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L'homme du Suaire de Turin est-il le Christ ?

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L'homme du Suaire de Turin est-il vraiment Jésus ?

Réponse de la spécialiste italienne Emanuela Marinelli

Source : ZENIT.org - Maria Chiara Petrosillo - Traduction d'Océane Le Gall

ROME, jeudi 10 mai 2012 (ZENIT.org) – On ne saurait parler du linceul de Turin sans interpeler Emanuela Marinelli, professeur de sciences naturelles, et grande spécialiste du Saint-Suaire, qui s’intéresse depuis 35 ans à toutes les découvertes qui sont faites sur la question.

Emanuela Marinelli est diplômée en Sciences naturelles et géologie. Elle a enseigné l'iconographie et la symbolique chrétienne de l’Université catholique en sciences de la formation de Rome (Lumsa), a publié 15 livres, dont la plupart sont traduits en plusieurs langues, et elle a tenu une moyenne de 100 conférences par an dans 20 pays à travers le monde. Son site internet Collegamento Pro Sindone compte, depuis 1997, 168.889 utilisateurs.

Son premier livre, « Le Saint-Suaire, une énigme à l’épreuve de la science », publié en 1990, a révélé les ombres et lumières de l’analyse du tissu au Carbone 14, qui avait eu lieu deux ans auparavant.

La spécialiste italienne ne cesse de mettre à jour ses études et recherches. Cette année, pour la deuxième fois, elle a été invitée à l’Université pontificale Regina Apostolorum pour tenir une conférence intitulée « Le Suaire et l’iconographie du Christ ». Elle venait par ailleurs de participer au Ier congrès international sur le Linceul de Turin organisé, fin avril en Espagne, à Valence, par le centre espagnol d’Etudes du Suaire. Zenit l’a rencontrée.

Zenit - Madame Marinelli, vous avez centré vos dernières recherches sur le Linceul et l’iconographie du Christ. La toile du linceul est-elle une icône ?

Emanuela Marinelli - Ce Linceul est un drap extraordinaire car son tissu n’est pas seulement taché de sang humain, il porte les traces du corps qui y fut enveloppé pendant quelques heures. Les souffrances subies par l’homme du linceul coïncident exactement avec celles que décrivent les évangiles. Une longue tradition identifie le linceul comme étant le drap funéraire de Jésus, le "drap" (en grec sindón) acheté par Joseph d’Arimathie pour sa sépulture, les "toiles" (othónia) que Pierre et Jean trouvèrent vides.

La facture rudimentaire de l’étoffe, la torsion en Z (qui va dans le sens des aiguilles d’une montre) des fils, le tissage rare et précieux en diagonale, la présence de traces de coton égyptien, l'absence de traces de fibres animales, la surabondance de pollens venant du Moyen Orient, la présence d’aloès et de myrrhe, d’un type de carbonate de calcium (aragonite) semblable à celui que l’on a retrouvé dans les grottes de Jérusalem, une couture latérale identique à celles des étoffes juives du premier siècle découvertes à Masada (une place forte proche de la Mer Morte) font remonter, de manière fiable, l’origine du tissu à la région syro-palestinienne du premier siècle.

Le seul test à avoir fourni des résultats allant contre l’authenticité du linceul est la preuve du carbone 14 (C14) qui fait remonter son origine au Moyen Age. Mais cette datation du linceul par le C14 n’est pas jugée valable pour des motifs fondés, dans la mesure où l’échantillon n’était pas représentatif de tout le tissu.

Donc on peut dire que le linceul est une relique, comme Benoît XVI l’a fait dans son récent livre Jésus de Nazareth (Vol.2) et dire qu’il est une icône, mais en précisant bien dans quel sens on utilise ce terme! Appeler le linceul une « icône », ce n’est pas dire qu’il s’agit d’une peinture, mais d’une image que le corps enveloppé laissa dessus mystérieusement. Benoît XVI dans son homélie du 2 mai 2010 à Turin, devant le Saint-Suaire, souligne qu’il est une icône écrite avec le sang, l’icône du samedi saint. C’est cette image qui a inspiré la représentation du Visage du Christ la plus répandue dans l’art paléochrétien.

Si le visage du Christ représenté dans l’art paléochrétien s'inspire du Saint-Suaire, cet élément là ne pourrait-il pas permettre une anticipation de la datation ?

Certainement. Après une première période où il est resté caché, à cause des persécutions, à partir du IVème siècle le visage du Christ est représenté avec de nombreux éléments irréguliers, que l’on peut difficilement attribuer à l’imagination des artistes, s’inspirant clairement du linceul: les cheveux sont longs et séparés en deux; beaucoup de visages montrent deux ou trois mèches de cheveux au milieu du front : cela peut être une manière artistique de représenter la trace de sang en forme de E grec (epsilon) présent sur le front du visage imprimé sur le Suaire ; les arcades sourcilières sont prononcées ; beaucoup de visages ont un sourcil plus haut que l’autre, comme le visage du linceul; à la base du nez certains visages ont un signe comme celui d’un carré auquel il manque le côté supérieur et, dessous, apparaît un signe en V.

Par ailleurs, le nez est long et droit; les yeux sont grands et profonds, écarquillés, avec d’énormes iris et de grandes cernes; les pommettes sont très prononcées, parfois tachées; une zone assez large entre les joues du visage du Suaire et ses cheveux est restée sans empreinte, si bien que les bandes de cheveux apparaissent comme trop détachées du visage; une joue est très gonflée à cause d’un fort traumatisme, donnant au visage un aspect asymétrique; les moustaches, qui sont souvent tombantes, sont disposées asymétriquement et descendent de chaque côté plus bas que les lèvres avec un angle diffèrent; la bouche est petite, pas cachée par les moustaches ; il y a une zone sans barbe sous la lèvre inférieure ; la barbe, pas trop longue, à deux pans, parfois trois, est légèrement déplacée d’un côté.

Y a-t-il des techniques pour analyser la correspondance entre le visage du Suaire et les icones chrétiennes des premiers siècles?

Alan et Mary Whanger ont utilisé la technique de la superposition par lumière polarisée pour faire cette comparaison. Cette méthode scientifique a été publiée sur la célèbre revue Applied Optics (24, 6, 1985, pp. 766-772). Avec cette méthode on compare, par exemple, un portrait-robot avec la photo signalétique d’une personne suspecte. Pour les scientifiques de la police américaine, 45 à 60 points de cohérence suffisent à attribuer une identité ou à dire la ressemblance de deux images. La même technique a été appliquée à un des plus beaux exemples de Christ Pantocrator : celui de l’icône du monastère de Sainte-Catherine au Mont Sinaï (VIe siècle), qui présente 250 points de cohérence avec le visage du Suaire. Et ainsi tant d’autres icônes ou visages du Christ sur des pièces de monnaie, des reliquaires, etc.

Quel rapport y a-t-il entre le Linceul de Turin, le voile de Véronique et le Mandylion?

Beaucoup de descriptions et illustrations du Mandylion sont très proches du Linceul de Turin. La présence sur le suaire de traces de huit plis rappelle l’ancienne description du Mandylion, caché à Edesse en Turquie et retrouvé au VIème siècle, comme tetrádiplon (plié quatre fois); en pliant le linceul en huit, on obtient le large rectangle avec la tête au centre qui se voit sur les copies du Mandylion. Et puis il existe des descriptions du Mandylion comme un linge reproduisant l’image entière du corps de Jésus; il est donc logique d’en déduire que le Mandylion est le Linceul replié de manière à ne montrer que le visage.

En revanche, Véronique, selon une tradition du XIIème siècle, est le nom de la femme qui aurait essuyé le visage ensanglanté de Jésus sur la Via Dolorosa. Ce nom, selon Gervais de Tilbury (XIIIème siècle), dérive de « vraie icône ». La représentation de Véronique montre le Visage de Jésus sur un linge et elle s’inspire certainement du Mandylion.

Au plan iconographique, quelles sont les thèses les plus répandues sur le linceul?

Les historiens ne sont pas tous d’accord avec cette identification du Linceul au Mandylion, même si les indices favorables sont nombreux; mais tous reconnaissent que le Suaire fut le modèle inspirateur des icônes qui représentent Jésus et de toute l’iconographie liée aux scènes de la Passion, spécialement celle sur la descente de croix de Jésus et sa sépulture.

Le récent congrès de Valence a-t-il fait apparaître des nouveautés intéressantes?

Certains chercheurs historiens du Suaire, Ian Wilson, Mark Guscin, Jorge M. Rodriguez, César Barta, ont apporté de nouvelles preuves favorables à cette identification entre le Suaire et le Mandylion d’Edesse. Mais d’autres secteurs aussi ont fourni de nouvelles preuves de l’authenticité du linceul ; par exemple la palynologue (spécialiste des pollens) Marzia Boi a identifié, parmi les pollens présents sur le linceul, ceux de plantes dont on extrayait les baumes et onguents utilisés par les juifs pour les sépultures, comme l’hélichryse ou immortelle, la férule gommeuse ou galbanum, le lentisque. Tout converge vers ce tombeau où un corps oint selon les usages juifs, ne resta quelques heures …

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