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  • Un nouveau cardinal belge

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    auteur1282.jpgParmi les nouveaux cardinaux qui recevront leur barette au prochain consistoire, il faut signaler le Professeur Julien Ries, présenté ainsi par les Editions du Cerf :

    Né à Fouches, près d'Arlon (Belgique), prêtre du diocèse de Namur, docteur en théologie et licencié en philologie et histoire orientales, Julien Ries a enseigné l'histoire des religions à l'Université de Louvain-la-Neuve de 1960 à 1990. Articles, livres, périodiques, collections, colloques, congrès et conférences, l'œuvre et l'activité du professeur Ries est vaste et multiforme. Pour l'ensemble de ses publications sur le sacré, l'Académie française lui a octroyé le prix Dumas-Millier en 1986 et le prix Furtado en 1987.

    Nous présentons au nouveau Cardinal toutes nos félicitations et nous nous réjouissons que soit reconnue l'oeuvre de toute une vie ainsi qu'un dévouement inlassable au service de l'Eglise catholique romaine.

    La Croix présente les nouveaux cardinaux ici

  • Le cardinal Ries salué par ses pairs

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    IMG_4953.JPGDépêché à Rome par « La Libre », Christian Laporte a assisté au consistoire cardinalice. Extraits de son compte rendu :

    « Le cardinal Julien Ries rejoint Godfried Danneels parmi les “princes de l’Eglise”. Le nouveau prélat était particulièrement ému.

    A la fin du consistoire ordinaire public qui a créé, samedi matin, 22 nouveaux cardinaux, et malgré une déjà longue et donc épuisante cérémonie, certains parmi ces fraîchement néo-promus auraient bien, coiffés de leur barrette rouge toute neuve et de leur anneau encore serrant, fait cinq fois le tour de l’autel principal de la basilique Saint-Pierre, histoire d’étaler leur nouveau statut aux membres de leur famille, mais davantage encore pour en jeter à leurs "supporters" venus parfois en car - pour les Italiens - et même en avion pour les "fans" de l’archevêque de New York (…)

    Rien de tel pour "notre" désormais second cardinal, Julien Ries, qui s’est pour sa part discrètement éclipsé dès la fin de la cérémonie de la majestueuse basilique en chaise roulante sous la bienveillante protection de ses amis de la famille spirituelle de l’Œuvre, question de se reposer un brin car la "création" d’un cardinal est loin d’être un long fleuve tranquille. Mgr Ries nous a ainsi avoué s’être réveillé à quatre heures du matin. Pas évident donc d’affronter un programme qui ne se terminera que lundi après un repas fraternel avec le Pape. D’autant plus qu’il faut rappeler que le nouveau prélat belge affiche neuf décennies au compteur. Et a mené une vie doublement active :

    D’abord comme professeur et chercheur aux universités de Louvain, Louvain-la-Neuve et Milan tout en continuant encore à écrire aujourd’hui. Ensuite aussi comme prêtre de paroisse dans le diocèse de Namur. Et enfin comme compagnon de route de la famille spirituelle l’Œuvre, un mouvement chrétien toujours en expansion après avoir dû affronter pas mal de critiques, y compris en Belgique, où la commission d’enquête parlementaire l’avait rangé parmi les mouvements sectaires - mais il est vrai qu’on y avait aussi propulsé la Communauté de Sant’Egidio.

    La Belgique n’était sans nul doute pas le pays le plus représenté à la basilique Saint-Pierre lors de la cérémonie d’intronisation, mais tous les compatriotes que nous avons croisés étaient au moins aussi émus que leur nouveau cardinal et que le Pape lui-même. Ce dernier aurait, nous dit-on, certainement contribué au choix de Ries dont il est un lecteur assidu de longue date. Parmi les spectateurs, il y a bien sûr des officiels comme l’ambassadeur de Belgique près le Saint-Siège, Charles Ghislain.

    L’Eglise belge, de son côté, était présente avec les deux évêques du nouveau cardinal, celui de Namur, Rémy Vancottem rappelant les origines arlonaises et la vie pastorale de Julien Ries et celui de Tournai puisque c’est à Ath que le "héros" belge du jour vit encore des jours très heureux consacrés, mais oui, à la recherche et à la prière. Et il y avait bien sûr aussi le cardinal Danneels qui reste grand électeur du Pape (…).

    Chacun à Saint-Pierre et alentours s’est surtout efforcé de mieux découvrir les nouveaux cardinaux. Et surtout de les congratuler. Un exercice où Mgr Ries fit merveille (…). Il est vrai qu’il était le seul des nouveaux cardinaux à avoir eu les honneurs de la "Une" de "L’Osservatore Romano" de samedi matin ! Sous le titre "l’Homme religieux" - "L’Uomo religioso" - le journal a rendu un bel hommage à l’ensemble de son œuvre, soulignant que "Julien Ries est au centre de la recherche anthropologique " Ce que certains ont un peu oublié en Belgique, semble-t-il. Nul n’est prophète en son pays. Et parfois non plus dans son Université.

    Voir l’article complet ici : Le cardinal Ries salué par ses pairs  Rappelons en outre l’interview du nouveau cardinal réalisée par un de nos collaborateurs et que nous avons publiée sous ce titre : Un entretien avec le Cardinal Julien Ries

  • La mort du cardinal Biffi

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    De Radio Vatican :

    (RV) Le cardinal Giacomo Biffi est décédé vendredi soir, à l’âge de 87 ans. Il fut archevêque de Bologne durant 20 ans, de 1984 à 2003. Le collège cardinalice compte donc à présent 221 cardinaux, dont 120 électeurs et 101 non-électeurs.

    Originaire de Milan, où il naquit le 13 juin 1928, le cardinal Biffi étudia d’abord au séminaire de l’archidiocèse milanais. Il obtint son diplôme à la faculté théologique de Venegono avec une thèse sur « la faute et la liberté dans la condition humaine d’aujourd’hui ». Ordonné prêtre le 23 septembre 1950, il  enseigna la théologie dogmatique dans les séminaires de Milan et publia de nombreux et prestigieux ouvrages traitant de théologie, de catéchèse et de méditation.

    Il fut curé de paroisse à Legnano, où vivait une importante communauté d’ouvriers. Neuf ans plus tard, il fut placé pendant six ans à la tête de la paroisse St André, à Milan, années au cours desquelles il institua le premier conseil pastoral de la paroisse.

    Le 7 décembre 1975, il fut nommé auxiliaire du cardinal-archevêque de Milan, et reçut la consécration épiscopale le 11 janvier 1976. Il fonda et dirigea l’Institut lombard de Pastorale, puis le 19 avril 1984, il fut nommé à l’archevêché de Bologne, où il resta jusqu’au 16 décembre 2003. Il fut créé cardinal en 1985.

    Il fut invité par le Saint Pape Jean-Paul II à prêcher les exercices de Carême en 1989 à la Curie romaine ; il renouvela l’expérience en 2007, cette fois sur invitation de Benoît XVI.

    La Nuova Bussola Quotidiana a publié deux articles consacrés à cette grande figure de l'Eglise dont on trouvera la traduction ICI.

  • Le cardinal Ouellet à Ars

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    o.jpgDécidément, à défaut du pape François (qui a tout de même fait un aller-retour discret au Conseil de l’Europe en 2014), les cardinaux de la curie romaine se rendent volontiers en France cette année : après le cardinal Müller (congrégation pour la doctrine de la foi), le cardinal Sarah  (congrégation du culte divin),voici le cardinal Ouellet (congrégation des évêques). Lu sur « riposte catholique » :

    Le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, a présidé la fête de saint Jean-Marie Vianney, les 3 et 4 août, au sanctuaire d’Ars. Il répond à Famille chrétienne :

    « J’étais heureux de répondre à l’invitation de Mgr Pascal Roland parce que, étant déjà venu à Ars il y a environ sept ans – un grand souvenir dans ma mémoire –, j’avais de la joie d’y retourner ! Et cette proposition tombait encore mieux avec le 200eanniversaire des ordinations diaconale et sacerdotale du Curé d’Ars et la proximité du jubilé extraordinaire de la miséricorde. Cela m’a obligé à travailler ! Et relire la vie du saint Curé, réfléchir sur son message, m’a fait beaucoup de bien.

    Qu’en avez-vous retenu ?

    Le message extraordinaire du Curé d’Ars est non seulement sa sainteté personnelle, mais aussi la sanctification du peuple de Dieu qu’il a réussi à faire avec beaucoup de prière, de pénitences et de patience. Avec son témoignage personnel, il a transformé une société, un village. Il en a fait une communauté rayonnante. Nous avons besoin de cela aujourd’hui. Il est un exemple extraordinaire pour les prêtres et les chrétiens en général. C’est une figure incontournable pour le jubilé de la miséricorde. Et dans le contexte du prochain Synode sur la famille, le grand témoignage de la famille du Curé d’Ars, son enfance, les conditions difficiles dans lesquelles il a vécu, sont précieux. Il a été un héros dès le début de sa vie, cet enfant-là. Il est resté d’une extraordinaire droiture et persévérance.

    En tant que chrétien, prêtre, évêque et préfet de la Congrégation pour les évêques, quel est votre lien personnel avec le Curé d’Ars ?

    Dans l’église de mon enfance, une église de la campagne profonde du nord du Québec, il y avait une statue de Thérèse de l’Enfant-Jésus et une autre du Curé d’Ars. Ma vie spirituelle a été soutenue par ces deux figures. Thérèse a peut-être eu plus d’influence sur ma vocation quand j’avais 16 ou 17 ans. Mais quand vous vous préparez au sacerdoce, le Curé d’Ars revient comme un idéal. Et maintenant, comme évêque et préfet de la Congrégation pour les évêques, je trouve qu’il me faut faire un peu plus. Des choses ont déjà été faites à l’occasion de l’année sacerdotale (2009), mais c’est passé très vite ! Maintenant, à cause précisément du charisme propre du saint Curé, le jubilé de la Miséricorde doit nous permettre de le remettre sur la carte mondiale. Les évêques du monde entier doivent reprendre le message du saint Curé d’Ars : encourager les prêtres et les stimuler à la sainteté. Les aider à susciter d’autres vocations car, parfois, les prêtres, devenus pessimistes pour mille raisons, n’osent plus interpeller. Le Curé d’Ars a eu une situation aussi – sinon plus – difficile que la plupart des prêtres de nos jours, et il a pourtant réussi à porter du fruit. Au prix de beaucoup de sacrifices, mais surtout du grand amour qui l’habitait et d’une vision du sacerdoce toujours valable.

    Quels conseils donnerait le Curé d’Ars pour favoriser les vocations sacerdotales ?

    Un, la prière. Sa prière personnelle, la façon dont il célébrait la messe : ça parlait tout seul. Il n’avait pas besoin de faire beaucoup de sermons, même si, au début, il était livresque et pas toujours très intéressant… À la fin de sa vie, il revenait toujours à l’amour de Dieu et touchait ainsi les cœurs.

    Deux, sa charité. Une charité qui savait entraîner celle des autres. Par sa prière et sa charité, son exemple et sa prédication, le Curé d’Ars a réveillé et revitalisé le sacerdoce baptismal, c’est-à-dire le sacerdoce des vertus théologales – foi, espérance, charité – que tout le monde doit pratiquer ; laïcs et religieux. C’est ainsi qu’il a rendu sa communauté féconde.

    Nous dirait-il aussi qu’il ne faut pas désespérer de la crise des vocations ?

    Bien sûr ! Espérance ! Le Curé d’Ars a été une fleur qui a poussé dans le désert et a fait refleurir l’Évangile. Le christianisme a toujours avancé avec des individus qui sont appelés et qui répondent dans des conditions extrêmes. Encore aujourd’hui. J’ai appris par exemple qu’une Québécoise entrait aujourd’hui au carmel de Belley-Ars, et ça me donne de la joie.

    Mais il faut prier. Et ne surtout pas dire que le manque de prêtres est une bénédiction, car il permettrait aux laïcs de prendre leur place. Ce discours est complètement dépassé. J’ai insisté sur le sacerdoce ministériel du Curé d’Ars qui est là pour le sacerdoce des baptisés. Eux, laïcs, doivent être saints et présents dans les lieux laïcs où ils sont. La vraie promotion des laïcs doit être dans les milieux où ils exercent leur baptême. Nous aurons toujours besoin de prêtres pour l’annonce de la Parole, le don des sacrements et le discernement spirituel.

    Vous êtes en contact étroit avec le pape. Pensez-vous que le jubilé de la Miséricorde soit l’occasion pour lui de se rendre au sanctuaire d’Ars ?

    Le pape François a beaucoup d’invitations, dont le Canada en 2017 ! Ces invitations relèvent de la secrétairerie d’État et de la maison pontificale. Il y a des protocoles à suivre, différentes instances – civiles et religieuses – à traverser. Je ne peux rien avancer… mais je vous le souhaite ! Et je vais lui dire que ce serait l’endroit où aller ! »

    Ref. Le cardinal Ouellet à Ars

    JPSC

  • Rome : le cardinal Müller fait le point

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    CardinalMuller-255x261 (1).jpgLe site « Benoît et moi » a eu l’excellente idée de traduite la longue interview accordée  par le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à l’hebdomadaire allemand Die Zeit :

    « DIE ZEIT: Monsieur le cardinal, pouvons-nous vous demander comment vous avez fêté Noël ?
    Gerhard Ludwig Kardinal Müller: A Noël, j'étais là où je devais être : dans la basilique Saint-Pierre, aux côtés du Saint-Père. Avec les gens de ma maison, je célèbre toujours Noël avec des prières, des chants et la lecture de l'Evangile de la Nativité, d'une manière qui réjouit un cœur allemand.

    ZEIT: Une année dramatique s'achève pour les chrétiens. Qu'est ce qui fut, pour vous, le plus important en 2015 ?
    Le cardinal Müller: La chose la plus importante aux yeux de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) est toujours la même: nous avons le devoir de servir le Saint-Père dans sa fonction magistérielle et de nous préoccuper des « délits » commis contre la foi ou la sainteté des sacrements. Nous, c'est-à-dire non seulement les 45 collaborateurs de nos trois sections (doctrine de la foi, discipline et questions matrimoniales), mais aussi les quelque 25 cardinaux et évêques qui en sont membres, auxquels s'ajoutent 30 consulteurs théologiques à Rome.

    ZEIT: C'est le pape Benoît XVI qui vous a appelé à la charge de préfet de la CDF. Qu'est ce qui a changé pour vous sous le pape François ?
    Le cardinal Müller: Ma mission n'a pas changé. La Congrégation est au service du magistère universel de l’Église, une charge qu'elle reçoit du pape, selon des règles et des statuts approuvés. Chaque pape est le successeur de l'apôtre Pierre. Il représente « le principe et le fondement perpétuel et visible » de l’unité de l’Église dans la foi, comme l'a spécifié le Concile Vatican II. Mais de même que Jésus appela, en Pierre, une personne humaine particulière, avec ses forces et ses faiblesses, les papes eux aussi remplissent leur mission selon leurs personnalités. Ils ne sont pas des fonctionnaires interchangeables. Les deux papes pour lesquels je coordonne le travail de la Congrégation sont des personnalités différentes. Et cela enrichit l’Église.

    ZEIT: Le pape François a entrepris de rénover son Eglise, et la Curie en particulier. Qu'est ce qui doit changer d'après vous ?
    Le cardinal Müller: Le renouvellement de l'Eglise ne peut être le programme particulier d'un seul pape. Il constitue la mission permanente de tout chrétien, qui veut être un authentique disciple du Christ, par-delà un attachement purement extérieur au christianisme. Mais il y a aussi des défis spécifiques à une époque donnée que l’Église doit sans cesse relever.

    ZEIT: Qu'est-ce que cela signifie pour la curie, dont le pape a répertorié les « maladies » à Noël 2014 ?
    Le cardinal Müller: Celui qui a bien écouté aura remarqué qu'il était lui-même invité à un examen de conscience. Le pape a parlé de tentations spirituelles, comme un maître des exercices dans la tradition du fondateur de son ordre, saint Ignace de Loyola. Personne ne devrait donc se sentir conforté dans ses préjugés et ses clichés. La curie est un instrument qui doit aider au gouvernement de l'Eglise. Elle ne se trouve pas au centre de l’Église. Partout où est célébrée l'eucharistie, là se trouve le centre, – fût-ce dans une misérable hutte de la jungle. L'attention démesurée que les medias accordent à la curie plutôt qu'à l'Evangile est la meilleure preuve qu'un changement de perspective est nécessaire ! Les collaborateurs de la curie doivent être remplis de l'esprit de Pierre et le servir dans la personne des papes. Celui qui, en dépit de ses propres faiblesses, peut dire à Jésus avec Pierre : « Oui, Seigneur, tu sais bien que je t'aime », celui-là seul peut assister le pape, successeur de Pierre, avec des conseils et des jugements avisés.

    ZEIT:Le processus des réformes romaines, en particulier la réforme des finances, fait sans cesse les gros titres. Dernièrement on a parlé de vous dans le magazine Bild (1) .
    Le cardinal Müller: Cela me laisse indifférent. Je n'ai pas été appelé à la préfecture de la CDF pour me préoccuper d'une problématique aussi secondaire que les soi-disant « finances du Vatican », à plus forte raison dans des institutions séculières qui n'appartiennent pas à la curie. Pour cela, il y en a d'autres qui en sont plus capables et le font plus volontiers. Depuis 1965, notre Congrégation est presque entièrement libérée de la gestion de ses biens, jadis considérables, de manière à pouvoir se consacrer totalement à sa mission spirituelle et théologique.

    ZEIT: Y a-t-il eu réellement une perquisition à la CDF ? Et une découverte suspecte de 20 000 Euro ?
    Le cardinal Müller: Les élucubrations des journalistes-enquêteurs de la presse à sensation sont sans fondement et servent seulement à entraver notre véritable mission. Ce qui est significatif, c'est de voir cette promptitude à accorder du crédit à ce qui est ridicule plutôt qu'à ce qui est sérieux. Nous avons un message de joie pour les hommes de bonne volonté, pas un message d'une joie malsaine pour les méchants.

    ZEIT: Votre Congrégation est la plus ancienne de la curie. Jadis elle était redoutée dans toute l'Europe, portant le nom de la « Sainte Inquisition ». Pourquoi existe-t-elle toujours ?
    Le cardinal Müller: L'actuelle CDF diffère de l'ancienne Inquisition romaine, non seulement quant au nom mais aussi quant à ses missions. Elle existe sous cette forme depuis 1965, parce que de nos jours également le pape ne peut diriger seul l’Église universelle et s'appuie pour cela sur l'aide de l’Église romaine. Depuis le XVIe siècle, le Collège cardinalice, qui était auparavant collectivement compétent pour toutes les questions, a formé différentes sections. Il y a aujourd'hui dix congrégations ; une nouvelle congrégation pour le mariage et la famille vient d'être fondée. C'est vrai: quand notre congrégation vit le jour, en 1542, l’Église vivait des temps difficiles, les papes et les mouvements de la réforme s'affrontaient les uns les autres. A propos de l'Inquisition historique, il faudrait opérer un discernement critique entre l'historicité des faits et les légendes anti-catholiques. Mais aujourd'hui, nous ne vivons plus à l'ère du confessionnalisme mais à l'ère de l'œcuménisme!

    ZEIT: Vous dites cela en tant que gardien de la doctrine de la foi? Qu'est-ce que l'œcuménisme ?
    Le cardinal Müller: L'œcuménisme signifie que les chrétiens de différentes confessions essaient de découvrir ce qui leur est commun et d'être ensemble témoins de Jésus Christ.

    ZEIT: Malgré la phrase du credo de votre Eglise qui dit : « Je crois à la sainte Eglise catholique » ?
    Le cardinal Müller: L'épithète « catholique » apparaît dans toutes les professions de foi de la chrétienté, bien avant la séparation du XVIe siècle. Cependant, ce sont précisément les grandes différences dogmatiques et liturgiques qui le montrent: la voie conduisant à une plus grande unité est nécessaire.

    ZEIT: Que reste-t-il encore des débuts ?
    Le cardinal Müller: Justement, ce qu'on ne lie pas immédiatement aux noms de Galileo Galilei et de Giordano Bruno. A l'époque, alors que naissait une compréhension nouvelle de la nature, il fallait délimiter les domaines de compétence propres des sciences empiriques, de la philosophie et de la théologie. Aujourd'hui, notre travail est un travail de théologiens, au service du magistère, une confrontation avec les grands tournants de l'histoire de la pensée. Malgré tout ce que les gens dans leurs fantasmes continuent d'associer au mot « Inquisition », notre congrégation a subi une métamorphose et n'est plus d'abord un tribunal. Depuis le Concile Vatican II, notre tâche principale est de promouvoir la doctrine de la foi, sa compréhension et sa transmission. Nous avons pour cela deux commissions internationales: l'une pour la théologie systématique et une autre pour la théologie biblique. Les thèmes de leurs travaux sont, la plupart du temps, donnés par le pape lui-même, à moins qu'ils ne soient proposés par les membres.

    ZEIT: Vous êtes maintenant à Rome depuis plusieurs années. Comme Allemand, vous êtes-vous bien acclimaté ici ?
    Le cardinal Müller: L'Allemagne reste ma patrie, avec sa culture, sa langue et son histoire, mes amis et parents. Je ne me suis pas établi ici pour satisfaire une passion des voyages ou un amour exotique pour l'Italie, mais parce que j'ai été appelé à un service particulier. L'activité pastorale de prêtre ou d'évêque me comble d'ailleurs plus que l'étude des documents, la rédaction de textes ou même l'action en justice. Mais il me plaît aussi de renouer avec le travail scientifique qui m'a occupé longtemps, quand nous discutons de quelque point actuel par ex. dans la commission biblique.

    ZEIT: Qu'appréciez-vous particulièrement dans le nouveau pape ? 
    Le cardinal Müller
    Pour répondre à des questions aussi personnelles, je suis devenu de plus en plus prudent ces derniers temps. J'ai appris par l'expérience tout ce que l'on a pu inventer à ce propos. Son engagement pour les pauvres me réjouit. Comme son attachement inébranlable à la conviction que la périphérie, entendue théologiquement, n'est pas la marge, mais le centre. L'espérance de l'humanité est Jésus-Christ, – non pas la Bourse de New-York. La foi, fût-elle aussi petite qu'un grain de moutarde, a une portée éternelle. Et nous ne pouvons pas emporter l'argent avec nous, même dans les valises les plus grandes.

    ZEIT: Vous êtes l'ami d'un grand théologien de la libération et vous avez récemment écrit avec lui un livre sur la pauvreté. Pourquoi ?
    Le cardinal Müller: Si j'ai une grande estime pour l'engagement et pour l'œuvre de Gustavo Guttierez, ce n'est pas pour marquer des points dans les cercles de la gauche libérale en Allemagne. Mais parce que, au cours d'environ vingt longs séjours en Amérique latine, j'ai pu me convaincre, de mes propres yeux, de l'action bénéfique d'une théologie de la libération bien comprise. A l'occasion de mon élévation au cardinalat, j'ai reçu, au lieu de cadeaux, des dons pour environ 160 000 EURO et j'ai pu les verser pour des projets de coopération sur place.

    ZEIT: En Allemagne, on vous perçoit souvent comme un conservateur et on vous critique pour cela. Cette étiquette vous dérange-t-elle ?
    Le cardinal Müller: « Conservateur » est un slogan qui sert à disqualifier un adversaire supposé. Ou bien cela permet de se montrer comme un avant-gardiste brillant, en vertu de la croyance en un progrès linéaire. Ce dont l’Église doit se préoccuper, c'est de garder fidèlement la parole de Dieu et, dans le même temps, d'annoncer l'Evangile aujourd'hui. Nous devons donner des réponses à ceux qui nous interrogent sur ce qui fonde rationnellement notre espérance. C'est là le moment dynamique, dialogique et missionnaire de la tradition apostolique, dont le contenu est la présence de Dieu dans sa PAROLE. C'est en Lui que notre quête de la vérité et de la vie trouve sa fin.


    ZEIT: La CDF définit, encore aujourd'hui, ce qui est vrai et donc catholique. Et elle sanctionne le cas échéant ce qui est non-catholique, parfois en retirant le droit d'enseigner.
    Le cardinal Müller: Définir les expressions de la profession de foi de l’Église relève du magistère du pape et des évêques. Notre congrégation est à leur service. Ainsi nous protégeons aussi la foi contre les fausses doctrines ou les tendances schismatiques. Et nous devons élever la voix contre la sécularisation intérieure à l’Église. Jésus demande : « Qui dites-vous que je suis ? » Et Pierre répond, au nom de toute l’Église : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » – C'est là le cœur et le fondement de notre profession de foi. Cela ne peut pas être aplati.

    ZEIT: Que signifie « aplatir » ?
    Le cardinal Müller: Quand on dit : « Après tout, le christianisme est un ensemble de valeurs humaines, quelque peu teintées de sentiment religieux », je dis : « Très bien ! Mais ce n'est pas la substance de la foi chrétienne ! »

    ZEIT: Mais plutôt ?
    Le cardinal Müller: Que Jésus de Nazareth est vrai Dieu et vrai homme, parole éternelle de Dieu, qui a pris « notre chair » – avec tous les abîmes, avec notre condition mortelle. Mais il est aussi la cause de notre libération du péché et de la mort. Il a ouvert la porte de la vie éternelle. La CDF doit garder la cohérence interne de cette profession de foi. Elle garantit, pourrait-on dire, la qualité d'une théologie qui repose sur les fondements de la foi catholique.

    ZEIT: Trouvez-vous cela, après deux ans d'affrontements virulents entre évêques catholiques sur le mariage et la famille, plus difficile qu'auparavant ?
    Le cardinal Müller: Le synode des évêques était pénible, car ce qui était en jeu, c'était ce qui nous est prescrit par Dieu dans le sacrement de mariage et comment cela peut être fidèlement vécu au sein de la société actuelle. Le mariage est une idée de Dieu, qu'il a réellement gravée lui-même, en vertu de la création et de la rédemption, dans la nature sexuellement différenciée de l'homme et, au plan de la grâce, dans sa relation à Dieu. Ainsi, le mariage n'est pas un modèle sociologique du passé, qui doit être imposé à l'homme de l'extérieur ou même être infligé de force. Acte de foi et contenu de la foi sont liés l'un à l'autre, comme le but du voyage et l'itinéraire qui y conduit avec un système de navigation sans faille. Nous devions montrer que le mariage est le chemin dessiné par Dieu sur nos cartes routières, qui conduit à la perfection dans l'amour.

    ZEIT: Qu'est-ce que l'amour ?
    Le cardinal Müller: Ce n'est pas la simple possibilité de satisfaire des besoins physiques ou spirituels, mais la rencontre personnelle et totale de l'homme et de la femme, comme la forme la plus haute de la réalisation de la volonté du créateur. La Bible dit de l'homme qu'il quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme. Ce n'est pas un pur phénomène social ou un désir sexuel, mais un accomplissement spirituel et personnel, un abandon total et définitif à l'autre. C'est cet évangile du mariage que nous voulions à nouveau mettre en lumière

    ZEIT: Le questionnaire du Vatican diffusé parmi les catholiques du monde avait donné comme résultat: oui, cet idéal vaut toujours, mais la réalité est différente. Il y a des catholiques homosexuels qui veulent vivre ensemble, des divorcés qui veulent communier. Eprouvez-vous de la fierté que le cercle synodal germanique, après une longue dissension, ait trouvé un compromis ?
    Le cardinal MüllerCe n'était pas un compromis. Cela serait une fausse catégorie, car la foi n'est pas la combinaison d'opinions humaines sur Dieu, mais l'obéissance de toute l’Église à la parole de Dieu. L'essence du mariage, c'est de pouvoir dire « oui » à une personne de l'autre sexe, exclusivement et pour toujours. Dans le mariage, on ne peut pas séparer amour et corporéité, fidélité et sexualité. A cela, les conceptions laïcisées du christianisme ne changent rien. Même lorsque, au plan humain, les conjoints vivent séparés l'un de l'autre, le mariage sacramentel n'en continue pas moins d'exister, exprimant la plus grande fidélité de Dieu. Cela dépasse la compréhension purement humaine.

    ZEIT: Le pape François répète toujours qu'au centre de la vie chrétienne se trouvent, non pas la doctrine ni le dogme, mais Jésus et sa miséricorde. Êtes-vous d'accord avec lui ?
    Le cardinal MüllerLe pape François a son propre style de prédication et de pastorale, qui convainc des millions de gens. Mais il souligne toujours que toutes ses paroles et tous ses gestes doivent être interprétés dans le cadre de la profession de foi catholique. La doctrine de la foi n'est pas une théorie construite par les hommes. Si importantes que puissent être la philosophie et la recherche scientifique pour la compréhension de la vérité révélée de Dieu, c'est Jésus qui est, dans sa personne, le maître et la doctrine du Royaume de Dieu. La doctrine de la foi ne signifie rien d'autre que la parole de Dieu – dans la profession et dans la vie de l’Église.

    ZEIT: Qu'est-ce que l’Église ?
    Le cardinal Müller: L’Église est la maison et le peuple de Dieu, elle est le corps du Christ et le temple de l'Esprit-Saint. Elle est ainsi tout autre chose qu'un groupement d'hommes qui personnifient leurs idéaux dans une idole. Dans l’Église, c'est le Christ lui-même qui parle et agit. Celui qui comprend correctement le pape François, surmonte des vues partielles et crispées. En aucune manière, le pape ne construit de nouveaux antagonismes. La foi et la vie, l'adhésion à la personne de Jésus et la conviction de la réalité des œuvres de Dieu comme nous le professons dans le credo, sont les deux faces d'une même médaille.

    ZEIT: Le pape a allégé la procédure d'annulation du mariage.
    Le cardinal Müller: Il y a toujours eu des mariages, conclus suivant le rite de l'Eglise, qui furent reconnus nuls par la suite, si des éléments constitutifs étaient absents. Le pape a maintenant, dans une nouvelle disposition qui est entrée en vigueur le 8 décembre, déterminé plus concrètement la possibilité de l'annulation. Il l'a adaptée aux situations d'aujourd'hui, sans porter atteinte à l'indissolubilité du mariage. Jésus dit que la volonté salvatrice de Dieu est le chemin qui conduit au but, même quand ce chemin paraît difficile. Pour nous catholiques, et aussi pour les chrétiens évangéliques, la parole de Dieu est la vérité. Et dans les questions qui touchent à la vérité, il n'y a pas de compromis. Car nous ne sommes pas des partenaires qui négocient avec Dieu, mais nous devons écouter sa parole.

    ZEIT: Trois cents pères synodaux ont débattu pendant trois semaines. Ce qu'est la vérité semble donc tout de même avoir fait l'objet de discussions.
    Le cardinal Müller: Lors d'un synode d'évêques catholiques, la révélation, y compris les vérités de foi déjà définies par l’Église, ne peut être mise en question quant à sa substance. Ce synode concernait la mise en œuvre pastorale. Je sais que d'aucuns trouvent plaisir à jouer les uns contre les autres et, selon une technique éprouvée, à donner le mauvais rôle à la CDF. Les Allemands ont toujours besoin d'un bouc émissaire, sur qui faire passer leurs sentiments anti-romains et le préfet est une cible parfaite. Qu'il est rassurant d'être soi-même déjà tellement plus avancé ! Mais la dogmatique et la pastorale ne se prêtent ni aux jeux de pouvoir ni aux intimidations. Il y va de la vérité de l'Evangile et du salut des hommes.

    ZEIT: Précisément, entre vous-même et le cardinal de curie Walter Kasper, il semble qu'il y ait eu auparavant des désaccords théologiques.
    Le cardinal Müller: Le cardinal Kasper et votre humble serviteur sont des théologiens catholiques, qui partent du fait de l'auto-ré

  • Cardinal Sarah : tout sur sa venue en France

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    D’Elisabeth de Baudouin sur le site « aleteia » :

    topic (20).jpgOn attendait François en France en 2015. Alors que son voyage a été reporté en 2016, c’est l’un de ses plus proches collaborateurs, le cardinal guinéen Robert Sarah, qui vient en visite dans l’Hexagone, à l’occasion de la sortie de son livre   Dieu ou rien, entretiens sur la foi, écrit en collaboration avec l’écrivain Nicolas Diat (Ed. Fayard, 424 pages).


    L’un des hommes clés de la curie

    Qui est Robert Sarah ? Derrière l’homme discret, natif d’Ourouss en Guinée (1945) et ordonné prêtre en 1969 se cache en fait un « premier de classe » : nommé archevêque de Conakry à seulement 34 ans par Paul VI (1974), il est créé cardinal – le premier du continent africain - par Benoît XVI en 2010. Entretemps (2001), le « Bébé évêque », comme l’aurait surnommé le Pape Jean Paul II, a été appelé à Rome, d’abord comme « numéro deux » de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, dicastère en charge des Eglises des pays en développement, avant de devenir président de « Cor unum », le Conseil pontifical qui coordonne l’action humanitaire de l’Eglise.

    De là à lui confier la direction d’une congrégation pontificale, il n’y avait qu’un pas : François l’a franchi en novembre dernier, en le nommant à la tête de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, dicastère clé en charge de la question, sensible dans certains pays dont la France, de la liturgie. Comme cardinal de curie, il participé au synode sur la famille d’octobre dernier, où les évêques africains se sont signalés par leur défense des valeurs traditionnelles de l’Eglise concernant le mariage et la famille.

    Réserve mais liberté de parole

    Ses proches le décrivent d’abord comme un grand spirituel, très à l’écoute, pudique et réservé. Ce qui ne l’empêche pas, disent-ils, d’avoir de l’humour et d’aimer rire, voir de prendre plaisir à raconter des anecdotes. Cet homme de sensibilité plutôt classique est, paraît-il, humble, mesuré et sage. Mais c’est aussi un homme courageux, qui n’a pas peur de dire ce qu’il pense. Il l’a prouvé notamment comme ardent défenseur des droits de l’homme et de la liberté en Guinée. Son livre le confirme, où cet africain francophone, très attaché à la tradition de l’Eglise et qui a beaucoup voyagé, livre avec cette liberté de parole encouragée par le Pape, ses réflexions sur l’Eglise, Rome, les papes, le monde moderne, l’Afrique, l’occident, la morale, la vérité, le mal… et Dieu. De quoi faire couler de l’encre et parler dans les chaumières dans le mois qui viennent…

    Rencontrer des parisiens

    L’auteur de « Dieu ou rien » ne vient pas à Paris pour de simples mondanités. Cet ancien berger, devenu l’un des plus grands pasteurs de l’Eglise, a même demandé à rencontrer des parisiens. D’où cette série de rendez-vous, organisés dans différentes paroisses parisiennes : le lundi 2 mars à 20 h, il sera à Saint François-Xavier (7e) ; le mercredi 4 à 20h30, à la Trinité (9e) ; le jeudi 5 à 20 h, à Saint Eugène ; le samedi 7 à 16h30, à Saint Léon (15e), le dimanche 8, à l’issue de la messe des jeunes de 19 h, à Saint-Germain-des-Prés. Il sera en outre le mardi 10 à 20 h à la Procure (6ème). Il se rendra également à Fontainebleau le mardi 3 (église Saint Louis, à 20h30), et à Versailles le vendredi 6 (église Saint Symphorien, 20h30).

    Cet homme de Dieu pourrait bien en réveiller plus d’un

    L’Afrique étonnera le monde, avait dit Saint Jean Paul II. Elle le surprend déjà, en envoyant ses prêtres et ses religieuses par dizaines, en mission chez ceux qui l’ont évangélisée. Cette fois, c’est un cardinal qui fait le déplacement, dans cette France qui fut la métropole de son pays (et qui l’a fait commandeur de la Légion d’Honneur en 2012). Homme de Dieu, ce cardinal, sans doute l’un des « papabile » du prochain conclave, pourrait bien réveiller plus d’un français. Et par là, prouver que la page d’une France fidèle aux promesses de son baptême n’est pas tournée. 

    Ref. Cardinal Sarah : tout sur sa venue en France

    JPSC

  • La radicalité du cardinal Sarah

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    Le cardinal guinéen, préfet de la Congrégation pour le culte divin, assume pleinement ses positions au risque de l’intransigeance, par fidélité au Christ qui nourrit sa profonde vie intérieure. Le correspondant du  journal « La Croix » à Rome a commenté hier son livre :

    DIEU OU RIEN.
    Entretien sur la foi
    Cardinal Robert Sarah avec Nicolas Diat,
    Éditions Fayard, 415 p., 21,90 €

    Pour ceux qui craindraient qu’un vide spirituel régnât au sein de la Curie romaine, le livre d’entretien avec le cardinal Robert Sarah les rassurera. Les plus de 400 pages d’interview menée par le spécialiste du Vatican, Nicolas Diat, permettent d’écouter un sage, pétri d’heures d’oraison, façonné par des jours de jeûne absolu et d’adoration, tout entier voué au Christ et à son Église. D’où le titre de l’ouvrage, tranchant comme l’épée :Dieu ou rien.

    Il résume la radicalité, qui habite tant le propos que le personnage de Robert Sarah. Celle d’abord qui ressort du parcours édifiant d’«un petit garçon d’un village pauvre», par lequel s’ouvre le livre. Le cardinal africain provient du fin fond de la Guinée, «du bout du monde» ou «des périphéries» pour reprendre une image bergoglienne. Il a été très marqué par des missionnaires français, les spiritains, qui ont évangélisé cette contrée reculée par le témoignage d’une foi que la croix du Christ n’effraie pas. Cet héritage sert de référence à travers tout le livre.

    Les parents de Robert Sarah aussi : «Ils sont vraiment le signe le plus profond de la présence de Dieu dans ma vie.» Ces cultivateurs n’ont pas hésité à laisser leur fils unique suivre sa vocation sacerdotale qui le conduisit loin de la case natale pour un séminaire en Côte d’Ivoire puis jusqu’à Nancy et au Sénégal.

    Ni l’éloignement familial, ni les heures au fond d’une cale d’un bateau pour Bingerville, ni les années lorraines sans pouvoir communiquer avec ses parents, ni encore les soubresauts politiques dans une Guinée se libérant de son colonisateur, n’auront raison de la vocation du jeune homme. Au bout de ce parcours du combattant, il sera le seul de ses compagnons de route à parvenir jusqu’à l’ordination, dans la cathédrale de Conakry, le 20 juillet 1969.

    La force spirituelle qui habite le jeune prêtre l’a rendu insubmersible face à la dictature de Sékou Touré. Devenu archevêque de la capitale guinéenne fin 1979, dès l’âge de 34 ans, il n’hésita pas à dénoncer tout haut les bassesses du régime communiste : «Mon combat était plus important que ma propre survie.» 

    Derrière l’opposition de Mgr Sarah se cache un mystique, qui fut à un moment attiré à rejoindre un ordre contemplatif. Un homme qui depuis toujours entretient et approfondit sa «vie intérieure personnelle». Un curé puis un évêque toujours adepte du silence. Un lève-tôt qui veut célébrer«sans précipitation». En quête d’«une relation vraie, toujours plus intime, avec Dieu». En retraite, pour «parler en tête à tête»«L’homme n’est grand que lorsqu’il est à genoux devant Dieu.» 

    À cette aune, beaucoup de chrétiens, prêtres compris, lui apparaissent petits car sans vrai lien personnel avec Dieu. L’amoureux de la quiétude pour écouter Dieu en rejette une forme inverse, celle de chrétiens«installés dans une apostasie silencieuse». Ou au contraire trop férus de bruit inutile. «Certaines messes sont tellement agitées qu’elles ne sont pas différentes d’une kermesse populaire», observe celui pour qui «les musulmans ont plus de respect du sacré que bien des chrétiens».

    Auparavant président du Conseil pontifical «Cor Unum» (dicastère de la Curie chargé de la charité), Robert Sarah a été saisi devant les tragédies se succédant en Afrique, les souffrances acculant Haïti ou les destructions frappant les Philippines. En revanche, il n’a aucune compassion devant un«nihilisme contemporain», une «misère morale», dont il s’inquiète des dégâts dans les pays occidentaux et au-delà : «L’immense influence économique, militaire, technique et médiatique d’un Occident sans Dieu pourrait être un désastre pour le monde.»

    La parole, sans concession ni nuance, du cardinal Sarah dérange. Mais l’auteur assume : «Dans la recherche de la vérité, je crois qu’il faut conquérir la capacité de s’assumer comme intolérant, c’est-à-dire posséder le courage de déclarer à l’autre que ce qu’il fait est mal ou faux.» Aussi ne se prive-t-il pas d’exprimer tout le mal qu’il pense de la théorie du genre, de l’euthanasie ou encore d’un «nouveau colonialisme malthusien»«Y aurait-il une planification bien étudiée pour éliminer les pauvres en Afrique et ailleurs, ose-t-il s’interroger.

    Peu de propos sur la justice sociale chez l’auteur, pour qui la réponse de l’Église doit d’abord être spirituelle : «Dans ce monde affairé où le temps n’existe ni pour la famille, ni pour soi-même, encore moins pour Dieu, la vraie réforme consiste à retrouver le sens de la prière, le sens du silence, le sens de l’éternité.» Et pour le cardinal guinéen, «l’Afrique peut donner avec modestie le sens du religieux qui l’habite».

    Dans l’immédiat, ce continent pourrait, selon ses vues, sauver le prochain Synode sur la famille. Hostile à la communion aux divorcés remariés, le cardinal Sarah affirme «avec solennité que l’Église d’Afrique s’opposera fermement à toute rébellion contre l’enseignement de Jésus et du magistère». Un avertissement au pape François de l’un de ses fidèles collaborateurs.

    Sébastien Maillard (à Rome) »

    Ref. La radicalité du cardinal Sarah

    JPSC

  • Cardinal Sarah : une parole qui libère

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    2013.11.28_abbe_Barthe_s.jpg2174_sarah-cardinal.jpg

    Journaliste et écrivain, Nicolas Diat a mené des entretiens avec le cardinal Robert Sarah (photo), publiés sous le titre Dieu ou rien, entretien sur la foi. Pour le bimensuel L’Homme Nouveaul’abbé Claude Barthe (photo) et Philippe Maxence se sont entretenus à bâtons rompus avec ce cardinal guinéen à la parole aussi étincelante que le matin de la Résurrection. Nous publions ici un extrait de cet entretien paru dans l'Homme Nouveau n°1588 et sur son site web le 9 avril :

    Philippe Maxence : « Dieu ou rien », Éminence, c’est le programme de la sainteté. Voulez-vous être un saint ?

    Cardinal Robert Sarah : Oui, parce que c’est notre première vocation : être saint parce que le Seigneur, notre Dieu, est saint. Par Dieu ou rien, je voudrais parvenir à replacer Dieu au centre de nos pensées, au centre de notre agir, au centre de notre vie, à la seule place qu’Il doit occuper. Afin que notre cheminement de chrétiens puisse graviter autour de ce roc et de cette ferme assurance de notre foi. Avec ce livre, je voudrais témoigner de la bonté de Dieu, à travers le récit de mon expérience. Dieu est premier dans notre vie parce qu’Il nous aime et que la meilleure façon de lui rendre cet amour consiste à L’aimer au centuple. Le monde occidental a malheureusement oublié la centralité de l’amour divin. Il est nécessaire de reprendre cette relation à Dieu. À ce titre, mon témoignage est là pour inviter le monde à ne plus rejeter Dieu. Quand je regarde ma vie, j’y vois, en effet, la trace très concrète de la prédilection divine. Je viens d’une simple famille africaine et d’un village très éloigné du centre-ville. Qui aurait pu dire à ma naissance tout ce que Dieu allait accomplir ? Pour devenir séminariste puis prêtre, je suis allé de la Guinée au Sénégal en passant par la Côte d’Ivoire et la France. Par la suite, je suis devenu évêque de Conakry, dans des conditions difficiles. Puis j’ai été appelé à Rome, au cœur même de l’Église. Comment me taire alors que chaque étape de ma vie forme un signe très clair de l’action de Dieu sur moi ?

    Abbé Claude Barthe : Quelles sont les forces et les faiblesses du catholicisme africain ?

    Card. R. S. : Vous avez raison de parler de forces et de faiblesses. L’Église en Afrique est encore jeune, et tout ce qui est jeune est fragile. Il est donc nécessaire de ce fait d’accroître le nombre de chrétiens, non seulement en termes quantitatifs, mais également en assimilant toujours mieux l’Évangile, en aidant les chrétiens à vivre pleinement, sans réticence ni compromis, dans la théorie comme dans la pratique, les exigences de la foi chrétienne. Les papes ont toujours poussé dans cette direction. Lorsque Paul?VI,?en 1969, désignait l’Afrique comme la « nouvelle patrie du Christ – nova patria Christi Africa », il évoquait une réalité qui n’empêche pas la nécessité pour nous Africains d’accueillir toujours plus profondément l’Évangile. Quand on rencontre l’Évangile et quand l’Évan­gile nous pénètre, il nous déstabilise, il nous transforme, il nous change radicalement et nous donne des orientations et des références morales nouvelles. C’est pourquoi je demande vraiment de tout cœur que le Christ habite l’Afrique, car désormais l’Afrique est sa nouvelle patrie.Mais en même temps il y a un véritable dynamisme dans l’Église africaine et je crois véritablement ­qu’elle est appelée à jouer un rôle au niveau de l’Église universelle. L’Église en Afrique répond profondément au dessein de Dieu. Il l’a voulu dès l’origine. Quand je parle des origines, je ne me réfère pas seulement à saint Augustin, mais je pense également au fait que c’est un pays africain, l’Égypte, qui a accueilli la Sainte Famille et qui a permis de sauver Jésus. C’est aussi un Africain, Simon de Cyrène, qui a aidé le Christ à porter sa Croix jusqu’au Golgotha. L’Afrique a été impliquée dans l’Histoire du Salut depuis les origines. Et aujourd’hui, dans le contexte de crise profonde, qui voit la foi elle-même remise en cause et les valeurs rejetées, je crois fortement que l’Afrique peut apporter, dans sa pauvreté, dans sa misère, ses biens les plus précieux : sa fidélité à Dieu, à l’Évangile, son attachement à la famille, à la vie, dans un moment historique où l’Occident donne l’impression de vouloir imposer des valeurs inverses.

    Abbé C.B. : Il y a beaucoup de prêtres en Afrique. Êtes-vous inquiet du manque de formation du clergé comme c’est encore trop souvent le cas en France ?

    Card. R. S. : Nous avons beaucoup de vocations, mais pas assez de formateurs solides et d’expérience. Voyez-vous, nous avons souvent des jeunes prêtres qui, une fois terminé leurs études à Paris ou à Rome, sont tout de suite appelés à enseigner dans les séminaires. Ils n’ont pas l’expérience suffisante ni réellement consolidée par le temps et une relation personnelle avec Jésus. Ils sont dans la situation de ceux qui ont des connaissances sans les avoir réellement assimilées sur le terrain. Notre drame n’est donc pas le manque de prêtres, mais le manque de prêtres réellement configurés au Christ et devenus Ipse Christus : le Christ lui-même. D’une certaine manière, nous sommes trop nombreux, comme prêtres. Nous sommes aujourd’hui plus de 400 000 prêtres dans le monde. Déjà au début du VIIe siècle saint Grégoire le Grand écrivait : « Le monde est rempli de prêtres, mais on rencontre rarement un ouvrier dans la moisson de Dieu ; nous acceptons bien la fonction sacerdotale, mais nous ne faisons pas le travail de cette fonction ». Qu’est-ce qui a bouleversé le monde ? Douze apôtres totalement mangés par Jésus, pris par Jésus. Nous manquons de ce type de prêtres. Certes, ils ont étudié beaucoup de textes scientifiques, mais ils se retrouvent incapables de nourrir le peuple de Dieu et de l’entraîner vers la radicalité de l’Évangile, parce qu’eux-mêmes n’ont pas réellement vu ni rencontré le Christ personnellement. Il faudrait qu’ils soient comme saint Augustin. Malgré sa qualité exceptionnelle de théologien, sa parole sortait de son cœur et de son expérience. Voilà le profil de prêtres que je voudrais !

    Abbé C.B. : La manière dont s’est faite la réforme liturgique et du coup l’esprit liturgique dans lequel se réalise la formation des prêtres n’éloignent-ils pas du modèle sacerdotal que vous prônez ?

    Card. R. S. : Nous constatons de plus en plus que l’homme cherche à prendre la place de Dieu, que la liturgie devient un simple jeu humain. Si les célébrations eucharistiques se transforment en des lieux d’application de nos idéologies pastorales et d’options politiques partisanes qui n’ont rien à voir avec le culte spirituel à célébrer de la façon voulue par Dieu, le péril est immense. Il me semble urgent de mettre plus de soin et de ferveur dans la formation liturgique des futurs prêtres. Leur vie intérieure et la fécondité de leur ministère sacerdotal dépendront de la qualité de leur relation avec Dieu, dans ce face-à-face quotidien que la liturgie nous donne d’expérimenter.

    Abbé C.B. : Vous racontez dans votre livre, à propos de ce type d’options, l’épisode de la suppression du baldaquin de la cathédrale de Conakry par Mgr Tchidimbo.

    Card. R. S. : Oui, c’était une réforme liturgique à la française ! On a voulu améliorer la participation du peuple de Dieu à la liturgie, sans s’interroger peut-être suffisamment sur la signification de cette « participation ». Qu’est-ce que veut dire « participer à la liturgie ? ». Cela veut dire entrer pleinement dans la prière du Christ. Rien à voir donc avec le bruit, l’agitation et le fait que chacun joue un rôle comme dans un théâtre. Il s’agit d’entrer dans la prière de Jésus, de s’immoler avec Lui, d’être en quelque sorte transsubstantié et devenir, nous-mêmes, des hosties vivantes, saintes, agréables à Dieu. C’est exactement ce que saint Grégoire de Nazianze affirme, lorsqu’il dit : « Nous allons participer à la Pâque (…). Eh bien quant à nous, participons (…) de façon parfaite (…). Offrons en sacrifice, non pas de jeunes taureaux ni d’agneaux portant cornes et sabots (…). Offrons à Dieu un sacrifice de louange sur l’autel céleste, en union avec les chœurs du Ciel. Ce que je vais dire va plus loin : c’est nous-mêmes que nous devons offrir à Dieu en sacrifice ; offrons-Lui chaque jour toute notre activité. Acceptons tout pour le Christ ; par nos souffrances, imitons sa Passion ; par notre sang, honorons son Sang ; montons vers la Croix avec ferveur ! ». Il ne s’agit pas de nous distribuer des rôles ou des fonctions. Progressivement, nous sommes appelés à entrer dans le mystère eucharistique et à le célébrer comme Jésus et comme l’Église l’a toujours célébré. L’Eucharistie doit nous assimiler au Christ, nous faire devenir un seul et même être avec le Christ. Je deviens moi-même le Christ. Benoît XVI a été clair sur le fait que l’Église ne se bâtit pas à coups de ruptures, mais dans la continuité. Sacrosanctum Concilium, le texte conciliaire sur la sainte liturgie, ne supprime pas le passé. Par exemple, il n’a jamais demandé la suppression du latin ou la suppression de la messe de saint Pie V.

     

    Abbé C.B. : Vous soulignez la nécessaire pérennité de l’enseignement moral de l’Église, malgré la pression des courants relativistes. C’est toute la question du magistère. Comment envisager, pour l’avenir, le fonctionnement de ce magistère ?

    Card. R. S. : Il faut absolument conserver fidèlement et précieusement les données essentielles de la foi chrétienne, dans une intelligence qui cherche à les explorer en profondeur et à les comprendre de manière active et toujours nouvelle. Mais nous devons garder intact le dépôt de la foi et le conserver à l’abri de toute violation et de toute altération. Si l’Église commence à parler comme le monde et à adopter le langage du monde, elle devra accepter de changer son mode de jugement moral, et par conséquent, ­elle devra abandonner sa prétention à vouloir éclairer et guider les consciences. Ce faisant l’Église devra renoncer à sa mission d’être pour les peuples une lumière de vérité. « Elle devra renoncer à dire qu’il y a des biens qui sont des fins, qu’il est noble à l’homme de les poursuivre, non seulement comme valeur, mais comme but à atteindre. Surtout, elle devra renoncer à dire qu’il y a des actes qui sont en eux-mêmes intrinsèquement mauvais et qu’aucune circonstance ne les permet ». Je pense donc que le magistère doit rester ferme comme un roc. Car si on crée un doute, si le magistère se situe par rapport au moment où nous vivons, l’Église n’a plus le droit d’enseigner. Aujourd’hui le plus urgent se situe vraiment dans la stabilité que doit avoir l’enseignement de l’Église. L’Évangile reste le même. Il ne bouge pas. Naturellement il faut toujours un travail de formulation pour mieux atteindre les personnes, mais on ne peut pas, sous prétexte qu’elles ne nous écoutent plus, adapter la formulation de l’enseignement du Christ et de l’Église aux circonstances, à l’histoire ou à la sensibilité de chacun. Si l’on crée un magistère instable, on crée un doute permanent. Il y a un immense travail à accomplir à ce sujet : rendre perceptible l’enseignement de l’Église tout en gardant intact le noyau de la doctrine. Et c’est pourquoi il est inadmissible de séparer la pastorale de la doctrine : une pastorale sans doctrine est une pastorale bâtie sur du sable.

    Abbé C.B. : On a l’impression qu’il n’y a plus aujourd’hui de frontière définie dans l’Église entre ceux qui sont dehors et ceux qui sont dedans. En France, par exemple, il y a des universités catholiques où des hérésies sont enseignées explicitement et elles restent « catholiques ». Au dernier Synode, certains soutenaient la ligne qui a été la vôtre, mais d’autres disaient le contraire. Or, tous sont donnés comme « catholiques ». Est-ce que pour le bien des âmes, il ne faudrait pas en revenir, non seulement à un enseignement clair, mais aussi à la déclaration explicite que tel ou tel n’est plus catholique ?

    Card. R. S. : Je crois que laisser un prêtre ou un évêque dire des choses qui ébranlent ou ruinent le dépôt de la foi, sans l’interpeller, est une faute grave. Au minimum, il faut l’interpeller et lui demander d’expliquer les raisons de ses propos, sans hésiter à exiger de les reformuler de manière conforme à la doctrine et à l’enseignement séculaire de l’Église. On ne peut pas laisser les gens dire ou écrire n’importe quoi sur la doctrine, la morale, ce qui actuellement désoriente les chrétiens et crée une grande confusion sur ce que le Christ et l’Église ont toujours enseigné. L’Église ne doit jamais abandonner son titre de Mater et Magistra : son rôle de mère et d’éducatrice des peuples. Comme prêtres, évêques ou simples laïcs, nous avons tort de ne pas dire qu’une chose est fausse. L’Église ne doit pas hésiter à dénoncer le péché, le mal et toute mauvaise conduite ou perversions humaines. L’Église assume, au nom de Dieu, une autorité paternelle et maternelle. Et cette autorité est un service humble pour le bien de l’humanité. Nous souffrons aujourd’hui d’un défaut de paternité. Si un père de famille ne dit rien à ses enfants sur leur conduite, il n’agit pas comme un véritable père. Il trahit sa raison et sa mission paternelle. Le premier devoir de l’évêque consiste donc à interpeller un prêtre quand les propos de ce dernier ne sont pas conformes à la doctrine. Il s’agit d’une lourde responsabilité. Quand Jean-Baptiste a déclaré à Hérode : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère », il a perdu la vie. Malheureusement, aujourd’hui, l’autorité se tait souvent par peur notamment d’être traitée d’intolérante ou d’être décapitée. Comme si montrer la vérité à quelqu’un revenait à être intolérant ou intégriste alors qu’il s’agit d’un acte d’amour.

    Abbé C.B. : En France, le catholicisme institutionnel apparaît vieillissant alors que la base – ce que l’on appelle le « nouveau catholicisme » – est jeune et dynamique. Mais il y a un décalage entre ce catholicisme de terrain et beaucoup de pasteurs. N’y a-t-il pas un problème dans la nomination des évêques ?

    Card. R. S. : C’est une question difficile que vous me posez. Laissons l’Esprit Saint nous6a00d83451619c69e201b7c77646d3970b.jpg travailler, nous transformer et nous renouveler. C’est lui en effet qui renouvelle la face de la terre. C’est lui qui vivifie et sanctifie l’Église. Pour ce qui regarde le deuxième aspect de votre question, je voudrais très simplement donner cette information. La liste et les noms des candidats à l’épiscopat sont généralement proposés par la Conférence épiscopale nationale. La Conférence épiscopale, consciente des défis d’aujourd’hui, de la problématique de l’Église de France et du diocèse à pourvoir, suggère des candidats dignes et idoines. La nomination d’un évêque est une énorme responsabilité devant Dieu et devant l’Église. Les noms des candidats à l’épiscopat, en d’autres termes la « terna », sont présentés au nonce apostolique. Le nonce apostolique, après avoir obtenu l’autorisation du dicastère compétent, procède à l’enquête sur chaque candidat. Le nonce et Rome font entièrement confiance à la conscience, à la droiture et à l’honnêteté des informations. Si tout est fait dans la crainte de Dieu et pour le bien de l’Église, il n’y a pas de raison que la contribution des informateurs ne puisse pas aider le Pape à choisir de bons évêques. Tout dépend de l’Église locale. Mais je voudrais aussi souligner que parfois d’excellents prêtres ne sont pas faits pour être évêques. Il arrive aussi qu’un excellent prêtre, une fois évêque, devienne méconnaissable, parce que l’autorité, l’exercice du pouvoir l’ont profondément modifié. Au lieu d’être un père, un guide spirituel et un pasteur, il devient un chef difficile et pauvre en rapports humains.

    Dieu ou rien, Entretien sur la foi, Fayard, 422 p., 21,90 €.

    Ref. Dieu ou rien ! Grand entretien avec le cardinal Robert Sarah

    JPSC

  • Le cardinal Müller sur la brèche

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    Lu sur le site de l’ "Homme Nouveau" cet article rédigé par l’ Abbé Claude Barthe le 09 avril 2015 dans Rome :

    Muller.png"Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, le cardinal Müller a profité de divers entretiens occasionnés par sa venue en France en mars dernier, pour rappeler la doctrine intangible de l’Église. L’enseignement moral ne peut en effet être infléchi au gré de la pastorale.

    En visite en France pour notamment présenter Jésus de Nazareth, le sixième volume des Œuvres complètes de Joseph Ratzinger (1), le cardinal Gerhard Müller, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, en a profité pour revenir sur les questions soulevées par le Synode sur la famille, touchant principalement au lien entre dogmatique et pastoral. Ce qui n’est pas sans rappeler les tentatives du cardinal Alfredo Ottaviani, prédécesseur du cardinal Müller, il y a cinquante ans, face aux avancées progressistes lors des discussions conciliaires.

    Des cardinaux bien reçus

    Sauf que la situation n’est plus la même. Par exemple, la France catholique reçoit aujourd’hui à bras ouverts les cardinaux les plus romains, ce qu’elle n’eût pas fait à l’époque : Robert Sarah, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin, est venu présenter à Paris son livre d’entretiens avec Nicolas Diat :Dieu ou rien. Entretiens sur la foi. Les discussions synodales en forment l’arrière-fond. Pour le prélat africain, « il n’est pas possible d’imaginer une quelconque distorsion entre le magistère et la pastorale. L’idée qui consisterait à placer le magistère dans un bel écrin en le détachant de la pratique pastorale, qui pourrait évoluer au gré des circonstances, des modes et des passions, est une forme d’hérésie, une dangereuse pathologie schizophrène ».

    C’est bien le nœud des débats actuels, qui rappellent ceux d’il y a cinquante ans : pastoral contre dogmatique. Bien avant les cardinaux Marx, Tagle et Kasper, le Père Congar, dans Vraie et fausse réforme dans l’Église (Cerf, 1950), prônait une transformation foncière de la vie de l’Église en évitant de toucher aux dogmes. Le cardinal Baldisseri, Secrétaire du Synode, parle aujourd’hui de « flexibilité » des normes : un Synode pastoral et non pas dogmatique y pourvoira.

    En réponse, le cardinal De Paolis (2) soulignait qu’il ne saurait y avoir de hiatus entre une discipline pastorale pour l’Eucharistie et le mariage et le magistère : « Nous nous trouvons face à une discipline qui est fondée sur le droit divin. (…) L’Église ne peut modifier ni la loi naturelle ni le respect de la nature de l’Eucharistie, parce que ce qui est en question, c’est la volonté divine » (26 novembre 2014, Madrid, université San Dámaso). L’indissolubilité du mariage conclu et consommé fait partie de la doctrine définitive de l’Église, disait pour sa part le cardinal Caffarra (Il Foglio, 15 mars 2014).

    Et le cardinal Müller enfonce le clou dans un entretien à La Croix (29 mars 2015) : « La discipline et la pastorale doivent agir en harmonie avec la doctrine. Celle-ci n’est pas une théorie platonique qui serait corrigée par la pratique, mais l’expression de la vérité révélée en Jésus-Christ. »

    C’est pourquoi, selon le cardinal Müller, la fonction d’enseignement du Pape et des évêques ne doit pas être subvertie par le rôle pastoral des Conférences épiscopales. À Esztergom, en Hongrie, le 13 janvier 2015, il a expliqué que les Conférences des évêques sont chargées d’harmoniser les pastorales, mais que les évêques, successeurs des Apôtres, sont docteurs de la foi et gardiens de leurs Églises particulières. Il l’a répété en venant à Paris, à Famille chrétienne (28 mars 2015) : Déléguer certaines décisions doctrinales ou disciplinaires sur le mariage et la famille aux Conférences épiscopales « est une idée absolument anticatholique, qui ne respecte pas la catholicité de l’Égli­se ». Il l’a martelé à La Croix (29 mars 2015) : « L’Église locale, (…) ce sont les diocèses. L’idée d’une Église nationale serait totalement hérétique. »

    Curie et Synode

    Quant au Synode, il n’est pas un parlement. Dans un article pour L’Osservatore Romano (« Purifier le Temple. Critères théologiques pour une réforme de l’Église et de la Curie romaine », édition française, 12 février 2015), le même cardinal Müller combattait le projet d’intégrer aux dicastères traditionnels de la Curie une sorte de représentation permanente du Synode des évêques : « Le Synode des évêques, les Conférences épiscopales et les divers regroupements d’Églises particulières appartiennent à une catégorie théologique différente de la Curie romaine ». En résumé : le Synode est une expression de la collégialité ; la Curie représente l’Église de Rome au service du primat du Pape ; et la Congrégation pour la Doctrine de la foi, spécialement, dans son ministère pour confirmer la foi de ses frères (conférence à Esztergom).

    Toujours selon le cardinal Müller dans La Croix, « la Congrégation pour la Doctrine de la foi a une mission de structuration théologique d’un pontificat ». Sauf que, aujourd’hui, comme sous Ottaviani, le Palais du Saint-Office semble être devenu une entité de défense, en quelque sorte autonome, de la doctrine pérenne (en 2015, de la doctrine morale, en 1965, de la doctrine ecclésiologique). Déjà, dans les années 1980, passés les grands troubles de l’immédiat après-Concile, la Congrégation pour la Doctrine de la foi du cardinal Ratzinger était redevenue la Suprema, le plus influent des dicastères. Retour – provisoire – à ce jour du balancier vers les années soixante : elle exerce certes sa mission, mais en soi, le Pape la laissant en fait se débrouiller toute seule.

    « Il n’y a pas de différence fondamentale à établir entre doctrine et pastorale », répète le Préfet d’aujourd’hui comme celui d’il y a 50 ans. Ce dernier, comme on le sait, avait vu le sol se dérober sous ses pieds dès lors que la majorité conciliaire avait écarté le mode définitoire (les définitions de foi) qui avait été celui de Trente et de Vatican I. Il est clair que l’exercice du magistère au nom du Christ dans une société sécularisée est tout l’enjeu ecclésiologique pour demain, au-delà du sujet de l’indissolubilité du mariage actuellement débattu. Le plus conscient, au sein des cardinaux qui montent actuellement au créneau, en est le cardinal Carlo Caffarra, archevêque de Bologne, qui fut le premier Président de l’Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille, conseiller très écouté à l’époque des grands documents Jean-Paul II/­Ratzinger sur la morale du mariage.

    « L’année 2015 dans l’Église catholique va être profondément agitée, écrivait Jean-Marie Guénois dans Figarovox du 2 janvier dernier. Pour l’Église, 2015 sera une longue heure de vérité ».       

    _____

    1. Joseph Ratzinger, Jésus de NazarethOpera omnia, 6e vol., Parole et Silence, 650 p., 39 e.
    2. L’un des cardinaux ayant participé au livre Demeurer dans la vérité du Christ (Artège, 312 p., 19,90 e), avec ses confrères Brandmüller, Burke, Caffara, Müller.

    Ref. Le cardinal Müller sur la brèche

    JPSC

  • Belgique : Requiem pour le Cardinal Danneels

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    Lu dans « La Libre » :

    «  La Belgique a dit adieu, vendredi midi, au cardinal Danneels décédé la semaine dernière à l’âge de 85 ans. Ses funérailles ont été célébrées dans la sobriété en la cathédrale Saint-Rombaut de Malines, pleine à craquer : l’actuel archevêque Jozef De Kesel et la sœur de l’ancien primat de Belgique lui ont rendu hommage lors de la cérémonie. Le cercueil et sa dépouille ont ensuite été enfouis dans le caveau de la cathédrale. Le Roi Philippe, la Reine Mathilde, le prince Laurent et la princesse Astrid, ainsi que son mari le prince Lorenz, ont assisté à la cérémonie. Des personnalités politiques avaient également fait le déplacement : le ministre de l’économie Kris Peeters (CD&V), ceux de l’intérieur Pieter De Crem (CD&V) et de la Justice, Koen Geens (CD&V), le président du  CD@V Wouter Beke. Quelque 175 membres du clergé ont participé à la célébration. A l’issue de la cérémonie, la cloche la plus lourde de la cathédrale a retenti à 85 reprises et les drapeaux se trouvant le long de l’édifice ont été mis en berne »

    Voir aussi : Messe d’A-Dieu au cardinal Godfried Danneels

     De mortuis nihil, nisi bene.

    JPSC

  • Manifeste pour le cardinal Barbarin

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    L’archidiocèse de Lyon est en pleine effervescence. Lu sur le site web « riposte catholique » : 

    Un manifeste pour le cardinal archevêque de Lyon vient d’être mis en ligne par une équipe de fidèles et de prêtres du diocèse de Lyon. Tout le monde peut le signer ici :

    Oser une parole libre à propos du retrait du cardinal Philippe BARBARIN

    Laïcs engagés, prêtres en responsabilité, hommes et femmes de bonne volonté, du diocèse de Lyon, ou membres actifs de la société civile rhodanienne, nous souhaitons faire entendre une autre voix que celle des déclarations fracassantes relayées et entretenues par les médias.

    Tous, nous sommes scandalisés par les abus commis sur des enfants innocents et par le silence inconscient ou coupable, toujours inadmissible, qui les a accompagnés. Tous, nous voulons que
    réparation soit faite et que de tels actes soient bannis, autant qu’il dépend de nous. Nous demandons à la société civile et aux institutions d’avoir le même courage que l’Eglise aujourd’hui.

    Après le classement sans suite d’une enquête préliminaire, en 2017, le cardinal Barbarin a été condamné en 2019 pour non-dénonciation. Lui et le parquet de Lyon ont fait appel de ce jugement, ce qui amène à présumer innocent l’archevêque de Lyon. « Cela est important, rappelait le pape aux journalistes à son retour du Maroc le 31 mars 2019, car cela va contre une condamnation médiatique superficielle ».

    Nous sommes très sensibles à la volonté de pacification et de réparation manifestée par l’Archevêque de Lyon dans la remise de sa mission au pape. Nous remercions le Saint Père d’avoir rappelé la présomption d’innocence et confirmé Mgr Barbarin dans sa mission.

    Sans nier le sincère désir de paix et d’unité des membres des conseils réunis mardi 26 mars 2019, nous ne nous reconnaissons pas dans les propos du courriel « Flash info » du diocèse du 27 mars 2019. Nous ne partageons pas ces conclusions, même si elles n’expriment aucune hostilité dans le fond au cardinal Barbarin – contrairement à ce que les médias ont laissé entendre. Nous ne pouvons oublier le grave avertissement du pape ce 31 mars : « la condamnation médiatique a ruiné la vie de prêtres qui ont ensuite été jugés innocents ».

    Nous aussi, nous souhaitons qu’une nouvelle page se tourne, mais sans provoquer ni désordre ni injustice pour personne, ni pour les victimes des abus, ni pour les autorités du diocèse.

    Nous voulons dire notre proximité à toutes les victimes, celles regroupées dans l’association « La parole libérée » et celles qui n’en font pas partie.

    Nous remercions le cardinal Barbarin pour ce qu’il a entrepris et réalisé dans l’archidiocèse de Lyon depuis sa venue en 2002 ; nous n’oublions pas les fruits qu’il a portés. Dans les tempêtes et les épreuves, nous lui disons notre profonde estime.

    La solution temporaire, choisie par l’archevêque en accord avec le Pape, doit être comprise et respectée.

    Elle a un sens politique fort. Nous avons tous à nous purifier courageusement devant l’appel du Seigneur à la sainteté et à l’unité, sans nous défausser sur des victimes quelles qu’elles soient.

    Avec humilité et confiance, nous voulons consacrer nos efforts au service de tous, par la prière, la vie sacramentelle, l’accueil et la justice, sans laquelle aucune paix n’est possible.

    Vendredi 5 avril 2019 : Parole portée par un collectif dont M. Humbert de RIVAZ est fait le représentant.

    Ref. Manifeste pour le cardinal Barbarin 

    Je signe parce que « la thèse défendue en première instance par la juridiction lyonnaise – la prescription du délit principal (l’agression sexuelle) n’empêche pas l’existence du délit accessoire (la non-dénonciation) – est loin de convaincre. En effet, ainsi que l’indique le chapitre du Code pénal dans lequel figure l’article 434-3, celui-ci a pour objet de sanctionner les « entraves à la justice », à savoir d’éviter que la non-dénonciation d’une agression sexuelle assure l’impunité à l’agresseur. Or, dans le cas où une personne prend connaissance d’une agression sexuelle à une date où, du fait de la prescription, cette agression ne peut plus faire l’objet d’une condamnation, il est difficile de comprendre comment la non-dénonciation pourrait faire entrave à la justice. En outre, la thèse du tribunal correctionnel de Lyon emporterait, si elle était confirmée, des conséquences incalculables, concernant non seulement tout évêque, mais également tout éducateur, enseignant, travailleur social, etc. Il suffirait, par exemple, qu’un homme parvenu à un certain âge (disons 70 ans) confie de manière précise à un membre de sa famille avoir été victime d’une agression sexuelle à l’âge de 10 ans (soit 60 ans auparavant…) pour que ce dernier soit tenu, sauf à encourir une sanction pénale, de dénoncer immédiatement ces faits à l’autorité judiciaire. Ainsi, au-delà même du jugement moral qu’il convient de porter sur la gestion de l’affaire Preynat par le cardinal Barbarin, il est à espérer que les juges d’appel donneront de la loi pénale l’interprétation qu’exige le bon sens. En tout cas, doit être saluée la décision du pape François, motivée par le principe de la présomption d’innocence, de ne pas accepter, en l’état, la démission proposée par le cardinal Barbarin. » (Jean Bernard dans « La Nef » n° 313, avril 2019)

    JPSC

  • La pensée du cardinal Sarah

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    Une belle analyse de la pensée du Cardinal Sarah(source)

    Le cardinal Sarah et l’herméneutique de la réforme dans la continuité

    Le dernier ouvrage du cardinal Robert Sarah, Le soir approche et déjà le jour baisse (Fayard), est – comme les deux précédents – un livre-entretien écrit en collaboration avec Nicolas Diat. Le préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements y dresse un constat affligé de la crise qui secoue la société occidentale et l’Eglise de l’après-Concile.

    Les critiques du haut prélat, sans s’adresser au pape François – il s’en défend vigoureusement –, ne peuvent pas ne pas être rapportées à certains propos du souverain pontife actuel, qu’il s’agisse de l’immigration de masse, de l’écologie, de l’éventuelle ouverture de la prêtrise à des hommes mariés…

    Le souci du cardinal Sarah est, semble-t-il, de ne pas diviser l’Eglise encore plus, c’est pourquoi il « laisse de côté François », comme il le dit expressis verbis. Il dénonce la crise et pointe du doigt certaines causes : il fustige ainsi des évêques et des prêtres, car il reconnaît qu’il s’agit d’une crise qui « se situe au niveau de la tête », mais il refuse de nommer cette tête.

    Il déplore que des clercs cèdent « à la tentation morbide et scélérate d’aligner l’Eglise sur les valeurs des sociétés occidentales actuelles. Ils veulent avant tout que l’on dise que l’Eglise est ouverte, accueillante, attentive, moderne. » (Valeurs Actuelles, 28 mars 2019). Mais il récuse toute opposition entre le pape et lui. Il veut rappeler la vérité, mais ne veut pas compromettre l’unité. Or ce n’est pas le cardinal Sarah qui divise, mais bien ceux qui, en s’opposant à la vérité bimillénaire, brisent l’unité.

    Car l’unité de l’Eglise repose sur la vérité une, révélée par Dieu. Plus de vérité une, plus d’unité dans la vérité, mais « l’unité dans la diversité », le « polyèdre » ou la « mosaïque »…, comme l’on dit aujourd’hui. Rappeler l’unicité de la vérité, c’est défendre l’unité de l’Eglise et dénoncer les fauteurs de division qui s’emploient à « aligner l’Eglise sur les valeurs des sociétés occidentales actuelles ». Dans son livre, le cardinal Sarah fournit un diagnostic pertinent, mais prescrit des remèdes qui ne soignent que les symptômes, sans atteindre le foyer infectieux.

    LA CRISE DE LA CONSCIENCE CHRETIENNE DE L’OCCIDENT

    Sur le site Atlantico, le 8 avril 2019, le haut prélat répond aux questions de Jean-Sébastien Ferjou. Il dénonce les pseudo-valeurs de la laïcité : « La laïcité à la française est une parfaite contradiction : vous êtes essentiellement façonnés par l’Eglise. Vous ne pouvez pas dire je suis laïc dans la société et je suis chrétien à l’église, c’est ridicule. Un homme ne peut pas être divisé : il est un à tout point de vue, en toutes circonstances. Un Français à l’église est aussi un Français en politique. C’est une incohérence que d’imaginer l’inverse. La foi est une réalité intime mais elle doit aussi être vécue en famille et dans la société au sens large. »

    Cette neutralité laïque, relayée par la liberté religieuse conciliaire – ce que le cardinal ne signale pas –, tue l’esprit missionnaire et transforme les prêtres en assistants sociaux : « Si je reçois quelqu’un, je lui donne le meilleur de moi-même, ce que j’ai de plus beau. Or, si je donne au migrant uniquement un toit, du travail, des médicaments… et que je lui cache ce qui fait vraiment un homme, son ouverture au transcendant, je le prive. Pourquoi ne pas proposer au migrant ma foi chrétienne ? Je ne la lui impose absolument pas, je lui dis seulement : “c’est une très bonne possibilité pour ton salut”. [C’est même une nécessité !]

    « Au-delà de ce que nous proposons aux migrants, je suis troublé par ce renoncement de l’Occident à sa propre identité. Non seulement, nous ne savons plus expliquer aux autres qui nous sommes, mais nous ne le savons souvent plus nous-mêmes.

    « Je crois que l’Occident pourra disparaître s’il oublie ses racines chrétiennes. Les barbares sont déjà là, en son sein. Et ils lui imposeront leur culture, ils lui imposeront leur religion, leur vision de l’homme, leur vision morale si l’Occident n’a plus qu’un ventre mou et fuyant à leur opposer. »

    Sur le site Boulevard Voltaire, dans un entretien accordé à Gabrielle Cluzel, le 8 avril, le prélat guinéen appuie ses propos sur son expérience personnelle : « J’ai tout reçu de l’Occident. J’ai reçu ma formation et ma foi. On a l’impression aujourd’hui que l’Occident renie ses origines, son histoire et ses racines. Il me semble que nous vivons comme si nous n’avions rien à voir avec le christianisme. Ce n’est pas vrai. Lorsqu’on ouvre les yeux, on voit bien l’architecture, la musique, la littérature… et que tout est chrétien. Je ne vois pas pourquoi on peut nier ce qui est. Nier ce qui est, c’est se mentir à soi-même.

    « Je pense que l’Occident est en péril s’il renie ses racines chrétiennes. C’est comme un grand fleuve, il a beau être immense et majestueux, s’il perd sa source, il n’est plus alimenté et se dessèche au bout d’un certain temps. C’est comme un arbre qui n’a plus de racines, il meurt. Un Occident sans racines chrétiennes est un Occident menacé de mort et de disparition. Il s’est fait envahir par d’autres cultures qui, elles, ne renoncent pas à leur histoire et combattent pour montrer qu’elles ont une culture à proposer. D’autres cultures envahissent l’Europe, comme les cultures musulmane et bouddhiste. Il est important qu’il [l’Occident] reprenne conscience que ses valeurs, belles, majestueuses et nobles se perdent.

    « Je ne prétends pas être le (seul) missionnaire. Nous sommes tous, par le baptême, envoyés pour faire connaître le Christ et l’Evangile, et la réalité nouvelle qu’il nous propose. Aujourd’hui, les Ecritures nous disent encore : “je fais un monde nouveau”. Ce monde nouveau est créé par le Christ lui-même.

    « Je souhaite que ce livre puisse réveiller la conscience occidentale. Je crois que l’Occident a une mission spéciale. Ce n’est pas pour rien que Dieu nous a communiqué la foi par l’Occident. Ce que Dieu donne est permanent, c’est pour toujours et non pour un instant. L’Occident a une mission universelle, à cause de sa culture, de sa foi, de ses racines et son lien personnel avec Dieu. Si l’Occident perdait ses racines, il y aurait un bouleversement énorme et terrible dans le monde. J’espère que la lecture du livre Le soir approche et déjà le jour baisse sera un moyen pour réveiller la conscience occidentale, mais aussi notre conscience de chrétien. »

    Sur Atlantico, le cardinal Sarah insiste : « Je crois que si ceux qui dirigent l’Occident, ceux qui veulent le conduire, le font sans – voire contre – le christianisme, alors ils deviennent tièdes et conduisent l’Occident à sa perte. Sans cette radicalité évangélique qui change le cœur de l’homme et donc la politique, l’économie, l’anthropologie, ils œuvrent à sa disparition, même si ce n’est pas leur intention. »

    A propos de l’écologie, le haut prélat déclare : « Sauver la planète alors qu’on continue à tuer des enfants ou qu’on tue les vieillards quand leur faiblesse déplaît aux regards ? Mais que sauve-t-on alors ? Quand on perd Dieu, on perd l’homme. Dieu n’existant plus, on sauve la nature. Mais qu’est-ce que la nature sans homme ? »

    LA CRISE DE LA FOI DANS L’EGLISE

    A Jean-Sébastien Ferjou d’Atlantico, le préfet de la Congrégation pour le culte divin montre que cette crise générale affecte également l’Eglise dans son enseignement doctrinal et moral : « (dans mon livre) je passe en revue les crises de l’Eglise : on a l’impression que celle-ci n’a plus de doctrine sûre, qu’elle n’a plus un enseignement moral sûr. L’enseignement de l’Eglise semble aujourd’hui se faner et devenir incertain et liquide. Croyons-nous encore que la Bible est révélée ? Notre attitude à l’égard de Dieu a profondément changé. Dans l’Eglise, Dieu est-il encore considéré comme une personne qui cherche à nouer une relation intime et personnelle avec chacun de nous ? Ou n’est-il plus qu’une idée, un être très lointain ? Le cœur de notre foi réside dans l’Incarnation de Dieu, qui est proche de nous. Nous pouvons le voir de nos yeux, le toucher de nos mains. Il y a Jésus-Christ, et le Père, qui dans la Très Sainte Trinité ne font qu’un avec le Saint-Esprit. Avons-nous encore vraiment cette foi pour laquelle tant de martyrs ont donné leur vie ? »

    Selon le prélat africain, cette crise de la foi se manifeste aussi par une grave crise morale dans le clergé : « La crise est aussi présente au niveau du sacerdoce. Incontestablement, il y a eu des moments dans l’histoire où la vie des prêtres n’était pas exemplaire. Leur vie ne rayonnait pas l’Evangile, ni la sainteté de Dieu. Et l’Eglise tolérait un véritable laisser-aller sur le plan moral. Mais il s’est toujours dressé des figures comme saint François d’Assise pour la redresser en optant pour la radicalité de l’Evangile, c’est-à-dire l’Evangile dans sa nudité et sa totalité. Il y a eu aussi le Curé d’Ars : un homme de prière et de pénitence, car le démon s’acharne contre le sacerdoce et, souvent, on ne peut le chasser, loin de nous, que par la prière, le jeûne et un profond désir et volonté de conversion. Mais, ce qui se passe aujourd’hui est incroyable. On est obligé de reconnaître le péché grave et horrible des prêtres pédophiles. Un peu partout, des hommes qui devaient faire grandir les enfants dans la dignité et dans leur relation à Dieu, sont maintenant accusés d’avoir corrompu et détruit non seulement leur annonce, mais aussi le plus précieux de leur vie. D’autres prêtres déclarent avec fierté qu’ils sont homosexuels et qu’ils veulent contracter un “mariage” avec leur ami. Des évêques, des cardinaux sont mis en cause pour des abus sexuels sur des mineurs. Jamais, je pense, on n’a vu une telle horreur et une telle concentration du mal dans l’Eglise. L’Eglise est marquée par une grande crise morale, très douloureuse. »

    Et cette crise dans l’Eglise se traduit par une division et une confusion générale, plus particulièrement ces temps-ci sur la question du célibat sacerdotal : « L’Eglise est aussi marquée par une grande division au niveau de l’enseignement doctrinal et moral : un évêque dit une chose, un autre le contredit, une conférence épiscopale dit une chose, une autre dit le contraire… La confusion s’installe un peu partout, comme peut-être jamais auparavant. On entend désormais souvent dire que le célibat des prêtres est une réalité inhumaine, insupportable, qui ne peut être assumée et vécue sereinement. Et en même temps, le prêtre prétend être configuré au Christ ! Car le prêtre n’est pas seulement un alter Christus, un autre Christ, mais il est surtout ipse Christus, c’est-à-dire le Christ lui-même. Le prêtre prononce les mêmes paroles que Jésus lorsqu’il dit “ceci est mon Corps, ceci est mon Sang”. Il est configuré et identifié au Christ. Il est la présence physique et le prolongement du Mystère du Christ sur la terre. Prolonger le Christ, cela n’est pas compatible avec la réalité d’une vie conjugale. On ne peut pas prétendre s’identifier au Christ et en même temps prétendre dissocier le célibat du sacerdoce. Pourtant, un mouvement dans cette direction travaille l’Eglise de l’intérieur. Le synode sur l’Amazonie d’octobre prochain prévoit, semble-t-il, d’aborder la question de l’ordination sacerdotale d’hommes mariés, les viri probati. J’espère vivement que cela ne se produira pas, et que l’autorité supérieure, le pape, n’autorisera jamais une telle rupture avec l’histoire récente de l’Eglise. »

    QUELLES SONT LES CAUSES DE CETTE CRISE UNIVERSELLE ?

    Comment expliquer cette situation tragique ? Dans cet entretien accordé à Atlantico, le cardinal Sarah envisage bien que l’adaptation de l’Eglise au monde moderne, lui fait perdre son identité : « On a cru qu’il fallait être dynamique, qu’il fallait à tout prix être actif, réaliser des projets plus ou moins sophistiqués, en bref d’être à l’image de notre société en perpétuel mouvement. En conséquence, on a abandonné Dieu, on a abandonné la prière, et certains prêtres sont devenus des “opérateurs sociaux”. »

    Et un peu plus loin : « Oui, il y a des personnes intelligentes qui veulent moderniser ou perfectionner l’Eglise, perfectionner le christianisme, le rendre plus moderne. Mais, on ne peut pas moderniser ou perfectionner l’Eglise. Comme l’a écrit Charles Péguy : “C’est un peu comme si on voulait perfectionner le nord, la direction du nord. Le malin qui voudrait perfectionner le nord. Le gros malin (…). Le nord est naturellement fixe, le christianisme est naturellement fixe. Ainsi, les points fixes ont été donnés une fois pour toutes dans l’un et l’autre monde, dans le monde naturel et dans le monde surnaturel, dans le monde physique et dans le monde mystique. Et tout le travail, tout l’effort est ensuite au contraire de les garder, de les tenir, loin de les améliorer au contraire”. Nous n’avons pas à moderniser l’Eglise. Elle est conduite par la puissance de l’Esprit-Saint et sous la vigilance de Pierre. Et ce que Dieu fait est saint, pur et parfaitement ordonné à réaliser son plan de Salut pour l’humanité. Je ne peux pas entreprendre une quelconque transformation de l’Eglise sans consulter Dieu, ce que je fais dans la prière. Dans la prière, je sais que ce n’est plus mon œuvre, que je dois suivre les inspirations venant de Dieu, et que celles-ci ne sont pas seulement celles d’aujourd’hui, mais de l’Eglise depuis son origine jusqu’à nos jours. L’Eglise n’a jamais été gouvernée par un peuple, mais par une hiérarchie. Au début, elle était constituée des douze apôtres dont l’un était Pierre. La seule et véritable transformation possible de l’Eglise, c’est qu’elle s’applique à mettre en pratique la Volonté de Dieu. Et la Volonté de Dieu, c’est que nous devenions des saints. »

    Le 5 avril, à Arthur Herlin, de l’agence IMedia, reprise par le site Aleteia, le cardinal Sarah affirme sans ambages la lourde responsabilité de la hiérarchie ecclésiastique dans cette crise : « Il est vrai qu’actuellement la crise se situe au niveau de la tête. Si nous ne sommes plus capables d’enseigner la doctrine, la morale, ou de donner l’exemple et d’être des modèles, alors la crise s’avère gravissime. Qui défendra les brebis si, les laissant à leur sort, les pasteurs prennent peur et fuient face aux loups ? La peur est la grande faiblesse de l’Eglise d’aujourd’hui. Tout le monde est, certes, terrorisé parce que l’Eglise est accusée de tous les maux. Mais quand quelqu’un est pris par la peur, il n’est plus maître de lui-même. C’est la raison pour laquelle l’Eglise n’ose plus se démarquer et aller à contre-courant pour montrer au monde la direction. Certains évêques craignent les critiques parce qu’ils sont centrés sur eux-mêmes et en viennent à devenir trop prudents, à ne plus rien exprimer clairement pour ne pas rencontrer l’opposition ou le martyre. Or, il leur faut retrouver Dieu, se concentrer sur Lui et se confier en la puissance de sa grâce. En effet, quand on est vraiment avec Lui, on n’a peur de rien. »

    « LAISSONS DE COTE FRANÇOIS »

    Lorsque le journaliste d’Atlantico rappelle au cardinal Sarah la déclaration interreligieuse du pape François lors de son récent voyage au Maroc (30-31 mars 2019), la réponse est surprenante :

    Jean-Sébastien Ferjou : « L’œcuménisme, le dialogue interreligieux sont des valeurs très occidentales. Vous dites qu’on les a beaucoup transformées en irénisme, en une sorte de niaiserie. Avez-vous été frappé par la déclaration du pape François qui a lancé un appel avec le roi du Maroc à la liberté de culte à Jérusalem, en oubliant peut-être de préciser qu’il faudrait aussi que la liberté de culte soit respectée dans les pays arabes – particulièrement dans le Golfe ? Le pape accepte que les chrétiens ne fassent pas de prosélytisme pour donner des gages de sa volonté pacifique mais ne réclame pas la pareille aux musulmans avec lesquels il s’entretient. »
    Cardinal Sarah : « Laissons de côté François. » Plus loin dans l’entretien, il ajoute à propos d’une opposition entre le pape et lui : « Ce sont uniquement ceux qui me connaissent par ouï-dire qui s’expriment de la sorte et cherchent à me poignarder dans le dos. Face à ces accusations ou ces soupçons à la fois injustes et fallacieux, je demeure serein. Ma réponse à votre question est donc claire : “Le cardinal Sarah, un opposant au pape ? Non, absolument pas, et cela vaut pour le passé, le présent et l’avenir.” Quand j’ouvre la bouche ou quand j’écris, c’est pour dire ma foi en Jésus, ma fidélité à l’Evangile qui ne change pas d’un iota quelles que soient les circonstances, les périodes et les cultures. »

    Précédemment dans le même entretien, Jean-Sébastien Ferjou tentait de définir la position du cardinal Sarah : « Ce qui est frappant dans votre livre, c’est que vous vous astreignez à une ligne de crête, à un propos en tension mais pas en contradiction : vous dénoncez sans ambiguïtés les dérives de l’Eglise, mais vous dites aussi qu’il ne faut pas céder au démon de la division, que la division dans l’Eglise est l’œuvre du diable. Comment réussir à porter une parole forte, qui puisse réveiller les consciences, sans aller jusqu’à tomber dans les luttes politiques ? »

    Le cardinal Sarah lui répond : « Jésus a dit : “Ma doctrine n’est pas de moi, mais de Celui qui m’a envoyé. Si quelqu’un veut faire sa volonté, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de moi-même” (Jn 7, 16). Le Christ n’a pas enseigné sa propre doctrine, mais celle du Père. Il n’est pas venu pour contredire les pharisiens ou les grands prêtres. Son rôle était de proclamer la Parole de Dieu, d’enseigner la doctrine de son Père, et rien d’autre. Pour ma part, je n’ai pas fait le choix de combattre ou de contredire quelqu’un. Je désire et veux uniquement dire la parole que j’ai reçue des missionnaires, la Parole de Jésus, et transmettre l’enseignement de l’Eglise. Je ne désire nullement me battre ou m’opposer à quelqu’un. Toutefois, vous me dites qu’en parlant ainsi, je créerais des divisions… au contraire, je veux contribuer à unifier l’Eglise dans sa foi pour qu’elle vive dans l’amour et la communion. Enseigner la doctrine, être fidèle à l’enseignement intangible de l’Eglise, c’est contribuer à créer la communion et l’unité de l’Eglise. Il est triste de voir une famille divisée. »

    – Sur l’enseignement de Jésus qui ne contredisait pas les pharisiens, on se reportera, entre autres, à l’évangile selon saint Matthieu : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui au-dehors paraissent beaux, mais au-dedans sont pleins d’ossements de morts et de toute sorte de pourriture. Ainsi vous, au-dehors, vous paraissez justes aux hommes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité. » (Mt 23, 27-28) Ajoutons, suivant la prophétie du vieillard Siméon, que le Christ est venu « au monde pour la chute et la résurrection d’un grand nombre en Israël, et pour être un signe en butte à la contradiction » (Lc 2, 34).

    L’HERMENEUTIQUE DU CARDINAL SARAH

    Au fond, la question est de savoir si Vatican II qui est la « boussole » de tous les pontificats depuis 1965, permet d’être « fidèle à l’enseignement intangible de l’Eglise », comme souhaite le cardinal Sarah. A cela, le haut prélat répond sans détour dans son livre : « Le Concile n’a pas à être rétracté » (p. 118), et il s’appuie sur l’affirmation du cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans son livre-entretien avec Vittorio Messori, Entretien sur la foi (Fayard, 1985) : « Défendre aujourd’hui la vraie tradition de l’Eglise signifie défendre le Concile. C’est aussi notre faute si nous avons parfois donné prétexte, tant à la “droite” qu’à la “gauche”, à penser que Vatican II ait pu constituer une “rupture”, un abandon de la tradition. Il y a au contraire une continuité qui ne permet ni retours en arrière, ni fuites en avant, ni nostalgies anachroniques, ni impatiences injustifiées. C’est à l’aujourd’hui de l’Eglise que nous devons rester fidèles, non à l’hier ni au demain : et cet aujourd’hui de