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Que penser des révélations privées ?

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De l'Abbé Alexis Piraux (FSSP Bruxelles) :

Que penser des révélations privées ?

Il peut nous arriver occasionnellement d’entendre parler de « révélations privées » dans l’Église. Dans ce court article, nous allons préciser de quoi il s’agit ; puis nous dirons quelle est l’attitude à adopter face à ces révélations.

  • Qu’est-ce qu’une révélation privée ?

« La révélation est la manifestation surnaturelle d’une vérité cachée ou d’un secret divin, pour le bien général de l’Église ou le bénéfice d’un individu »[1]. On distingue deux types de révélations.

D’abord, la « révélation publique » (ou la Révélation), qui est la manifestation, par Dieu, des vérités naturelles et surnaturelles requises en vue du salut de tout homme ; cette Révélation qui constitue « l’objet de la foi catholique[2] a atteint sa plénitude dans l’enseignement de Jésus-Christ et se trouve achevée à la mort du dernier Apôtre »[3]. C'est-à-dire que depuis la mort de Saint Jean, aucune nouvelle révélation publique qui ajouterait de nouvelles vérités (ou les modifierait) n’est à attendre, même si l’Église peut davantage expliciter le contenu de la Révélation et en approfondir sa connaissance[4].

Ensuite, il y a les « révélations privées », qui sont « seulement ordonnées à l’utilité particulière de certaines personnes »[5]. Voici ce que dit l’Église à leur sujet : « (…) certaines ont été reconnues par l'autorité de l'Église. Elles n'appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n'est pas d'"améliorer" ou de "compléter" la Révélation définitive du Christ, mais d'aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l'histoire (…) ». Et elle fait une mise en garde très claire : « la foi chrétienne ne peut pas accepter des "révélations" qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l'achèvement »[6].

Ces révélations peuvent revêtir plusieurs formes : une vision et/ou une locution – c'est-à-dire une parole, pouvant être corporelles (perçues par les sens corporels), imaginaires (constituées d’éléments inspirés dans, ou tirés de la mémoire) ou intellectuelles (perçues directement par l’intelligence, sans médiation de la matière).

« En approuvant une révélation privée, l’Église n’entend pas garantir l’authenticité de la révélation ; elle en examine simplement le contenu et déclare que les fidèles peuvent la recevoir sans danger »[7]. La révélation privée ne doit pas être crue « de foi catholique » (comme les vérités de la Révélation publique)[8], mais elle peut être reçue comme une pieuse croyance. C’est pourquoi un fidèle peut ne pas croire dans une révélation privée, même reconnue par l’Église. Mais, observe l’abbé Sauvonnet, « il serait néanmoins répréhensible de contredire ou de ridiculiser une révélation après que l’Église l’a approuvée »[9] ; et nous ajoutons : ainsi que dans les cas où la révélation a été confirmée par un miracle dûment constaté.

  • Quelle attitude adopter ?

Tout d’abord, il nous faut être bien convaincu que tout ce qui est nécessaire pour notre salut est dans la Révélation publique (transmise par l’Écriture, la Tradition, sous la vigilance du Magistère de l’Église)[10]. Les révélations privées ne sont donc pas nécessaires pour notre salut.

En général, l’âme ne doit pas désirer recevoir de révélation privée[11], n’y trop s’y attacher ou leur donner trop de place dans sa vie spirituelle, parce que les révélations privées ne sont pas le moyen ordinaire pour être uni à Dieu – c’est la foi qui est ce moyen. Une âme qui s’attacherait trop aux révélations privées risquerait de voir sa foi s’amoindrir (parce qu’elle n’apprend pas à se contenter de la Révélation publique), ou de tomber dans l’illusion (en s’attachant à de fausses révélations, ou en interprétant mal d’authentiques révélations), ou encore dans l’orgueil et la vanité.

L’âme qui pense avoir reçu une révélation ne doit pas en parler à personne, sauf à son directeur spirituel ou son confesseur habituel, qui guidera l’âme dans l’attitude à adopter. Le Père Marie-Eugène de l’Enfant Jésus enseigne que « le meilleur moyen de les utiliser parfaitement [les révélations que l’on recevrait] c’est de les repousser : "si elles sont mauvaises, on repousse par le fait même les pièges du démon ; si elles sont bonnes, on écarte les obstacles à la foi et ainsi on recueille le fruit qu’elles doivent produire" »[12].

Dans le cas où l’on bénéficierait d’une révélation, ou que l’on entend parler d’une révélation qu’aurait reçue une autre personne, il faut garder à l’esprit que c’est seulement à l’autorité ecclésiastique (en général, l’Évêque du lieu) qu’il revient de se prononcer sur l’authenticité ou non d’une révélation ; ce n’est pas à une personne privée de le faire. Donc, tant que l’autorité ecclésiastique ne s’est pas prononcée au sujet d’une révélation, il ne faut pas la tenir pour authentique, et parler ou agir comme si elle l’était[13].

Dans son article sur les phénomènes mystiques extraordinaires, l’abbé Sauvonnet donne quelques critères de discernement des révélations privées[14], qui peuvent aider l’âme – en attendant le jugement de l’autorité ecclésiastique, à évaluer la probable authenticité (ou non-authenticité) d’une révélation. Nous en résumons quelques-uns ici : « toute révélation contraire au dogme ou à la morale doit être rejetée comme fausse (…) » ; « le fait qu’une prophétie s’accomplisse n’est pas en soi une preuve concluante que la révélation venait de Dieu » (cela peut relever simplement de causes naturelles ou d’une connaissance naturelle supérieure du « voyant ») ; les révélations concernant des sujets curieux, inutiles, ou qui sont longues, remplies de preuves et de raisons superflues sont à rejeter ; il faut évaluer l’état physique, psychologique et spirituel de la personne recevant la supposée révélation. Enfin, le critère principal de discernement est celui des effets produits dans l’âme du voyant ou des autres : « un arbre bon ne peut porter de mauvais fruits, ni un arbre mauvais porter de bons fruits » (Mt 7, 18).

Abbé Alexis Piraux (FSSP Bruxelles)

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[1] Cf. Abbé Q. Sauvonnet, fssp, Les phénomènes mystiques extraordinaires, dans Tu es Petrus (n°30, printemps 2023), p. 17.

[2] La « Révélation » objectivement prise, c'est-à-dire le « dépôt de la foi », l’ensemble des vérités manifestées aux hommes par Dieu, nda.

[3] Abbé B. Lucien, Révélation et Tradition. Les lieux médiateurs de la Révélation divine publique, du dépôt de la foi au Magstère vivant de l’Église, Lourdes, Nuntiavit, 2009, p. 44.

[4] Cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique (CEC), n°66. C’est dans ce sens qu’on peut parler d’un « développement du dogme », c'est-à-dire de la compréhension et de la formulation du dogme.

[5] Cf. Abbé Sauvonnet, op. cit., p. 17. L’expression « certaines personnes » peut désigner un grand nombre de fidèles, comme par exemple les révélations du Sacré-Cœur.

[6] CEC, n°67.

[7] Abbé Sauvonnet, op. cit., p. 18.

[8] Abbé Sauvonnet, op. cit., p. 18 : « les révélations privées ne font pas partie du dépôt de la foi, qui est constitué par les vérités contenues dans l’Écriture et la Tradition sous la vigilance de l’Église. Les révélations privées, quelle qu’en soit l’importance, n’appartiennent donc pas à la foi catholique ».

[9] Cf. op. cit., p. 19.

[10] Cf. CEC, n°65.

[11] Comme tout autre phénomène mystique extraordinaire, comme par exemple les charismes (prophétie, don de guérison, etc.)

[12] Marie-Eugène de l’Enfant Jésus, o.c.d., Je veux voir Dieu, Venasque, Éditions du Carmel, 1998, p. 752, qui cite un extrait de Saint Jean de la Croix (Montée du Carmel, II, ch. 10). Au sujet du « fruit », Saint Jean de la Croix enseigne qu’une révélation, comme toute faveur extraordinaire, n’est qu’un moyen en vue du fruit qui est d’augmenter en l’âme la charité ; si l’âme repousse la faveur extraordinaire et ne s’y attache pas, Dieu produit néanmoins l’augmentation de charité.

[13] Il faut noter que si parfois l’autorité ecclésiastique permet de faire des pèlerinages ou de prier au lieu d’une supposée apparition ou révélation, avant toute déclaration officielle (ou même après une déclaration négative, comme dans le cas de Medjugorge), ce n’est pas une reconnaissance de l’authenticité de l’apparition ou révélation.

[14] Cf. Abbé Sauvonnet, op. cit., p. 20.

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