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À chacun son Yom Kippour ?

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image002.jpgAlors qu’approche la prochaine rencontre interreligieuse convoquée par le pape pour le 27 octobre à Assise, un dialogue -sans doute moins consensuel mais non moins intéressant- a eu lieu dans les colonnes de  l’ « Osservatore Romano », entre le cardinal Koch, président du conseil pontifical de l’unité des chrétiens, et le grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni. à propos de la célébration du « Yom Kippour ».

Le Yom Kippour, le jour de l'expiation, est la fête liturgique la plus importante de l'année juive. C’est le jour où la rémission des péchés est accordée, le seul où le grand prêtre entrait dans le "saint des saints" du temple et appelait Dieu par son nom. Il est précédé de jours de repentir et il est célébré dans les synagogues en présence d’une nombreuse assistance. On y lit principalement le livre de Jonas, représentation grandiose de la miséricorde divine. Le jeûne est total, pendant 25 heures on ne mange et on ne boit pas.

Le 7 juillet dernier,  le cardinal avait écrit :

"Selon la foi chrétienne, la paix, à laquelle les hommes d’aujourd’hui aspirent tellement, provient de Dieu, qui a révélé en Jésus-Christ son dessein originel, c’est-à-dire le fait qu’il nous a 'appelés à la paix' (1 Corinthiens 7, 15). De cette paix, l’épître aux Colossiens dit qu’elle nous est donnée à travers le Christ, 'par le sang de sa croix' (1, 20). Parce que la croix de Jésus supprime tout désir de vengeance et nous appelle tous à la réconciliation, elle se dresse au-dessus de nous comme le Yom Kippour permanent et universel, qui ne reconnaît pas d’autre 'vengeance' que la croix de Jésus, comme Benoît XVI l’a affirmé, le 10 septembre 2006 à Munich, avec ces mots très profonds : 'Sa vengeance, c’est la croix : le non à la violence, l’amour jusqu’au bout'.

"En tant que chrétiens, nous ne manquons certainement pas au respect dû aux autres religions ; au contraire nous le consolidons si, surtout dans le monde d’aujourd’hui où la violence et la terreur sont utilisées aussi au nom de la religion, nous professons ce Dieu qui a opposé sa souffrance à la violence et qui a vaincu sur la croix non par la violence mais par l’amour. Voilà pourquoi la croix de Jésus n’est pas un obstacle au dialogue interreligieux ; elle indique plutôt le chemin décisif que surtout les juifs et les chrétiens [...] devraient accueillir en une profonde réconciliation intérieure, devenant ainsi un ferment de paix et de justice dans le monde".

Ce sont surtout ces dernières lignes qui ont déclenché la réaction du grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni (photo), qui s’est déjà montré, en d’autres occasions, moins pacifique que son prédécesseur Elio Toaff dans ses rapports avec l’Église catholique.

Le grand rabbin a pris la plume pour lui répondre le 29 juillet : « "Si l’objectif de ce qui est dit est d’indiquer aux juifs le chemin de la croix, on ne comprend pourquoi il faut un dialogue et à quoi sert Assise", en faisant remarquer que l’Église a repris dans sa liturgie les fêtes juives de Pâques et de la Pentecôte, mais pas celle du Kippour. Et ce choix est compréhensible – écrit-il – parce que "le croyant chrétien peut certainement penser que la Croix remplace de manière permanente et universelle le jour du Kippour". Mais alors – ajoute Di Segni – le chrétien "ne doit pas proposer ses croyances et interprétations au juif comme indices du 'chemin décisif', parce qu’en le faisant on risque vraiment d’entrer dans la théologie du remplacement et la Croix devient un obstacle".

Et de continuer :"On ne peut pas proposer sa propre différence à l’autre comme modèle à suivre. En le faisant, on dépasse une limite qui, dans le rapport judéo-chrétien, peut être atténuée mais qui doit être infranchissable. Tout au moins ce n’est pas une façon de dialoguer qui puisse intéresser les juifs".

À côté de la réponse du rabbin Di Segni, "L'Osservatore Romano" du 29 juillet a publié la réplique du cardinal Koch :

"Je ne pense absolument pas que les juifs aient à percevoir la croix comme nous chrétiens pour pouvoir prendre avec nous le chemin d’Assise. [...] Il n’est donc pas question de remplacer le Yom Kippour juif par la croix du Christ, même si les chrétiens voient dans la croix 'le Yom Kippour permanent et universel'. On touche ici au point fondamental, très délicat, du dialogue judéo-catholique, c’est-à-dire à la question de savoir comment on peut concilier la conviction, contraignante pour les chrétiens aussi, que l’alliance de Dieu avec le peuple d’Israël a une valeur permanente, avec la foi chrétienne en la rédemption universelle en Jésus-Christ, de telle sorte que, d’une part, les juifs n’aient pas l’impression que leur religion est considérée par les chrétiens comme dépassée et, d’autre part, que les chrétiens n’aient à renoncer à aucun des aspects de leur foi. Il est certain que cette question fondamentale occupera encore longtemps le dialogue judéo-chrétien".

Koch a été appelé personnellement par Benoît XVI à présider le conseil pontifical pour l'unité des chrétiens et à s’occuper en particulier du dialogue avec le judaïsme. C’est l’un des cardinaux de curie les plus proches du point de vue du pape.

Sandro Magister qui rapporte l’entièreté de ce dialogue sur son blog Chiesa conclut : "Ce n’est pas par hasard que le prophète Jonas, dont on lit l’histoire lors de la fête juive du Kippour, apparaît au centre des fresques de la Chapelle Sixtine, entre la création du monde et le jugement dernier. Jésus s’est désigné lui-même, en une expression mystérieuse, comme le "signe de Jonas" (Luc 11, 29-32). Il a même ajouté : "Il y a ici plus que Jonas". Ce signe de contradiction que fut Jésus pour les juifs de son temps subsiste encore à l’heure actuelle entre les chrétiens et les juifs et il se manifeste dans le Yom Kippour.Les juifs célébreront la fête de l'expiation le 10 octobre, quelques jours avant la Journée d’Assise. »

JPS

Commentaires

  • Le coeur de la polémique est que les Juifs -et certains chrétiens "conciliaires" avec eux- prétendent que l’Eglise n’a pas le droit d’affirmer que le Christ est aussi venu pour le salut des Juifs : pour les fils d'Israël, l’ancienne alliance suffirait et l’Eglise devrait renoncer à prétendre que les Juifs comme les autres sont invités à prendre part à l’alliance nouvelle qui accomplit l’ancienne, que la Croix du Christ et Son sacrifice absorbent et transfigurent le Yom Kippour et tous les sacrifices du Temple de Jérusalem.

    Comme l’a si bien écrit Benoît XVI dans sa prière pour l’office du Vendredi-Saint dans la forme extraordinaire du rite romain : « Prions pour les Juifs. Que notre Dieu et Seigneur illumine leurs cœurs, pour qu’ils reconnaissent Jésus comme Sauveur de tous les hommes » Ce qui, soit dit en passant, est tout de même plus clair que la formule « ordinaire » de Paul VI (« Prions pour les Juifs à qui Dieu a parlé, en premier : qu'ils progressent dans l'amour de son Nom et la fidélité de son Alliance » ) mais a bien entendu soulevé aussi un tollé de protestations…

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