"La recherche sur les cellules souches, un domaine en rapide évolution, mobilise d’énormes quantités de fonds privés et publics. Elle soulève par ailleurs d’importantes questions éthiques liées à la justice sanitaire et à la dignité de la vie humaine.
Les cellules souches ont la capacité d’évoluer en cellules spécialisées. Elles peuvent être cultivées afin de produire des cellules identiques à celles de divers tissus, comme les muscles ou les nerfs. La recherche dans ce domaine s’efforce essentiellement de trouver des traitements pour certaines maladies, du cancer à la maladie de Parkinson. La recherche sur les cellules souches embryonnaires nécessite la destruction d’embryons humains pour obtenir les cellules."
"D’importantes questions éthiques et sociales liées à la recherche sur les cellules souches ont été au cœur d’un rassemblement international organisé à l’Académie d’études théologiques de Volos, en Grèce, du 9 au 11 novembre, auquel participait une quarantaine de spécialistes de la science, de l’éthique et de la théologie. Tous les participants et participantes sont repartis avec des perspectives nouvelles, acquises grâce aux rencontres entre les pays, les religions et les cultures.
Le Dr Fabian Salazar Guerrero, d’Amérique latine, a interpelé son auditoire : "Les problèmes abordés à ce rassemblement sont d’ordre mondial. Mais les personnes vivant dans les régions les plus pauvres du monde sont exclues des débats. Cette exclusion entraîne la mort à la suite d’une longue agonie."
La question qui est ici en jeu pour les personnes vivant dans les régions les plus pauvres du monde est celle de la justice sanitaire. Environ 90% du budget mondial de la santé profite à 10% de la population mondiale. Plus clairement, la question est de savoir pourquoi si peu de ressources sont consacrées au traitement des maladies les plus anodines et évitables, alors que tant de ressources sont dépensées pour la recherche sur les cellules souches ? Cela s’applique à toutes les formes de recherche sur les cellules souches, de la recherche sur les cellules souches somatiques à la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Ce problème est aggravé par des craintes quant à la possibilité que les traitements par cellules souches se développent de façon anarchique dans les pays qui ne disposent pas d’un cadre juridique et réglementaire approprié. Le besoin d’ovules pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires a par exemple ouvert la voie à une nouvelle forme d’exploitation des femmes.
Les inquiétudes concernant les disparités des dépenses consacrées à la recherche reflètent un profond sentiment de responsabilité. Le professeur Aviad Raz a fait part de son point de vue en tant que juif : "’Sache devant qui tu te tiens, et à qui tu vas rendre des comptes’… Cette idée est tirée du récit de Moïse se tenant devant le buisson ardent à Madiân. Les cellules souches peuvent être notre buisson ardent. Nous sommes contraints de repenser l’humilité, la conscience de soi et la responsabilité dans le contexte élargi de l’économie durable, de l’environnement, de l’équité et des disparités, et de la justice sociale. Nous nous trouvons tous dans le même bateau."
Les difficultés éthiques et sociales ont contraint les participants à examiner plus en profondeur leurs propres traditions religieuses. Ils ont trouvé un terrain d’entente dans l’affirmation de la vie en tant que don de Dieu. Concrètement, cela implique d’écouter avec attention et humilité celles et ceux qui sont différents. L’importance des relations et du profond esprit communautaire qui prévalent dans ces régions du monde situées en marge des dernières avancées de la science est un rappel salutaire à l’adresse des sociétés laïques et individualistes de l’Occident.
La rhétorique de la recherche sur les cellules souches, pleine de promesses d’une plus grande longévité et d’une amélioration de l’être humain, semble être coupée des pays où l’on lutte pour la survie. Par ailleurs, certains pays sont attirés par cette technique, par le prestige et la promesse d’avantages lucratifs. Le professeur Un Hey Kim, de Corée, a insisté sur le fait que "la question de savoir qui seront les bénéficiaires de la recherche sur les cellules souches est cruciale mais elle n’est pas traitée de façon adéquate". La thérapie par les cellules souches n’est pas nécessairement l’approche la plus efficace pour de nombreuses maladies génétiques influencées par des facteurs sociaux et environnementaux.
Etant donné que l’être humain est, selon la tradition chrétienne, créé à l’image de Dieu, le caractère particulièrement sacré et digne de la personne humaine a fait l’unanimité. Toutefois, les chrétiens présents n’étaient pas tous prêts à adhérer au point de vue catholique romain et orthodoxe selon lequel un être humain - doté de caractéristiques personnelles et d’une âme - est présent dans l’ovule fertilisé dès la conception. Néanmoins, les participants sont d’accord avec le principe que la vie humaine doit être mise en valeur dès son commencement, comme signe de la grâce de Dieu.
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Dans l’ensemble, l’esprit du rassemblement était celui d’une lutte commune. Les cellules souches, notamment les techniques les plus récentes telles que les cellules souches pluripotentes induites, nous entraînent sur une pente savonneuse. D’autres méthodes de génie biomédical utilisant les nanotechnologies pointent déjà à l’horizon.
Les participants ont convenu qu’une meilleure éducation est vitale pour que l’Eglise puisse prendre part à ce débat public. Nous avons besoin de détermination pour puiser au plus profond de la sagesse des traditions religieuses, de manière à faciliter la prise de décisions complexes. Dans la mesure où la sagesse pratique est synonyme de délibération, d’échange d’opinions et d’action, aucune tradition religieuse ne peut se permettre de rester passive, car l’inactivité est quant à elle synonyme d’assentiment."
Celia Deane-Drummond, professeure de théologie et de sciences biologiques à l’Université de Chester, Royaume-Uni.