Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vaclav Havel : éthique et politique

IMPRIMER

vaclav Havel.jpgSur son blog Michel Terestchenko reproduit en guise d’« in memoriam » un texte qu’il avait publié sur Havel dans l'Encyclopédie Universalis en 1993.

Retenons-en ici ce qui nous paraît aller au cœur de la pensée de l’ancien président de la république tchèque décédé hier :

« Vaclav Havel est d'abord un dramaturge, célèbre dans le monde entier, aux côtés de Ionesco ou de Beckett, pour son théâtre de l'absurde. C'est à ce titre qu'il fut d'abord connu, avant que son engagement politique, dans la Charte 77, en fasse une des figures de proue de la résistance tchèque au pouvoir  totalitaire » (…)

« Il voit dans les systèmes totalitaires la préfiguration menaçante du monde à venir. "Je crois, écrit-il, qu'en ce qui concerne ses relations avec les systèmes totalitaires, la plus grande faute que l'Europe occidentale pourrait commettre est celle qui menace le plus, semble-t-il : ne pas les comprendre tels qu'ils sont en dernière analyse, c'est-à-dire comme un miroir grossissant de la civilisation moderne en son entier et une invitation pressante -peut-être la dernière- à une révision générale de la façon dont la civilisation se conçoit » (…)

Pour Havel le clivage n'est donc pas entre le socialisme ou le capitalisme. "Ce sont là des catégories purement idéologiques, écrit-il, des catégories qui ne sont plus en cause depuis longtemps. A mon avis, la question qui se pose est tout autre, une question plus profonde et qui concerne tout le monde dans une mesure égale. C'est la question de savoir si on pourra réussir, d'une manière ou d'une autre, à reconstituer le monde naturel comme vrai terrain de la politique, à réhabiliter l'expérience personnelle de l'homme critère originel des choses, à placer la morale au-dessus de la politique et la responsabilité au-dessus de l'utilité, à redonner un sens à la communauté humaine et un contenu au langage humain, à faire en sorte que le pivot des événements sociaux soit le "moi humain", le moi intégral, en pleine possession de ses droits et de sa dignité, responsable de lui-même, parce qu'il se rapporte à quelque chose au-dessus de lui et capable de sacrifier certaines choses, capable en cas extrême de sacrifier l'ensemble de sa vie privée et de sa prospérité quotidienne (…) pour que la vie ait un sens". (…)

(…) La profonde intuition de Havel est que l'homme ne chercherait pas du sens, s'il n'y avait pas de sens. Le surhomme nietzschéen est un dieu, parce que, comme Dieu, il est au-delà du sens et de la vérité, il est "l'instituteur des valeurs". Or, pour Havel, comme déjà pour Camus, l'homme ne peut vivre dans une telle transcendance, l'homme n'est pas Dieu. Au contraire l'homme cherche le sens, et fait l'épreuve de son manque dans l'angoisse de l'absurdité, et la déréliction de son existence : " Seul l'homme qui cherche fondamentalement le "sens", qui en a besoin, et pour qui le "sens" est une dimension intégrante de sa propre existence, peut ressentir son absence comme quelque chose de douloureux (…) La découverte qu'il y a du sens oriente l'homme vers l'horizon absolu et la transcendance et lui fait découvrir sa véritable dignité. Cette révélation se fait d'abord dans l'expérience de la responsabilité (…) »

Aucun de nos actes ne disparaît dans l'oubli, ils demeurent, au contraire, inscrits dans ce que Havel appelle la "mémoire de l'Etre". Une telle compréhension de la responsabilité absolue implique, ainsi, la croyance au jugement dernier, et à l'immortalité de l'âme. "Rien de ce qui est arrivé ne peut jamais cesser d'être ; tout ce qui a été reste pour toujours déposé dans la mémoire de l'Etre". Il dit encore : "Comment cela se fait, je ne sais pas. Mais on ne peut pas nier ceci : le comportement humain est toujours tributaire - plus ou moins clairement - d'une supposition ou d'une expérience personnelle - de "l'intégrité totale de l'Etre". Comme si nous avions la certitude (...) que "sous" la surface approximative et fuyante, sur laquelle nous communiquons, tout est ancré sur un fond solide - un "fond de l'Etre", et indestructiblement présent à l'"horizon absolu de l'Etre".

Ancré dans le sol de l'absolu, l'homme découvre l'exigence irrécusable de sa responsabilité et le sens ultime de son être au monde. C'est là que s'enracine la dignité humaine, et non d'abord dans la possession de droits juridiques qui n'en sont que la conséquence.

(…) L'idée, si profonde qui se dégage de son oeuvres, c'est qu'une politique, pour être éthique, ne peut être à elle-même son propre fondement. En ce sens, il s'oppose radicalement à la perspective relativiste et historiciste qui est adoptée par la plupart des philosophes contemporains.(…).

Toute l’analyse ici :In Memoriam, Ethique et politique chez Vaclav Havel

La quête du sens, qui a hanté la vie de Havel, a ouvert sa pensée littéraire et politique sur l’intuition qu’il existe un ordre naturel des choses qui débouche sur le mystère de la transcendance. Il lui a manqué sans doute, du point de vue chrétien, la conviction que ce mystère s’incarne dans la personne du Christ.

Reste à formuler pour lui ce souhait que l’Ecriture met sur les lèvres des  anges dans la nuit de Noël : « Pax hominibus bonae voluntatis » "Paix aux hommes de bonne volonté..."

Commentaires

  • Havel fut baptisé dans la religion catholique et ses funérailles furent religieuses, il faut le préciser.L'Eglise prie pour les morts et offre le saint-sacrifice de la messe pour le repos de l'âme des défunts. A fortiori s'ils ont donné des signes de bonne volonté. Et qui connaît les replis de l'âme humaine, sinon Dieu seul?

Les commentaires sont fermés.