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Nouvelle évangélisation, quézaco ?

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De l'abbé Guillaume de Tanoüarn, sur Metablog :

La nouvelle évangélisation est le grand refrain que nous allons entendre cette année. Il faut aller au monde, il faut partir en eau profonde (duc in altum) : n'ayez pas peur ! On connaît ces invitations libératrices du pape Jean-Paul II. Sont-elles suffisante ?

Je suis frappé de ce que la teneur du discours dominant en ce moment (je viens d'entendre sur le sujet un membre éminent de l'Opus Dei) soit l'idée que la nouvelle évangélisation, c'est uniquement un appel à la sainteté.

Qu'est-ce que la sainteté ? La naissance en nous de l'homme nouveau, vivant de la vie de Dieu, de la divine charité et  non des concupiscences qui forcément agitent l'animal humain. Voilà ce que nous savons de notre sainteté, parce que c'est ce que nous enseigne saint Paul à longueur d'épîtres... Mais, sur notre sainteté, il y a tout ce que nous ne savons pas. Et ce que nous ne savons pas et ne pouvons pas savoir de notre sainteté est plus grand, plus important que ce que nous en savons. La sainteté, c'est la réalisation de soi selon Dieu. La sainteté, c'est la volonté de Dieu sur chacun d'entre nous. Nous en savons quelque chose, nous ne savons pas tout sur elle.

Alors... Chercher à être saint ? Gare aux postures... qui sont toujours des impostures. Chercher à être un saint, c'est croire que nous savons ce que Dieu attend de nous et c'est poser... oui comme on pose pour son portrait en pied, "tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change" dit le Poète... C'est devancer l'éternité, et le Jugement... et Dieu. Devancer Dieu ? Aïe...

La sainteté est un fruit et nous ne savons pas quels fruits nous porterons. Nous devons chercher simplement à en porter autant que possible, en toutes saisons, pas comme le figuier que Jésus maudit parce qu'il ne porte des figues qu'à la saison des figues. Nous ne sommes pas des saisonniers de Dieu. Comme dit saint Paul aux Ephésiens (dans l'épître d'aujourd'hui pour peu qu'elle soit bien traduite) : "Il nous faut racheter le temps car les temps sont mauvais". Les temps sont toujours mauvais. Tout a toujours très mal été disait lucidement Bainville. Nous devons non pas adorer le temps mais le racheter : ne pas nous en satisfaire. Ne pas nous dire : "Je suis de mon temps". Chercher mieux.

C'est au fond la définition de la sainteté : pas seulement chercher le bien : les païens n'en font-ils pas autant ? Pas seulement prendre une pose : toutes les poses sont inadéquates à la circonstance. Il nous faut "racheter le temps". Il nous faut (essayer sans cesse de) faire mieux. Mais ce "mieux" ('de notre mieux, mieux mieux oui de notre mieux disent assez joliment les louveteaux), on ne peut pas le définir à l'avance. Le définir, c'est l'arrêter. Le définir, c'est nous satisfaire.

L'indicible sainteté, fruit de la grâce de Dieu en son temps, est quelque chose en nous dont nous n'avons pas conscience. Les saints  ne savent pas pourquoi ils sont saints. Alors, présenter la sainteté statique (hypostasiée, modélisée) comme le fruit de la nouvelle évangélisation ou comme son moteur, c'est faire erreur. C'est me semble-t-il refaire l'erreur (semi-pélagienne) qui avait cours déjà sous Pie XI (avec le peu de succès que l'on sait). A l'époque, le Père Réginald Garrigou-Lagrange présentait la vie spirituelle comme un champ magnétique et Dieu comme un aimant : "Plus on s'en approche, plus on s'en approche vite". Quelle horreur ! On s'approche de Dieu au gré de Dieu, selon sa grâce. Et on ne cherche pas à forcer cette grâce, ni pour vivre un progrès spirituel fantasmé ni pour "devenir un saint" à notre mode.

C'est la beauté du livre du Père Viot sur La Révolution chrétienne (auquel j'ai participé en tant qu'emm... en chef en lui posant les questions jusqu'au bout) que de revenir à la nécessité absolue de la grâce de Dieu, qui précède toujours l'évangélisateur.

La question qui se pose aujourd'hui (celle qu'aborde Benoît XVI lorsqu'il parle du vide de notre époque) c'est : comment parler de Dieu à des gens qui spontanément n'ont plus aucune religiosité naturelle. L'homo religiosus est mort : il faut prêcher une foi qui ait des formes religieuses (liturgiques ou spirituelles), puisque ces formes n'existent plus chez ceux auxquels on prêche. Or ces formes n'existent que dans la Tradition de l'Eglise, c'est là qu'il faut aller les chercher. La nouvelle évangélisation exige un retour de l'Eglise à des formes religieuses qui aident l'homme à retrouver sa verticalité d'enfant de Dieu, de conquérant du Ciel..

Ici : Nouvelle évangélisation, quézaco ?

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