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  • Abus sexuels cléricaux : le point de vue de Jean-Marie Guénois interviewé par le mensuel « La Nef »

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    Tous les présidents de conférences épiscopales du monde sont convoqués à Rome, du 21 au 24 février, pour réfléchir avec le pape et les responsables de la Curie, à la prévention des abus sur les mineurs et les adultes vulnérables. Vers un enfumage ou une réaction salutaire ? Jean-Marie Guénois, rédacteur en chef du Figaro, responsable des affaires religieuses, est interrogé dans La Nef à propos des scandales d’abus sexuels qui souillent l’Eglise. Extrait publié par le site web « Salon beige » :

    «Comment analysez-vous le fait que le pape n’ait pas répondu ou fait répondre aux graves accusations de Mgr Vigano comme le souhaitaient nombre d’évêques américains ?

    L’épiscopat américain, comme l’épiscopat africain, figurent parmi les épiscopats les moins en phase avec l’actuel pontificat. Cela dit, l’Église reste l’Église. La foi catholique n’est pas ici en jeu. Il s’agit d’opinions sur des orientations pastorales qui peuvent avoir de lourdes conséquences.

    L’affaire Vigano est d’un tout autre ordre. Si Mgr Vigano a ruiné sa crédibilité en demandant la démission du pape, ce n’est pas pour autant un hurluberlu. Vigano est celui qui, sous Benoît XVI, avait déjà osé dénoncer les compromissions financières au sein du Vatican. Il était en charge du gouvernorat de la cité du Vatican, il savait tout. Sa dénonciation adressée à Benoît XVI s’était retrouvée dans la presse en raison des fuites de documents de l’affaire Vatileaks. Ce n’est pas Vigano qui les avait provoquées. C’est donc un homme à la réputation de rigidité et de droiture. Par devoir de « conscience », il vient de sacrifier sa carrière et sa réputation pour dénoncer la prégnance de l’homosexualité dans certains milieux ecclésiaux et les réseaux de pouvoirs de ce genre dans l’Église. Il a été attaqué comme personne, mais personne n’a pu contester le fond de ses propos.

    Le pape, par ailleurs, ne pouvait répondre à quelqu’un qui demandait publiquement sa démission. Enfin sur la question « homosexuelle » tout le monde sait que ce n’est pas un sujet hors de propos. Au printemps 2017, Mgr Luigi Capozzi, secrétaire du cardinal Coccopalmerio, président du Conseil pour les textes législatifs, fut arrêté par la gendarmerie Vatican dans son appartement au deuxième étage du palais de la Doctrine de la foi lors d’une partie fine homosexuelle avec de la drogue… Autre fait retentissant, la démission de Mgr Krzysztof Charamsa, en octobre 2015, veille du synode sur la famille, pour proclamer son homosexualité. Il était secrétaire adjoint de la Commission théologique internationale, basée au Vatican. L’affaire de Mgr Ricca, l’un des hommes de confiance du pape François à qui il a confié de superviser indirectement les finances du Saint-Siège est également indéniable. C’est en répondant à une question à son propos, car un scandale homosexuel le concernant était connu, dans l’avion du retour des premières JMJ de François au Brésil, que le pape a prononcé la fameuse phrase « qui suis-je pour juger ? » Il faudrait ajouter en 2018, l’affaire Barros au Chili, l’affaire du cardinal McCarrick aux États-Unis, l’affaire de Mgr Pineda au Honduras qui fut auxiliaire du cardinal Maradiaga, conseiller de François. Et celle qui vient de rebondir avec l’argentin Mgr Zanchettaqui touche très directement le pape qui l’a promu à Rome. Toutes sont des questions d’homosexualité. Il ne s’agit pas de « juger » quiconque comme dit le pape mais les accusations de Vigano ne sont pas des lubies.

    À l’occasion de l’affaire Vigano, certains ont évoqué un « complot » du catholicisme conservateur américain pour déstabiliser le pape François : qu’en pensez-vous ?

    Il n’est pas faux que des groupes conservateurs américains catholiques s’emploient dans une vision très « Far West » à déstabiliser le pape. Il n’est pas faux que Mgr Vigano y a des amis et des appuis. Il n’est pas faux qu’il a fait relire sa lettre par Marco Tossati – un des grands vaticanistes de la Stampa à l’époque de Jean-Paul II – aujourd’hui publiquement anti-François. Ce qui a nourri – après une première salve d’accusations diffamantes sur la personne de Vigano – la seconde ligne de défense pour contre-attaquer les révélations de sa lettre : on l’a alors accusé d’être aux mains de lobbies ennemis du pape François. Mais c’est oublier que Vigano n’est pas un prêtre du fond des Pouilles. Il a occupé la plus haute charge de gestion interne du Vatican, il a occupé le plus haut poste diplomatique, celui de Washington. Son objection de conscience vient donc de loin : il l’avait exprimée, sous Benoît XVI, contre les malversations financières dans la gestion des finances du Vatican profitant à des entreprises amies avec des « commissions », en liquide ; il l’a exprimé, sous François, contre le cardinal McCarrick, ancien archevêque de Washington qui a reconnu avoir couché avec ses… séminaristes, symbole donc des réseaux homosexuels dans l’Église. On dit Vigano rigide et ambitieux. On devrait aussi reconnaître son courage et sa conscience. Même si ce prélat a manqué de prudence en demandant au pape sa démission… »

    Ref. Personne n’a pu contester le fond des propos de Mgr Vigano 

    JPSC

  • Le cardinal philippin Tagle est le nouveau ”pape rouge”

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    De Vatican News :

    Nominations: Tagle à l'évangélisation des peuples, Filoni au Saint-Sépulcre

    Le cardinal Fernando Filoni devient Grand Maître de l'Ordre du Saint Sépulcre. Le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, lui succède à la tête de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples.

    Le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, a été nommé Préfet de la Congrégation pour l'Évangélisation des Peuples par le Pape François ce dimanche 8 décembre, en la solennité de l’Immaculée Conception. Il remplace le cardinal italien Fernando Filoni, lui-même nommé Grand Maître de l'Ordre du Saint-Sépulcre à la place du cardinal Edwin Frederick O'Brien, qui avait démissionné en avril dernier

    La nomination du cardinal Tagle signe le retour d’un cardinal asiatique à la tête de Propaganda Fide (-l'ancien nom de cet important dicastère pour l'évangélisation, également responsable des nominations épiscopales dans les missions-), après les années du cardinal indien Ivan Dias (2006-2011).

    Luis Antonio Gokim Tagle, né le 21 juin 1957 à Manille dans une famille catholique -son père est d'origine Tagalog et sa mère d'origine chinoise-, a été ordonné prêtre en 1982. Il a étudié aux États-Unis où il a décroché un doctorat en théologie avec une thèse sur l'évolution de la notion de collégialité épiscopale depuis le Concile Vatican II. Il a passé sept ans à Rome pour poursuivre ses études. Il rejoint la Commission théologique internationale en 1997.

    Créé cardinal par Benoît XVI

    Après avoir été curé de la cathédrale d'Imus, il a été nommé évêque de ce diocèse à l'âge de 44 ans par le saint Pape Jean Paul II en octobre 2001. Il s'est consacré en particulier à la pastorale des jeunes et a inauguré la première rencontre des jeunes asiatiques à Imus. Le 13 octobre 2011, Benoît XVI le nomme archevêque métropolitain de Manille et treize mois plus tard, en novembre 2012, lors du dernier consistoire du pontificat du Pape Benoit XVI, il reçoit la barrette cardinalice.

    En plus de diriger le diocèse de la métropole philippine, le cardinal Tagle est également président de Caritas Internationalis. Avec ce choix, annoncé quelques jours avant la fin de son voyage en Thaïlande et au Japon, François démontre une fois de plus sa grande attention envers le continent asiatique.

    Le cardinal Filoni au Saint-Sépulcre

    Le Pape François a donc aussi nommé ce dimanche le cardinal Fernando Filoni, 73 ans, jusqu’alors préfet de la Congrégation pour l’Évangélisation des peuples (depuis 2011), nouveau Grand Maître de l'Ordre Équestre du Saint-Sépulcre. Le cardinal Filoni a été nonce apostolique en Irak de 2001 à 2006 et a vécu à Bagdad pendant la guerre en 2003.

    Puis, pendant un an, il a été nonce aux Philippines avant d'être appelé à la Secrétairerie d'État comme suppléant, poste qu'il a occupé jusqu'en 2011. Son expérience au Moyen-Orient sera précieuse dans cette nouvelle tâche, car l'Ordre du Saint-Sépulcre coopère particulièrement avec les communautés chrétiennes du Moyen-Orient et les soutient dans de nombreux projets.

    De son côté, l'ancien Grand Maître du Saint-Sépulcre, le cardinal O’Brien, a exprimé dans un communiqué «sa grande satisfaction» suscitée par la nomination pontificale. Il s'est dit particulièrement heureux du choix de son successeur, et estime «précieuse» la longue et vaste expérience pastorale et administrative du cardinal Filoni au service de l'Église universelle, afin «de guider l'Ordre sur sa voie future».

    Ces nominations font suite de quelques semaines à celle du jésuite espagnol Juan Antonio Guerrero Alves comme Préfet du Secrétariat à l'Economie.

    "Eclairage" de Nicolas Senèze sur le site du journal La Croix :

    Le cardinal Tagle, nouveau « pape rouge »

    L’archevêque de Manille, le cardinal Luis Antonio Tagle, a été nommé dimanche 8 décembre à la tête de la très importante Congrégation pour l’évangélisation des peuples.

    08/12/2019 à 16:53

    Ayant sous sa responsabilité les territoires de mission, soit un très gros tiers des diocèses du monde, gérant les importants fonds récoltés à travers le monde pour les Œuvres pontificales missionnaires, la Congrégation pour l’évangélisation des peuples est si puissante qu’elle vaut à son préfet, qui a toujours porté la pourpre cardinalice, le surnom de « pape rouge ».

    La nomination à sa tête, dimanche 8 décembre par le pape François, du cardinal philippin Luis Antonio Tagle est donc un acte important pour le pape François qui a choisi un théologien estimé de Benoît XVI et une figure pastorale qu’il apprécie.

    Auteur d’une thèse remarquée, défendue à l’Université catholique d’Amérique (Washington), sur la collégialité épiscopale à Vatican II, sujet qu’il a aussi traité dans la monumentale Histoire du Concile dirigée par Giuseppe Alberigo, Luis Antonio Tagle a d’abord été un théologien reconnu, considéré comme l’un des meilleurs en Asie.

    Un pasteur proche des pauvres

    Il fut nommé à la Commission théologique internationale où il siégea à partir de 1997, sous la présidence du cardinal Joseph Ratzinger. En 2001, il fut promu par Jean-Paul II évêque d’Imus, dans la banlieue de Manille, puis archevêque de cette mégapole en 2011 par Benoît XVI, qui le créa cardinal l’année suivante.

    Le grand sourire qui illumina le visage du pape allemand à la vue du jeune cardinal venu le saluer quelques heures avant qu’il ne quitte le Siège de Pierre en disait long sur l’estime que Benoît XVI portait à l’archevêque de Manille. Comme évêque, celui-ci se révéla un pasteur proche des pauvres, à la larme facile et d’une grande spiritualité.

    Un profil qui le rapproche aussi du pape François, qui apprécie ce pasteur qui succéda en 2014 au cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga à la présidence de Caritas Internationalis, le réseau de charité de l’Église catholique.

    Impulser l’élan réformateur dans la Curie

    Deuxième Asiatique à la tête de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples après l’Indien Ivan Dias (2006-2011), le cardinal Tagle y succède au cardinal italien Fernando Filoni, 73 ans, nommé grand-maître de l’ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem en remplacement du cardinal américain Edwin O’Brien, 80 ans.

    Ce changement est d’autant plus significatif que, dans la réforme de la Curie voulue par le pape, qui depuis le début de son pontificat ne cesse d’insister sur la dimension missionnaire de l’Église, la « Propaganda Fide » devrait être appelée à jouer un rôle encore plus crucial : des extraits de la future constitution apostolique parue dans la presse la plaçaient même à la première place des dicastères de la Curie, devant la Congrégation pour la doctrine de la foi.

    En remplaçant un des derniers chefs de dicastère hérité de son prédécesseur par un homme de confiance capable d’impulser son élan réformateur au sein de la Curie, François a donc posé un acte fort.

  • Portrait d’un prélat qui monte…

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    De Claude Barthélémy sur le site de l’ « Homme Nouveau » :

    Tagle.jpg« Édition française de la biographie du cardinal-archevêque de Manille par la vaticaniste Cindy Wooden, qui dirige l’agence de presseCatholic News Service, Luis Antonio Tagle, un cardinal hors du commun brosse, sans grand relief, le portrait du « cardinal des pauvres », un homme d’écoute, de dialogue. Il en souligne en quelque sorte au crayon rouge les traits de ressemblance avec le Pape François : spiritualité ignacienne reçue des jésuites qui dirigeaient le séminaire de Manille, façonné par Vatican II, nombreuses fioretti montrant sa grande simplicité. À peine évêque, il va en tricycle remplacer un prêtre malade dans la chapelle délabrée d’un quartier de travailleurs. Il met longtemps à acheter une voiture préférant les transports en commun. Il oublie de porter sa croix pectorale, etc.

    De parents aisés

    Cindy Wooden présente son héros comme issu d’une famille de petite bourgeoisie (ses parents sont employés de banque). En réalité, sa famille paternelle faisait partie de la classe gouvernante à l’époque coloniale. Surnommé Chito (abrégé de Luiscito, diminutif de Luis), il était d’abord destiné à être médecin. Ce garçon intelligent, travailleur, toujours premier de classe, montrait un très réel dévouement dans les bonnes œuvres (il fut « écuyer » dans la puissante organisation des Chevaliers de Colomb). Il entra au séminaire, tenu par les jésuites, puis à l’Université jésuite Ateneo de Manille, pour être enfin envoyé à la Catholic University of America à Washington, où il soutint une thèse de doctorat sur Paul VI et la collégialité. Clerc prometteur du diocèse d’Imus, après avoir exercé diverses charges professorales, il en devint évêque en 2001 puis fut transféré, dix ans plus tard, à l’archevêché de Manille par Benoît XVI, qui le créa cardinal en 2012.

    Sa biographe donne des indications révélatrices, sans cependant y insister, peut-être parce qu’elle n’en voit pas toute l’importance. Elle évoque ainsi à deux reprises le « mentor théologique » de Luis Antonio Tagle, le Père Catalino Arevalo, qui l’a recommandé lors de son entrée à l’université. Ce jésuite, disciple de Jürgen Moltmann, est un personnage majeur de la théologie la plus progressiste d’Extrême-Orient (il a été consacré par la Fédération des Conférences épiscopales asiatiques « Père de la théologie asiatique », une version aménagée de la théologie de la libération). Cindy Wooden évoque aussi au passage le Père Joseph A. Komonchak, professeur à la Catholic University of America, qui a été le directeur de thèse de Chito. En réalité, Komonchak fut un autre personnage-clé dans la carrière de Luis Antonio. Collaborateur de Giuseppe Alberigo pour la monumentale Histoire de Vatican II, éditée par la très progressiste École de Bologne (Komonchak a dirigé l’édition anglaise), il fit nommer Luis Antonio Tagle, en 1995, membre du comité éditorial qui supervisait l’entreprise, le faisant ainsi entrer dans le chœur des grands théologiens, et le poussa deux ans plus tard vers une nomination de membre de la Commission théologique internationale, où le remarqua Jo­seph Ratzinger, toujours sensible aux renommées universitaires.

     

    Célébré par le Pape

    Mais il fut aussi remarqué par Jorge Bergoglio, avec lequel il siégea au Conseil général du Synode des évêques. Le Père Joseph Komonchak dit joliment du cardinal Tagle : « Dans sa manière d’exercer son ministère, il était à bien des égards un Pape François avant le Pape François ». Le livre de Cindy Wooden n’a pas pu intégrer les fastes du voyage apostolique du Pape aux Philippines, en janvier 2015, où l’archevêque de Manille fut célébré par le Saint-Père sous les yeux attentifs des journalistes religieux du monde entier, qui parlèrent de l’intronisation d’un « successeur ».

    À cet égard, le présent livre, auquel s’ajoute en Italie une autobiographie sous forme d’entretiens, Dio non dimentica i poveri. La mia vita, la mia lotta, le mie speranze (Dieu n’oublie pas les pauvres. Ma vie, mon combat, mon espérance), qui va paraître à l’Editrice Missionaria Italiana, au mois de mai, montre que le puissant groupe des jésuites des Philippines n’est pas seul à « pousser » le cardinal de Manille. Ainsi, le cardinal Rodriguez Maradiaga, du ­Honduras, coor­dinateur du Conseil des neuf cardinaux chargé par le Pape de proposer des idées pour la fameuse réforme de la Curie, a fait élire, le 14 mai 2015, le cardinal Tagle, « défenseur des marginalisés », comme président de Caritas Internationalis.

    Selon les « personnes bien informées » (qui n’en savent souvent pas plus que le commun des mortels), le Pape douterait tout de même des « chances » de Luis Antonio Tagle, notamment parce qu’il paraîtra trop jeune (il n’a pas encore 59 ans) aux cardinaux électeurs, et tournerait les yeux vers le flexible et plus consensuel cardinal Schönborn, archevêque de Vienne. Voilà bien une réforme de l’Église dont on ne nous parle pas : les papes, désormais, désigneraient leurs successeurs !

    Cindy Wooden, Luis Antonio Tagle, un cardinal hors du commun, Éditions de l’Emmanuel, 156 p, 15 €.

    Ref. Portrait d’un prélat qui monte…

    Actons simplement que les « progressistes » aimeraient voir le cardinal Tagle de Manille succéder au pape actuel et qu’à la rigueur ils se contenteraient de la personnalité plus ambiguë du cardinal Schönborn de Vienne.  Les supputations (toujours partisanes) relatives aux « papabili » sont généralement vaines. Elles nous informent seulement sur les préférences  qui  prévalent selon les courants qui partagent l’Eglise. Mais au conclave, si on le laisse faire, c’est le Saint-Esprit qui décide. Evidemment, l'histoire nous enseigne que ce n'est pas toujours le cas.

    JPSC  

  • Le nouveau gouvernement de l'Eglise : jeune et dans la ligne du pape émérite

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    MONSEOR-PIETRO-PAROLIN.jpgLe pape a donc nommé Mgr Parolin secrétaire d'Etat. Les informations qui suivent ont été publiées par Zenit :

    Mgr Pietro Parolin, archevêque italien de 58 ans, est choisi ce samedi 31 août par le pape François comme son secrétaire d'Etat: un poste cardinalice.

    Longtemps au service de la secrétairerie d'Etat dont il connaît donc bien les rouages, Mgr Parolin était nonce au Venezuela depuis 2009.

    Né en 1955, il a été ordonné prêtre en 1980 pour le diocèse de Vicence (Nord de l'Italie). Spécialiste en droit canon, il est entré au service de la diplomatie du Saint-Siège en 1986, et il a été en poste au Nigeria et au Mexique. De 2002 à 2009, l’archevêque a été sous-secrétaire de la section de la secrétairerie d’Etat pour les Relations avec les Etats, autrement dit le « ministère des Affaires étrangères » du Saint-Siège. Il a, à ce titre, effectué notamment des voyages réguliers au Vietnam. Il a également été envoyé de Benoît XVI à la conférence internationale d’Annapolis, aux Etats-Unis, pour la paix en Terre Sainte, en 2007.

    A l'annonce officielle de sa nomination comme secrétaire d'Etat, Mgr Pietro Parolin, a publié, en italien, cette déclaration, ce 31 août, depuis Caracas, où il était nonce depuis 2009.

    Mgr Parolin remercie le pape François, le pape émérite Benoît XVI qui l'avait ordonné évêque le 12 septembre 2009, le cardinal Bertone, auquel il succède et avec qui il a collaboré, et ses anciens collègues. Il salue sa famille, son diocèse d'origine, Vicence, les pays où il a servi l'Eglise (Nigeria, Mexique, Venezuela). Il demande leur prière à tous les catholiques. Il redit son dévouement au Successeur de Pierre, et sa disponibilité au service du Christ et de l'Eglise, et sa confiance dans le Christ crucifié.

    Le pape rajeunit son équipe - Mgr Parolin est le plus jeune secrétaire d'Etat depuis Mgr Eugenio Pacelli (futur Pie XII) en 1930 - et il choisit comme Secrétaire d'Etat un diplomate hispanophone (également francophone), qui a déjà une expérience de terrain en Amérique latine, mais aussi en Asie - avec les négociations prolongées avec le Vietnam -, et en Afrique, et qui connaît parfaitement les rouages de la Secrétairerie d'Etat et de ses relations internationales. Des qualités précieuses pour seconder le pape dans sa réforme de la curie romaine pour l'adapter davantage aux besoins de l'Eglise universelle.

    Il cite deux passages de la première homélie du pape François, du 14 mars 2013, avec la triple invitation à marcher, édifier, confesser, et à construire en s'appuyant sur le Christ crucifié (cf. Zenit du 14 mars 2013, http://www.zenit.org/fr/articles/premiere-homelie-du-pape-francois-texte-integral)

    Il a un mois pour prendre connaissance de l'avancée de la réflexion du groupe de 8 cardinaux nommés par le pape dans ce dessein, sous la présidence du cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa, au Honduras, et qui se réunira en octobre.

    Le nouveau secrétaire d'Etat invoque pour sa nouvelle mission l'intercession de Vierge Marie, sous les vocables de la Madone de Monte Berico (Vicence), de Guadalupe (Mexico), et de Coromoto, sainte patronne du Venezuela. L'Eglise fait justement aujourd'hui mémoire de Marie Médiatrice.

    Déclaration de Mgr Pietro Parolin

    Au moment où ma nomination comme secrétaire d'État est rendue publique , je tiens à exprimer ma profonde et affectueuse gratitude au Saint-Père François, pour la confiance imméritée qu'il me témoigne, et à manifester ma volonté renouvelée et ma totale disponibilité à collaborer avec lui et sous sa conduite pour la plus grande gloire de Dieu, le bien de la Sainte Église et le progrès et la paix de l'humanité, afin que celle-ci trouve des raisons de vivre et d'espérer .

    Je ressens vivement la grâce de cet appel, qui, une fois encore, constitue une surprise de Dieu dans ma vie et, surtout, j'en ressens toute la responsabilité, car elle me confie une mission difficile et exigeante, face à laquelle mes forces sont faibles et pauvres mes capacités. C'est pourquoi je me confie à l' amour miséricordieux du Seigneur, dont rien ni personne ne pourra jamais nous séparer, et aux prières de tous. Je vous remercie tous, dès maintenant, de votre compréhension et pour l'aide que, sous une forme ou une autre, vous voudrez bien m'accorder dans l'accomplissement de ma nouvelle charge.

    Mes pensées vont aux personnes qui ont fait partie de ma vie de famille, aux paroisses où je suis né et où j'ai servi dans le cher diocèse de Vicence, à Rome, dans les pays où j'ai travaillé : le Nigeria , le Mexique, et en dernier, le Venezuela, que je quitte avec regret. 

    Je pense aussi au pape émérite Benoît XVI, qui m'a ordonné évêque, à la Secrétaire d'État , qui a déjà été ma maison pendant de nombreuses années, à S. Ém. le cardinal Tarcisio Bertone, aux autres supérieurs, à mes collègues et collaborateurs et à toute la Curie romaine, aux Représentants pontificaux. Envers tous, je suis largement débiteur.

    Je me mets, avec une certaine appréhension, mais aussi avec confiance et sérénité, à ce service nouveau de l'Evangile, de l'Eglise et du Pape François, prêt - comme il nous l'a demandé dès le début - à marcher, édifier-construire et confesser.

    Que la Vierge Marie, que j'aime à invoquer sous ses titres de Monte Berico, Guadalupe et Coromoto, nous donne "le courage de marcher dans la présence du Seigneur, avec la Croix du Seigneur; d'édifier l'Eglise sur le Sang du Seigneur, versé sur la Croix; et à confesser la seule gloire, le Christ crucifié. Et ainsi l'Église avancera" .

    Et, comme l'on dit au Venezuela : "¡Que Dios les bendiga!"

    Caracas, le 31 août 2013

    Par ailleurs, le pape François confirme dans leur missions cinq de ses collaborateurs de la curie romaine, qui forment, en quelque sorte, avec le secrétaire d'Etat, sa garde rapprochée, son conseil des ministres: ils sont âgés de 46 à 65 ans, et de 5 nations différentes, tous déjà en poste à la curie sous Benoît XVI.

    Ces confirmations, avec la nomination du secrétaire d'Etat, Mgr Pietro Parolin, et la nomination du père Fernando Vérgez Alzaga, L. C., Espagnol, au gouvernorat (cf. Zenit du 30 août 2013, http://www.zenit.org/fr/articles/le-p-vergez-alzaga-l-c-nomme-secretaire-general-du-gouvernorat), dessinent peu à peu le visage du gouvernement voulu par le pape François: une équipe jeune, et non moins expérimentée, et internationale. Et des "fidèles" du pape émérite.

    Ce sont:

    • - Mgr Giovanni Angelo Becciu, 65 ans, Italien, Substitut pour les affaires générales de la secrétairerie d'Etat (Intérieur);
    • - Mgr Dominique Mamberti, 61 ans, Français, Secrétaire pour les Rapports avec les Etats (Affaires étrangères);
    • - Mgr Georg Gänswein, 57 ans, Allemand, Préfet de la Maison pontificale (Cabinet du pape);
    • - Mgr Peter Wells, 46 ans, des Etats-Unis, Assesseur pour les Affaires générales (Intérieur);
    • - Mgr Antoine Camilleri, 48 ans, Maltais, Sous-Secrétaire pour les Rapports avec les Etats (Affaires étrangères)
  • Un abbé tradi en phase avec le pape François

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    IMG_4221b.jpgSur le metablog de l’abbé Guillaume de Tanouärn (Institut du Bon Pasteur) . Extraits :

    (…) Que signifie cette élection ? Les cardinaux avaient le choix entre des théologiens d’envergure (Scola de Milan, le favori de Benoît XVI), des administrateurs efficaces (Ouellet de Québec), des pasteurs (Maradiaga du Honduras, qui était un challenger possible). Ils ont choisi une sorte de saint, levé tous les jours à 4 H 30 et qui reçoit ses prêtres entre 6 H et 8 H après une heure d’oraison quotidienne. La simplicité de Bergoglio n’est pas seulement un calcul, mais l’expression d’une âme ardente, qui s’est totalement donnée à sa tâche. Le vecteur de ce don, ce sont les Exercices spirituels de Saint Ignace de Loyola, dont on retrouve l’esprit souvent dans les improvisations qu’il livre à la foule. Ainsi vendredi 15 mars, à la Domus Sanctae Marthae, au cours de la messe toute simple qu’il a célébrée de bon matin avec quelques cardinaux, il a improvisé une homélie. Il y a cité saint Ignace qui, dans les règles du discernement, conseille « au temps de la désolation, de ne faire aucun changement, mais de demeurer ferme et constant dans ses résolutions et dans la détermination où l’on était au temps de la consolation”. Sans quoi –  a-t-il ajouté  –si l’on cède et si l’on s’éloigne, « lorsque le Seigneur se rend à nouveau visible, il risque de ne plus nous trouver ». 

    Etonnantes paroles sur la constance nécessaire chez les ministres du Christ ! On ne peut pas dire qu’avec de telles formules (je cite celle-là parce qu’elle a été très peu reprise à ma connaissance), on aille faire la Révolution dans l’Eglise.

    Il est clair pourtant que la politique dite restaurationniste, menée par Benoît XVI a subi un coup d’arrêt brutal.

    Dans deux domaines au moins, il faudra s’attendre à des dissonances entre le pape régnant et le pape Benoît XVI : le Concile d’abord, la liturgie ensuite. A propos du Concile, le pape François semble s’éloigner de l’obsession conciliaire qui était celle de Benoît XVI ; il ne cherche pas à établir une herméneutique de continuité, en disant que le Concile est sa boussole. Pour l’instant tout au moins, il n’en parle pas. En 2006, face à l'herméneutique de cointinuité chère à Benoît XVI, il avait évoqué, lui, une "herméneutique de la piété". Lorsqu’il en parle, dans tel texte antérieur publié par Trenti Giorni, il souligne que le Concile, c’est la faculté pour chacun de s’adresser de manière convenable aux hommes et aux femmes qu’il rencontre. Quelque chose pour « cheminer » en somme, si l’on reprend un terme qu’il utilise très souvent.

     

    Quant à la liturgie, son mot dans la Salle des pleurs après son élection (« C’est fini le carnaval… ») pourrait être apocryphe. Il n’en signifie pas moins quelque chose de sa manière d’être. Ce n’est pourtant pas forcément  l’indice d’un retour idéologique aux années 70 mais plutôt l’expression d’un tempérament et d’une très forte autorité. Sa messe d’intronisation, mardi 19 mars, entièrement en latin, était essentiellement sobre et non fantaisiste.

    Au fond, on a l’impression que ce personnage, qui se répète déjà après une semaine comme pape, est essentiellement une personnalité. C’est dans ce contexte d’ailleurs que l’on peut comprendre l’ecclésiologie qui se dégage de ses premières interventions. Certes, le soir de son élection, il n’a pas employé le mot « pape » et il s’est adressé avant tout à ses diocésains du diocèse de Rome. Mais au moment de sa bénédiction, il s’est adressé à tous les hommes de bonne volonté et il a cité saint Ignace d’Antioche sur l’évêque de Rome qui préside dans la charité. Loin d’être une réduction du pouvoir du pape, son attitude est dictée par une stratégie qui pourrait bien être à l’origine de son élection. Pas d’intromission du pape dans les affaires des Eglises locales. Il doit respecter l’autorité de « ses frères les cardinaux ». Dans cette perspective d’ailleurs, il est bien possible qu’il y ait moins de voyages pontificaux et que le modèle wojtylien ait trouvé sa limite. 

    Mais en même temps, le pape reste « le pape monde » qui s’adresse au monde entier, qui dialogue avec tous les non-catholiques. Il est plus que jamais la référence spirituelle, l’étrange autorité spirituelle mondiale que personne n’attendait. Le langage direct et sans langue de buis du pape François risque de rendre sa parole encore plus efficace. Je pense en particulier à l’Amérique latine et à l’Afrique où les protestants évangélistes, profitant de la concurrence de papes plus intellectuels, s’étaient présentés comme ayant le monopole de l’Evangile. Ce pape austère et vraiment évangélique, devient un argument de poids non seulement ici en Europe et aux Etats unis, mais aussi auprès de gens simples que séduiront sûrement sa prédication directe et son mode de vie authentique. Son vieux « péronisme » des familles, jamais renié, en fera-t-il aussi un pape des nations contre la Globalisation indifférenciée ».

    Deux ou trois choses encore sur François

    Attendons surtout les actes de gouvernement que, contrairement au petit Frère François (celui-ci ne fut jamais, à cet égard, un modèle, pour l'ordre qu'il avait fondé), sa fonction intime au nouveau pape de poser. Son passé montre qu'il est rien moins que naïf à cet egard.

  • Nouvelles spéculations sur le gouvernement de François

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    D'après Sandro Magister (Chiesa.Espresso), François "gouverne l'Église comme un général des jésuites. Il écoute, mais il décide tout seul." Le vaticaniste prend ainsi le contre-pied de rumeurs selon lesquelles le pape préfèrerait encourager la collégialité

    Un homme de McKinsey également appelé à étudier la réforme de la curie, que le pape François veut débarrasser de la corruption et du "lobby gay".  Il ne manquait plus qu’un gourou de McKinsey pour élaborer cette réforme de la curie que tout le monde attend du pape François. Eh bien il est arrivé. Il s’appelle Thomas von Mitschke-Collande, il est allemand et il a dirigé la filiale munichoise de la société de conseil en management la plus connue et la plus mystérieuse du monde. En matière d’Église, il connaît bien son affaire. L'année dernière, il a publié un livre au titre peu rassurant : "L’Église veut-elle se supprimer ? Les faits et les analyses d’un consultant en entreprise". Le diocèse de Berlin s’est adressé à lui pour remettre ses comptes d’aplomb et la conférence des évêques d’Allemagne lui a demandé un plan destiné à réduire les coûts et le nombre de personnes employées. L'idée de le faire également travailler à la réforme de la curie romaine est venue à Reinhard Marx, l’archevêque de Munich, l’un des huit cardinaux auxquels le pape Jorge Mario Bergoglio a fait appel pour lui servir de conseillers. La proposition a été adressée à l’intéressé, qui l’a accueillie avec enthousiasme, par le père Hans Langerdörfer, jésuite, qui est le puissant secrétaire de la conférence des évêques d’Allemagne.

    Bergoglio est lui aussi un jésuite et, en voyant comment il agit, on comprend maintenant qu’il entend appliquer à la papauté les méthodes de gouvernement caractéristiques de la Compagnie de Jésus. Or le préposé général de celle-ci, qui est surnommé le "pape noir", dispose de pouvoirs qui sont pratiquement absolus. Sa réticence à s’attribuer le nom de pape et sa préférence pour l’appellation d’"évêque de Rome" ont fait exulter les paladins de la démocratisation de l’Église. Mais ils sont dans l’erreur. Lorsque le pape François a nommé, le 13 avril, huit cardinaux "pour le conseiller en ce qui concerne le gouvernement de l’Église universelle et pour étudier un projet de révision de la curie romaine", il les avait choisis tout seul. S’il avait suivi les suggestions formulées lors du pré-conclave, il aurait trouvé ce "conseil de la couronne" déjà tout prêt. Il lui aurait suffi d’appeler autour de lui les douze cardinaux, trois par continent, qui sont élus au terme de chaque synode et donc aussi du dernier, qui a eu lieu au mois d’octobre 2012. Ils ont été élus lors d’un vote secret et ils sont représentatifs de l'élite de l'épiscopat mondial ; on trouve parmi eux presque tous les noms importants du dernier conclave : les cardinaux Timothy Dolan de New-York, Odilo Scherer de São Paulo, Christoph Schönborn de Vienne, Peter Erdö de Budapest, Luis Antonio Gokim Tagle de Manille. Mais ce n’est pas ce qu’il a fait. Ses huit conseillers, le pape Francesco a voulu qu’ils soient choisis par lui seul, pas par d’autres. Il a voulu qu’ils n’aient à répondre qu’à lui et pas, de surcroît, à une assemblée élue. Il en a voulu un pour chaque zone géographique : Reinhard Marx pour l'Europe, Sean Patrick O’Malley pour l'Amérique du Nord, Oscar Andrés Rodríguez Maradiaga pour l'Amérique centrale, Francisco Javier Errázuriz Ossa pour l'Amérique du Sud, Laurent Monsengwo Pasinya pour l'Afrique, Oswald Gracias pour l'Asie, George Pell pour l'Océanie, plus un cardinal de Rome, rattaché non pas à la curie proprement dite, mais à l’État de la Cité du Vatican dont il est le gouverneur, Giuseppe Bertello. Presque tous ceux qui ont été choisis exercent ou ont exercé des fonctions de direction dans des organismes ecclésiastiques continentaux.

    Mais c’est précisément de cette manière que les choses se passent au sein de la Compagnie de Jésus. Bergoglio en a été supérieur provincial et il en a assimilé le style. Au sommet de la Compagnie, les assistants qui entourent le général, nommés par lui, représentent chacun une zone géographique. Les décisions ne sont pas prises collégialement. Seul le général décide, avec des pouvoirs directs et immédiats. Les assistants ne doivent pas se mettre d’accord entre eux et avec lui, ils conseillent le général un à un, dans la plus grande liberté. Un effet de ce système sur la réforme de la curie romaine annoncée par le pape François est qu’aucune commission d’experts n’a été mise en place pour élaborer un projet unitaire et achevé.

    Les huit cardinaux sont en train de demander, chacun de son côté, leur contribution à des gens en qui ils ont confiance et qui présentent les profils les plus disparates. En plus de l’homme de McKinsey qui a été recruté par le cardinal Marx, il y en a au moins une douzaine d’autres, provenant divers pays, qui ont été interrogés. D’autres se sont présentés de leur propre initiative, comme par exemple le cardinal Francesco Coccopalmerio, président du conseil pontifical pour les textes législatifs, auteur d’un projet de réforme ayant en son centre un "moderator curiæ" chargé de s’occuper du fonctionnement de la machine. Au début du mois d’octobre, les huit prélats se retrouveront autour du pape. Ils lui remettront un ensemble de propositions. C’est lui qui décidera. Tout seul.

  • Comme un air de conclave ?

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    Du blog d'Aldo Maria Valli ; traduction de "Benoît et moi" :

    Un air de Conclave au Vatican

    « Tam tam au Vatican. Il y a un air de conclave » titre Libero aujourd’hui en première page.

    Antonio Socci explique : « Au Vatican, on parle avec de plus en plus d’insistance d’un nouveau conclave. Le pape François aurait en effet exprimé l’intention de partir. En décembre prochain, il aura, entre autres, 85 ans, soit le même âge que Benoît XVI au moment de sa démission. Mais la raison de la démission de Bergoglio n’est pas principalement l’âge, mais sa santé, qui a été mise en lumière de manière soudaine et inattendue avec son opération chirurgicale le 4 juillet de l’année dernière.

    Bien que la version officielle après l’opération du côlon soit que le pape se porte bien, les rumeurs se multiplient pour dire que ce n’est pas du tout le cas.

    Entre-temps, le même jour que l’article de Socci, le site Il Sismografo, habituellement défini comme « paravatican » en raison de sa proximité et de son harmonie avec les palais sacrés, a publié un article sur la situation des cardinaux électeurs aujourd’hui et dans les mois à venir.

    « A la fin de 2022, il y aura douze autres cardinaux qui ne seront plus électeurs », explique l’article.

    Actuellement, « les cardinaux électeurs qui peuvent entrer dans un conclave pour élire un nouvel évêque de Rome sont au nombre de 122 (ce chiffre ne comprend pas le cardinal Giovanni Angelo Becciu, 73 ans, actuellement en procès, à qui le pape a retiré le 27 septembre dernier les droits et prérogatives d’électeur), un chiffre plus ou moins conforme à ce que recommandait le pape Paul VI. Il convient de rappeler que le pape Montini a fixé à 120 le nombre maximum de cardinaux électeurs du pontife et que, par le motu proprio Ingravescentem aetatem, il a établi qu’en atteignant l’âge de quatre-vingts ans, les cardinaux perdent le droit de participer au conclave pour l’élection d’un nouveau pape, mais pas le droit d’être élus ».

    À ce jour, les grands électeurs se répartissent comme suit : 13 créés par Jean-Paul II, 39 créés par Benoît XVI, 70 créés par François.

    « Théoriquement, si tout reste inchangé jusqu’à fin 2022, à la fin de l’année prochaine, le nombre de cardinaux électeurs passera de 122 à 110, soit dix cardinaux de moins que le nombre établi par Paul VI ».

    Voici la liste des cardinaux, six latino-américains et six italiens, qui d’ici décembre 2022 passeront dans la catégorie des non-électeurs. A côté de chaque nom, la date de naissance :

    2021

    1) Angelo Scola – Italie – 07.11. 1941

    2022

    2) Ricardo Ezzati Andrello – Chili – 07.01.1942

    3) Gualtiero Bassetti – Italie – 07.04.1942

    4) Ricardo Blázquez Pérez – Espagne – 13.04.1942

    5) Norberto Rivera Carrera – Mexique – 06.06.1942

    (6) Jorge Liberato Urosa Savino – Venezuela – 28.08.1942

    (7) Gregorio Rosa Chávez – El Salvador – 03.09.1942

    (8) Rubén Salazar Gómez – Colombie – 22.09.1942

    9) Giuseppe Bertello – Italie – 01.10.1942

    10) Gianfranco Ravasi – Italie – 18.10.1942

    11) André Armand Vingt-Trois – France – 07.11.1942

    12) Óscar Andrés Rodríguez Maradiaga – Honduras – 29.12.1942

    « Ces faits, écrit Il Sismografo, donnent des raisons de penser que d’ici la fin de l’année et les premiers mois de l’année prochaine, le pape François annoncera son huitième consistoire pour la création de nouveaux cardinaux, en particulier des électeurs.

    En juillet dernier, à propos de l’hospitalisation de Bergoglio à Gemelli, le directeur du site, Luis Badilla, écrivait :

    « Il y a cependant un détail très important que beaucoup, en ces heures, sous-estiment, ignorent ou manipulent : la maladie qui a frappé le pape François est grave et dégénérative. Elle pourrait même être chronique. Certes, le Saint-Père reviendra au Vatican pour reprendre son voyage sur les traces de Pierre, mais il ne sera plus jamais le même. Toute la rhétorique sur un Jorge Mario Bergoglio surhomme nuit à son image et à son charisme… Il sait qu’il devra changer beaucoup de choses dans sa vie : fatigue, repos, limites, nutrition, exercices physiques de réhabilitation ».

    http://www.benoit-et-moi.fr/2020/2021/07/13/francois-une-hospitalisation-plus-longue-que-prevu/

    Antonio Socci, dans Libero, souligne que la première personne à parler d’un « air de conclave » a été Sandro Magister à la mi-juillet, qui a écrit dans son blog : « Conclave en vue. Tous prennent leurs distances de François ».

    Pour notre part, nous concluons en rappelant que dans le livre du journaliste argentin Nelson Castro, La salud de los Papas, il y a une longue interview de Bergoglio qui se conclut comme suit :

    « Pensez-vous à la mort ? »
    « Oui. »
    « Vous avez peur ? »
    « Non. Pas du tout.
    « Comment imaginez-vous votre mort ? »
    « En tant que Pape, soit en fonction, soit émérite. »

  • L'apostasie silencieuse rend l'Occident sourd à la souffrance des catholiques du monde entier

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    De Mauro Faverzani sur Corrispondenza Romana :

    L'apostasie silencieuse rend l'Occident sourd à la souffrance des catholiques du monde entier

    19 juillet 2023

    Alors que l'apostasie silencieuse progresse en Occident, devenue persécutrice avec ceux qui suivent " obstinément " la Doctrine catholique, complice du silence des hiérarchies à tous les niveaux, le martyre des chrétiens, appelés à témoigner de leur foi dans le sang, se poursuit dans de nombreuses régions du monde dans l'indifférence générale.

    Alors que le Premier ministre indien, Narendra Modi, a été reçu par le président français Macron, qui lui a également remis la Grand-Croix de la Légion d'honneur, dans son propre pays, les chrétiens continuent d'être victimes des fondamentalistes hindous, avec la complicité, qui plus est, des forces de l'ordre. Rien qu'au cours du premier semestre, pas moins de 400 incidents violents se sont produits dans 23 des 28 États de la fédération, contre 274 enregistrés au cours de la même période l'année dernière. Ces incidents n'ont même pas fait l'objet d'enquêtes régulières.

    Le triste record revient à l'État de l'Uttar Pradesh avec 155 cas, suivi du Chhattisgarh avec 84. Selon l'UCF-United Christian Forum, le pic a été atteint en juin dernier avec 88 épisodes, soit près de trois par jour. Or, ce sont précisément les chrétiens qui subissent le plus grand nombre d'accusations de conversion illégale, en vertu de la loi de confiscation de la liberté de religion : les accusations sont toutes rigoureusement fausses. Une requête a été déposée auprès de la Cour suprême indienne, demandant la création d'une équipe d'enquête spéciale pour enregistrer et poursuivre ce type spécifique de crime, mais le gouvernement s'y est incroyablement opposé.

    La haine des chrétiens commence pourtant dès l'école : Priyank Kanoongo, président de la Commission nationale indienne pour la protection de l'enfance (NCPC), mène depuis plusieurs mois un combat personnel contre les institutions éducatives catholiques du Madhya Pradesh. La dernière en date, en juin dernier, concernait l'Asha Kiran Children's Care Institute, un foyer géré par les sœurs syro-malabares de la Congrégation de la Mère du Carmel, dans la ville de Katni, diocèse de Jabalpur. Le scénario est toujours le même : Kanoongo ordonne une inspection surprise, d'où émergeront des "preuves" de fraudes et de conversions forcées d'enfants, "preuves" régulièrement destinées à tomber devant les tribunaux. Même l'évêque de Jabalpur, Mgr Gerald Almeida, a été menacé d'arrestation. A noter que Kanoongo est membre du BJP, le même parti nationaliste hindou auquel appartient le Premier ministre Narendra Modi, reçu avec tous les honneurs par Macron.

    Toujours au Pakistan, à Bahawalpur, le 30 mai, un chrétien de 24 ans, Nouman Asghar, a été condamné à mort en première instance pour blasphème : selon l'accusation, des dessins offensants de Mahomet ont été trouvés sur son téléphone portable, envoyés via WhatsApp par un musulman, Bilal Ahmad, qui n'a même pas été jugé pour cela. Selon la défense, qui a fait appel, le magistrat a ignoré toutes les procédures et rejeté toutes les preuves en faveur de son client.

    La persécution de l'Église catholique se poursuit également dans le Nicaragua communiste, avec une surveillance policière permanente des paroisses, des communautés religieuses et des domiciles des prêtres, qui, pour leur part, font état de harcèlements, de passages à tabac et de confiscations de biens. Certaines homélies sont enregistrées par la police afin de criminaliser le clergé. Les processions sont annulées, les visites aux malades et la distribution de nourriture aux pauvres sont interdites. Selon Martha Patricia Molina, chercheuse en exil, quatre prêtres ont déjà été expulsés du pays cette année, six ont fui et deux se sont vu refuser l'entrée.

    Et ce n'est pas tout. Le 9 juillet, des agents de la police nationale ont arrêté le père Fernando Israel Zamora Silva, chancelier du diocèse de Siuna, dans les Caraïbes du Nicaragua. Il avait récemment assisté à une messe célébrée par le cardinal Leopoldo Brenes dans la paroisse de San Luis Gonzaga, à Managua. Les autorités n'ont pas encore confirmé officiellement la nouvelle, qui a toutefois été divulguée par des sources ecclésiastiques. La Fondation nicaraguayenne pour la liberté, présidée par le leader de l'opposition Felix Maradiaga, récemment libéré de prison et déchu de sa nationalité, a appelé à la libération du prêtre.

    Le père Zamora Silva est le huitième prêtre à se retrouver menotté depuis l'instauration du régime communiste de Daniel Ortega : la liste comprend également, comme on le sait, l'évêque nicaraguayen Monseigneur Rolando Álvarez, condamné à plus de 26 ans de prison pour "trahison".

    Au Nigeria aussi, l'enlèvement de prêtres est malheureusement devenu une pratique répandue : le 10 juillet dernier, le père Joseph Azubuike a été enlevé près de sa paroisse, à Mgbalaeze Isu, puis relâché, alors qu'il était détenu avec trois autres hommes qui voyageaient avec lui et qui ont également été libérés, comme l'a confirmé le père Donatus Chukwu, vicaire général du diocèse d'Abakaliki, dans l'État d'Ebonyi. Les ravisseurs avaient demandé une rançon de 50 millions de naira, soit environ 66 000 dollars, mais l'intervention de la police les a empêchés de payer cette somme. La chasse aux criminels en fuite est désormais ouverte. Le père Azubuike et les trois autres personnes qui l'accompagnent sont indemnes et en bonne santé.

    Selon les autorités ecclésiastiques, cet énième enlèvement ne serait cependant pas un incident isolé : l'enlèvement de prêtres, notamment dans le sud-est du Nigeria, est devenu un phénomène courant permettant d'obtenir des recettes de plusieurs millions de dollars sous forme de rançons. Selon un rapport intitulé "The Economics of the Kidnapping Industry in Nigeria", préparé par le cabinet de recherche SBM Intelligence, entre juillet 2021 et juin 2022, au moins 3 420 personnes ont été enlevées dans tout le pays, tandis que 564 autres ont été tuées dans des actes de violence associés aux enlèvements. Au cours de cette même période, des rançons d'un montant de 6,531 milliards de nairas, soit environ 9,9 millions de dollars, auraient été exigées et, sur ce total, 653,7 millions de nairas, soit 1,2 million de dollars, auraient été versés. Parmi les cibles privilégiées des ravisseurs figure le clergé catholique, bien que les évêques nigérians aient déjà fait savoir qu'ils ne voulaient payer aucune rançon. De son côté, le gouvernement semble totalement incapable et impuissant face à ce fléau. Aucune voix ne se fait entendre au niveau international, ni même au sein de la hiérarchie de l'Église, pour condamner les violences subies par les fidèles catholiques et le clergé aux quatre coins du monde, livrés à eux-mêmes dans le silence et l'indifférence générale. Ici, en Occident, par contre, d'énormes énergies sont déployées pour battre en brèche les fondements de la doctrine catholique de l'intérieur et de l'extérieur, il n'y a pas de temps et manifestement pas de désir de s'occuper des frères qui souffrent pour le Christ...

  • Le tournant de François : la proclamation d'abord, la doctrine ensuite

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    De Stefano Fontana sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    Le tournant de François : la proclamation d'abord, la doctrine ensuite

    21-03-2022

    Dans la nouvelle constitution apostolique "Praedicate Evangelium", François modifie l'organisation de la Curie romaine en réduisant la taille de la Secrétairerie d'État et de la Doctrine de la Foi (qui sera appelée dicastère) et prend le contrôle du nouveau dicastère pour l'évangélisation, qui passera avant tous les autres en importance. Considérer l'évangélisation comme précédant la doctrine et non liée à elle de manière essentielle est un sérieux problème. 

    Samedi dernier, 19 mars, en la fête de saint Joseph, a été promulguée la Constitution apostolique "Praedicate Evangelium" par laquelle François modifie l'organisation de la Curie romaine, remplaçant la structure actuelle établie en 1988 par Jean-Paul II. La réforme, qui entrera en vigueur le 5 juin, fête de la Pentecôte, est importante et nous devrons y revenir, mais peut-être est-il déjà possible de faire quelques considérations tant sur la méthode (comment elle a été réalisée) que sur le contenu (quelle idée de l'Église transpire).

    Les commentaires parlent d'une réforme partagée et participative. Andrea Tornielli a écrit dans Vatican news qu'il s'agit du "fruit d'un long travail collégial". Cependant, il est difficile de croire que c'est ainsi que les choses se sont réellement passées. En fait, François n'a jamais convoqué le Collège des cardinaux pour discuter des grandes questions de la vie de l'Église avec ses premiers collaborateurs - les cardinaux. Même à l'occasion des différents consistoires pour l'élection des nouveaux cardinaux, cela n'a jamais été fait. La réforme a été conçue au sein d'un conseil restreint de neuf cardinaux, réduit ensuite à sept (dont un a été remplacé parce qu'il était bavard), dont les membres représentent une seule ligne théologique et pastorale et dont deux d'entre eux - les cardinaux Maradiaga et Marx - suscitent des interrogations de plusieurs points de vue. Dans l'ensemble, il est donc difficile de parler de "travail collégial".

    Au cours de son pontificat, François a brouillé la Curie romaine et, dans de nombreux cas, l'a rendue baïonnette. Il a licencié à l'improviste et a également fait licencier des personnes à l'improviste, il a renié des cardinaux de la curie qui n'avaient rien dit de plus que ce qu'il leur avait dit de dire, il a changé les responsables de dicastères entiers sans en informer le cardinal préfet concerné. Souvent, il n'a pas consulté le Dicastère pour les textes législatifs avant de publier certains de ses documents, il n'en a pas soumis d'autres à la Congrégation pour la doctrine de la foi comme cela a toujours été fait, il a nommé de nombreux évêques sans tenir compte des indications de la congrégation concernée. Il est bien connu que, ces dernières années, le climat au sein de la Curie romaine était devenu très difficile et exigeait une grande circonspection. Je crois qu'il convient de tenir compte de ces précédents pour comprendre l'esprit de la nouvelle réforme.

    Il peut également être utile de rappeler certains aspects concrets. Certaines des réformes établies par le "Praedicate Evangelium" ont déjà été mises en œuvre, comme l'unification de divers Conseils pontificaux en un seul Dicastère. La raison en était d'économiser de l'argent et de gagner en efficacité, des objectifs qui sont désormais également à la base de la nouvelle Constitution.

    Mais est-il vraiment vrai que des économies et une rationalisation ont été réalisées ? Le nouveau dicastère pour le développement humain intégral n'avait qu'un seul président (le cardinal Turkson, qui a ensuite démissionné pour des raisons qui n'ont pas été clarifiées) au lieu de trois, mais tout le personnel des trois anciens conseils pontificaux pour Justitia et Pax, pour le ministère de la santé et pour les migrants est resté le même, avec les inefficacités que toute fusion entraîne nécessairement. Maintenant, la nouvelle Constitution établit l'unification des Conseils Pontificaux pour la Culture et pour les Laïcs : un président sera sauvé, mais il est au moins douteux que l'on puisse aller beaucoup plus loin.

    La réforme qui frappe le plus l'œil et interroge le commentateur est la création du nouveau Dicastère pour l'évangélisation, qui intègre la Congrégation historique pour l'évangélisation des peuples (Propaganda fide) fondée en 1622 par Grégoire XV et le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation créé en 2010 par Benoît XVI. Le préfet de ce nouveau dicastère (les congrégations seront désormais appelées ainsi) sera François lui-même : "Le dicastère pour l'évangélisation est présidé directement par le Pontife romain". Cet aspect de la réforme semble être la principale innovation et il convient de faire quelques observations à son sujet.

    Le nouveau Dicastère pour l'Évangélisation est placé dans une position éminente, et en fait la Constitution le présente en premier. La Secrétairerie d'État - à laquelle la réforme ne touche pas en ce qui concerne son organisation interne mais qu'elle appelle le "secrétariat pontifical" - voit son importance réduite, étant donné que le chef du nouveau dicastère est le pontife lui-même. Ce n'est peut-être pas une surprise si l'on revient à ce qui a été dit plus haut sur la façon dont François a considéré la Curie ces dernières années.

    Le point vraiment central, cependant, est autre. Le Dicastère pour l'Évangélisation est placé dans une position éminente également par rapport à la Congrégation, devenue Dicastère, pour la Doctrine de la Foi. Cela signifie, comme l'affirme Domenico Agasso dans Vatican Insider, que la proclamation de l'Évangile précède la doctrine. François a souvent critiqué la rigidité doctrinale et conseillé de ne pas se soucier de faire la proposition chrétienne tout en respectant l'ensemble de la doctrine. Considérer aujourd'hui l'évangélisation comme précédant la doctrine et non liée à elle de manière essentielle est un grave problème.

    La proclamation doit toujours être aussi pleinement doctrinale, car la Doctrine est le Christ lui-même qui est proclamé, le Logos éternel du Père. Il est vrai que l'Église a formellement défini la doctrine après la proclamation, dans les conciles œcuméniques de l'antiquité, mais la proclamation originale dans la foi apostolique contenait déjà toute la doctrine qui a été définie plus tard.

    La question est délicate et mérite une attention soutenue. Le problème est de clarifier si, de cette manière, la thèse théologique prévalant aujourd'hui de la primauté de la pastorale sur la doctrine s'applique également à la structure de la Curie. Ce serait un problème.

  • Synode sur la famille : l'Eglise prise au piège du questionnaire préparatoire ?

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    Sandro Magister analyse la situation résultant des tendances révélées par les réponses au questionnaire envoyé par Rome en vue du prochain synode sur la famille :

    Le synode à la croisée des chemins, à propos des remariages

    La zone germanophone a été la plus rapide pour répondre au questionnaire envoyé par le Vatican en vue du synode consacré à la famille, mais également pour rendre publiques les réponses.

    Les évêques suisses ont même fait encore davantage : ils ont composé un questionnaire encore plus détaillé et ils ont confié le sondage à l'institut de sociologie pastorale de Saint-Gall. Celui-ci a recueilli environ 25 000 réponses, dont une grande partie a été transmise par internet et provenait de citoyens des cantons de langue allemande.

    Les résultats ont été diffusés le 3 février. Et, le lendemain, les évêques d’Allemagne faisaient de même.

    En mettant en évidence, dans un cas comme dans l’autre, l’avalanche de "oui" à propos de l’un des points cruciaux : la communion des divorcés remariés et la reconnaissance de leur second mariage par l’Église.

    Ce n’est pas tout. Lorsqu’ils ont présenté les résultats de ce sondage, les évêques des deux pays ont eux-mêmes appelé de leurs vœux "une nouvelle approche en ce qui concerne la morale sexuelle catholique", étant donné que "les fidèles ne comprennent plus les arguments de l’Église à propos de ces questions".

    Une opinion qui gagne du terrain y compris chez les évêques et les cardinaux est que la famille classique, indissoluble, composée d’un père, d’une mère et d’enfants, tend à disparaître. Même parmi les catholiques "il y a des couples séparés, des familles élargies, beaucoup d’entre eux élèvent leurs enfants sans avoir de partenaire ; il y a le phénomène des mères porteuses, il y a les mariages sans enfants, sans oublier les unions de personnes de même sexe". C’est ce qu’a affirmé le cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga – coordinateur du groupe de huit cardinaux "conseillers" de François – à l’occasion de l’interview choc qu’il a accordée au "Kölner Stadt-Anzeiger" le 20 janvier, dans laquelle il a donné la parole au grand nombre de personnes qui ont les mêmes idées que lui et associé le pape lui-même à ces idées.

    La famille à l’ancienne n’existe plus. Tout est nouveau. Par conséquent l’Église doit, elle aussi, apporter des réponses qui soient nouvelles et "en accord avec notre temps", des réponses qui "ne peuvent plus être fondées sur l’autoritarisme et le moralisme", a tranché Maradiaga.

    Mais est-il vraiment exact que la situation actuelle soit inédite et que l’Église s’y trouve confrontée pour la première fois ?

    Pas du tout. Lorsque l’Église a commencé son cheminement historique, dans le cadre de la civilisation romaine des premiers siècles de notre ère, elle s’est trouvée confrontée à des relations entre les sexes et entre les générations qui n’étaient pas moins multiformes qu’aujourd’hui et à des modèles familiaux qui ne coïncidaient certainement pas avec le modèle du mariage indissoluble prêché par Jésus.

    Aux chrétiens de cette époque-là, l’Église proposait un modèle de mariage qui était non pas "vieux" mais très nouveau et très exigeant. Et, lorsqu’elle proposait cette nouveauté révolutionnaire, elle devait se frayer à grand-peine un chemin dans une forêt de situations de fait qui la contredisaient et qui pouvaient même conduire à donner une application pratique, dans certains lieux et à certains moments, à l’"exception" perçue par certains dans les propos énigmatiques tenus par Jésus en Matthieu 19, 9 : "Quiconque répudie sa femme, si ce n’est pour 'porneia', et en épouse une autre, commet un adultère".

    Il n’est donc pas étonnant que, au cours de ces premiers siècles, on puisse trouver, dans les écrits des Pères de l’Église et dans les canons des conciles, des traces d’une pratique de pardon à l’égard de ceux qui ont contracté un second mariage après s’être séparés de leur premier conjoint et de leur réadmission à l'eucharistie après une période de pénitence plus ou moins longue.

    Parmi les chercheurs qui ont affirmé l'existence de cette pratique, on peut citer Giovanni Cereti – dont les thèses ont trouvé un écho lors du synode des évêques de 1980, consacré à la famille – et des patrologues connus tels que Charles Munier, Pierre Nautin, Joseph Moingt, sans oublier l’Américain John T. Noonan, juriste renommé et spécialiste de la doctrine et de la pratique canonique en matière de mariage au cours de l’Histoire.

    D’autres chercheurs ont au contraire contesté le bien-fondé de cette thèse. Celui qui la critique le plus catégoriquement est Henri Crouzel, jésuite et patrologue réputé. De même un autre jésuite et patrologue, Gilles Pelland, Canadien, considère qu’il est difficile de prouver, documents à l’appui, que, dans les premiers siècles, on accordait effectivement le pardon et on donnait la communion à ceux qui s’étaient séparés de leur conjoint et qui s’étaient remariés.

    Une étude que Pelland avait consacrée précisément à cette question a été incluse par la congrégation pour la doctrine de la foi dans un livre intitulé "Sulla pastorale dei divorziati risposati" [La pastorale des divorcés remariés], publié par la Maison d’Édition du Vatican en 1998 et réédité récemment, avec une introduction de Joseph Ratzinger, qui était à l’époque préfet de cette congrégation :

    > La pastorale du mariage doit se fonder sur la vérité


    Cette introduction de Ratzinger, publiée à nouveau dans "L'Osservatore Romano" du 30 novembre 2011, est d’une grande objectivité dans la formulation du problème posé par les études citées :

    "On affirme que le magistère actuel ne s’appuierait que sur un filon de la tradition patristique, mais non pas sur tout l’héritage de l’Église ancienne. Si les Pères s’en sont clairement tenus au principe doctrinal de l’indissolubilité du mariage, certains d’entre eux ont toléré, sur le plan pastoral, une certaine souplesse devant des situations particulières difficiles. Sur cette base, les Églises orientales séparées de Rome auraient développé plus tard, à côté du principe d’acribie, de la fidélité à la vérité révélée, le principe de l’économie, c’est-à-dire de la condescendance bienveillante, dans des circonstances particulières difficiles. Sans renoncer au principe de l’indissolubilité du mariage, elles permettraient, dans des cas déterminés, un deuxième et même un troisième mariage qui, par ailleurs, est différent du premier mariage sacramentel et est marqué du caractère de la pénitence. Cette pratique n’aurait jamais été condamnée explicitement par l’Église catholique. Le Synode des évêques de 1980 aurait suggéré d’étudier à fond cette tradition, afin de mieux faire resplendir la miséricorde de Dieu".

    Tout de suite après Ratzinger ajoutait ceci :

    "L’étude du père Pelland indique dans quelle direction il faut chercher la réponse à ces questions".

    En effet, Pelland nie que, au cours des premiers siècles, on ait appliqué la présumée "exception" de Matthieu 19, 9. Et il interprète de manière différente les textes des Pères et des conciles que Cereti cite à l’appui d’une pratique de pardon des divorcés remariés. Mais, ici ou là, il fait comprendre que les arguments pour et contre sont, les uns comme les autres, falsifiables. Et il rappelle que, dans un cas au moins – celui d’un prisonnier de guerre disparu depuis longtemps qui revient chez lui et trouve sa femme remariée – même un pape comme saint Léon le Grand "a été beaucoup plus loin que l’Église n’accepterait de le faire aujourd’hui ".

    De plus, Pelland note que, dans les livres pénitentiels du haut Moyen Âge "une jurisprudence libérale était appliquée dans de nombreuses circonstances" aux divorcés remariés, avec des traces évidentes dans les lois canoniques réunies dans le décret de Gratien.

    C’est avec le pape Grégoire VII, au XIe siècle, que l’on a commencé à combattre de manière systématique cette pratique en Occident.

    Ainsi le concile de Trente, au XVIe siècle, a-t-il trouvé une discipline en matière de mariage qui était désormais consolidée, absolument opposée aux seconds mariages, alors que dans les Églises d’Orient, au contraire, ceux-ci étaient, pendant le même temps, entrés dans les mœurs.

    Au cours de ce concile, certains évêques, au nombre desquels le cardinal Del Monte, légat pontifical, proposèrent d’interpréter Matthieu 19, 9 et certains textes patristiques comme une autorisation de contracter un second mariage. Leur thèse fut repoussée. En tout cas le concile de Trente évita de condamner comme hérétique la pratique adoptée par les grecs.

    Au concile Vatican II, il y eut au moins un évêque, le melkite Elias Zoghby, archevêque de Baalbek, pour poser à nouveau la question. Et un autre évêque essaya de nouveau lors du synode de 1980 consacré à la famille. Dans un cas comme dans l’autre, sans succès.

    Quelle est donc la leçon qu’il faut tirer de l’Histoire, à propos de la communion des divorcés remariés ?

    Dans son introduction à l’ouvrage cité plus haut, Ratzinger ne nie pas qu’il y ait eu des moments et des lieux où, même en Occident, les seconds mariages ont été admis.

    Mais il voit dans les faits historiques une ligne de développement précise. Une sorte de retour aux origines.

    Les origines – écrit-il – ce sont les paroles sans équivoque qui ont été prononcées par Jésus à propos de l'indissolubilité du mariage. Ce sont des paroles "sur lesquelles l’Église n’a aucun pouvoir" et qui excluent clairement le divorce suivi d’un nouveau mariage.

    Voilà pourquoi "dans l’Église, au temps des Pères, les fidèles divorcés et remariés n’ont jamais été admis officiellement à la sainte communion après un temps de pénitence". Toutefois il est également vrai – reconnaît Ratzinger – que l’Église "n’a pas toujours rigoureusement refusé, dans tel ou tel pays, des concessions en la matière". Et il est vrai que "certains Pères - Léon le Grand, par exemple - ont cherché des solutions 'pastorales' pour de rares cas-limites".

    En Occident, cette "flexibilité et cette disponibilité accrues au compromis dans le cas de situations matrimoniales difficiles" se sont étendues et prolongées jusqu’au XIe siècle, particulièrement "dans les mondes français et germanique".

    En Orient, cette tendance a été encore plus prononcée et plus répandue et "une pratique de plus en plus libérale" s’est imposée jusqu’à nos jours. Au contraire, à partir du XIe siècle, en Occident, "la manière de voir originelle des Pères fut remise à l’honneur grâce à la réforme grégorienne". Ce retour aux origines "a trouvé une sanction au concile de Trente et il a été de nouveau proposé comme doctrine de l’Église lors du concile Vatican II".

    Cela, bien entendu, c’est la leçon qui a été tirée de l’Histoire par Ratzinger ou par ceux suivent ses traces, comme l'actuel préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, Gerhard L. Müller :

    > La force de la grâce

    C’est également la ligne du magistère officiel de l’Église, dont le plus récent document de fond à ce sujet est la lettre relative à la communion des divorcés remariés qui a été adressée aux évêques par la congrégation pour la doctrine de la foi en 1994, avec l'approbation et par décision du pape Jean-Paul II :

    > "L'Année internationale de la Famille…"

    Cependant il y a également des gens qui, à l’instar de Giovanni Cereti et d’autres chercheurs, expriment le souhait que l’Église retrouve aujourd’hui la volonté, qu’elle a eue dans le passé, de pardonner le péché et d’admettre de nouveau à la communion, après une période de pénitence, les divorcés remariés. En étendant à l'Occident une pratique semblable à celle qui est actuellement en vigueur dans les Églises d'Orient.

    Le pape François a donné l’impression d’une ouverture en ce sens lorsque, au cours de l'interview qu’il a donnée dans l’avion qui le ramenait de Rio de Janeiro, le 28 juillet 2013, il a ouvert et refermé "une parenthèse" – selon les propres termes qu’il a utilisés – à propos des orthodoxes qui "donnent une seconde possibilité de mariage".

    Il reste maintenant à voir si, lors du prochain synode, l’Église de Rome osera abandonner la ligne qu’elle a suivie jusqu’à présent et si, au cas où elle déciderait de changer d’orientation, elle voudra prendre elle-même la décision et se charger de mettre en œuvre, ce qui sera très difficile, une pratique canonique de pénitence, de pardon et de communion pour les divorcés remariés, qui en même temps ne soit pas en contradiction avec ce que le Nouveau Testament dit à propos du mariage.

    Ou bien si ce qui prévaudra, ce sera le sentiment de miséricorde qui est désormais dominant dans l'opinion publique, mais également dans la hiérarchie : celui d’un feu vert inconsidéré accordé au libre-arbitre de chaque individu, avec accès "ad libitum" à la communion, la loi n’étant dictée que par la conscience de chacun.
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    Pour des informations plus détaillées à propos de la pratique de l’Église au cours des premiers siècles :

    > Quand l’Église de Rome pardonnait les remariages (31.1.2014)

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    Stanislaw Grygiel, professeur d’anthropologie philosophique à l’Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille, à Rome, fut le conseiller et l’ami du pape polonais. Il tient des propos éclairants et à contre-courant dans l’interview qu’il a accordée à Matteo Matzuzzi et qui a été publiée dans "Il Foglio" du 5 février :

    > Contro la Chiesa opinionista

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    Le document préparatoire du synode consacré à la famille, avec le questionnaire en annexe :

  • La composition controversée du synode amazonien

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    D'Edward Pentin sur le National Catholic Register (traduction par nos soins):

    Parmi les participants au synode panamazonien, on compte l'ancien chef des Nations Unies et des théologiens de la libération

    Les désignations semblent correspondre aux priorités attendues du synode sur les préoccupations environnementales et sur la spiritualité autochtone.

    CITÉ DU VATICAN - Le pape François a personnellement invité le cardinal Sean O'Malley de Boston et l’évêque Robert McElroy de San Diego, ainsi que l’ancien secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon, à participer au Synode Amazonien le mois prochain, selon la liste complète des participants publiée le 21 septembre par le Vatican. Les deux prélats américains font partie des 185 membres à être invités à l’événement du 6 au 27 octobre. Les autres participants incluent tous les évêques de la région, les supérieurs religieux, les experts, les délégués fraternels et les chefs des départements du Vatican. Le cardinal O'Malley, membre de confiance du Conseil des cardinaux du pape et président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, s'intéresse de près à l'Amérique latine et parle couramment l'espagnol. Mgr McElroy a été un partisan convaincu de la lutte contre le changement climatique, affirmant que cela devrait être une «priorité centrale» pour l’Église américaine en juillet de cette année. Le synode, dont le thème est «Nouvelles voies pour l’Église et pour une écologie intégrale», devrait se concentrer sur les préoccupations environnementales.

    Un troisième prélat américain, le cardinal Kevin Farrell, préfet du dicastère des laïcs, de la famille et de la vie, y participera également, ainsi que tous les chefs des départements du Vatican, y compris le cardinal Luis Ladaria, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin.

    Ban Ki-moon est un ajout controversé à la liste des participants. Le diplomate sud-coréen a noué des liens avec le Vatican en 2015 en tant que Secrétaire général des Nations Unies, il a participé à une conférence sur le changement climatique et l'humanité durable à l'Académie pontificale des sciences. En dépit de son programme laïciste souvent radical et de son engagement en faveur de l’avortement aux Nations Unies, sa nomination en tant qu’invité spécial met en lumière la forte orientation du Saint-Siège en faveur de l’ONU et de ses objectifs, en particulier pour l’environnement, qui se sont développés sous ce pontificat. René Castro Salazar, citoyen américain qui occupe actuellement les fonctions de directeur général adjoint du Département du climat et de la biodiversité de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, sera également de la partie.

    Plus tôt dans le courant de ce mois-ci, le pape François a déclaré, dans le cadre d'une résolution non contraignante de l'ONU relative à un différend territorial mauricien, que les fidèles devraient obéir aux institutions internationales telles que l'ONU: "Si nous sommes une humanité, nous devons obéir", a-t-il déclaré. Et les organisateurs du synode ont déclaré que l'Eglise avait pour objectif "d'accompagner" les peuples amazoniens "dans diverses sphères internationales et régionales du système des Nations Unies, afin qu'ils puissent faire part de leurs préoccupations concernant des situations particulières".

    Autre participant annoncé à ces assises : Jeffrey Sachs, économiste américain non catholique. Bien que Sachs prétende «aimer l’enseignement social de l’Église», c'est un ardent défenseur du contrôle de la population et du recours à l’avortement. Participant aux conférences du Vatican depuis 1999, Sachs aurait contribué à l'encyclique Laudato Si sur l'environnement de 2015 du pape François, document qui constitue la toile de fond de ce synode. Le climatologue allemand, le professeur Hans Schellnhuber, était également un athée impliqué dans Laudato Si.

    Participants allemands

    La liste des participants au synode révèle également l'influence notable que l'Église allemande pourrait avoir sur la réunion. Outre la participation du cardinal Reinhard Marx, président de la conférence des évêques allemands, le pape a également invité les dirigeants de deux grandes organisations de solidarité de l'Église allemande, Misereor et Adveniat. Une enquête du NCR effectuée au cours de l'été a révélé que ces deux organisations de secours avaient apporté d'importantes contributions financières et autres en vue de la préparation du synode, en particulier le Réseau ecclésial panamazonien (REPAM). Elles ont également des projets ambitieux pour la réunion, espérant que ses résultats s'étendront au-delà de la région amazonienne. Dans une préface à la traduction allemande du document de travail du synode de juillet, Mgr. Permin Spiegel, directeur général de Misereor, et le père Miguel Heinz, président d'Adveniat, ont déclaré que le synode serait un "signal de départ indubitable" pour l'Église et aurait "une signification pour l'Église dans le monde". Le document de travail du synode, ont-ils ajouté, appelle à «un changement profond dans l'Église».

    Dans une interview accordée à Dom Radio le 25 juillet, Mgr. Spiegel a déclaré "qu'il serait excitant d'observer" si le pape serait "prêt à accepter" les propositions synodales concernant les viri probati (ordination des hommes mariés de célébrer l'Eucharistie dans des régions isolées) et les femmes diacres, et si de tels changements pourraient "avoir des répercussions pour nous ici en Allemagne."

    Le père Eleazar López Hernández, théologien mexicain de la libération considéré comme "la sage-femme" de la théologie indienne, figure également parmi les experts du synode. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi l'a fréquemment mis en garde contre ses écrits. Le cardinal Joseph Ratzinger a déclaré en 1996 - visant apparemment le père López - qu'une telle théologie était régressive et souhaitait "rejeter le christianisme ... comme si l'Évangile avait été oppressif. En 2012, le père López a écrit que de telles théologies indigènes «n’utilisent pas un langage discursif ou philosophique, mais un langage mythique-symbolique» et que «toute théologie de l’Église devrait être ainsi, car Dieu ne peut être objectivé comme les autres objets de connaissance et de science. ”

    Autre désignation controversée, celle du père Paulo Suess, bien que cela ne soit pas surprenant puisqu'il a été une figure clé du synode et de sa préparation. Dans une interview de 2014, cet expert allemand de 81 ans, spécialiste de la théologie de l'inculturation des peuples autochtones d'Amazonie, a déclaré que «nous pouvons découvrir la révélation de Dieu parmi ces peuples autochtones» - une position qui figurait également dans le document de travail, cela a été fortement critiqué. Membre du groupe amérindien qui défend et promeut la théologie de la libération, le père Suess a travaillé pendant de nombreuses années au Brésil auprès de Mgr Erwin Kräutler, évêque émérite de Xingu, au Brésil - également participant et figure clé du synode.

    Bien que le synode amazonien soit apparemment centré sur le thème de l'évangélisation, la conversion des peuples autochtones à la foi ne semble pas figurer en bonne place à l'ordre du jour de l'un ou l'autre des hommes d'Eglise. En 2014, le père Suess a déclaré que "plutôt que l'évangélisation, le principe de vie est le plus important pour les peuples autochtones" et que, pour cela,« ils ont besoin de terres et doivent être renforcés dans leur identité ». Mgr Kräutler, membre de la Conseil synodal et auteur principal du document de travail très critiqué du synode, se vantait jadis de n'avoir jamais «baptisé un autochtone» et qu'il «n'avait pas l'intention de le faire un jour».

    Outre le cardinal Marx, le pape a personnellement choisi d'y inviter le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, ainsi que deux prélats au coeur d'une controverse: l'archevêque Vincenzo Paglia, critiqué pour ses réformes controversées de l'Institut pontifical Jean-Paul II, et le cardinal hondurien Oscar Rodriguez Maradiaga, coordinateur du Conseil des cardinaux du pape, qui a été critiqué pour son traitement des scandales financiers et d’abus commis au Honduras.

    Le cardinal Angelo Bagnasco, président des conférences du Conseil des évêques européens, compte également parmi les 33 invités ainsi que le bientôt cardinal Jean-Claude Hollerich, président de la Commission des conférences épiscopales de l’Union européenne, et le bientôt cardinal Fridolin Ambongo Besungu de Kinshasa (Congo).

    Le pape a également invité le cardinal Oswald Gracias de Bombay, membre du Conseil des cardinaux, et les pères jésuites Antonio Spadaro, conseiller papal et rédacteur en chef de La Civilta Cattolica, et Giacomo Costa, vice-président de la Fondation du cardinal Carlo Maria Maria Martini.

  • Après un pape argentin, un pape philippin ?

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    De l'abbé Claude Barthe sur Res Novae :

    Res Novae : Après le Pape Bergoglio, le Pape Tagle ?

    Res Novae : Après le Pape Bergoglio, le Pape Tagle ?

    Cette analyse est extraite du numéro 4 de la lettre d'information, d'analyse et de prospective religieuse Res Novae, dirigée par l'abbé Claude Barthe (cf. présentation ici). Pour pouvoir lire cette lettre, il suffit de s'y abonner aux conditions indiquées ci-dessous. À la fin de la dernière assemblée du Synode des évêques, le cardinal Luis Antonio Gokim Tagle, archevêque de Manille, s’est distingué sur l’une de ces vidéos qu’il affectionne et qui a fait le tour du monde. Il y fait des pas de danse pour signifier la pastorale missionnaire de l’Église qui s’avance vers les hommes, cependant qu’autour de lui des personnes de différentes régions du monde claquent des doigts sur le rythme qu’il donne.On ne saurait d’ailleurs être plus synodal que le cardinal Tagle. En 2014, il avait eu ces mots, lors d’une conférence de presse à la Sala Stampa du Saint-Siège : « Dans ce Synode, l’esprit de Vatican II s’est manifesté chez les Pères ». Et après la dernière assemblée, il délivrait aux jeunes ce message : « Le synode va continuer là où vous êtes dans le monde entier, dans vos maisons, vos paroisses, vos écoles ».

    Souriant et… énigmatique…

    Souriant et énigmatique, assez insaisissable, il se dévoile peu, comme s’il était « en réserve ». Sa pensée n’a peut-être pas une grande originalité. Cependant, pour les personnages les plus en vue du pontificat actuel, Luis Antonio G.Tagle est rêvé comme le nouveau Montini de ce nouveau Roncalli que représenterait le Pape François. Que serait en effet devenu Vatican II, ouvert par Angelo Roncalli, sans l’élection (difficile) de Giovanni Battista Montini, en 1962 ? À la mort de Jean XXIII, aucun texte n’avait été encore voté. Le vrai Concile a été dirigé par Paul VI, réformateur inquiet et décidé, tout en étant relativement « modéré » par rapport aux progressistes de type Rahner et autres du groupe Concilium. Le pape Montini est donc celui qui a mené à terme les intuitions roncalliennes dans ce qu’il pensait devoir être un merveilleux rajeunissement du visage de l’Église.Ce grand remue-ménage d’aujourd’hui, qui finalement ne bouge pas grand-chose mais crée un style ecclésial nouveau, une sorte d’hyper-Vatican II (les ouvertures morales d’Amoris lætitia), n’aura de conséquences durables que si le successeur de François a la capacité de réellement bâtir une nouvelle étape dans la transformation de l’Église.

     

    Qui est exactement le cardinal Tagle

    Luis Antonio G. Tagle, archevêque de la capitale du seul pays d’Asie où les catholiques sont majoritaires (1), 60 ans seulement, en a-t-il l’étoffe ? Élève brillant des jésuites, plein d’humour, il a obtenu ses grades théologiques à la Catholic University de Washington (thèse sur « Episcopal Collegiality in the Teachting an Practice of Paul VI », La collégialité épiscopale dans l’enseignement et la pratique de Paul VI). Devenu membre de la Commission théologique internationale, il a pris part aux travaux de L’Histoire de Vatican II, éditée par l’École de Bologne (Giuseppe Alberigo, Alberto Melloni), qui est typiquement une histoire « selon l’herméneutique de rupture ».Évêque d’Imus, il est devenu le cardinal-archevêque de Manille par les mains de Benoît XVI, qui se plaisait à élever des universitaires reconnus, même s’ils n’étaient pas partisans de « l’herméneutique de continuité », tel le bibliste néo-bultmannien Ravasi, fait cardinal et Président du Conseil pour la Culture. Au sein d’un épiscopat philippin assez faible intellectuellement, L. À Tagle est incontestablement une étoile.Le pontificat bergoglien en a fait un personnage de premier plan : lors des deux assemblées du Synode sur la famille, en 2014 et en 2015, le cardinal Tagle était l’un des co-présidents. Au cours de l’assemblée de 2018, il a eu un rôle plus discret mais fort important comme membre de la très importante commission pour l’information, dirigée de fait par son ami et conseiller, le P. Antonio Spadaro, sj, directeur de La Civiltà Cattolica, lui-même lié à cette province importante de la Compagnie de Jésus que constituent les Philippines, un des fleurons jadis de l’empire espagnol, où les jésuites tiennent pas mal de commandes.

    Président de Caritas Internationalis

    En fait, Luis Antonio G. Tagle n’a même pas à prendre la peine de tisser des réseaux : toutes les tendances de mouvement se tournent vers lui. Un de ses puissants soutiens, le cardinal Rodriguez Maradiaga, du Honduras (coordinateur du Conseil des 9 cardinaux chargé par le Pape de proposer des idées pour la fameuse réforme de la Curie), a réussi un coup de maître en le propulsant, en mai 2016, président de Caritas Internationalis. Élu avec une majorité de 91 représentants sur 133, la campagne en sa faveur s’était faite sur un thème simple : Tagle, comme François, est le défenseur des marginalisés.Donné comme un grand représentant « de la pensée théologique asiatique », le cardinal Tagle a reçu le Pape en janvier 2015 devant 5 millions de personnes, sous une pluie battante.Il y a un Tagle que l’on pourrait qualifier de militant, celui qui s’est chargé de rédiger, dans L’Histoire du Concile Vatican II, le long chapitre concernant ce que l’on appelle « la Semaine noire », à la fin de la 3ème session, en novembre 1964 (2). Il raconte ce moment où la minorité joua son rôle le plus actif et obtint de Paul VI, qui voulait maintenir la cohésion du Concile, sinon des gages, du moins quelques apaisements (ajournement de la liberté religieuse, Nota explicativa prævia ajoutée à la constitution sur l’Église, introduction autoritaire de 19 modifications dans le décret sur l’œcuménisme, titre de « Marie Mère de l’Église »). Pour lui, les membres de la minorité sont des « adversaires », traités avec beaucoup de condescendance, les quelques retards qu’elle a obtenus, des « blessures douloureuses », qui n’ont pas entravé les « forces puissantes » du renouveau.Mais il y a souvent un Tagle à la pensée relativement plane

    « Ma proposition est celle-ci : la conversion pastorale et missionnaire, mais aussi communautaire de l’Église. À l’écoute des jeunes, moi, en tant que l’un des “vieux prêtres” et Pères synodaux, je ressens l’appel à revenir à la simplicité de la foi et de la vie des chrétiens, à des relations, à des rapports tout simples de la vie commune » (VaticanNews, 16 octobre 2018).Ses thèmes favoris de l’Église au service du monde et de l’unité entre les hommes, parviendront-ils à convaincre ses pairs ?

    Abbé Claude Barthe 

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    Sur le même sujet :Res Novae, une nouvelle lettre d'information, d'analyse et de prospective religieuse. 

    1. Le primat des Philippines est l’archevêque de Cebu, mais c’est l’archevêque de la capitale qui est une figure politique, en lien avec les grandes familles qui dirigent le pays et les présidents qui se succèdent.

    2. Dans Histoire du Concile Vatican II, 4ème vol., Cerf/Peeters, 2003, Luis Antonio G. Tagle, « La Semaine noire de Vatican?II », pp. 473-553.