit canon. Cette instance nationale bilingue, présidée par l’archevêque de Malines-Bruxelles, coordonne des domaines essentiels tels que la catéchèse, la liturgie, la formation, la communication et les actions en faveur de la justice et de la paix.
La Conférence prend également position sur les grandes questions éthiques, sociales et politiques de la société belge, par la voix de son porte-parole, le père jésuite Tommy Scholtès. Elle est administrée par un secrétaire général, Bruno Spriet, théologien laïc de 39 ans. Fidèle aux orientations du Vatican, la Conférence épiscopale adapte les décisions du Saint-Siège aux réalités locales et favorise la collaboration fraternelle entre les diocèses.
À l’image d’un gouvernement, les évêques se répartissent les domaines selon leurs compétences et travaillent avec des spécialistes pour approfondir chaque sujet. L’arrivée du père Fabien Lejeusne et du père Frédéric Rossignol entraînera une réorganisation interne, avec de nouveaux rôles au sein de la Conférence et, à terme, au sein de leurs conseils épiscopaux respectifs.
Ces ordinations à Namur et Tournai marqueront aussi un temps de reconnaissance pour Mgr Pierre Warin et Mgr Guy Harpigny, qui ont guidé leurs diocèses durant de longues années.